Hop hop.

Bon j'envoie.

Chapitre 31: Le baptême. 

-Major, on arrive au dessus de la zone de largage ! Indiqua le conducteur du zeppelin depuis l’habitacle de pilotage.
-C’est parti ! Enfilez vos lunettes, et tous en position ! S’écria Percius Ostorius pour mieux couvrir le vrombissement de l’appareil.

Nous nous mîmes tous en file indienne, toute la section Uriel, alors que deux officiers de la marine faisaient pivoter les lourdes portes d’embarquement de l’appareil. Des bourrasques assourdissantes s'engouffrèrent aussitôt dans la cabine, si bien qu’il fut tout bonnement impossible de parler de vive voix à partir d’ici, et pour cause: nous étions désormais à près de dix mille mètres d’altitude…
-Uriel pour Clivia, test de communication. Résonna la voix de Percius Ostorius dans mon casque enchanté.
-Uriel un, Fortis Leovic.
-Uriel deux, Fortis Leovic.
-Uriel trois, Fortis Leovic.
-Uriel quatre, Fortis Leovic.
-Uriel cinq, Fortis Leovic.
-Uriel six, Fortis Leovic. Conclus-je, située en fin de colonne.

Je sentis mon stress grimper en flèche. Je n’étais déjà pas bien à l’aise jusqu’à présent, mais maintenant que la porte du zeppelin était grande ouverte et que nous étions face au vide infini du ciel nocturne, je me sentais rattrapée et écrasée par la dure réalité de l’opérateur échelon un. On m’avait bien rappelé toute la procédure durant la phase de préparation: une saut OHA, c’était un largage à dix kilomètres d’altitude, une chute libre d’environ deux minutes trente à une vitesse de trois-cent trente kilomètres heure, et une ouverture de parachute à environ neuf cent mètres d’altitude. Après quoi, il fallait manoeuvrer les commandes pour diriger sa voile vers une zone d'atterrissage sûre, en prenant bien soin de replier ses jambes et d’arrondir au maximum sa courbe de réception sous peine de finir paraplégique. En gros, c’était toute une putain de méthode ultra technique que le RAC n’avait pas daigné nous apprendre durant les sélections. C’était assez dingue d’ailleurs, maintenant que j’y pensais: On m’avait appris à tuer de toutes les manières possibles et imaginables, à me cacher, à survivre en milieu hostile pendant des mois, à parler des langues étrangères, à utiliser toutes sortes d’armes, à soigner tous types de plaies à l’aide d’outils rudimentaires, mais on avait pas jugé bon de m'entraîner à sauter depuis un zeppelin volant à une altitude de dix kilomètres. Non non, on avait préféré attendre ma première mission officielle pour ça, histoire de bien m’envoyer au casse pipe…
-T’en fais pas, on saute en formation. Lâcha la voix de Telrav dans mon casque, comme en réponse à mes sombres ruminements.
-Ouais tu parles… Eus-je envie de lui répondre.

L’un des officiers de la marine, attaché à un harnais de sécurité, se pencha par-dessus le vide durant quelques secondes. Probablement cherchait-il à estimer notre position géographique, bien que la nuit ne devait pas l’aider. Ca ne parut pas le gêner toutefois - il devait avoir l’habitude - car il se retourna bientôt vers nous, et dressa silencieusement son index en l’air pour nous signifier “un”, soit “une minute avant largage".
-Allez ma petite Teleri. Me lançai-je mentalement. Ça doit pas être si compliqué que ça. Ça doit être comme… Comme… Comme se battre contre Balsa, en un peu moins dangereux quand même.

Assis sur des petits bancs situés de part et d’autres de la cabine, harnachés et affublés de lunettes protectrices eux aussi, les différents membres d’équipage et du soutien logistique attendaient patiemment notre saut, nous observant avec un mélange d’admiration et de compassion. Celwen notamment, m’adressa plusieurs signes de tête d’encouragement.
-Trente secondes. Commenta la voix de Percius Ostorius à mes oreilles, lui aussi assis et harnaché à l’un des bancs, alors que l’officier de la marine dressait désormais sa main ouverte vers le haut.
-Trente secondes. Répétèrent tous les membres de la section en tendant la main en l’air eux aussi, histoire d’être sûrs et certains que tout le monde avait bien entendu l’info.
-Hey ! Première fois que la bleue effectue un saut OHA ! Lança soudain la voix de Rexus. Ça mérite bien… !
-Une bière ! Lança Telrav.
-Une bière ! Répondirent tous les autres.

Les secondes restantes me parurent durer des heures. Qu’est-ce que je n’aurais pas donné pour être tranquillement dans mon salon à cette heure-ci, un chocolat chaud dans une main et un bon morceau de cake dans l’autre…
L’officier de la marine siffla subitement, et agita plusieurs fois le poing de haut en bas, signe que l’heure était venue de sauter.
-Bonne chance messieurs ! Conclut Percius Ostorius. Faites honneur au régiment autonome de cavalerie !
-Aouh ! Scanda toute la section Uriel en se frappant le torse du poing.

Sans hésiter une seule seconde, Telrav prit son élan, et se jeta dans la vide, à travers la porte ouverte du zeppelin. Une seconde plus tard, ce fut au tour d’Endril, puis de Rexus.
Je pris une profonde inspiration et me frappai le casque du poing, alors que c’était cette fois-ci au tour de Linus, puis de Titus, de se jeter dans le ciel infini. Bizarrement, lorsque ce fut mon tour, je n’hésitai pas une seule seconde, à croire que les entraînements avaient véritablement fait de moi une autre personne. Je mis simplement mon cerveau sur pause, laissai faire mon corps, et me jetai en position de piqué, comme on me l'avait expliqué.

Assez étrangement, les violentes bourrasques subies dans la cabine cessèrent aussitôt, et laissèrent place à un vent, certes bien réel, mais beaucoup plus doux, beaucoup plus subtil. C’était un peu comme si la nuit de Bordeciel elle-même m’avait soudain enveloppé, recueillie en son sein comme une vieille amie enfin retrouvée. D’un coup, je n’eus plus du tout peur, car j’étais désormais dans mon élément, je le savais, je le sentais. Le ciel nocturne veillait sur moi, il m’accompagnait dans ma chute avec sa bienveillance rassurante.

Je me mis rapidement en position de chute pour mieux freiner naturellement ma descente, à savoir sur le ventre, les bras en triangle, les genoux pliés. A ma gauche, j’aperçus la silhouette de Linus, puis de Titus, remonter doucement vers moi, et venir tranquillement à ma hauteur. Nous avions beau filer vers le sol à plusieurs centaines de kilomètres heure, tout allait bien désormais. Je me sentais calme, sereine même.
-Uriel six pour Uriel un, REMSI. Questionna la voix de Telrav dans mon casque.
-Uriel un pour Uriel six, ça roule. Répondis-je calmement.

Bientôt, ce furent les silhouettes de Rexus, Endril, puis Telrav lui-même qui remontèrent lentement vers moi, et virent se mettre à notre hauteur. En dessous de nous, le sol continuait de se rapprocher, mais pas dangereusement. Tranquillement plutôt, comme pour mieux nous indiquer que, bientôt, il faudrait songer à ouvrir nos parachutes.

-Uriel pour Uriel un, dix secondes avant ouverture. Indiqua Telrav dans le silence apaisant de cette étonnante chute libre. Cible: le col de Fronde-pierre, juste en dessous de nous.

Je pris une nouvelle inspiration, effectuai un décompte mental, puis tirai d’un geste sec sur ma sangle d’ouverture une fois les dix secondes passées. Un bruissement furtif se fit entendre dans mon dos, rapidement suivi par une sensation d'amorti ferme mais progressive dans tout mon corps. D’une chute libre à plusieurs centaines de kilomètres heure, je passai soudain à une descente beaucoup plus douce, de quelques kilomètres heure à peine.
Le parachute fonctionnait. En fait, il fonctionnait même terriblement bien, à tel point que je pus me laisser aller à observer le paysage de Bordeciel durant quelques instants.
La région qui s’étendait désormais sous mes pieds n’était pas aussi montagneuse que je l’aurais cru. Il y avait bien quelques collines ça et là, mais nous étions loin des gigantesques pics enneigés que l’on pouvait trouver ailleurs dans cette province. Probablement que la promiscuité avec Morrowind rendait cette région moins escarpée et moins aride que le reste de Bordeciel, bien qu’elle paraissait relativement peu peuplée vu l’absence de constructions humaines dans les environs.
Le sol se rapprochait véritablement désormais. Je n’étais plus qu’à quelques dizaines de mètres.
-Uriel pour Uriel un, le vent nous a séparé. Commenta la voix de Telrav dans mon casque. Jonction au sud du col, dès que vous quitter les rochers.

Je tirai doucement sur les commandes de mon parachute, et repliai les jambes comme l'on me l'avait indiqué. Le vent m’avait effectivement amené vers une zone d'atterrissage peu idéale, à savoir un col rocheux particulièrement pentu, mais contrairement à ce que j’avais redouté, l'atterrissage ne fut pas plus violent pour la cause. En fait, j’atterris sur mes deux jambes, aussi la réception fut-elle paradoxalement plus douce que celles des entraînements, où l’on nous avait appris à sauter depuis un chariot lancé à pleine vitesse.
-Uriel pour Uriel six, je passe Faucon noir. Indiquai-je en touchant définitivement le sol.
-Uriel six pour Uriel un, bien reçu. Indiqua la voix de Telrav dans mon casque. Fais jonction à l’endroit indiqué.

Bien malgré l’incroyable satisfaction que j'éprouvai sur le coup, je ne perdis pas plus de temps à m’ébahir devant cette première expérience couronnée de succès. Je coupai immédiatement les sangles de mon parachute à l’aide de ma dague de botte, récupérai et enroulai sur elle même l’immense toile de tissu, et la planquai dans une crevasse rocheuse pour mieux camoufler les signes de mon arrivée ici. Après quoi, je rassemblai mon équipement, me mis accroupi, et observai quelques instants le col silencieux et ombragé dans lequel j’avais atterri, en quête d’un quelconque signe suspect.
A priori, il n’y avait pas âme qui vive dans les environs. Rien que des rochers, des pierres, et des cailloux…

Je pris rapidement la direction du sud, d’une marche rapide, mais sans courir, histoire de conserver ma furtivité. L’avantage d’une insertion en pleine nuit dans un endroit désert, c’était que le moindre bruit s’entendait à des kilomètres, si bien que la moindre présence ennemie dans les environs nous aurait aussitôt été révélée. Ce fut d'ailleurs pour cette raison bien précise qu’un grondement mécontent quelque part sur ma gauche m’alerta aussitôt. En pleine journée, je ne l’aurais probablement pas vu, ni entendu, mais pour le coup, c’était bien un putain de troll des neiges qui venait de me repérer sur son territoire, et de me signifier sa contrariété dans la foulée.
L’animal n’était pas très loin, une cinquantaine de mètres à peine, et il était à peu près à la même hauteur que moi sur le col. Vu la distance, j’eus le loisir de discerner très clairement son langage corporel, ce qui était une chance d’ailleurs.
-Ça va, je fais que passer. Lui lançai-je.

Le troll me fixa avec attention, gronda de nouveau, et m’exhiba même ses longues canines en signe d’avertissement. Heureusement, on nous avait également appris à faire face à ce genre de situation durant les sélections. En l'occurrence, il ne fallait pas défier un animal sauvage rencontré en mission, mais il ne fallait pas le fuir non plus. Il fallait lui faire face, mais ne pas s’éterniser. Quitter son domaine, calmement, mais sans lui tourner le dos pour autant. Il ne fallait pas attiser son instinct de chasseur, simplement lui faire comprendre que nous n’étions ni une proie, ni un ennemi, et donc ne lui donner aucune raison de nous attaquer.
-Je fais que passer je te dis ! Grognai-je, alors que le troll frappait désormais le sol de ses poings vigoureux.

Je fis plusieurs mètres en direction du sud, sans lâcher l’animal du regard. Après quelques instants passés à me toiser d’un air particulièrement dérangé, ce dernier sembla m’oublier peu à peu, jaugeant que j’étais bel et bien en train de quitter son territoire, et que je ne représentais donc plus une source d'inquiétude. Au moins un que je n’aurais pas à cribler de carreaux ce soir…
Je gagnai le point indiqué après une petite minute de progression à travers les rochers, et me retrouvai alors sur un pic relativement dégagé, surplombant une immense vallée enneigée et silencieuse.

Bien qu’étant la première sur place, je fus rapidement rejointe par Linus, puis Endril, puis Titus, puis Telrav. Le chef de section approcha, nous dévisagea tour à tour dans un silence excédé, puis lâcha un juron pas franchement furtif pour un sous:
-Bordel de putain ! Qu’est-ce qu’il fout encore ?!
-J’arrive j’arrive ! Lança soudain la voix essoufflée de Rexus.

Le colosse barbu nous rejoignit à son tour, au petit trot, suant et soufflant comme un phoque.
-Mauvaise nouvelle les gars. Commenta Linus. Un horqueur a bouffé Rexus et a pris son matos.
-Ha ha ! Ironisa l’Impérial.
-Point carte. Ordonna Telrav en nous intimant de nous accroupir.

Nous adoptâmes aussitôt un périmètre défensif à trois-cent-soixantes degrés, alors que Telrav et Endril déballaient la carte pour mieux choisir un itinéraire vers l’objectif.
-Uriel pour Reman, vous êtes en visuel, RAS. Lança la voix de Celwen dans mon casque.
-Bien reçu Reman, on fait un point carte. Répondit Telrav.

Je levai brièvement la tête, et aperçus le faucon de la Bosmer tourner silencieusement au-dessus de nos têtes. A ma droite, Linus bailla, puis se gratta nonchalamment la barbe.
-Arrête de me regarder. Lâcha brusquement le Rougegarde sans même tourner la tête dans ma direction.
-Je te regarde, tu vas faire quoi ? Le provoquai-je.
-Te faire un gosse dans chaque trou.
-Oooooh classe.

-Bon d’accord, je vois par où on va passer. Conclut Telrav dans notre dos, avant d'enchaîner à l’attention de toute la section: Colonne furtive, intervalle de cinq mètres. Linus, Teleri, Moi, Titus, Endril, Rexus. Azimut cent soixante. Le village de pêcheur qu’on cherche est à moins de trois kilomètres. En avant !

La colonne se mit aussitôt en marche, et entama sa progression vers la vallée enneigée, toujours plongée dans un profond silence nocturne. Bizarrement, je n’éprouvai pas la moindre sensation de froid durant la marche. Le Bordeciel que j’avais connu autrefois ne me semblait plus aussi hostile cette fois-ci, et je sentais bien que ce n’était pas qu’une question d’équipement. Notre matos échelon avait beau être bourré de couches thermiques et de matériaux résistants au vent, ce n’était pourtant pas de lui qui venait cette soudaine sensation de confort. Non, c’était plus subtile que ça. C’était dans l’air, comme une étrange humeur, difficile à cerner, mais bien réelle malgré tout.
Le Bordeciel que j’avais connu lors de ma mission d’infiltration, froid, violent et lugubre, semblait s’en être allé, laissant la place à un nouveau Bordeciel, simple et sans histoire.
Il n’y avait plus dans le vent cette étrange noirceur, chargée de songes. Il n’y avait plus dans le sol cette aura froide et obscure, et même la topographie, autrefois menaçante, semblait s’être adoucie depuis ma dernière visite. Bordeciel avait changé oui, je le sentais… L’étrange époque où la bande de Nilvyn avait arpenté ces terres était désormais révolue. Tous autant qu’ils étaient, ils s’en étaient finalement allé, avaient quitté cet endroit, et semblaient avoir emporté avec eux les tracas qui avaient autrefois gangrené cette région. Aujourd’hui, Bordeciel n’était rien de plus qu’une terre vaguement froide et silencieuse, rien de plus. On ne sentait plus en elle les mêmes dangers qu’autrefois. A se demander si tout ceci était bel et bien arrivé, en fin de compte…
-Uriel pour Reman, soyez avertis. Lança soudain la voix de Celwen dans mon casque. Trois sections du PRAX se tiennent sur votre flanc droit, à une distance d’environ trois cent mètres.

Telrav siffla furtivement, ordonna aussitôt l’arrêt de la marche. Nous nous mîmes tous accroupis, en position de couverture, le temps que le chef de section obtienne plus d’infos à ce sujet. Parce que ouais, pour le coup, c’était pas tout à fait ce qu’on avait prévu…
-Clivia pour Uriel un, REMSI ? Questionna Telrav d’un air passablement agacé. On m’explique ce que trois sections du PRAX foutent dans le coin ?
-Uriel un pour Clivia, le PRAX s’apprête à donner l’assaut sur Fort-Dureterre, une position Sombrage stratégique. Répondit la voix de Percius Ostorius. Désolé, on vient de l’apprendre à l’instant...
-Putain c’est une blague ? Ronchonna la voix d’Endril derrière moi.
-Clivia pour Uriel un, c’est sérieux ? Pesta Telrav. Ils vont foutre en l’air notre approche avec leurs conneries !
-Uriel un pour Clivia, le CSOJ a fait de Fort-Dureterre un objectif prioritaire. Expliqua la voix du major. Vous pouvez toujours vous arranger avec la section Pelagius. C’est elle qui est en charge de l’opération, mais je serais vous, je ne me ferais pas d’illusion. Je me grouillerais d’aller chopper Jarol avant qu’ils ne lancent l’assaut et ne réveillent toute cette partie de la province…

Telrav lâcha un juron furieux, puis nous ordonna de nous avancer d’une centaine de mètres vers le sud, soit vers la position supposée du PRAX. Et en effet, après quelques dizaines de mètres à crapahuter dans les sapins et les rochers, nous débouchâmes sur une ligne de crête surplombant un petit canyon, au fond duquel se tenait une petite forteresse visiblement bien occupée par l'ennemi, à en juger les multiples sources de lumières qui en émanaient.

-Pelagius pour Uriel un, vous me recevez ? Questionna Telrav alors que nous observions désormais le petit fort avec attention.
-Uriel un pour Pelagius un, Fortis Leovic. Répondit aussitôt une grosse voix rocailleuse dans mon casque. C’est vous les petits filous en train de ramper sur notre flanc gauche ? Fallait nous prévenir, on aurait préparé le café !
-Pelagius un pour Uriel un, on est sur le point de capturer une cible hautement prioritaire, et on doit le faire sans annoncer notre arrivée ! Énonça immédiatement notre chef de section. Vous ne pouvez pas retarder votre assaut de quelques minutes ?
-Négatif Uriel un, le CSOJ nous a formellement ordonné de suivre un horaire précis. Contra la grosse voix. On lance l’assaut dans moins de cinq minutes, mais vous pouvez toujours sortir les bières et admirer le spectacle si le coeur vous en dit…
-Bordel de merde… Marmonna Telrav, désemparé.

Hélas, je comprenais très bien le désarroi du chef de section sur ce coup: fallait certainement pas demander à des gros bourrins du PRAX qu’ils en aient quoi que ce soit à foutre d’une opération échelon un, à moins que le CSOJ ne leur en ait expressément donné l’ordre. Ce qui n’était pas le cas ici évidemment. Les joies de la Légion encore une fois, où des opérations prioritaires se téléscopaient au point de rentrer en conflit les unes avec les autres, et ce sans aucun recours possible. En l'occurrence, je peinais à croire que Luther reste sagement dans son petit village de pêcheurs si il entendait soudain d’énormes bruits de baston entre Sombrages et Impériaux à moins d’un kilomètre de sa position…
-Qu’est-ce qu’on fait ? Questionna Endril, inquiet.
-Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? Souffla Telrav. C’est cuit. Ces sauvages vont réveiller tout Bordeciel bien avant qu’on n’atteigne le village. La cible aura foutu le camp depuis longtemps...

Nous restâmes quelques instants immobiles, à observer le petit fort en contrebas.
-Clivia pour Uriel un. Lança Telrav après quelques secondes d’un mutisme dépité. On va attendre que le PRAX lance l’assaut, puis on profitera de la diversion pour reprendre la progression. Note: il y a peu de chances que le paquet soit encore sur place à notre arrivée.

Un bref silence contrarié suivit la déclaration du chef de section.
-Uriel un pour Clivia, bien reçu. Répondit finalement la voix de Percius Ostorius. Faites pour un mieux.

Rexus posa son bouclier dans la neige, et s’assit lourdement dessus. Linus de son côté, commença à aiguiser lentement sa dague, et continua d’observer le fort en contrebas, l’oeil attentif. Me concernant, je me mis à fouiller l’une de mes poches à la recherche de ma ration de combat, et en extirpai plusieurs biscuits. Après tout, on était probablement là pour quelques minutes, alors autant nous mettre à l'aise, et effectivement, profiter du spectacle qui allait bientôt s’offrir à nous…
-Hé, Rexus. Lança Endril tout en scrutant le fort lui aussi.
-Ouai ? Lâcha le colosse, vautré sur son bouclier tel un horqueur échoué sur la banquise.
-Tu diras à tes anciens collègues que c’est quand même des sacrés fils de…

Le Dunmer n’eut pas le temps de terminer sa phrase. En effet, une longue traînée aveuglante tirée depuis le contrebas zébra soudain le ciel, illuminant aussitôt la région toute entière comme si l’on eut été en plein jour.
-C’est parti ! Lança Titus.

Plusieurs coups de canon retentirent dans le lointain, signe que l’artillerie impériale rentrait en action. Des cris d’alerte s’élevèrent aussitôt depuis le fort, juste avant que plusieurs boulets de canon atterrissent de plein fouet sur les remparts, pulvérisant plusieurs pans de murs dès la première salve et forçant par la même occasion les Sombrages à s’abriter. Des carreaux traçants commencèrent à pleuvoir par centaines depuis les collines situées au sud-est du fort, noyant la citadelle sous une véritable pluie de traînées lumineuses. Quelqu’un vociféra un ordre, plusieurs cris rauques répondirent, et alors que les arbalétriers et les artilleurs continuaient d’harceler les remparts Sombrages de projectiles, plusieurs dizaines de soldats Impériaux en armures lourdes et en peaux de loups quittèrent soudain leur abris pour mieux foncer en formation vers l’objectif. Face à eux, quelqu’un beugla un ordre, et des claquements d'arbalètes classiques retentirent à leur tour.
-Endril, Teleri, couvrez-les. Ordonna Telrav.

Je me mis aussitôt à plat ventre, et rivai mon oeil dans le verre grossissant de mon arbalète à répétition. La première chose que j’aperçus dans ma lunette furent les trois sections du PRAX, violemment prises à parti par les tirs défensifs des Sombrages, mais pas bien déstabilisées pour la cause. En effet, là où la plupart des unités d’infanterie auraient calmé le jeu, voir auraient reculé face à cette déferlante de carreaux, les bouchers du PRAX eux, ignorèrent presque complètement le harcèlement mortel des Sombrages, et foncèrent vigoureusement vers l’objectif, le bouclier levé. Je levai un peu ma lunette, et aperçus alors les remparts de Fort-Dureterre, où plusieurs dizaines d’arbalétriers ennemis semblaient effectivement mettre un point d’honneur à cribler les opérateurs du PRAX. Je vidai mes poumons, ajustai ma visée, et pressai la détente de mon arbalète une première fois. Dans mon viseur, l’un des arbalétriers Sombrages s’effondra lourdement, un carreau planté dans la gorge. Un deuxième claquement d’arbalète retentit à ma gauche, juste avant qu’un autre soldat Sombrage ne s’effondre à son tour, signe que Endril avait réussi son tir lui aussi. Nous réitérâmes l’opération plusieurs fois, abattant pas loin d’une dizaine de Sombrages à nous deux. Entre temps, les trois sections du PRAX avaient déjà gagné les remparts, aussi nous décidâmes d’arrêter nos tirs ici, ne voulant pas prendre le risque de toucher l'un de nos alliés. Les artilleurs et les arbalétriers de l’infanterie en firent de même.
Le combat se poursuivit à l’intérieur du bâtiment, hors de notre champ de vision, mais il parut particulièrement violent, à en juger les beuglements et autres rugissements furieux qui s'élevaient depuis l’intérieur de la forteresse. A peine quelques instants plus tard, un opérateur du PRAX en armure lourde apparaissait sur le toit de Fort-Dureterre, et brandissait le drapeau Impérial en guise de victoire.
-Déjà ?! Soufflai-je, incrédule.

Je n’avais pas vraiment pris la peine de compter, mais à vrai dire, je doutais que l’assaut ait duré plus de trois minutes en tout…
-Et ben… C’était musclé. Commenta Titus.
-Uriel un pour Pelagius un. Conclut la grosse voix rocailleuse dans nos casques. En espérant que vous avez apprécié le spectacle, et en vous remerciant pour votre soutien. On vous revaudra ça. Bonne chance pour votre mission quand même les gars...

Telrav nous ordonna finalement de nous remettre en route, abandonnant le PRAX à sa victoire. Probablement les opérateurs alliés furent incapables de dire ce qu’il était advenu de nous une fois Fort-Dureterre capturé, car nous quittâmes la zone exactement comme nous y étions entrés: sans un bruit, et sans un mot.
Le village de pêcheur fut assez vite atteint. Moins de quinze minutes de marche depuis la forteresse Sombrage. Durant notre progression, un léger brouillard se leva, et de la neige commença à tomber. Au moins, notre arrivée serait camouflée par les éléments, mais était-ce vraiment nécessaire après le chaos tonitruant auquel nous venions tout juste d'assister ? Si Luther n’était pas débile, il aurait forcément foutu le camp depuis de nombreuses minutes déjà…
-Reman pour Uriel un, vous voyez du mouvement ? Questionna Telrav une fois que nous eûmes les premières maisons en visuel, en contrebas de la crête neigeuse par laquelle nous étions arrivés.
-Uriel un pour Reman, négatif. Répondit la voix de Celwen dans nos casques. Je n’aperçois aucun signe de vie vu d’ici.
-Surprenant. Ironisa Linus tout en observant les maisons en contrebas d’un air impassible.

-On fait un tour puis on décampe. Ordonna simplement Telrav, résigné.

Nous entamâmes la descente nous séparant des premières maisons. A priori, rien à signaler, du moins jusqu’à ce que Linus, toujours en tête de colonne, ne s’arrête d’un seul coup en pleine milieu de la progression, et brandisse le poing pour nous intimer d’en faire autant. L’oeil attentif, l’oreille tendue, je perçus alors ce qui semblait avoir alerté le Rougegarde: des voix, et pas n’importe lesquelles. Ça se disputait là-dessous, et à en juger le langage particulièrement fleuri que l’on percevait depuis notre position, ce n’était certainement pas des nobles…
-Vite ! Chuchota Telrav en nous adressant frénétiquement des directives avec des gestes de main. Endril, en couverture ! Les autres, en bas !

Toute la section fut prise d’une terrible effervescence, et descendit la pente aussi vite et aussi furtivement que possible. Le chef de section effectua de nouveaux signes silencieux de la main, nous ordonnant d’encercler la première bâtisse du petit hameau silencieux, soit l’endroit même d’où s’élevaient toujours les voix. En m’approchant de l’un des pans de murs, je perçus alors plus clairement la conversation qui semblait se dérouler à l’intérieur:
-...gonfler, tu fais le type mais la vérité t’as aucun putain de plan ! Vociféra une voix qui me sembla terriblement familière, sans toutefois parvenir à l'identifier clairement.
-Si t’es pas content t’es toujours libre de te casser ! Répondit hargneusement une deuxième voix, que je reconnus aussitôt comme étant celle de Luther.
-On en revient au même point ! Insista la première. Hors de question que je te laisse derrière avec ce mec ! Si jamais tu te fais choper, et c’est garanti qu’ils vont bientôt nous tomber dessus vu ce qu’on vient d’entendre là-bas, il y en a forcément un de vous deux qui va cafter, et j’ai pas envie de… !
-Nique tes grands morts, je suis pas une balance et tu le sais ! S’emporta la voix de Luther.
-... et je vais certainement pas me faire traquer pendant un an de plus à cause de tes conneries ! Persista l’autre voix sans prendre en compte la remarque du Khajiit. Donc moi je te le répète, si on veut s’en sortir, premièrement il faut le… !

Un tintement métallique retentit, suivi d’un bruit de lutte, puis d’un juron de douleur étouffé.
-Et moi je t’ai dis de pas le toucher ! Ordonna Luther, essoufflé, mais plus autoritaire que jamais. C’est notre monnaie d’échange au cas où ! Comme tu dis, les Impériaux vont sûrement bientôt débouler ici, et justement, avec ce type, on aura de quoi négocier ! Tu piges ou c’est comment ?!

Un silence haineux s’éleva, durant lequel je changeai furtivement de position, et risquai un oeil à travers l’un des pans de murs à moitié éventré de l’ancienne bâtisse. A priori, cette maison n’était plus habitée depuis longtemps. Plus officiellement du moins, à en juger son état de délabrement avancé. En effet, les murs et la toiture étaient manquants en plusieurs endroits, et le mobilier était réduit à sa plus simple expression. Malgré tout, quelqu’un semblait bel et bien squatter cet endroit depuis quelques temps déjà, à en juger le feu qui avait été allumé dans la cheminée, ainsi que les vieux matelas et autres effets personnels disposés ça et là. De ma position hélas, je ne pouvais toujours pas voir qui se trouvait à l’intérieur en ce moment même. Les bribes de conversation m’avaient tout juste permis de comprendre que Luther et son acolyte se terraient dans le coin depuis plusieurs semaines, et qu’ils avaient tout récemment récupéré un otage impromptu, après une rencontre surprise où le pauvre malheureux avait rencontré le poignard de Luther. En l'occurrence, ce prisonnier inattendu semblait se trouver avec eux en ce moment même, mais était probablement trop mal en point pour se manifester.

-... tu sais Arsyn, si ma compagnie ne te plaît pas, t’avais qu’à suivre Nilvyn et les autres. Reprit soudain la voix de Luther, m’arrachant un haut le coeur par la même occasion.

Arsyn… Arsyn Thirith…
Putain de merde, pourquoi je n’avais pas reconnu sa voix plus tôt ? C’était lui le deuxième individu présent dans cette cabane délabrée, c’était lui qui semblait suivre Luther et ses galères depuis plusieurs mois déjà...
-Si seulement… Maugréa la voix du Dunmer après un bref mutisme dépité. Sauf qu’ils m’ont fait le même coup que toi Luther. Ils m’ont planté là, comme une merde, et m’ont bien fait comprendre que je faisais pas partie de leur putain de projet.
-Hé ouai mon vieux. Conclut la voix du Khajiit dans un étrange mélange de moquerie et de résignation. Les types comme nous, on intéresse personne. On est les laissés pour compte, ceux dont personne ne veut s’encombrer, pas même eux.

Un sifflement diffus, semblable à celui d’un oiseau, s’éleva furtivement depuis l’autre côté de la bâtisse. Luther et Arsyn n’y prêtèrent absolument pas attention, mais de mon côté, je compris aussitôt que c’était le signal. Après avoir machinalement décompté trois secondes de battements, je donnai un vigoureux coup de pied dans l’une des lattes branlantes du mur contre lequel j’étais adossée, et pénétrai dans la bâtisse, l’arbalète levée.
-A TERRE ! A TERRE ! Cria la voix de Telrav alors que toute la section déboulait dans le bâtiment depuis plusieurs entrées différentes.

En d’autres circonstances, je pensais sincèrement qu’à nous six, on aurait intercepté deux fugitifs sans trop de soucis. Mais c’était sans compter sur l’expérience dont jouissaient des mecs comme Luther et Arsyn. Après tout, c'étaient des criminels, ils connaissaient bien la rue et sa violence permanente. Ils avaient depuis longtemps appris à réagir au quatre de tour...
Luther fut le premier à bouger. Avant même que Rexus, le premier face à lui, n’ait eu le temps de le viser avec son arbalète, le Khajiit avait déjà retourné une table, et s’était caché derrière en position défensive. Le colosse esquiva un carreau d’arbalète de peu, et dû reculer derrière un pan de mur pour éviter de prendre le suivant. Linus tenta de contourner la table derrière laquelle s’était retranché Luther, mais prit un coup de casserole de la part de Arsyn, planqué dans son angle mort. Le Rougegarde, pris par surprise, contra à moitié le coup porté par le Dunmer, lui laissant la fraction de seconde nécessaire à sa fuite.
-HEY ! IL Y EN A UN QUI FOUT LE CAMP ! Beugla Telrav en apercevant la scène du coin de l’oeil.

Je dépassai Linus d’un bond, alors que Luther de son côté, opposait désormais une résistance farouche à Rexus, Telrav et Titus, pris dans un échange de tirs particulièrement violent avec le Khajiit. J’atteignis le bout opposé de la bâtisse en quelques enjambées, juste à temps pour voir Arsyn enjamber l’une des fenêtres.
-STOP ! BOUGE PLUS ! Criai-je en le pointant avec mon arbalète.

Le Dunmer se retourna. Nos regards se croisèrent.
Une fraction de seconde… Ça n'avait duré qu’une fraction de seconde, mais ça avait été suffisant. Arsyn m’avait reconnu… Je l’avais vu dans son regard fou…
L’instant d’après, il avait disparu, englouti par le brouillard hivernal de Bordeciel.
-Merde… Soufflai-je, prise de cours.
-TELERI ! Cria la voix de Telrav dans mon dos.

Luther, soudain conscient de ma présence sur son flanc, me visa avec son arbalète. Je me décalai aussitôt sur le côté par réflexe, et sentis le sifflement d’un carreau me frôler la joue. Je lâchai ma propre arme, et me jetai sur le Khajiit sans perdre une seule seconde. Luther était vif et expérimenté. La baston, il connaissait. Il tenta bien de me réceptionner avec un coup de couteau, mais je fus heureusement plus rapide que lui. Je me jetai sous sa garde avant même qu’il n’ait eu le temps de me porter le premier coup, droit sur son bassin, et le plaquai violemment au sol. Le criminel se débattit avec hargne, mais fut contré d’un bon coup de poing en pleine gueule, ce qui eut au moins le mérite de le calmer durant quelques secondes. L’instant d’après, il était ceinturé de toutes parts, maintenu au sol par Rexus, Linus et Telrav.
-Putain… ! Putain… ! Souffla le Khajiit, excité comme une pile Dwemer, refusant d’admettre la défaite malgré sa situation désastreuse.
-Et l’autre ? Questionna Telrav en relevant la tête vers moi.

Je répondis par un signe de dénégation silencieux, un peu honteuse de mon échec à vrai dire.
-Peu importe, on a celui-ci, c’est déjà très bien. Conclut le chef de section en reportant son attention sur le Khajiit, avant d’effleurer son casque de la main gauche et d’enchaîner: Clivia pour Uriel un, fortune, je répète, fortune.
-Uriel un pour Clivia, bien reçu. Répondit la voix de Percius Ostorius dans mon casque. Fortune.

Luther continua de se débattre et d’injurier Tamriel entière durant de longues secondes. Ce fut probablement parce qu’il s'acharnait à se retourner dans tous les sens que je me retrouvai soudain dans son champ de vision, et que son visage changea alors du tout au tout.
-Mais… ! Tu… ! Sale petite… ! Commença le Khajiit en me fusillant avec des yeux fous lui aussi.
-Ferme ta gueule ! Ordonna Rexus en lui collant son genou sur la nuque et en raffermissant sa double clef de bras.
-Telrav, on a un problème. Appela soudain Titus quelques mètres plus loin.
Je suivis le chef de section du regard, alors que ce dernier se dirigeait aussitôt vers le blondinet, quant à lui penché sur un troisième individu, un Dunmer d’âge moyen visiblement, immobile au sol.

Un bref silence s’éleva dans la cabane, uniquement entrecoupé par les grommellements outrés de Luther.
-C’est grave ? Questionna Telrav après quelques secondes d’une observation interdite.
-Plutôt oui, il a perdu beaucoup de sang. Commenta Titus tout en auscultant celui qui devait être le prisonnier improvisé de Luther et d’Arsyn.
-Clivia pour Uriel un. Commença le chef de section en effleurant son casque de la main gauche. On a un problème: Présence d’un civil grièvement blessé sur zone, ainsi que d’un individu en fuite. Demande d’ordre ?
-Uriel un pour Clivia, en attente. Répondit la voix de Percius Ostorius.
-Uriel deux pour Uriel un, ramène toi. Enchaîna Telrav.

Endril nous rejoint rapidement à l’intérieur de la petite cabane, et jaugea la situation d’un bref coup d’oeil calculateur.
-Uriel un pour Clivia. Reprit la voix de Percius Ostorius après quelques secondes d’un silence expectatif. Reman traque en ce moment même l’individu en fuite, mais le CSOJ ne nous donne pas le feu vert pour le poursuivre. La priorité reste Jarol. Concernant le blessé, stabilisez-le, et exfiltrez-le dans la mesure du possible, mais sans vous mettre en danger. Vous devez encore rejoindre le point d’évac, ne l’oubliez pas. La mission avant tout. Vous comprenez…

Telrav jeta un regard interrogateur à Titus, qui haussa les épaules.
-Il est assez stable pour être transporté, mais il ne tiendra pas des heures. Répondit le mage. On doit bouger maintenant si on veut le sauver.
-Moi je le laisserais crever ici. Lâcha Linus tout en aiguisant lentement sa dague. Il va nous ralentir.
-Ouais mais toi on t’a rien demandé. Grinça Rexus, toujours occupé à maintenir Luther au sol.
-Toi non plus. Rétorqua le Rougegarde.
-Le reste de la zone est sûre… Fit calmement remarquer Endril. Trois sections du PRAX et deux divisions d’infanterie contrôlent déjà le secteur. On peut bien exfiltrer un civil blessé. A quoi on sert sinon ?
-Teleri ? Questionna Telrav en tournant la tête dans ma direction.
-Je suis d’accord avec Endril. Acquiesçai-je. On ferait vraiment des soldats de merde si on était pas foutu de ramener un civil blessé au beau milieu d’une zone sous contrôle Impérial.

Linus renifla de mépris, alors que le Dunmer tournait la tête dans ma direction et me jetait un regard impassible. On faisait des sacrés progrès d’ailleurs, lui et moi. Au moins, ce n’était pas un regard mauvais…
-Clivia pour Uriel un. Conclut Telrav en effleurant son casque. On passe Kynareth. Préparez la cellule de détention et une équipe de guérisseurs. On amène l’objectif, et un civil blessé.

Luther il se défend en vrais. En 1v1 je pense pas qu'il l'aurait capturer

Arsyn

Je vais enfin savoir

Patience mon khey.

Luther c'est un de mes perso préféré

Je suis sur qu'en 1vs1 personne l'aurait chopper

Eraldil qui doit être écoutant de la Confrérie à tout les coup.

Pour arvin la par contre je sais pas

Pourquoi Eraldil écoutant de la Confrérie Noire mon khey ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

Dans ta précédente fic de cette trilogie. Eraldil une fois au cachot au sous sol des vigiles de stendar confié à nylvin que sithis lui a parlé, lui a dit que c'était sa fille e qu'il portait sa marque.

Au vu de tout les gens qu'elle a tué je pense qu'elle a le don noir comme sedris.

Je suis sur qu'elle doit avoir une place importante aupres de lui.

Peut être à t'elle un lien avec les enfants d'evos aussi car apres tout elle etait pas loin quand Martin s'est faite planter pres de la porte d'oblivion

Je suis curieux d'avoir le fin mot de l'histoire

Et bien mon khey, tu as retenu les détails, c'est propre.

Fin mot de l'histoire il y aura, naturellement.

Chapitre 32: Chat botté.

La progression vers la zone d’extraction se fit sans encombre. On ne croisa pas âme qui vive sur la route. Le zeppelin de son côté, nous attendait déjà lors de notre arrivée, discrètement amarré à la lisière d’une forêt de sapin donnant droit sur une grande prairie brumeuse.
Luther fut immédiatement menotté et pris en charge par plusieurs matelots, alors que le mystérieux Dunmer blessé de son côté, fut mis à disposition des guérisseurs de soutien. J’aurais presque pu souffler et profiter d’un peu de répit si, pour une raison totalement inconnue, Linus et Rexus ne s’étaient pas brusquement empoignés à peine embarqués dans le dirigeable.
-Hey ! Stop ! Qu’est-ce que vous… ! Commença Telrav, furibond.

Étant la plus proche au moment des faits, je tentai brièvement de m’interposer entre les deux gaillards, mais ramassai une patate perdue en pleine tempe avant même d’avoir pu faire quoi que ce soit. Vexée comme un poux, je répliquai aussitôt, et collai un vigoureux coup de pied dans le tibias de Rexus. Certes il ne l’avait pas fait exprès, mais il m’avait fait mal quand même, ce fils de pute, du coup je ne voyais aucune raison de ne pas lui rendre la monnaie de sa pièce.
-OUAH ! MAIS T’ES FOLLE OU QUOI ?! Aboya le colosse en se tenant le tibias et en sautillant sur un pied.
-TU VIENS DE M’EN COLLER UNE, TÊTE DE NOEUD ! Criai-je à mon tour. QU’EST-CE QUE TU… ?!

Linus, fidèle à ses automatismes de silencieux sans scrupule, profita aussitôt de la faille pour tenter de coller un nouveau coup à Rexus. Je sentis brusquement le sang me monter à la tête, et lui collai un énorme coup de poing dans le flanc en guise de remontrance. Le Rougegarde se vouta et lâcha un juron étouffé, mais contrairement à Rexus, répliqua aussitôt dans ma direction. Sans crier gare, il m’empoigna et m’asséna une violente prise d’étranglement. Je me sentis aussitôt suffoquer, mais eus tout de même le réflexe de lui coller un gros coup de genoux dans les couilles pour lui faire lâcher prise. Rexus s’esclaffa d’un air provocateur, alors que le Rougegarde posait un genou à terre en soufflant comme un taureau blessé.
-... Putain… ! Prochaine fois que tu… ! Commençai-je, les joues rouges, la respiration haletante, plus furieuse que jamais.
-NOM DE DIEUX ! STOP ! STOP ! Ordonna Telrav en venant enfin nous séparer.
-Il a essayé de me… !
-Elle m’a frappé !
-Elle s’est défendue !
-Toi ta gueule !
-STOP ! FERMEZ VOS GUEULES ! ARRÊTEZ VOS CONNERIES TOUT DE SUITE ! Ordonna le chef de section en nous repoussant dans trois coins différents.
-Bordel… Quelle équipe de demeurés… Conclus-je en frottant ma tempe douloureuse et en me massant le cou.

Le pire, c’est que je ne savais même pas pourquoi on s’était envoyé des beignes comme ça. Et j’étais presque certaine que eux non plus d’ailleurs.
Le trajet retour vers Cyrodiil fut excessivement pénible, pour pas mal de raisons à vrai dire.
Peu après la bagarre, Rexus s’était endormi comme une pierre et s’était mis à ronfler bruyamment, Linus me dévisageait désormais comme si il allait me tuer à la première occasion, et Titus, assis juste à ma droite, n’arrêtait pas de pouffer.
-BON T’AS FINI ?! Finis-je pas crier, excédée par les rires étouffés du blondinet.
-Mmppfffmppffppff ! Désolé ! Pouffa de nouveau ce dernier.

Ah et il y avait Endril aussi, ce bon vieux Endril, qui nous regardait tour à tour Linus et moi, et qui secouait fréquemment la tête comme l’aurait fait tout vieux casse-couilles moralisateur.
J’aurais attendu un peu plus d’autorité de la part de Percius Ostorius sur ce coup, mais visiblement, ce dernier s’en foutait. Il était actuellement en grande discussion avec Celwen et l’un des officiers de la marine à propos de je ne savais quel sujet, et avait bien peu d’attention à accorder aux embrouilles internes de la section Uriel.
-En principe, on ne fonctionne pas comme ça, on est beaucoup plus professionnels. M’expliqua Telrav quelque temps plus tard, alors que le zeppelin volait désormais haut dans le ciel nocturne du nord. Une bagarre comme ça, un chef d’unité ne la laisserait jamais passer. Il y aurait des rapports, des enquêtes, des auditions, des blâmes… On est des opérateurs échelon un, on coûte des dizaines de millions de Septims à l’Empire. Tu penses bien, on doit être irréprochable.
-Ouais mais là c’est pas vraiment le cas. Fis-je remarquer.

Le chef de section, désormais assis à ma gauche, changea de position sur sa banquette, visiblement mal à l’aise. Il voulait que son équipe fasse une bonne impression auprès de la nouvelle recrue que je représentais, ça se voyait, sauf que c’était pas vraiment gagné au vu des circonstances. Je savais que mon profil avait largement séduit Telrav Gravius, et que mes deux premières missions au sein de la section Uriel avaient confirmé les aprioris de l’Impérial à mon sujet. Il semblait me tenir en estime, et voulait probablement soigner son image pour que mon intégration soit plus simple. Ou du moins pour ne pas faire naître une quelconque forme de regret dans mon esprit, ce qui aurait été catastrophique pour le rendement d’un opérateur échelon un. Hélas, non seulement la section Uriel m’avait rapidement parue ingérable sur le plan humain, la faute à des profils psychologiques trop différents, mais elle m’avait également fait l’impression d’une section bordélique sur le plan tactique. A priori, ses opérateurs ne manquaient pas de talent, là n’était pas le problème. C’était plus volontiers une question de mentalité, de subordination. En l’état actuel des choses, cette équipe avait un problème de discipline, c’était un fait indéniable. Ses membres étaient butés, dissipés, bien loin de l’image que je m’étais faite d’une unité de forces spéciales échelon un de l’Empire. Était-ce donc ça, le fameux RAC dont j’avais si longtemps rêvé ? Des gros bourrins anarchiques et décousus ? C’était seulement ma deuxième mission en leur compagnie, et déjà, j’avais l’impression de m’être trompée de voie, d’être tombée dans le fond du panier...
-Tu sais, la section Uriel revient de loin. Confia Telrav après quelques instants de réflexion. Endril et moi, on en a vu passer des mecs. Des coéquipiers, qui sont devenus des frères, qui sont ensuite devenus des souvenirs, et des remords… On a toujours eu une bonne réputation au sein du RAC, parce qu’on s’est toujours acquitté des missions les plus dangereuses. Hélas, tout ça avait un prix, et on l’a payé cher. Beaucoup de nos frères nous ont quitté au fil des années, et c’étaient tous des soldats d’élite, sans exception.

L’Impérial marqua une pause, se remémorant probablement un lointain passé.
-Tu es encore jeune, mais dis-toi que Endril et moi, ça fait pratiquement vingt ans qu’on fait ce métier, et qu’aujourd’hui, on a enfin l’opportunité d’avoir de nouveau une très bonne équipe, peu importe les apparences. Reprit Telrav. Forcément, cette opportunité, on l’a saisit. Mais pour ça, on a dû prendre des risques, et j’ai personnellement dû briser pas mal de barrières pour en arriver là. Je ne voulais pas d’une section présentable devant le CSOJ, je voulais les meilleurs, point. Je voulais des résultats qui rendent à Uriel sa gloire d’antan, ainsi que sa juste place dans la hiérarchie du RAC, voire de l’Empire tout entier. Mais là encore, acquérir les meilleurs a parfois un prix. Tu viens justement d’y assister. En l’état actuel des choses, Uriel est difficile à gérer sur le plan humain, malgré le fait qu’elle obtient des résultats sur le terrain.
-C’est pour ça qu’Ostorius s’en fou ? Questionnai-je tout en jetant un regard prudent en direction de l’officier légat, toujours occupé à discuter comme si de rien n’était quelques mètres plus loin. Parce que Uriel obtient des résultats sur le terrain ?
-Ostorius est un officier rare. Répondit l’Impérial. Il me laisse composer ma section comme je l’entends, au mépris même des coutumes impériales habituelles, et il fait barrage auprès du CSOJ quand on nous fait des remontrances. Je vais pas te cacher que c’est fréquemment arrivé ces derniers temps. Rexus et Linus notamment, nous ont attiré pas mal d’emmerdes, et nous ont à la fois donné une réputation d’excellence et d’insubordination. C’est un peu ça mon problème aujourd’hui: Rexus, Linus, Titus et toi avez des profils diamétralement opposés. Et ça vaut aussi pour Celwen d’ailleurs. Sur le terrain, je suis sûr et certain que ça peut marcher, et ça marche déjà dans les faits. Mais en dehors, ça pose effectivement quelques problèmes d’entente, parce qu’aucun d’entre vous n’incarne réellement le modèle traditionnel du soldat d’une unité de force spéciale. Je t’avoue que si Ostorius n’était pas là pour couvrir toutes ces conneries, Uriel serait déjà dissoute depuis longtemps. Ca tu vois, je ne peux pas me le permettre, pas après tout ce que j’ai sacrifié pour cette équipe...
-Ostorius a ses limites aussi, j’imagine. Risquai-je.
-Malheureusement oui. Conclut le chef de section. C’est un officier compréhensif, et il veut des résultats avant tout. On est sur la même longueur d'onde, lui et moi. N’empêche que c’est un fait: il ne tolèrera pas notre manque de discipline et de rigueur pour l’éternité. Un jour, il devra rendre des comptes lui aussi, et on devra tous le faire dans la foulée. J’espère simplement parvenir à tous vous canaliser avant que ce jour n’arrive...

Je comprenais un peu mieux la philosophie de Telrav désormais, et d’Endril également. Ces gars en avaient probablement vu des vertes et des pas mûres depuis qu’ils opéraient au sein du RAC. Ils avaient vu des gens mourir, et d’autres finir estropiés, ou handicapés à vie. Ils avaient toujours fait de leur travail une priorité absolue, et aujourd’hui, alors que l’Empire semblait plus affaiblis que jamais, ils avaient fait un choix plutôt rare: ils avaient bousculé les codes, et recruté des opérateurs qui, effectivement, ne correspondaient pas tout à fait aux standards de la discipline. Car qui aurait recruté des soldats comme Linus, Rexus, Titus, ou même moi ? Certes, on était doués sur le plan technique, mais notre passif était un frein énorme, fallait pas se le cacher. Linus était un ancien assassin d’un service aux méthodes douteuses, Rexus un pochetron qui s’était fait jarter d’une autre branche, Titus un mage officier, et moi, une femme, doublée d’une ancienne taupe. Peu importait nos aptitudes au final, car dans un milieu comme celui de la Légion, l’historique professionnel était le critère le plus déterminant de tous, or le nôtre jouait totalement en notre défaveur. Nous étions de bons éléments sur le plan technique, mais des éléments “sales” malgré tout, car nous ne sortions pas du moule habituel et maintes fois éprouvé des opérateurs échelon un de la cavalerie impériale.
Je comprenais un peu mieux la psychologue de Endril surtout. Lui qui avait donné sa vie au RAC, avait toujours respecté ses lois, ses coutumes et sa discipline, voilà qu’il devait désormais se coltiner des énergumènes qu’il devait trouver bien indignes de ce pourquoi il s’était si durement sacrifié. Son problème était le même que Telrav au final: il estimait notre talent, mais répugnait notre turbulence permanente.

Je me surpris à somnoler plusieurs fois durant le trajet. En d’autres circonstances, j’aurais probablement dormi quelques heures, mais c’était oublier les plans de Percius Ostorius à mon encontre, ou plus précisément, sa propension à respecter la demande des renseignements et de la défense coûte que coûte. Je fus ainsi appelée à m’entretenir quelques instants avec le prisonnier fraîchement capturé, pour "glaner quelques informations avant d’atteindre Cyrodiil”, selon ses propres termes.
-Les renseignements l'interrogeront quoi qu’il advienne. Confiai-je au major, maintenant que nous étions un peu à l’écart du reste de la section.
-Les renseignements nous ont également donné toute latitude pour obtenir des informations par nous même. Contra l’officier légat. Tu connais ce vagabond, et en ce qui me concerne, je préfère battre le fer pendant qu’il est encore chaud. Là en ce moment, il est toujours sonné, et probablement sous le choc de sa capture, quoi qu’il tente de nous faire croire. Qui sait, tu obtiendras peut-être des informations cruciales.

Percius Ostorius m’adressa une tape d’encouragement sur l’épaule, puis recula de quelques pas, me laissant m’approcher seule de la petite cage où était enfermé Luther Jarol.
Ce dernier demeurait étrangement silencieux, fixant ses pieds avec obstination. Ce qui ne lui ressemblait pas d’ailleurs, car le Luther que j’avais connu en prison était l’exact opposé: bavard, grande gueule, arrogant, voire provocateur. Le stéréotype même du mec de cité qui ne fermait jamais sa grande gueule, préférant même raconter mille et une conneries à ses geôliers plutôt que d'observer l’habituelle loi du silence, si chère aux criminels.
D’un autre côté, le Luther que j’avais désormais sous les yeux semblait bien différent de celui que j’avais côtoyé par le passé. Il était manifestement amaigri, affaibli, couvert de cicatrices qu’il n'arborait pas à l’époque, et même son regard semblait porter un poids terrible. Le Khajiit en avait bavé ces derniers mois, ça crevait les yeux. Il était épuisé, physiquement et mentalement, mis à bout par cette vie infernale…

-Bonjour Luther. Commençai-je simplement, ne sachant pas trop comment entamer la conversation eu égard des circonstances.
-Tu veux quoi ? Répondit aussitôt le Khajiit, à ma plus grande surprise soit dit en passant.
-Euh ben… Bafouillai-je, m’étant attendue à un silence buté. Déjà, savoir comment tu vas ? Depuis le temps…

Luther releva la tête vers moi, et m’observa durant plusieurs secondes, la mine contrariée.
-Tu veux que je te dise ? Lâcha-t-il d’un seul coup. Ça ne m’étonne qu’à moitié de te voir ici. T’étais pas nette comme meuf, je l’ai senti dès la première fois que je t’ai vu. Tu collais pas avec les autres peaux grises. Tu faisais tâche, exactement comme Nilvyn.

Je sentis mon coeur faire un bond dans ma poitrine. Il ne l’avait probablement pas fait exprès, mais le Khajiit venait d’aborder d’entrée de jeu le sujet de ma venue.
-Oh, mais t’es pas la première à venir me poser des questions à son sujet tu sais ! Enchaîna Luther, contrant d’emblée mon hypothèse. D’autres sont venus avec toi…
-D’autres ? Questionnai-je aussitôt. Comment ça ? Qui est venu ?

Le prisonnier me toisa sans répondre, si bien que je décidai de changer ma manière de procéder, car il était vrai que j’avais commencé un peu vite.
-Comment ça s’est passé ces derniers moi ? Repris-je après quelques instants de réflexion. Je veux dire, depuis ce fameux soir ? J’ai vu que tu étais avec Arsyn ? Vous êtes allé où ? Vous avez fait quoi ? J’aurais pensé que vous quitteriez Bordeciel. C’est ce que j’aurais fait à votre place…
-On a eu quelques ennuis figure toi. Répondit Luther. C’est un peu ça le problème, quand tu te retrouves à côtoyer Nilvyn Serethi. Tu te retrouves embarqué dans des trucs que tu comprends pas vraiment, et qui te dépassent. Tu t’en es sûrement rendue compte toi même, pas vrai ? Agent impérial ou pas, t’étais dans la même galère que nous après tout.

Je ne répondis pas tout de suite, me remémorant encore une fois les étranges événements auxquels j’avais effectivement été confrontée par le passé, lorsque ma mission d’infiltration m’avait mené en Bordeciel.
-J’ai aucune info sur les autres, si c’est ce que tu veux savoir. Lâcha froidement le Khajiit. T’as entendu notre petite conversation avec Arsyn je suppose, avant que vous décidiez de nous tomber dessus ? Ils nous ont planté là, comme des merdes, peu de temps après notre évasion. On a pas pu les suivre.
-Pas de nouvelle de Arvin Hlaalu ? Risquai-je, citant l’un des individus à propos duquel je n’avais absolument aucune info, contrairement à Martin ou à Balsa par exemple.
-Plus jamais entendu parler. Répondit simplement le détenu.
-Eraldil ? Enchainai-je.

Le visage de Luther se figea brusquement, bien plus qu’il n’avait voulu le laisser transparaître à mon avis. Il tenta bien de reprendre sa respiration et de feinter l’indifférence l’instant d’après, mais le mal était fait: le nom d’Eraldil avait immédiatement provoqué un malaise, voire une franche frayeur chez le Khajiit.
-Ri’Kara ? Poursuivis-je, ne souhaitant pas braquer Luther sur un sujet qui semblait véritablement épineux.
-Parti. Souffla-t-il, la mine interdite.
-Et Marielle Br…
-Ils sont venus ! Me coupa brusquement le Khajiit, qui ne parvenait véritablement plus à cacher sa peur désormais. Ils sont venus bien avant vous, et ils ont posé exactement les mêmes questions !

J’entendis clairement la respiration de Percius Ostorius s’arrêter derrière moi. Lui aussi devait avoir compris la gravité de l’information que nous livrait soudain Luther.
-Ri’Kara était avec nous, quand ils nous ont choppé. Poursuivit le Khajiit, agité de terribles tics nerveux. Ils nous ont posé des questions sur Nilvyn, et on a rien dit, alors ils ont commencé à nous torturer, lui en premier. Je… Il…

Luther tenta de reprendre son souffle, mais eut bien du mal à se calmer. Et ça m’effrayait un peu, pour être tout à fait honnête. D’ordinaire, c’était pas une couille molle, bien au contraire. C’était clairement pas le genre de mec à se laisser impressionner, ou terroriser. D’ailleurs, c’était plutôt lui qui terrorisait les gens d’habitude...
Qu’avait-il bien pu voir, pour être soudain dans un tel état de détresse ?
-Tu… Tu te souviens de Ri’Kara, pas vrai ? Questionna Luther en reprenant tant bien que mal sa contenance.
-Le chef des Anéquiniens, oui. Acquiesçai-je doucement.
-Putain… Si t’avais vu ce que j’ai vu… Souffla le Khajiit, la mine épouvantée, le regard perdu dans le vide.
-Luther, calme toi. Intervins-je précautionneusement. Je sais que tu me prends pour une putain d’impériale aujourd’hui, pour une ennemie, mais on est là pour enquêter sur toute cette affaire justement. Ces gens qui sont venus, tu peux me les décrire ? Ils ont dit quoi ? Qu’ont-ils fait ?

Le Khajiit se mordit nerveusement la lèvre inférieure, ferma les yeux, prit une profonde inspiration, et sembla se calmer peu à peu. Bientôt, plus vite que je ne l’aurais souhaité hélas, il parut même reprendre le contrôle de sa peur, et redevenir en quelque sorte le mec que j’avais toujours connu: celui qu’il était tout bonnement impossible de contraindre, et auquel on ne pourrait donc jamais arracher la moindre information viable.
-Je sais pas grand chose, en fait. Confia Luther après quelques instants passé à se refaire une contenance. Et je te prends pas pour une ennemie, figure toi. Par contre, toi qui me prends certainement pour le pire des criminels, laisse moi te donner un conseil: méfie toi de ceux qui ouvrent des portes. C’est eux, les vrais ennemis. Et ils ont aucune putain de limite. Aucune.

Bizarrement, je compris bien vite que le Khajiit ne m’en donnerait pas beaucoup plus à partir d’ici. Percius Ostorius non plus d’ailleurs, car ce dernier quitta bien vite la zone de détention du zeppelin, non sans m’avoir jeté un étrange regard.
-Essaie de te reposer. Commentai-je en direction du détenu. T’es en sécurité maintenant, d’une certaine manière.
-Ouai, on peut dire ça. Admit l’intéressé à voix basse.

Je fis quelque pas vers la sortie de la zone de détention, avant d’être soudain interrompue par un dernier appel de la part du Khajiit.
-Hé, Teleri ! Lança-t-il en s'agrippant aux barreaux de sa cage et en m’observant avec attention. Tu cherches Nilvyn, pas vrai ? Tu veux un autre conseil ?
-Oui ? Répondis-je en me retournant dans sa direction.
-T’approches pas d’Eraldil. Conclut Luther tout en me fixant avec des yeux fous. Sous aucun prétexte.

Je le dévisageai durant de longues secondes, ne sachant pas vraiment comment interpréter sa dernière confession. En fait, une part en moi préférait ne pas vraiment savoir, je crois…
Lorsque je quittai enfin la zone de détention du zeppelin, je croisai Linus, adossé à l’une des parois, occupé à aiguiser lentement sa dague, comme à son habitude.

-Je serais d’avis de lui régler son compte, à ton pote. Proposa brusquement l’assassin à mon passage. T’as eu ce que tu voulais non ? Alors problème résolu. On a plus besoin de lui.
-C’est pas à nous d’en décider. Répondis-je en m’arrêtant à sa hauteur. Il appartient aux renseignements désormais.
-Parce que tu te fies aux renseignements, toi ? Railla Linus. Allons, on sait tous les deux très bien pourquoi on a quitté cette institution, pas vrai ? T’as dû en voir au moins autant que moi.

Le Rougegarde me toisa durant quelques secondes, durant lesquelles je ne répondis rien. Ce fut lorsque je décidai de regagner mon hamac qu’il me retint soudain par l’épaule.
-Au fait, touche moi encore une seule fois… Commença-t-il en plantant son regard sombre et impassible sur moi.

Je me retournai en direction de l’ex-silencieux, et rivai mes yeux dans les siens.
-Oui ? Questionnai-je, l’invitant à continuer.

Linus lâcha un sourire carnassier, qui en disait bien plus que n’importe quel mot. Lorsqu’il tenta de me dépasser pour rejoindre sa propre banquette, ce fut à mon tour de l’arrêter net, et de le toiser attentivement. S' il voulait me mettre en colère, il y était clairement arrivé, car je sentais déjà la haine me gangrener les entrailles.
-Et toi, tu me menaces comme ça encore une seule fois, je te tue. Répondis-je tout en fixant le Rougegarde droit dans les yeux.
-Tu crois faire le poids hein ? Grinça-t-il, un sourire mauvais sur le visage. J’en ai égorgé des dizaines comme toi.
-Et moi j’en ai ruiné des milliers comme toi. Répliquai-je. Me prends pas pour une conne, silencieux. Un ordre, une petite note en bas d’une lettre, et les types comme toi, je les fais disparaître sans laisser de trace. Tu me crois pas ? Va demander à Levus Mico.

Linus me fixa durant de longues secondes, le visage toujours aussi impassible. Ou plus si impassible que ça en fait, car il était désormais parsemé de tics nerveux, traduisant sans aucun doute possible la fureur sourde qui l'assaillait désormais. Si l’on s’était retrouvés au beau milieu de nul part, sans aucun témoin, il y avait fort à parier que notre altercation aurait eu des conséquences dramatiques...
-Mes chers collègues… Commença lentement Endril en venant à notre hauteur. Non pas que je sois contre un peu de distraction, ni même contre la disparition de l’un de vous deux pour mieux le remplacer par un VRAI opérateur échelon un. Il n’empêche qu’en temps que chef de section adjoint, ça ferait vraiment tâche sur mon dossier militaire de savoir que deux soldats de ma section se sont entretués juste sous mon nez, surtout quand j’ai eu ma part de responsabilité dans leur recrutement. Vous allez donc me faire le plaisir de partir chacun de votre côté, et de retourner à vos occupations respectives.

Linus et moi continuâmes de nous dévisager, chacun refusant de plier face à l’autre.
-Maintenant. Ordonna le Dunmer.

Je regagnai mon hamac en soufflant comme un taureau prêt à charger. Décidément, ils se donnaient tous le mot pour me faire chier, et ils avaient chacun une manière bien personnelle de le faire.
-Hé Teleri ! Appela soudain Celwen depuis le fond du pont central.
-Quoi ?! Aboyai-je.

La Bosmer cligna des yeux, l’air déconcerté.
-Excuse-moi, je suis fatiguée… M’excusai-je aussitôt, un peu honteuse de mon emportement. Qu’est-ce qu’il y a ?
-L’otage s’est réveillé, viens voir ! M’invita ma collègue.

Face à elle, couché sur un petit lit de fortune, le Dunmer jusqu’alors inconscient semblait en effet avoir retrouvé une partie de ses esprits. A priori, les guérisseurs ne s’en étaient pas trop mal tiré, car en dehors d’un énorme bandage couvrant tout son flanc droit, et sa mine un peu déphasée - en même temps, ils devaient l’avoir solidement défoncé à la noctuelle pour lui faire endurer la douleur - il avait l’air d’aller bien.
-Ça va ? Vous vous sentez comment ? Questionnai-je en arrivant à sa hauteur.
-En vie. Répondit platement l’individu, âgé d’une quarantaine d’années, et dont la coiffure et les vêtements avaient probablement été signe d’un certain statut social avant d’être déchirés et couverts de sang en grande partie. En vie… Et dans les vapes, un peu…
-Ca va aller, vous vous en remettrez. Répondis-je distraitement, soudain captivée par un étrange détail sur la tenue de l’individu.

Celwen suivit aussitôt mon regard, probablement alertée par ma mine curieuse.
Elle sembla alors comprendre elle aussi.
-Dites-moi. Repris-je sur un ton que j’eus bien du mal à ne pas rendre médisant. Que fait un Hlaalu en Bordeciel ?

L’individu pouffa, visiblement amusé par ma perspicacité.
-Un Hlaalu, moi ? Railla-t-il.
-C’était une manière détournée de dire “agent administratif de la Morag Tong”. Répliquai-je.
-J’aime mieux ça. Plaisanta mon interlocuteur, avant de me tendre la main et d’enchainer: Rory Hedoren, agent administratif de la Morag Tong, comme de fait.
-Teleri Othril, opérateur du Régiment Autonome de Cavalerie. Répondis-je platement.

Celwen paraissait complètement constipée. Heureusement, le Dunmer ne s’attarda pas sur elle, et sembla plus volontiers diriger toute son attention vers moi.
-Ancienne des services de renseignements Impériaux hein ? Questionna-t-il, un sourire malicieux aux lèvres.
-A ce point là ? Soufflai-je.
-Votre coiffure atypique est forcément celle d’un soldat des forces spéciales de l’Empire, mais votre manière d’observer et de parler trahit sans détour votre ancienne fonction. Glissa Rory Hedoren.
-Ca reste moins voyant que des habits. Fis-je remarquer.
-En effet oui. Gloussa l’individu.

Celwen nous faussa discrètement compagnie, probablement dans le but d’aller prévenir Percius Ostorius de l’identité de notre nouveau compagnon. De mon côté, je continuai la conversation comme si de rien n’était, bien qu’ayant conscience de l'extrême prudence dont je devais faire preuve à partir de maintenant. Après tout, il ne fallait pas lâcher quoi que ce soit de compromettant à mon compagnon, car cela revenait à donner des informations confidentielles à l’allié terriblement préoccupant qu’était Morrowind.
Ce Rory Hedoren devait penser la même chose de moi cela dit…
-Je tiens tout de même à vous remercier pour votre intervention. Commenta le Dunmer au détour de notre discussion. Sans vous, je serais probablement mort à l’heure qu’il est, laissé dans mon sang par cet animal.
-Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette situation ? Ca me semble quand même curieux que vous vous soyez retrouvé seul face à un criminel impérial en caval, surtout à cet endroit là. Vous êtes un agent administratif de la Morag Tong après tout, et vous étiez en Bordeciel. Où est l’entourloupe ?
-Et bien il n’y en a pas, figurez-vous. Confia simplement mon interlocuteur. J’étais en déplacement avec un autre agent. Nous nous rendions dans l’un de nos sanctuaires, pour une simple visite de routine. Nous avons croisé ce sauvageon au détour d’un petit hameau isolé. Il avait l’air surpris, et si vous voulez mon avis, je pense qu’il a plus volontiers agit sous le coup de la panique que de la réflexion profonde. Toujours est-il qu’il a tué mon collègue, m’a poignardé à mon tour, et m’a entraîné avec lui.

Ce qui semblait corroborer la discussion que j’avais perçu entre Arsyn et Luther...
-Et vous étiez seuls, sans escorte ? Insistai-je, incrédule.
-C’était une simple visite de routine… Répéta Rory Hedoren. Nous ne sommes pas des combattants, et nous n’étions pas censés nous faire agresser par un détenu en cavale, surtout dans une zone sous contrôle impérial. Mais bon, vous avez raison. Je noterai pour ma prochaine visite que vos provinces ne sont plus aussi bien gardées qu’autrefois.
-Pour abriter des sanctuaires de la Morag Tong, non, ça c’est sûr… Raillai-je.
-Oh je vous en prie. Ironisa le Dunmer d’un air agacé. Je parie que vos supérieurs sont au courant, tout comme nous sommes au courant de vos avant-postes soit disant “secrets” en Morrowind. C’est une tolérance mutuelle, et c’est très bien comme ça. Il est normal de vouloir garder un oeil sur ses frontières, quitte à les dépasser un peu…

Vu comme ça…
-Enfin, une chance qu’on ait capturé le Khajiit avant les assassins de la Morag Tong. Repris-je. Je pense qu’ils auraient été beaucoup moins conciliants que nous…
-Il y avait fort peu de chances que l’un de nos assassins vienne à notre rescousse, vous savez. Confia Rory Hedoren. Je ne suis qu’un agent administratif après tout, et ils ont déjà fort à faire ailleurs. Et personne ne va chercher à me venger, ni à récupérer ce sauvageon à des fins d’interrogatoire, si c’est la question que vous vous posez. C’était un malencontreux coup du sort. Nous nous sommes tous retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment, c’est ainsi, je l’accepte et ne souhaite pas m’attarder sur cet épisode. En ce qui me concerne, je souhaite simplement retourner en Morrowind et faire enfin parvenir mon rapport à mes supérieurs.

Je restai silencieuse durant quelques instants, vexée - je devais bien l’avouer - par la manière qu’avait ce Rory Hedoren de prédire mes questions avant même qu’elles ne me viennent à l'esprit. Visiblement, j’avais encore bien des choses à apprendre sur la psychologie humaine, à commencer par la mienne…
-... Mais je vous remercie encore pour votre intervention, et louerai votre sauvetage à qui de droit, soyez-en sûr. Conclut le Dunmer avec sincérité.

Ce fut plus ou moins à ce moment-là que le conducteur du zeppelin déclara notre approche de Fort-Lancier, ce qui eut pour effet de mettre un terme à notre conversation. Ce qui m’arrangeait soit dit en passant, car j’étais face à un interlocuteur plus fourbe et plus expérimenté que moi, et je le savais.
-Je peux te parler ? Glissai-je à Percius Ostorius en revenant vers la zone de repos des opérateurs.
-Je sais, Celwen vient de me l’expliquer. Souffla le major. La Morag Tong, dans notre propre zeppelin… J’ai comme l'impression qu’on vient de se prendre une belle tuile.
-Il a dit qu’il chanterait nos louanges… Commençai-je d’une voix morne.
-Et tu y crois ?
-Non.

L’officier légat se lissa machinalement la barbe de la main droite, l’air particulièrement nerveux.
-Bon… Reste à espérer qu’il n’ait rien vu ou entendu de compromettant. Reprit-il après quelques secondes de réflexion contrariée. Il était dans les choux pendant pratiquement tout le trajet.
-Avec des amis comme Morrowind, on a plus besoin d’ennemis. Lâchai-je. On passe plus de temps à les craindre et à les surveiller que le Domaine Aldmeri.

Percius Ostorius changea brusquement de tête, et de sujet par la même occasion:
-Justement, en parlant de ça, c’est pas encore officiel mais…

Il risqua un regard en direction des autres opérateurs, ne souhaitant visiblement partager cette information qu’avec moi dans un premier temps.
-... tu devrais mettre de l’ordre dans tes affaires une fois de retour en Cyrodiil, parce qu’on risque de repartir assez vite. Enchaîna l’Impérial. Le département de la défense prépare un gros déploiement, et visiblement, on sera de la partie.
-Par “on”, tu veux dire Uriel, ou le RAC ? Questionnai-je.
-Uriel, le RAC, la SOC, le PRAX, la DRI, l’infanterie, la cavalerie, la marine… Enumera l’officier, m’arrachant un haut le coeur par la même occasion.
-Mais de quoi tu… Bégayai-je. De quel déploiement on…
-Je vous tiendrai au courant dès que j’en saurai un peu plus. Conclut Percius Ostorius.

Les vrombissements discrets du zeppelin devinrent subitement plus intenses, annonçant sans détour son ralentissement ainsi que sa descente vers Fort-Lancier. Ainsi donc, le département de la défense prévoyait une grosse opération militaire sous peu, au point de mobiliser la plupart des branches armées de la Légion Impériale.
Percius Ostorius avait raison, il faudrait probablement que je mette de l’ordre dans mes affaires une fois de retour en Cyrodiil, car j’avais désormais comme la très nette impression que ma carrière allait de nouveau prendre un sacré coup de pied au cul dans les semaines à venir...

Du coup moi je pense que Luther et arsyn et rikara se sont fait chopper par la secte d'evos.

Ça me semble logique ou la Confrérie noir.
Fin je vois pas pourquoi la Confrérie les aurait laisser en vie.
Marielle devait être avec eux aussi vu ses affinité avec arsyn.

Donc bon si on résume je pense que eraldil est affilié à la Confrérie noir.

Je pense aussi qu'elle est balaise à mort au vu des crimes commis par le passé particulièrement gore.

Je pense que la secte d'evos n'a rien à voir avec eraldil car seul des déserteur de la Confrérie, de la morag tong et des reste de l'aube mythique sont de la partie.

Eraldil à le don noir donc je pense qu'elle est Fidele à sithis. Remarque sedris l'avais aussi.

Aller je dirais que Luther et les autres se sont fais enlever par la secte d'evos. Que eraldil au même moment à lancer une attaque sur la secte et que ça a permis à Luther et à arsyn de se barrer.

Logiquement je vois pas comment il aurras pu être en contact avec eraldil autrement et pas comment il aurait pu échapper à la secte.

Rikara à du être torturer à mort ou sacrifier à merhunes Dagon.

Sinon pour teleri j'aimerais comprendre ce délire de "maîtresse" qu'elle a eu avec arsyn car ça correspond pas au perso.

Donc pourquoi a t'elle fait ça ?