Le 17 janvier 2018, Nintendo annonçait en vidéo sa “nouvelle gamme d’expériences interactives” basée sur des cartons à plier, concept hérité des Paper Model sortis en 1974. Intitulé Nintendo Labo, le projet est pensé pour utiliser les fonctionnalités de la Switch et de ses Joy-Con pour rendre “vivants” des jeux-jouets à construire. La bande-annonce, vue plus de 14 millions de fois, exposait un principe ingénieux mais également abscons pour beaucoup. Un an après le lever de rideau, il est temps de reconnaître que la société n’a étrangement pas réussi ce qu’elle sait normalement faire de mieux : parler à ceux qui ne jouent pas.
Il plie mais ne rompt pas
Malgré les incitations de la firme japonaise à plier des cartons pour mieux s’amuser avec, il apparaît au fil des mois qu’elle pense de plus en plus à les ranger. En juin 2018, Nintendo déclarait que Nintendo Labo n’avait pas encore atteint son total potentiel. La firme japonaise ajoutait, par l’intermédiaire de Shinya Takahashi (General Manager de la division Software), que les ventes se devaient d’être jugées “sur le long terme”. Une reconnaissance à demi-mot de la déception relative que semble être Labo pour un Nintendo dans l’attente de jours meilleurs pour son concept. Reggie Fils-Aimé, Président de Nintendo of America, dit vouloir atteindre les non-joueurs, exactement comme ce qui a été accompli avec Wii Fit et les programmes d’entraînements cérébraux.
Néanmoins, la comparaison avec le titre de fitness précédemment cité s’arrête ici, puisqu’il fut écoulé à plus d’un million d’exemplaires en un mois au Japon, là où Nintendo Labo a atteint ce score en trois mois, et en comptant les autres territoires. Takahashi reconnaît que les chemins pour trouver de “nouveaux joueurs” n’ont pas tous été explorés, ce qui est relativement étonnant pour un groupe qui a fait de la communication aux non-joueurs une de ses spécialités. La cible désignée par ces titres de construction n’est effectivement pas facile à définir. Après nos différents tests, il nous a semblé qu’elle était d’ordre familiale, pour des ateliers à faire à plusieurs, particulièrement quand il y a de jeunes enfants. De par son concept et ses Toy-Con à concevoir, Nintendo Labo est sûrement moins universel qu’un Wii Sport ou que n’importe quel Brain Age.
Essouflement
Shuntaro Furukawa, Président de Nintendo, prévoyait le 31 octobre dernier une accélération des ventes liée aux fêtes de fin d’année lors d’une séance de questions-réponses avec les actionnaires de son groupe. Selon lui, la gamme Labo étant assimilée à des jouets plus traditionnels, elle ferait des cadeaux idéaux pour les enfants, quand bien même elle serait vendue au rayon jeux vidéo. Furukawa expliquait également que sa firme avait d’autres idées qui n’impliquaient pas Nintendo Labo pour étendre la base d’utilisateurs de Switch. Le fait de ne pas évoquer directement l’avenir du concept est une preuve de plus, s’il en fallait, du manque de confiance plutôt visible des dirigeants quant au futur de ces constructions en carton.
Il faut reconnaître que les chiffres de ventes, sans être mauvais, ont plutôt tendance à montrer un essoufflement. Au Japon, dans la semaine de son lancement, le kit véhicules s’est vendu à seulement 11 659 copies, loin des 28 629 exemplaires du Toy-Con 01 et des 90 410 unités du kit Robot. Nintendo est peut-être tout simplement en train de faire face aux différentes limites liées au concept. Contrairement aux Meccano ou aux LEGO auxquels Labo est souvent comparé, les constructions ne sont pas faites pour être montées puis démontées. Si l’intérêt réside dans le bricolage, alors il s’amenuise forcément après les quelques heures passées à appliquer à la lettre les indications du tutoriel, l’objet étant monté et terminé. Si vous aimez construire, alors il faudra acheter un autre kit, ou créer votre propre jouet avec pas mal d’huile de coude. Du côté strictement ludique, les jeux sont des démos techniques dont l’intérêt s’effrite bien trop rapidement, comme nous l’expliquions dans nos tests.
Sans partage
Après huit mois de commercialisation, nous avons du mal à constater l’émergence d’une communauté Nintendo Labo forte. Un simple saut sur Reddit ou sur les divers forums s’intéressant au concept relatent du désintérêt rapide des enfants, que nous avons aussi constaté, autour de nous. Il y a pourtant bien une rubrique permettant la création de Toy-Con. Le problème, c’est que la firme de Kyoto n’a rien prévu pour partager les codes créés par les utilisateurs, ce qui empêche forcément la communauté d’être très active dans ses propositions et partages. Ensuite, la création de Toy-Con en carton est possible, mais elle est contraignante. Le joueur doit imaginer lui-même comment monter son jouet, créer ses languettes, ses pliages. Autant dire qu’il faut être sacrément passionné, en plus d’être ingénieux et particulièrement manuel, pour réussir à imaginer puis concevoir un Toy-Con personnel.
Nintendo reste discret quant aux développements possibles du concept Labo. Si nous nous fions aux vidéos d’annonce, il y a encore quelques objets montrés qui ne sont pas encore disponibles. En l’état, la firme de Kyoto semble plutôt envisager d’autres horizons pour étendre l’influence de sa Switch, en s’intéressant peut-être à une cible plus facilement définissable.