Un jeu agréable à prendre en main, cela peut faire toute la différence. Voilà des décennies que les game-designers peaufinent leur art et de nombreuses idées ont été théorisées puis enseignées. Aujourd’hui, rares sont les titres à fauter dans ce domaine et l’on aurait presque tendance à prendre cela pour acquis. De quoi banaliser le génie de certains titres qui, grâce à des contrôles extrêmement bien pensés, réussissent à captiver sans qu’on ne réussisse à comprendre pourquoi.
Si vous vous intéressez de près ou de loin au game-design, vous avez forcément déjà croisé le terme « 3C ». C’est une notion qui est vite enseignée lorsque l’on veut devenir créateur de jeu vidéo ; côté studio, on se penche sur la question dès les premières phases de la pré-production. Mais qu’est-ce donc ? Ces trois « C » sont en fait trois paramètres qui vont devoir être pensés bien en amont puis peaufinés tout au long du développement ; l’expression est un simple moyen mnémotechnique pour désigner les termes Camera, Controls, Character (caméra, contrôles, personnage). Il est crucial de réussir ces trois éléments pour fournir une expérience de jeu convenable. Ces trois paramètres sont interdépendants, ce qui signifie qu’une modification sur l’un d’entre eux peut avoir un impact sur les autres. C'est pour cette raison que les designers passent la plupart du temps par un long processus d’itération pour perfectionner leurs 3C, parfois jusqu’aux derniers jours du développement.
Aujourd’hui, j’aimerais toutefois insister sur leur importance puisque si ces notions peuvent paraître extrêmement simples, elles peuvent aussi être un peu abstraites pour les joueurs et les joueuses qui n’auraient jamais vraiment pensé à comment sont faits les jeux qu’ils/elles aiment tant. C’est particulièrement vrai pour les deux derniers C, Controls et Characters : un jeu dans lequel les contrôles d’un personnage sont bien pensés et amusant à utiliser, c’est un jeu qui a déjà réussi le plus compliqué. En novembre dernier, je vous parlais de l’importance du concept de fantasy, louant le Spider-Man d’Insomniac pour sa capacité à me donner la sensation d’incarner le Tisseur tel que je l’imagine. Et c’est en grande partie parce que le studio californien a admirablement réussi les 3C, et notamment la partie controls / character : Spider-Man se prend vite en main et au bout de quelques minutes du jeu, on fait des cabrioles aériennes partout à travers Manhattan, pour un plaisir sans pareil. Répétitif et pas toujours intéressant dans ses boucles de gameplay ? C’est certain, le jeu d’Insomniac est finalement très imparfait. Mais les contrôles du personnage sont tellement réussis qu’il m’a été difficile d’abandonner le jeu. Ce n’est que lorsque j’eus tout fini à 100 %, DLC compris, que j’ai finalement dit au revoir à Spider-Man. Et les ventes records du jeu en attestent, vous avez été nombreux à être séduits.
Plus récemment, j’ai eu le même cas de figure avec Assassin's Creed Odyssey. Le titre d’Ubisoft n’est finalement qu’une version revue et corrigée de son prédécesseur, Origins. Le setting est différent évidemment, mais le core gameplay reste globalement le même. Mais quel plaisir de jeu ! Le système de free-run inventé pour le premier épisode, il y a déjà onze ans, connaît ici sa meilleure mouture et s’adapte parfaitement à la géographie si particulière de la Grèce que j’ai tant aimé explorer ; les différentes capacités spéciales s’activent sans même que l’on n’y pense ou que l’on soit obligé de regarder la petite roue qui figure en bas, à gauche de l’écran. En combat, Alexios (ou Kassandra) devient vaguement plus lourd et donne des coups d’épée d’une violence qui surprend tant par le ressenti procuré par le jeu, que par les chorégraphies imaginées par les animateurs. Cela donne un sentiment de puissance très agréable, dans ce jeu où l’on grandit à l’ombre des exploits des grands héros de la mythologie grecque. Je pourrais relancer le jeu rien que pour le plaisir d'aller arpenter le Péloponnèse et croiser le fer avec quelques hoplites athéniens en maraude !
Je ne vais sans doute pas me faire beaucoup d’amis en disant cela, mais c’est pour cette raison qu’en 2018, j’ai préféré Spider-Man et Assassin’s Creed Odyssey à Red Dead Redemption II. Pourtant, objectivement, le titre de Rockstar est plus réussi sur tous les points. Enfin, tous les points… ou presque. Certes il est mieux écrit, il est techniquement plus impressionnant (artistiquement, Odyssey a de beaux arguments), il est plus riche, plus fou. Mais contrôler Arthur Morgan est un calvaire qu’il m’est impossible de m’infliger. Pas après Spider-Man , Assassin's Creed Odyssey, The Legend of Zelda : Breath of the Wild, ou Horizon : Zero Dawn. Tous ne se valent pas mais ils ont réussi à proposer des contrôles extrêmement bien fichus, à tel point qu’on peut en venir à oublier certaines lacunes, ou à les tolérer plus facilement. Les commandes d’un jeu et le contrôle qu’elles nous permettent d’exercer sur notre avatar sont notre premier lien avec lui et le monde dans lequel il évolue. C’est par elle que l’on interagit avec le titre, qu’on parvient à s’y connecter. De fait, à mes yeux, elles sont ce qu’il y a de plus important dans un jeu vidéo. Que l’on me demande, dans la même séquence, de ramasser mon "six coups" avec LB puis mon chapeau avec X n’a aucun sens : j’effectue la même action, pourquoi utiliser deux touches différentes ? Le gameplay, littéralement « comment le jeu se joue » : voilà ce qui doit prévaloir et pourquoi certains titres, certes moins ambitieux, sont plus amusants à parcourir. Entre piloter une supercar assis sur le levier de vitesse, et une petite sportive intérieur cuir hyper confortable, j’ai fait mon choix.