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Sujet : Dans les pas de Genghis Khan

News culture
La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume - la révolution simienne est en marche !
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Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
07 février 2017 à 11:47:31

Mieux vaut tard que jamais. :hap:

https://image.noelshack.com/fichiers/2017/06/1486464297-mongolie.jpg

Mardi 29 novembre

C’est raté pour ma grasse matinée. En fait, sur mon ticket de train, il est écrit que je suis parti à 10h58 hier et que je devais arriver aujourd’hui à 6h50. 10h58 heure de Moscou, mais 06h50, heure locale, ils m’auront rendu fou avec leurs horaires. Je viens de me faire réveiller, nous arrivons dans vingt minutes, mais le responsable de la chambre d’hôte ne vient me récupérer qu’à 11h50. Soit je tente de les appeler en arrivant, soit j’essaye d’y parvenir par mes propres moyens, ce qui nécessitera du wifi et une banque. Car je n’ai pas un seul tugrik en poche, je n’ai que des roubles. Enfin bref, je sens que je vais apprécier la matinée. Fais chier.

Mais quelle merde… Bon, j’ai une très mauvaise première impression de la Mongolie. Arrivé à la gare avec cinq heures d’avance, j’ai essayé d’appeler le téléphone dont je disposais, rien, on me dit que le numéro n’est pas attribué. Les mongols eux-mêmes ont essayé de le contacter, rien non plus. À la gare, ce fut assez tendu, enfin pas tendu, mais je n’ai pas aimé du tout. J’ai été littéralement assailli par les gens. Entre ceux qui voulaient m’offrir leurs excursions, ceux qui voulaient m’héberger, les taxis, et tous les autres curieux, j’étais au centre d’une foule hallucinante. Je n’ai pas du tout aimé cette impression, car ils ne souhaitaient pas m’aider, ils voulaient juste mon argent. Le point info de la gare ne m’a fourni aucune info utile, ils ne savaient même pas où était la rue de mon hébergement sur leur plan, c’est dire. J’ai réussi à retirer quelques tugriks dans un distributeur et je me suis finalement assis pour éviter toute cette agitation. Mais ils n’en avaient pas fini avec moi. L’un d’entre eux, bien décidé, m’a montré qu’il avait trouvé sur Google Maps où était ma guesthouse et, comme par hasard, il était taxi. Je l’ai suivi, il m’a déposé. Il m’a même ouvert la porte, je ne sais pas où il a trouvé le code. Sauf qu’il n’y a personne, c’est fermé. Et toujours rien au téléphone. Il est huit heures moins le quart, je suis crevé, je suis assis dans une cage d’escalier miteuse, j’ai été délesté de vingt mille tugriks par le taxi, aucune idée de combien d’euros cela représente. Enfin bref, je pense que j’ai pris la mauvaise décision, et il me faut réfléchir à la suivante. Soit je reste ici, en espérant que la personne qui s’occupe de la chambre d’hôtes se pointe, soit je retourne à la gare et j’attends là-bas. Ou sinon, je tente de trouver un autre hébergement. Mais je crois avoir fourni mes coordonnées bancaires sur le site. Changer d’hostel sans me faire couilloner va donc être difficile. Je suis très insatisfait, je pense que je ne vais pas rester sept nuits d’affilée. À voir comment est l’établissement en lui-même. Mais là, porte fermée, personne au téléphone, j’ai vu mieux. J’en sais rien, je n’ai pas internet, je n’ai presque plus de batterie, c’est la grosse merde.

Me revoici à la gare. J’ai pris un taxi. Et là je n’ai pas payé vingt mille, mais quatre mille tugriks, l’autre m’a donc bien enflé. En me référant au prix des hébergements, vingt mille tugriks doit faire quelque chose comme huit euros. Bâtard va. Je viens d’avoir un coup de fil du gars de l’hostel, enfin ! Et avec le numéro que j’avais enregistré. Alors pourquoi cela n’a t-il pas fonctionné lorsque c’est moi qui l’ai appelé ? Bonne question. Il passe me prendre, peut-être la fin des galères pour aujourd’hui. Je suis déjà délesté de vingt-quatre mille tugriks, je suis heureux…

Celui qui dirige la maison d’hôte s’appelle Erka. Il vit avec sa femme et sa fille dans un petit appartement du centre. Ce n’est pas vraiment un hostel, c’est ce qu’ils appellent une guesthouse. Ils ont aménagé leur salon en y mettant des lits superposés afin de pouvoir accueillir les touristes. Ce genre d’établissements se multiplie, il a ouvert le sien l’été dernier. Il m’a l’air très sympa, très souriant, il est aux petits soins, mais j’ai peur que ce ne soit qu’une façade afin de me proposer des excursions au meilleur prix. Je reste donc prudent, vigilant face à toutes ces bonnes attentions. Car après le coup de ce matin, je ne peux qu’accepter la réalité. Ici, je ne suis pas un être humain, je suis un porte-monnaie sur pattes. Et c’est malheureusement triste.
J’ai passé ma matinée sur Internet, cela faisait trois jours que je n’en avais pas capté la moindre onde. J’ai également feuilleté le Lonely Planet, je sais désormais ce que je veux voir à Oulan-Bator. Essentiellement des musées, quelques monastères, et un palais d’hiver qui a miraculeusement survécu aux communistes. Car la Mongolie fut longtemps sous le joug de l’URSS. Même si elle en était indépendante, elle était l’un de ses états satellites. L’architecture s’en ressent, du béton, des gros blocs et de larges avenues qui, malheureusement, ne suffisent pas à endiguer le trafic.
J’arrive sur la place centrale, auparavant nommé Sukhbaatar, elle est aujourd’hui appelée Genghis Khan. Cinq cents mètres de côté, entièrement pavée, elle accueille en son centre une statue de Sukhbaatar lui-même, à cheval, tandis qu’un Genghis bedonnant trône en haut des escaliers des bâtiments gouvernementaux. De l’autre côté, des tours perdues dans le flou de la pollution. L’air est tellement saturé en gaz et en je ne sais quoi, que les édifices situés à cinq cents mètres à peine sont dans le brouillard. Je vais faire un petit tour autour de la place, puis retour à la chambre d’hôte. L’on m’a déjà abordé en pleine rue, pour me vendre des excursions ou des dessins… Le look touriste sans doute... Je n’ai pas trop la tête à me promener, je suis bien naze, je ne tarderai donc pas trop.

Je me suis arrêté dans un magasin de souvenirs, non pas que je désirais remplir mon sac à dos de babioles mongoles, mais il me fallait un portefeuille, plus adapté à la monnaie locale. Ce matin, je suis allé à la banque avec Erka, et ai retiré un million de Tugriks, environ trois cent quatre-vingt euros, j’espère que cela me suffira pour le mois. Mais vu que les tugriks se comptent par centaines de milliers, il n’y pas de pièces, ce ne sont que des billets. Mon petit porte-monnaie équatorien ne suffit plus. Ce n’était déjà pas simple en Russie, là j’ai abandonné l’idée en voyant les liasses. J’ai déniché un truc sympa comme tout, plat, vert, en cuir, dans lequel je vais pouvoir mettre mes billets, que j’espère ne pas dilapider trop rapidement. J’ai également fait étape au musée des beaux-arts, qui comporte certaines des plus belles pièces d’art mongol. Peintures, sculptures, tissages, dessins, c’était joli à voir. Le musée porte le nom de Zanabazar. Cela ne vous dit rien, et pourtant, il est, avec le Khan Genghis et Sukhbaatar, chef de l’armée mongole lors de la guerre de 1921 avec la Chine, l’un des symboles de ce pays en quête de héros. Né en 1635, Zanabazar est vite destiné à une carrière religieuse. Le bouddhisme est déjà très répandu en Mongolie, il part faire ses études au Tibet. Il y est proclamé comme la réincarnation du leader bouddhiste mongol. Fort d’une position dominante, il s’impliquera en politique, aidant à l’alliance avec le peuple mandchou, qui mènera à la création de la séculaire dynastie Qing. Mais Zanabazar n’est pas qu’un homme religieux et politique, c’est aussi un artiste. Peintre et sculpteur, il laissera de nombreuses traces, comme le Soyombo, aujourd’hui symbole national de la Mongolie ou en réformant le système d’écriture. Le Michel-Ange des steppes aura laissé son empreinte sur le patrimoine artistique de son peuple avant de s’éteindre à Pékin en 1723.
Ma visite achevée, j’ai cherché une supérette, en vain. J’ai donc fini au marché à tenter de trouver dans l’infinité de rayonnages ce que je désirais : des pâtes, des œufs et de l’eau. Mais ce n’est pas très pratique, rien n’est accessible, je ne pouvais lire aucune étiquette. Je suis déjà de retour à la chambre d’hôte, posé tranquillement.

Alors, beaucoup de choses. J’ai profité d’un moment de détente en regardant Koh-Lanta, avant d’avoir une bonne discussion avec Erka autour du dîner. Je lui ai parlé de ce que je voulais voir, notamment dans l’est et dans le désert de Gobi. Il m’a dit que l’est était difficilement accessible à cause de la neige avant de me donner ses prix. Cinquante-cinq dollars par jour pour son salaire et sa nourriture. Autrement dit, tout ce qui est hébergement, ma propre bouffe, les entrées des parcs nationaux, des musées et l’essence, c’est pour ma pomme. Je ne peux pas payer cela, ce n’est pas la peine. Je lui ai bien fait comprendre que je n’avais pour tout mon mois que le seul million de tugriks retiré ce matin. J’ai voulu étudier les moyens d’y aller seul, il fait vraiment tout pour m’en dissuader. Difficile donc. J’ai ensuite passé au moins trois bonnes heures sur l’ordi, à relire mon Lonely Planet, à fouiller sur Internet, pour voir si je disposais d’autres options. Je pense que l’est, je peux y aller tout seul, les distances ne sont pas forcément très grandes, il y a plusieurs villages, c’est faisable. Le désert de Gobi par contre, je ne vais pas m’y aventurer, je pourrais bien aller jusqu’à la capitale locale en bus, mais après, comment faire le tour des différentes curiosités ? J’aurais donc besoin d’un tour pour le Gobi, à voir si je trouve d’autres touristes pour partager les frais. J’ai également fouillé pour dénicher un autre hostel, un vrai. Parce que là je ne suis pas à l’aise. Il fait vraiment tout pour me soutirer de l’argent. Genre, je pense que le dîner de ce soir était payant, ce n’était pas un geste de bonté. Il l’a préparé sans même me demander, alors que j’étais passé par le marché pour me faire à bouffer moi-même. J’ai voulu faire une machine à laver, c’est cinq dollars, la plus chère machine à laver de mon existence. Les lits ne sont pas super confortables, je dois l’avouer, et la douche était à peine tiède. Seuls points positifs, la location, en plein centre, et la connexion internet très performante. Je pense prétexter dans deux ou trois jours que je quitterai la capitale pour l’est, alors que je déménagerai en réalité dans un vrai hostel. Si possible, un où je peux laisser ma valise le temps que j’aille me promener, car je ne peux pas tout me trimballer. Il me faut un vrai point de chute sur Oulan-Bator, pour avoir de quoi dormir à chaque fois que je reviens sur la capitale. Et ici, ça va pas le faire, je ne ressens que des ondes négatives. Tout n’est donc qu’incertitudes, ce n’est pas gagné.
Comme si la situation IRL ne suffisait pas, les choses se gâtent également sur mon cher forum Écriture. Après une sombre histoire de tricherie sur un topic de duels nous mettant en scène, et des votes passés à la trappe, les tensions s’exacerbent chaque jour davantage. Mais il n’y a peut-être que moi qui suis en conflit avec tout le monde… Enfin bref, avec mon petit Homm, que j’ai pourtant vu l’année dernière à Lille, et avec qui je m’entendais très bien, ça ne va plus du tout. C’est également tendu avec Nono, il ne reste plus grand monde avec qui ça va encore. Le forum dépérit, nous n’avons pas de nouveaux qui restent, mais pas d’événements pour en rameuter non plus. La communauté présente ne fait que papoter sur le blabla, ne commente pas de textes, n’écrit pas pour Arrêt sur Images, j’ai d’ailleurs demandé à désépingler ce dernier. Enfin bref, ce n’est pas la grande forme sur mon fofo chéri. Donc là tout de suite, je n’ai pas trop le moral, j’espère que ça ira mieux demain.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
07 février 2017 à 12:15:51

Mercredi 30 novembre

On dit que la nuit porte conseil, mais l’on ne dit pas que lorsqu’elle le fait, elle est plutôt courte. J’ai finalement peu dormi, bien que couché relativement tôt. Je suis certes resté trainer sur le téléphone mais, dans ma tête, les possibilités d’excursions tournaient encore et encore. Ce matin, je pense m’être décidé. Je resterai jusqu’à vendredi dans cette guesthouse et je partirai. Demain, je me chercherai donc un nouvel hostel, et je lui dirai que je pars pour l’est, alors qu’en fait, j’irai loger ailleurs. Je ne suis vraiment pas à l’aise, il faut impérativement que je bouge, ce sera mieux ainsi. Malgré tout cela, j’ai une ville à visiter, enfin, surtout ses musées. La ville en elle-même ne possède pas grand-chose d’intéressant. Tout ce qui était antique ou presque a été rasé par le pouvoir communiste, sur les ordres de Moscou. Il ne reste donc malheureusement que de rares monuments anciens. Mais il y a de nombreux musées contant l’Histoire du pays, ses costumes, son folklore, je me lance ce matin plein d’entrain à l’idée de découvrir tout cela. Il fait moins froid, j’ai donc opté pour les grosses chaussures de rando, sans les chaussettes de babouchka. Les trottoirs sont, de plus, complètement dégagés, ni neige, ni glace, aucun intérêt donc de prendre les valenkis. Le ciel est bleu et sans nuages, cela s’annonce une très belle journée.

Le monastère de Choijin Lama est un survivant. Il a réussi à traverser les siècles, et à tenir tête au régime soviétique. Du coup, c’est un exemple exceptionnel de l’architecture bouddhiste qui avait cours en Mongolie. Alors qu’à Oulan-Oude, le temple que j’avais visité était moderne, celui-ci est plus ancien. Des briques, du bois, les peintures qui s’effacent, attaquées par le temps. Construit au tout début du XXème siècle, il est fermé à peine trente ans plus tard. Il aurait été démoli comme tous les autres s’il n’avait pas été transformé en musée. La démocratie et la liberté religieuse sont revenues en 1990, avec la révolution, mais le monastère n’a jamais retrouvé sa fonction originelle. C’est aujourd’hui un ensemble de petits temples où ne se déroule plus aucune cérémonie. Un ensemble de petits temples oubliés au pied des grandes tours de verre. Un ensemble de petits temples honoré par la visite de nombreux touristes, à défaut de revoir des moines. Encore une fois, les photos à l’intérieur sont interdites, bien que ce soit un musée. C’est dommage, les décors sont resplendissants, très bien conservés, et méritent le coup d’œil.

Le musée des costumes mongols est une toute petite salle adossée à un studio photo. Y sont conservés des dizaines de vêtements traditionnels, tout aussi jolis les uns que les autres. Manteaux, robes, broderies, coiffes, la variété est immense. Les couleurs sont superbes, on y retrouve même encore le héros national, Genghis Khan, entouré de soldats en armures. Derrière lui, ses femmes sont vêtues de tuniques dorées et parées de chapeaux qu’une bigouden n’envierait pas. Il est lui-même assis sur son trône, dans un costume de laine blanche, brodé de soie d’or. Son chapeau de fourrure lui tombe jusque sur les épaules. Dans une vitrine, des instruments de musiques, des bijoux, des chaussures. Dans la suivante, des jeux. Un plateau à damier couvert de figurines, qui pourrait s’apparenter aux échecs. Un jeu de cent cartes et des osselets. On y trouve ensuite du matériel pour écrire, des calames et des fragments de parchemins où figurent l’ancienne écriture mongole, de haut en bas. Enfin, dans un coin de la petite pièce, une yourte, ou ger, comme ils les appellent ici, remplie de ses meubles traditionnels. Une visite très courte, mais qui présente néanmoins des objets intéressants. Malheureusement pas de photos car, comme pour la plupart des musées, il faut payer un supplément pour les clichés. Supplément qui, ici, était trois fois plus élevé que le simple billet d’entrée. Tant pis. Je me dirige vers le square principal, où j’étais hier, afin de me trouver un petit banc au soleil pour pouvoir manger en paix.

La situation est telle que j’en souris. Pourtant, il n’y a pas de quoi en rire. La circulation à Oulan-Bator est un véritable problème. Certes, les Soviétiques ont prévu de larges avenues pour les automobiles. Mais ce n’est que depuis peu que les Mongols sont entrés dans cette ère de la voiture. Chacun veut la sienne, signe de richesse. Et les transports publics quasi inexistants ne donnent pas non plus trop le choix. Pas de métro, pas de tramway, à peine dix lignes de bus, et ces derniers sont toujours bondés. Aucune marshroutka, qui résoudraient pourtant une grande partie du problème. Forcément donc, tout le monde a sa propre bagnole, la circulation devient vite un cauchemar. J’en ai vu des peuples qui ne savaient pas conduire, mais les mongols, c’est quelque chose tout de même ! Ils ont tendance à rester au milieu des carrefours, ce qui n’arrange pas les choses, mais ils l’évitent lorsque les policiers montrent leur nez à partir de midi. Car de midi jusque tard le soir, ces derniers sont en poste afin de limiter les dégâts. Gilets fluos sur le dos, bâton en main, ils ajoutent le son strident de leurs sifflets à la cacophonie déjà ambiante. Les mongols aiment bien le klaxon. Trop. C’est comme si c‘était un véritable orchestre, qui jouait de manière désaccordée en permanence. Pour tout et pour rien : le feu qui est passé au vert depuis un dixième de seconde, ou parce que celui qui les précède ne va pas assez vite à leur goût, ou bien pour invectiver un piéton traversant sur un passage clouté. Les piétons en effet, ne sont pas les rois, c’est tout le contraire. L’un d’entre eux a failli se faire percuter par un bus il n’y a pas cinq minutes, mais il traversait n’importe où. Mais bon, mais lorsque l’on a le bonhomme vert pour nous, les voitures nous rentrent dedans. J’ai shooté dans un pare-chocs arrière ce matin, parce que ce connard a failli me buter. Enfin bref, vous l’aurez compris, circuler à Oulan-Bator n’est pas des plus reposant, c’est même pire que Paris. Tous ces embouteillages engendrent forcément une pollution qui, en hiver, faute de vent, est asphyxiante. Je ne la ressens pas trop pour le moment, à voir ce que ça donnera dans les prochains jours.

J’ai longuement hésité avant de rentrer dans ce musée, mais je ne suis finalement pas déçu. L’art moderne mongol n’a rien à voir avec son cousin européen. Certes, il y a bien quelques torchons issus du cerveau de dégénérés, mais pas plus d’une dizaine. L’art moderne mongol, ce sont des sculptures sur bois, sur ivoire, des porcelaines, mais surtout des peintures. Elles reflètent toutes ce qui fait ici la fierté du pays, le mode de vie traditionnel. Pas de ville, aucune modernité dans ces toiles, rien de cela. On y trouve des montagnes, des rivières, quelques yourtes plantées dans la steppe, des chameaux paissant dans une prairie, des femmes occupées à la traite des brebis et des chevaux. Sans oublier le Naadam, festival annuel mongol coïncidant avec la fête nationale. Début juillet, courses de chevaux, tirs à l’arc et lutte animent l’ensemble de la Mongolie. Toutes ces toiles sont très belles, et n’ont rien à envier à nos impressionnistes du XIXème siècle. À défaut de vivre la vie nomade, j’aurais au moins pu la voir en peinture, m’en faire une idée un peu plus précise. Je tombe de sommeil, je pense que c’était ma dernière étape pour aujourd’hui.

Mon après-midi fut complètement improductif. Je n’ai fait que glander, somnoler, vraiment rien d’utile. Je ne suis pas bien dans cette maison, dans cette ville. Les klaxons qui résonnent sans cesse, les sifflets des policiers, c’est trop. J’ai besoin de sortir de là, mais je dois avant me trouver une autre base pour mes expéditions, car je ne me vois vraiment pas revenir ici à chaque fois. Avec tout cela en tête, je n’ai pas réussi à me lancer dans un travail sérieux, et pourtant, Dieu sait qu’il y en a à faire. Entre les photos d’Oulan-Bator et le carnet, encore et toujours, ou bien envoyer quelques nouvelles à Conny, ma prof de russe, j’ai de quoi faire. Je me suis visionné l’épisode de Rendez-vous en Terre Inconnue passé hier, qui se déroulait, pure coïncidence, en Mongolie, dans l’ouest du pays, au cœur des montagnes de l’Altaï, là où je n’irai pas. Ce fut une très bonne émission, j’ai eu l’impression de saisir un peu plus de cette vie nomade que je ne verrai pas, où tout du moins qui ne sera pas authentique. Le récit qu’ils en font est si beau, si intense, j’aimerai bien pouvoir vous conter la même chose durant ce mois. Mais cela est-il seulement possible ? J’ai fait part à Erka de mon intention de partir ce vendredi matin pour l’est. Il a sauté sur l’occasion pour vouloir m’aider. En effet, comme par hasard, il est natif de la région. Il a de la famille là-bas, avec qui il voudrait me mettre en contact. Ils pourraient m’héberger, moyennant finance évidemment. Il m’a même parlé de voiture que je pourrais louer etc, mais je n’ai pas les sous. Je me démerderai avec les moyens du bord, entre bus publics, minibus privés ou bien même les bus postaux. Je n’appréhende plus vraiment de me lancer sur les routes, dans l’inconnu, j’en ai même envie. Alors oui ça fait peur de me dire que je vais partir avec mon sac à dos, une carte et trois mots de mongols griffonnés sur un papier, mais j’ai envie de dire : pourquoi pas ? C’est ça aussi l’aventure ! Et si j’y arrive dans l’est, cela pourrait me donner quelques autres idées pour le reste de mon mois. Il me va falloir la jouer finaude avec Erka, car je suis censé disparaitre. Je ne peux refuser de profiter de ses relations dans l’est, c’est toujours bien d’avoir un contact dans une ville, plutôt que de débarquer et devoir trouver où dormir. Mais je ne veux pas revenir ici lorsque je serai dans la capitale. Je suis vraiment mal à l’aise, j’ai réellement l’impression d’être une pompe à fric. Sa femme m’a fait un souper, autour de seize heures et, après avoir refusé, elle m’a affirmé que c’était un bonus, et que cela ne coûtait rien. Enfin bref, c’était délicieux, j’espère que je ne vais pas le payer plus tard.
Demain, plein de trucs à faire donc. Trouver un vrai hostel. Dénicher une microcarte SD pour le téléphone, parce que ça urge vraiment, il n’y a plus un mégaoctet de place. Et, entre autres choses, préparer mon petit dico, tout comme prendre plus de notes sur ce que dit le Lonely Planet, car je ne compte pas emmener l’ordi avec moi dans l’est. Je vais tenter de dormir plus tôt que hier soir, ce ne sera pas une mauvaise chose.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
07 février 2017 à 12:16:10

Jeudi 1er décembre

C’est quand même dingue ça ! Tu attends cinq minutes que ce soit vert avant de traverser, et manque néanmoins de te faire buter. L’autre il m’est passé à dix centimètres, j’ai donné un gros coup de poing dans sa vitre, il est sorti direct de sa caisse en mode « Ouais genre qu’est-ce que tu veux ? C’est quoi ton problème ? » Je lui ai dit en anglais que c’était vert pour les piétons, avant de me barrer, je l’ai laissé gueuler tout seul. C’est vraiment des gros abrutis. Genre il passe au rouge et s’attend à avoir raison, un truc de fous. J’ai trouvé une microcarte SD, environ sept euros. J’ai également pu imprimer le lexique mongol du Lonely Planet, qui me sera je pense fort utile. Je suis passé à l’hostel repéré dans mon guide et sur Hostelworld, mais j’ai trouvé porte close. Je retenterai plus tard, il me faudra sinon en chercher un autre. Je dors super mal là où je suis, faut vraiment que je bouge.
Je remonte désormais l’avenue qui mène au monastère de Gandan. Bâti en 1838, il est également un miraculé des purges soviétiques. Lorsque le vice-président américain, lors de sa visite en 1944, demanda à visiter un temple, on fit rouvrir celui-ci en vitesse. Il est longtemps resté un lieu d’exposition pour les touristes, et ne retrouvera sa fonction religieuse qu’à la révolution.
Les bâtiments se détachent au loin, certains immenses, d’autres plus petits et colorés, sur le ciel bleu et pollué.
Le temple principal a l’air ancien. Des stalactites glacées tombent de ses toits recourbées, briques blanches pour les étages inférieurs, du bois pour les étages supérieurs. À l’intérieur, ce n’est pas la même disposition que dans les temples déjà vus à Oulan-Oude. Ici, au centre d’un carré, un immense Bouddha debout. De plus de vingt mètres de haut, il est entièrement doré. Éclairé par de rares fenêtres, il resplendit dans le soleil, tandis que le reste est dans la pénombre. Tout autour, des centaines de moulins, que les croyants font tourner afin que leurs prières soient récitées. En face de ces moulins, des vitrines renfermant des milliers de statuettes du Bouddha de la longévité, Ayush. Ici ou là, un billet a été glissé devant, offrande destinée au Dieu. Dans ce temple, j’ai pu faire des photos, moyennant finance évidemment. J’ai pu prendre des clichés, c’est déjà cela.
Tout autour s’étalent une vingtaine d’édifices plus petits, tous la porte orientée au sud. Ici et là, des moines en toge rouge se promènent, côtoyant les mongols en habits traditionnels. Grand manteau de couleur pour les hommes comme pour les femmes, couvre-chefs bas, en fourrure ou non, et une large ceinture pour ces messieurs.
Je redescends dans la folie de la capitale, en passant par un quartier qui m’a tout l’air d’être défavorisé, comme on dit. Ici, la pente de la colline, si ce n’est la proximité du sanctuaire religieux, n’a pas permis de construire de hautes tours de béton comme partout ailleurs. Ici, ce sont de petites maisons de bois, cachées derrière des palissades minables. Quelques magasins ont les portes entrouvertes, une photo de fruits et légumes sur la façade. Quelques yourtes également, sans doute des nomades venus s’installer à Oulan-Bator après l’extinction de leur troupeau ou à la recherche de meilleurs conditions de vie. Je ne suis pas certain qu’ils les aient trouvées, mais c’est ainsi que fonctionne la Mongolie aujourd’hui. Sur les trois millions d’habitants que compte le pays, la moitié vit dans la capitale. La population se sédentarise de plus en plus, provoquant malheureusement la perte d’un mode de vie millénaire. Il est un peu plus de treize heures, je vais rentrer à la guesthouse me faire à manger et chercher d’autres adresses d’hostels, je ressortirai un peu plus tard.

Tout ce micmac me fait penser à un film avec Louis de Funès, genre Oscar, ou La grande vadrouille, ou tout n’est que compliqués quiproquos contraignants. Car c’est un peu le cas. Après ma brève promenade au temple, j’étais de retour à la maison. J’avais reçu un mail de Lucie. Avec Johann, ils sont arrivés sans problèmes à Oulan-Bator. Je lui ai exposé mon problème d’hostel, elle m’a dit que le sien avait l’air pas trop mal, et que c’était un vrai, avec des gens dedans. Je me suis donc déplacé, il n’y avait là qu’un réceptionniste qui ne pigeait pas un mot d’anglais. J’ai eu la manager au téléphone et lui ait expliqué mon problème, elle m’a dit de lui envoyer un mail.
Retour dans ma maison d’hôte, j’attends encore sa réponse. Pendant ce temps-là, je prépare au mieux mon faux voyage, vu que je suis censé partir demain. Erka propose de me déposer à la gare routière vers 10h30, lorsqu’il amènera sa fille à l’école. Problème supplémentaire, la gare routière est en dehors de la ville. La gérante de l’hostel de Lucie et Johann ne répond pas. Je ne fais rien d’utile, je stresse, j’ai certes fini par mettre les photos de ces derniers jours sur Facebook, mais c’est bien tout ce que j’ai pu faire d’utile. Et les fichiers sur le dictaphone s’accumulent. Toute cette histoire me ronge, je n’aime pas mentir, mais je ne peux pas lui dire « Désolé, je me sens mal à l’aise chez toi, le lit est dur, la douche est froide, je ne veux pas rester là. » La fille ne répondant toujours pas, j’ai perdu patience et ait réservé dans l’hostel où j’ai trouvé porte close ce matin. Ils reçoivent normalement automatiquement un email, j’espère qu’il y aurait quelqu’un demain. Sans quoi je serai dans le caca. Concernant Erka, je lui ai dit préférer partir très tôt, vers huit heures, afin de profiter de la journée. Gros mensonge, encore. Je tente d’esquiver toutes ses offres. Il a voulu que je garde la clé, il veut me donner une de ses cartes sim mongoles, plus pratique pour le contacter en cas de pépin. Il m’a proposé de laisser des affaires ici, enfin bref, j’ai surtout argué que je préférais partir à l’aventure. On ne sait jamais ce que nous réserve la route, je prends donc tout et ne garde rien, qui sait si je reviendrai un jour à Oulan-Bator... Affabulations.
Finalement, la gérante de Lucie a répondu. J’ai été fort surpris, elle a prétexté que les cinq ans de l’hostel approchaient, et qu’ils allaient devoir fermer. Je pense que c’est une excuse bidon, car elle n’a pas aimé mon idée de changer d’établissement, apparemment ici, on ne se pique pas les clients. Bref, j’ai une réservation demain au Golden Gobi, j’espère pouvoir y trouver quelqu’un à mon arrivée. J’espère surtout qu’ils ne seront pas aussi chiants qu’ici, et pouvoir y trouver des ondes plus positives. J’espère également que Erka ne me fera pas de misères demain matin, et me laissera partir en paix. Bonsoir.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
07 février 2017 à 12:26:13

Vendredi 2 décembre

Enfin ! Je n’ai pas beaucoup dormi avec le stress, mais j’ai fini par bouger. Au petit-déjeuner, le malaise était présent. J’avais tenté de l’esquiver en grignotant dans la chambre, mais il a tenu à se lever et à me faire son œuf brouillé sur une tartine de pain. J’ai tenté de jouer celui qui est excité de partir à l’aventure, mais ce n’était pas facile. Je ne suis pas forcément très bon comédien, surtout lorsqu’il s’agit de mentir. Du coup, j’ai réussi à le quitter en lui laissant les clefs, sa carte sim, je n’ai plus rien qui me rattache à lui. Bon, il a bien mon numéro de téléphone, mais s’il appelle, je l’ignorerai, et ne répondrai pas.
Pas de porte close à l’hostel, c’est une véritable auberge de jeunesse, avec de vrais dortoirs, de vrais touristes, des matelas un peu mieux que là où j’étais. Je suis soulagé, mais tellement ! C’est un gros poids en moins. Bon, j’ai deux jours avant de partir dimanche matin pour l’est. Je vais tenter de me préparer au mieux, de bosser à fond sur le carnet de route, et de décompresser après ces trois premiers jours qui ne m’ont pas donné la meilleure impression de la Mongolie.

Alors que je glande depuis ce matin, entre jeux et applis de rencontre, un petit tour au dehors m’aura remis les idées en place. J’ai pris mon carnet de route papier, ainsi que l’appareil photo, sur lequel figuraient les clichés de ma page Word. J’ai écrit un petit peu et, en voyant où j’en étais, je me suis dit qu’il fallait que je donne un vrai coup de collier. Forcément, c’est plus facile à dire qu’à faire, j’ai trois mois de retard dans l’écriture manuelle, et un peu plus d’une semaine pour le clavier. Je veux profiter de ces deux jours dont je dispose pour avancer au maximum. J’aurai d’autres moments libres en Mongolie, je doute de pouvoir effacer tout ce retard, mais je peux peut-être en effacer une partie. Si j’arrive à trouver une nouvelle motivation…

Je suis tombé sur ma motivation au supermarché. Je n’y étais entré que pour trouver de quoi accompagner mes pâtes de ce soir, au final j’en suis ressorti avec du chocolat, des bonbons, des cookies et du pâté. De quoi me récompenser si j’avance bien.
Il y a trois prix d’affichés au supermarché. Je ne sais pas trop lequel est le bon, lequel correspond, il faudrait que je me renseigne. Me promener entre les rayons fut une véritable gymnastique linguistique, je ne m’attendais pas à cela. Les barres de chocolat sont importées d’Allemagne, certains des bonbons aussi, quand ils ne viennent pas de la péninsule italienne. Au niveau des conserves, l’on retrouve du chou polonais, du pâté français et du corned beef anglais. Pâtes instantanées coréennes, laitages russes, fruits et légumes chinois, ils semblent importer beaucoup de denrées d’un peu partout. Au final, les rayonnages sont assez internationaux, je ne vais pas mourir de faim en Mongolie. En campagne évidemment, ils mangent beaucoup de viande, mais ici en ville, je vais me préparer mes petits plats. Me voici rentré à l’hostel, bien décidé à avancer.

J’ai dévoré mes motivations, c’est le cas de le dire. Pas tout hein, mais une bonne partie, en ne faisant rien de mon après-midi. Si ce n’est jouer à PlantVSZombie, chose ô combien inutile si ce n’est me divertir, mais j’en avais peut-être besoin aussi… Ce n’est que tardivement que je me suis mis à feuilleter mon guide du Lonely Planet et demander des infos au personnel du Golden Gobi, pour préparer davantage mon expédition dans l’est. Expédition qui se trouve compromise, parce qu’il aurait fallu que je m’enregistre au bureau de l’immigration et des frontières. Demain c’est fermé, je ne peux pas partir dimanche. Je tente donc de planifier au mieux mes possibilités d’excursions. J’ai ce voyage de sept jours dans l’est, avec enregistrement, j’ai également un petit détour de quatre jours dans l’ancienne capitale de Kharkhorin. J’aimerais bien aller au Gobi, mais avec un tour. De plus, pour faire la procuration à l’ambassade, le gars veut absolument un rendez-vous. Ce qui, forcément, ne m’arrange pas. Devoir caser une entrevue dans ce planning, c’est pas simple. Il y a un suisse qui partage ma chambre et qui va faire un peu de volontariat dans un petit village, à enseigner l’anglais. C’est l’hostel qui lui organise ça, pourquoi ne m’en ont t’ils pas parlé ? Je ne dirais pas non, je vais me renseigner demain, voir si c’est possible. Bref, ma tête est un vrai bazar, mon calendrier griffonné sur papier un vrai merdier, et je suis toujours coincé dans la capitale. Je devrais voir Lucie et Johann demain, pour faire un tour en ville, discuter et s’échanger nos plans, etc… À voir ce que ça donne. Je vais essayer de passer le reste de ma soirée, bien qu’il soit déjà tard, utilement.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
07 février 2017 à 12:31:27

Samedi 3 décembre

Colline de Zaisan, le soleil est à son zénith. Cette excroissance rocheuse, située au sud du centre-ville, est encerclée par d’autres monts couverts de neige. À l’assaut de ces derniers, du béton, des étages, des tours, des barres, qui occupent peu à peu le terrain. Au sommet de la colline de Zaisan s’élève un monument typiquement soviétique dédié aux soldats tombés contre la Chine lors de l’indépendance de la Mongolie ou contre les nazis. En face de nous, Oulan-Bator, ou plutôt ce que l’on peut en distinguer. Je dirais qu’on ne voit pas à plus de deux kilomètres, le reste est dans un épais brouillard de pollution, assez impressionnant. Même la très haute tour située près de la place centrale ne dépasse pas de la grisaille. L’urbanisation galopante et la position encaissée de la capitale ne facilitent pas les choses. L’on construit encore et toujours plus, sans développer les transports en commun à côté. Et en période hivernale, les gens brûlent tout ce qu’ils trouvent afin de produire de la chaleur, épaississant davantage les nuages de particules.
Juste à nos pieds, un immense bouddha doré trône au cœur d’un jardin, je pense que ce sera notre prochaine étape.

Je visite ce palais tel James Bond. Il est interdit de faire des photos, à moins de s’être procuré le ticket le permettant. Ticket qui ici, atteint des sommets. J’ai payé mon entrée 3000 tugriks, tarif étudiant. Pour un adulte, c’est 8000. Pour pouvoir prendre des photos, c’était 50 000 tugriks, vingt euros. Ils croient vraiment que des touristes vont payer ce prix-là pour des clichés ? Certes, le palais est joli, ancien, tout en bois, mais bon, on ne va pas dépenser vingt euros juste pour des photos ! Ça représente deux jours de logement, transport et nourriture ici… Enfin bref, je ne comprends pas ce culte de payer pour utiliser la caméra. Il y avait la même chose en Russie, mais pour des moindres coûts, un euro de plus et c’était bon. Mais là, vingt euros putain ! C’est dix-sept fois plus que mon ticket !! Rendez vous compte ! Je suis donc en mode espion, l’appareil photo caché dans la manche, à prendre des clichés sous tous les angles, sans me faire voir par les caméras de vidéosurveillance. Je ne me suis pas fait prendre, mais au final, pas une seule photo n’est bonne, malheureusement. La visite était néanmoins sympa, un ensemble de plusieurs bâtisses remontant à la fin du XIXème siècle, qui a échappé aux purges staliniennes. Le complexe fut la résidence d’hiver du huitième Bouddha vivant et dernier roi mongol, le Bogd Khan. Du bois peint, des statues flamboyantes, des plafonds travaillés, des couleurs effacées qui ne figureront sur aucun cliché.

Voilà, il est presque onze heures, je vais aller me coucher après une fin de journée inutile. De retour en centre-ville, nous nous sommes séparés avec Lucie et Johann, avec la promesse de nous renseigner pour le Gobi. Ils achèveront le processus de visa pour la Chine, finalement possible, ce lundi, et seront donc libres dès mardi. De mon côté, une fois rentré à l’hostel, je n’ai pas trouvé le courage de faire quoi que ce soit. J’ai ouvert ma page Word au moins cinq fois, et pourtant je n’ai pas tapé un seul mot. Je pense être arrivé à un point de non-retour, que ce n’est plus possible de rattraper tout cela, que je ferai ça une fois rentré en France, et que je vais y passer des mois entiers. Je suis vraiment désespéré, je n’ai plus la foi. Et pis ce jeu de PlantVSZombie est trop addictif. J’ai regardé mon épisode de Koh-Lanta, sans le conseil de fin, Internet ayant décidé de ne plus fonctionner. Je verrai le dénouement demain matin. J’ai préparé mon sac, car je pars à l’aube pour l’est. Je n’irai pas jusqu’à Dadal, à la frontière, faute de m’être enregistré, mais je vais tenter de voir le parc national tout proche, la grande statue de Genghis Khan, ainsi que le lac où il fut couronné. Trois étapes donc, je me planifie trois jours. Je vais y aller en car public et en stop. Ce soir, une des filles de l’hostel, celle qui parle le mieux anglais, et la moins aimable du lot, a encore insisté sur le fait qu’il n’y aurait personne pour m’emmener, qu’il y aurait trop de neige, que je ne trouverai pas d’hébergement, blablabla… Je lui ai néanmoins demandé si elle connaissait du monde où je pourrais dormir, dans le parc notamment. Elle connait bien une guesthouse, mais c’est encore à 25000 tugriks la nuit, trop cher. Les touristes doivent être rares, les familles aussi, je me débrouillerai une fois sur place. Sinon, eh bien je creuserai un abri dans la neige et dormirai là, voilà. Ça pourrait être une expérience intéressante n’empêche… Je pars avec juste mon petit sac à bandoulière, archi plein, avec un rechange, du pain et des boîtes de pâté, une bouteille d’eau et des cartes. Et j’ai à côté le sac de couchage. Je n’avais pas envie de prendre le sac à dos pour si peu, et où aurais-je donc mis tout ce qu’il y a dedans ? Il va donc rester là, avec la valise, contre rémunération. Car oui, ça coûte de l’argent de garder des bagages… Enfin bref, je suis complètement dégouté de ce pays et de sa population. Tout est fait pour nous soutirer le moindre billet, j’ai horreur de ça et j’ai hâte de bouger. Bon, il me reste quatre semaines à tirer tout de même. Enfin bref, c’est comme ça, je vais me conformer au mieux à mon million de tugriks pour le mois et c’est tout. Quand y’en aura plus, y’en aura plus.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:11:59

Dimanche 4 décembre

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Me voici dans un car en direction de Baganuur, plein est. J’ai eu de la chance, je suis arrivé à la gare routière dix minutes avant qu’il ne parte. J’ai payé six mille cent tugriks, autrement dit 2.50 euros, presque rien. La communication avec les mongols ne va pas être des plus faciles. Déjà, pour venir jusqu’ici, ce ne fut pas simple. Je suis monté dans un premier bus, j’ai demandé au chauffeur s’il allait bien à la gare routière, en lui donnant le nom. Il me dit oui, je monte. Je demande à la mamie derrière moi, grâce à mon lexique du Lonely Planet, si elle peut m’avertir lorsqu’il faut descendre. S’en suit une grande conversation avec l’ensemble des passagers, j’étais le centre d’attraction principal, le bus n’allait apparemment pas vers ma destination. Je suis descendu avec avec la grand-mère, et elle m’a fait monter dans le bus correct, en disant au chauffeur de m’avertir quand descendre. Pas simple, mais j’y suis néanmoins parvenu, c’est déjà ça. J’ai finalement changé mes plans. Alors que je pensais commencer par le parc national, je vais faire l’inverse. J’ai pris le car jusqu’au plus loin, et je reviendrai sur la capitale en faisant des étapes. Je pense qu’il me sera en effet plus facile d’arrêter des voitures revenant vers Oulan-Bator qu’en sortant de la mégalopole. Si jamais j’arrive à arrêter les voitures… Pour aujourd’hui mon plan est plus qu’incertain, je ne devrais pas arriver sur Baganuur avant treize heures, il sera du coup peut-être trop tard pour pousser jusqu’au lac. Je n’en sais rien. Il me faudra tout d’abord trouver une guesthouse ou un endroit où dormir au village, et demander plus d’informations à cet endroit-là. Bref, ça ne s’annonce pas facile du tout, mais j’aime le challenge. Je suis partagé entre excitation et angoisse. Excitation d’enfin quitter la capitale, de partir sur les routes, à l’aventure, à la one again, et l’angoisse de ne pas trouver où dormir, de rester perdu en pleine campagne. Je ne pars que pour trois jours, peut-être moins s’il y a un souci. À voir comment cela se déroule, j’espère revenir vivant.

Au-dehors, le paysage n’évolue guère. Nous traversons toujours une plaine coincée entre les montagnes. Celles-ci se dressent de chaque côté du ruban d’asphalte qui file en ligne droite. Couvertes de neige, je peux les apercevoir à travers les minuscules figures glacées qui se forme sur la vitre. L’intérieur du car est entièrement décoré de violet, c’est très kitch, avec des demi-rideaux à pompons qui pendent du plafond. De la musique mongole est diffusée, j’aime beaucoup, c’est très reposant, je m’endors presque. L’écran à l’avant montre les clips tournés dans des paysages extérieurs et en costume traditionnel. J’ai tenté de communiquer avec mes voisines, notamment pour savoir s’il y avait de quoi dormir à Baganuur. Elles m’ont confirmé qu’il y avait un hôtel, à voir combien vaut la nuit. Pour ce qui est du lac de Khukh Nuur, je verrai avec le personnel de l’établissement si c’est loin ou pas, elles n’ont pas pu me répondre. Je me suis fixé comme limite de prix trente mille tugriks, environ douze euros. Si c’est plus cher, je verrai si je peux négocier ou s’il existe d’autres options dans le bled, ce qui m’étonnerait fortement vu la taille sur la carte.

Je me suis trouvé un hôtel, c’est apparemment le seul. Trente mille la nuit, la limite que je m’étais fixée. Le matelas semble conformable, mais c’est un très vieux bâtiment miteux. Les gérantes parlent russe. Je n’ai jamais été aussi heureux de parler la langue de Pouchkine ! Je leur ai expliqué mon projet d’aller au Khukh Nuur, ce ne sera pas pour aujourd’hui, j’ai peur de ne pas pouvoir revenir à temps. Je vais donc passer mon après-midi comme je le peux, en espérant ne pas trop me faire chier, et je partirai demain matin à la première heure pour le lac. Elles veulent m’appeler un chauffeur, que je discute avec lui et que je vois combien ça coûte. Mais bon, j’ai déjà dans l’idée que ce sera hors de prix. C’est très retiré, y’a vraiment pas grand-chose, très peu de voitures, pas de bus, donc j’ai peur que ce soit ma seule option. Combien suis-je prêt à payer pour voir le lieu où Temüdjin a été couronné ? Pas plus de vingt euros. Pour le reste, la statue, le parc national, je pourrai tout faire en stop.
Pour le moment, je fais un petit tour en ville, je me promène, c’est très soviétique, des barres, des grandes avenues et c’est à peu près tout, un bled paumé quoi… Il fait plus froid qu’à Oulan-Bator, en tout cas il y a plus de vent. J’ai bien fait de m’équiper en conséquence.

C’est une vaste plaine qui s’étend devant moi. La couche de neige est peu épaisse, laissant quelques herbes défraichies émerger au dehors. La poudreuse n’est pas lisse, elle a été piétinée par de nombreux animaux. Il y a des bovins par là-bas, peut-être eux. On y voit également quelques traces de roues, des voitures ou motos qui se sont aventurées là. Rien ne coupe le regard, si ce n’est cette ligne de poteaux électriques filant droit vers le nord. Derrière, sur l’horizon, l’ombre du soleil joue dans les basses collines. Ça fait du bien d’écouter le silence… ou presque, les meutes de chien de la ville derrière moi ne cessent d’aboyer. Ça fait du bien de respirer de l’air pur, après Oulan-Bator, je vous jure, c’est si bon ! Pas de polluants, pas de puanteur, c’est de l’air vrai. Le ciel lui, est fidèle à sa réputation, bleu et sans nuages, la Mongolie est en effet appelée le pays du le ciel bleu. J’y étais venu chercher des traditions, de l’authenticité, des populations isolées. À la place, je n’y ai trouvé qu’un immense business avec des familles supposément retirées et suivant le mode de vie traditionnel, mais qui, je pense, n’ont de traditionnel que le nom. Vivre dans une yourte deux mois l’été et accueillir les touristes ne fait pas de vous un nomade. Je suis extrêmement déçu de ce pays, mes attentes étaient peut-être trop élevées. Il me faudra les redéfinir, mais qu’est-ce qui m’intéresse en fait ? Des paysages grandioses, j’en ai déjà vu partout, en Russie, en Irlande, en Amérique latine, je ne me vois donc pas payer des centaines d’euros pour aller voir des dunes de sable ou bien un désert oublié. Ce n’est pas cela que je cherche quand je voyage. Je ne renie pas les jolis panoramas, mais je cherche avant tout la culture, l’histoire, les peuples, rencontrer les gens, c’est ça qui m’intéresse dans le voyage. Alors ai-je vraiment envie d’aller au Gobi ? Je ne sais pas. Je passerai finalement peut-être plus de temps à faire du volontariat à l’école, si cela se concrétise évidemment. Je ne suis vraiment pas à l’aise dans ce pays. Je pensais que ce serait chez moi en fait. Vu que je me qualifie comme semi-nomade, je m’imaginais que le pays des nomades pourrait être mien. Et bien c’est loin d’être le cas. Alors que je disais en arrivant qu’il me faudra revenir, à présent j’en doute. Et pourtant cela ne fait pas une semaine que j’ai débarqué, c’est dire combien l’expérience fut désagréable. Je regarde ces collines sur l’horizon, ce ciel bleu, cette plaine blanche, et je reste interrogatif. Que suis-je finalement venu chercher ici ?

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:13:38

Lundi 5 décembre

J’ai passé mon après-midi d’hier à regarder des films, heureusement qu’il y avait internet à l’hôtel. Le chauffeur que la gérante voulait absolument me faire rencontrer est passé, c’était un vieillard croulant, d’au moins soixante balais, et après une brève discussion, je leur ai donné mon prix, quarante mille tugriks. Il a ri en disant que ça ne couvrait que les frais d’essence. Désolé, mais j’ai pas plus, j’avais pourtant bien expliqué à la gérante que je n’avais pas grand-chose comme sous... Pas de chauffeur pour le Khukh Nuur donc. J’ai décidé de ne pas y aller, c’est à une centaine de bornes, accessible uniquement par des pistes de terre. Durant l’été, j’aurais pu trouver des voitures circulant dans cette direction, mais là, en hiver, il ne va y avoir personne, ça va être mort. Du coup, je vais repartir vers Oulan-Bator, en stop. Je suis juste à côté de la route principale qui vient de l’est, l’endroit pour se placer est donc déjà choisi. Je m’arrêterai à la grande statue de Genghis Khan, et espère ce soir atteindre le parc national de Gorki-Terelj, où il me faudra trouver de quoi dormir.
Je ne suis plus si sûr d’avoir envie d’aller au Gobi. Forcément, ça peut être une expérience super, je peux vivre de magnifiques moments, mais suis-je prêt à payer autant pour cela ? Je ne pense pas. Que vais-je donc faire le reste de cette semaine ? Partir plus tôt faire du volontariat avec les enfants ? Rester à l’hostel et me motiver pour travailler enfin sur ce carnet de route ? Je ne sais pas encore. Mais ça me fait chier.

On l’aperçoit à des kilomètres. Juché sur une immense colline, Genghis Khan contemple le soleil levant. Assis sur son destrier, il est majestueux. La couleur aluminium renvoie les rayons du soleil, ajoutant à l’effet spectaculaire. Mon premier stop vient de me déposer, ce n’était finalement pas trop mal. J’ai attendu une minute à peine, et je n’ai au final rien payé, j’ai proposé, ils n’ont pas voulu. C’était un peu long, parce qu’aucun d’entre eux ne parlait anglais, la conversation n’a pas été bien loin. Je suis ravi qu’ils aient refusé l’argent, cela montre qu’ils ne sont pas tous forcément intéressés par mon fric. Sous les sabots du cheval de Genghis Khan, un musée, que je vais aller visiter.

Avant Genghis, il n’y avait rien. Les différents peuples mongols n’avaient de cesse de se faire la guerre. À la fin du XIIème siècle, Temüdjin, sacré khan par sa tribu, unifiera ses voisins les uns après les autres, créant un véritable Empire Mongol. Dès 1205, il attaque les royaumes voisins, qui tombent les uns après les autres, quand ils ne se rallient pas d’eux même. Kirghizs, Tatars et Ouïghours ne sont que des hors d’œuvre pour le Khan, il vise plus grand. Pékin, capitale de la dynastie Jin, est pillée en 1215, mais ce n’est qu’en 1234 que l’Empire Chinois s’effondrera définitivement. Genghis regarde également vers l’ouest, et attaque l’empire turc du Khwarezm, là où se trouve l’actuel Ouzbékistan, en 1219. Il s’aventurera jusqu’aux frontières de l’Inde, et certains de ses hommes pousseront jusqu’en Russie. Le grand Khan meurt sur le champ de bataille en 1227, léguant à ses descendants un Empire s’étendant de la mer Caspienne à la mer de Chine.
Le troisième fils de Genghis, Ögödei, a également laissé sa marque dans l’Histoire. Entre 1236 et 1242, il s’étend jusqu’en Europe, pillant et massacrant de la mer du Nord à l’Adriatique. L’Empereur s’éteint en 1242, forçant le retrait des troupes mongoles. Sans cela, qui sait si l’Europe occidentale aurait survécu ? Les raids ne s’arrêtent pas pour autant les années suivantes, l’empereur byzantin mariera même deux de ses filles à des khans afin de s’attirer les bonnes grâces des hordes.
Möngke, couronné en 1251, repoussera ses frontières jusqu’au Sichuan et au Tibet, et mettra à bas le califat abbasside multiséculaire des Türks seljoukides, ajoutant l’Iran, l’Irak et la Syrie à ses territoires. Malgré un découpage en provinces et un système féodal élaboré, l’Empire est ingouvernable. Il est divisé en quatre khanats, le Djaghataï au centre, l’Ilkhan au sud-ouest, la Horde d'or au nord-ouest et la Chine à l’est. Le Khan chinois reste, du moins que le papier, suzerain.
À la mort de Möngke en 1259, c’est son frère Kubilaï qui reprendra le flambeau. Il déplace la capitale de Kharakhorum à Pékin, fonde la dynastie Yuan et achève la conquête de la Chine méridionale. Après la guerre viennent des temps calmes, la Mongolie est à son apogée. La Pax Mongolica permet à de nombreux voyageurs de traverser l’Eurasie sans aucune crainte, Marco Polo sera le plus célèbre d’entre eux. Le commerce est florissant, la route de la soie est devenue une artère entre l’Orient et l’Occident. La liberté de religion évite les conflits, et l’Empire prospère grâce aux impôts payés par la population. Jamais un royaume ne fut aussi vaste. L’Empire Mongol s’étend de la Baltique à la mer de Chine, du lac Baïkal à l’Himalaya, de la Corée à la Mer Rouge. Il restera à jamais le plus grand Empire ayant jamais existé. Les armées mongoles tentent de repousser encore les frontières. Sud-est asiatique, Inde, et jusqu’à Madagascar. Les campagnes maritimes contre le Japon et Java sont des désastres. Malgré de nombreux efforts, les mamelouks égyptiens résistent également, tout comme les sultans de Delhi. Ces échecs, combinés au lézardement de l’unité de l’Empire, provoquent l’effondrement. Les quatre khanats, désunis, disparaitront dans le siècle suivant, mettant fin à un siècle de domination mongole sur le monde.

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Un ascenseur monte dans les entrailles de Genghis Khan. Encore quelques marches, et j’accède à une plateforme située sur la tête de son cheval. Dominé par la tête de l’Empereur, j’admire le panorama tout autour, des collines blanches, quelques yourtes, une dame avec son cheval qui attend les touristes. Cette statue en acier inoxydable fait quarante mètres de haut et pèse deux cents cinquante tonnes. Elle fut érigée en 2008 à l’occasion du huit centième anniversaire de la création de l’Empire Mongol. La légende raconte que Genghis aurait ici trouvé une cravache d’or, confirmant son statut de chef incontesté. L’endroit est superbe, mais le vent me frigorifie sur place. Je me dépêche de prendre quelques clichés avant de retrouver la chaleur du musée.

Ses pupilles noires plongent dans les miennes. Elles n’expriment rien et tout à la fois, l’étonnement, la curiosité, la joie, la tristesse. Je perds mon regard dans le sien, et elle m’envoûte. Elle plisse ses petits yeux bridés, je suis sous le charme. Elle a entre un et deux ans, et elle a réussi à me retourner l’esprit en si peu de temps. Elle est belle.
La voiture file sur l’asphalte couvert de givre. Ça, c’est ce que j’appelle gérer, ou bien avoir de la chance peut-être, je ne sais pas. J’ai trouvé un premier stop, un jeune, qui m’a déposé à l’embranchement pour le parc national. Il parlait anglais, nous avons bien discuté, il ne m’a pas demandé de sous. À l’embranchement, c’est un grand-père avec sa femme, sa fille et le bébé qui m’ont ramassé sur le bord de la route. Le vieil homme parle russe, ce qui est beaucoup plus pratique pour communiquer. Je lui ai dit que je souhaitais voir la pierre tortue, comme ils l’appellent ici, il m’a dit qu’il connaissait. Je lui ai également demandé s’il restait des camps de yourtes en hiver, il m’a répondu : « pas de problème ! » Arrivé à la roche, nous nous sommes arrêtés pour faire des photos rapides, il voulait apparemment m’emmener jusque chez lui, au village de Terelj. Bien, soit, j’ai pris les clichés du caillou, je vois pas pourquoi il est aussi touristique, y’a pas grand-chose d’impressionnant, enfin bref. Nous avons poursuivi sur une route de montagne fabuleuse, absolument sublime ! Des falaises de chaque côté, des forêts, des yourtes par endroits, avant d’arriver au patelin de Terelj. Il y a peut-être trois bâtiments en dur, le reste ne sont que maisons de bois et yourtes. Le vieil homme possède en fait un camp de gers. J’ai eu le plaisir d’en trouver une déjà toute chauffé à mon arrivée. La yourte est traditionnelle, mais à l’intérieur, il y a quatre lits européens, une table et des tabourets. C’est très sympa, je vais dormir dans un habitat typique. Lorsque je lui ai demandé le prix, il m’a demandé le mien. Le guide du Lonely Planet indique dix mille, mais il est un peu vieux et nous sommes en hiver, il faut aussi payer le bois de chauffage. Je lui ai proposé quinze mille, ça lui semblait raisonnable. Pour le diner par contre, il voulait quinze mille de plus, j’ai dit non, je mangerai mon pain et mon pâté, tant pis. Demain, je sens que je vais me faire un trek pour retourner à cette roche tortue. Il doit y avoir entre douze et quinze kilomètres, quatre à cinq heures de marche, afin de pouvoir profiter au maximum du paysage. Je rentrerai ensuite en stop.
Il fait tellement chaud, c’est si agréable. Par rapport à l’hôtel de la nuit dernière où il faisait froid, ça change.

Ces chevaux sont plus beaux que tout ce que j’ai pu imaginer. Ils sont petits, pas plus d’un mètre au garrot, quatre-vingt centimètres peut-être. Ils sont très poilus, la robe brune pour la plupart, grise pour certains. La crinière courte, les sabots épais, ils grattent la neige à la recherche de quelques herbes gelées. Ces mois d’hiver ne doivent pas être faciles pour eux qui sont au-dehors. Il n’y a pas d’enclos, ils sont libres de se promener dans le village. Mais ils restent néanmoins un peu farouches, ne se laissent pas approcher facilement, à mon plus grand désarroi. Majestueux, ils sont un symbole de la Mongolie. C’est un coin très touristique ici, les monter revient donc cher. Je ferai cela lors du volontariat à l’école, ce sera sans doute moins cher. Le soleil se couche déjà derrière la montagne, il est un tout petit peu plus de quinze heures. Je vais rentrer dans ma yourte, au chaud, et m’occuper comme je le peux, il n’y a ce soir pas internet…

Je retire ce que je disais tout à l’heure sur la chaleur à l’intérieur de la yourte. Le gars est obligé de revenir toutes les deux heures pour remettre du bois, et ce malgré le gros sac de charbon qui alimente déjà le poêle. Je suppose qu’il ne viendra pas toutes les deux heures cette nuit, je m’attends donc à cailler sévèrement. S’il le faut, je mettrai ma combi, au besoin. En fait, mis à part l’ouverture dans le toit, c’est très bien isolé avec les fourrures et autres feutres. Le problème, c’est le sol. Dans une yourte traditionnelle, il y a un sacré paquet de tapis. Ici la seule isolation, c’est du lino sur une dalle de ciment. Forcément, tout le froid monte du sol, le chauffaud aura beau chauffer, la chaleur ne reste pas bien longtemps. J’ai passé la fin de mon après-midi entre patience aux cartes et avancer dans mon bouquin de science-fiction en italien, toujours aussi passionnant. Mon estomac grognait affreusement, mais je ne l’ai rempli que de trois tranches de pain avec du pâté, il devra s’en satisfaire jusqu’à demain matin.
Je m’inquiète pour mes dents. Déjà hier, je pouvais sentir une carie, dans le fond à droite, j’en sens aujourd’hui une autre, dans le fond à gauche. J’ai beau faire attention, me brosser les dents après chaque repas, éviter les sucres, mettre ma gouttière avec le produit de façon régulière, y’a rien à faire, ça revient à chaque fois. Normalement, je vois ma dentiste tous les trois mois, là, ca va faire plus de cinq mois sans contrôle. Il me va donc falloir chercher un dentiste sur Oulan-Bator, ça va faire de nouvelles dépenses, mais je ne peux y échapper. Une petite remise en forme de mes chicots à mi-parcours ne pourra pas faire de mal. Je m’étais imaginé rentrer pour cause dentaire, de peur qu’il y ait des caries et que je ne les sente pas. Finalement, elles viennent de m’informer qu’elles sont là, il me va donc falloir soigner cela, ce qui compromet encore un peu plus l’éventuelle expédition au Gobi avec Lucie et Johann. Peut-être pas de désert finalement, je resterai à l’hostel et tenterai, oui je sais je le dis tout le temps, de retrouver la motivation de bosser sur ce putain de carnet de route de merde.
Il n’est que 20h30, mais je vais déjà aller me coucher, je suis fatigué, j’ai les yeux qui se ferment. J’espère que la nuit ne sera pas trop froide, elle risque sinon d’être fort longue.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:14:18

Mardi 6 décembre

Il est trois heures du matin, je tente de ranimer le poêle, il y encore plein de braises rouges, cela devrait donc être facile. Mais je ne sais pas s’il faut remettre du bois, ou du charbon, j’ai fait un peu des deux. Par contre, j’ai enfumé la yourte, je ne sais pas comment ils font eux. Bon, la nuit est longue, il fait plutôt frais, et puis si ce poêle pouvait être automatique, ça me simplifierait la tâche. Enfin bref, j’ai hâte que le jour se lève, que je me lance dans une rando.

J’ai achevé la nuit dans ma combinaison et, du coup, je l’ai bien terminée. Le gars est venu rallumer le poêle vers huit heures, juste avant que je ne me sois réveillé. Il a triché, il avait une espèce de bonbonne de gaz, comme un micro-chalumeau pour allumer le bazar, trop facile. J’ai petit-déjeuné vite fait, une tranche de pain avec de la confiture, et deux petits gâteaux qu’il me restait. Je me suis changé et je suis prêt à partir pour une randonnée. Je me fixe pour objectif cette pierre de la tortue, mais si je n’y arrive pas, au cas où je serais trop fatigué ou qu’il fasse trop froid, je ferai du stop pour rentrer sur Oulan-Bator. Dormir dans une yourte fur une expérience intéressante. Cela m’a permis de voir ce que vivent les vrais mongols au quotidien : le froid, et se lever toute la nuit pour remettre du bois ou de la crotte séchée, selon les régions. Enfin bref, let’s go !

C’est surréaliste ! Irréel. Jamais je n’aurais imaginé vivre cela. J’ai atteint un tout petit col, la vue sur la vallée derrière est absolument sublime. Quelques arbres rabougris s’accrochent aux montagnes rocheuses. Tout est couvert de neige, exceptée la route sableuse qui suit les courbes du terrain. Mais ce n’est pas cela qui rend cette scène aussi inouïe. Il y avait là un homme, un local, en costume traditionnel, grand manteau gris, large ceinture jaune, une sorte de chapka russe sur la tête. Il avait avec lui une radio, qui diffusait de la musique mongole, donnant quelque chose de vraiment particulier à cet instant. Je n’ai pas vu ce panorama dans le silence non, j’ai pu l’admirer en écoutant des chants traditionnels. Et ce vieil homme, la peau tannée, les poils de moustache gelés, qui roulait sa clope, là, à côté de moi. Nous ne parlions pas les mêmes langues mais, nous avons pu nous comprendre. Je pense qu’il était là pour des raisons religieuses, on retrouve accrochés aux branches des foulards colorés, signes de respect envers les divinités. Un moment absolument exceptionnel, que je ne suis pas près d’oublier

Au final, cette pierre-tortue n’a pas grand-chose d’une tortue. Forcément, vu que l’on sait que c’est censé être ce-dit reptile, on imagine où se trouve la carapace et la tête. Mais sans donner aucun indice, je ne devinerai pas. Bon, elle est impressionnante toute même, très grande, et située dans une vallée magnifique. J’avais envie d’un vrai repas, il y avait là une yourte qui indiquait restaurant. C’était fermé, mais il y avait, heureusement pour moi, un chien. Il n’a fait qu’aboyer, forçant la propriétaire à jeter un œil au dehors. Elle a proposé de me faire à manger dans sa propre maison. Un thé, une bonne soupe avec des pâtes, puis deux espèces d’empanadas à la viande. Je me suis régalé, elle m’a demandé dix milles tugriks, le tarif normal pour les restaurants. J’ai poursuivi ma randonnée dans le fond de la vallée. Perché sur les contreforts rocheux, le monastère d’Aryapala se situe dans un environnement exceptionnel. Cerné par les roches, on se demande comment il a pu être bâti là. L’architecture n’a rien d’exceptionnel, c’est un temple bouddhiste comme les autres. Mais il faut vraiment vouloir y aller. Pour y grimper, des pentes raides, des escaliers, un pont suspendu au-dessus d’une ravine, encore des marches, et enfin, nous y sommes. Le décor est fabuleux, on peut voir toute la vallée en contrebas et jusqu’à cette fameuse tortue, pourtant située à trois kilomètres. Sur un pan de la falaise, au-dessus, sont peints des symboles colorés. Comment sont-ils arrivés là, c’est une belle prouesse que je n’ose imaginer. Ce monastère sera ma dernière étape pour aujourd’hui, je vais me rentrer sur Oulan-Bator. Il me reste la longue marche jusqu’à la route principale, mais ensuite je ferai du stop. Je suis déjà vanné, complètement, j’ai juste envie d’une bonne douche et d’un lit. Je n’aurai aucun problème à dormir ce soir.

Quelqu’un m’a pris en stop peu après le monastère, m’évitant par-là bien de la marche jusqu’à la route principale. Il rentrait directement sur la capitale, parfait. Mon bienfaiteur m’a déposé à un arrêt de bus, j’y ai tenté de trouver le bon, un qui se dirigeait vers le centre. Pour cela, rien de plus simple, je leur montre la photo de la place centrale que j’ai sur mon appareil photo. Bon, apparemment, aucun d’entre eux n’y allait, un gentil chauffeur m’a fait signe de monter, je n’ai pas encore payé, je suppose qu’il va me dire de descendre quelque part pour en prendre un autre. Nous sommes dans ce que j’affectionne le plus au monde : les embouteillages. C’est affreux, ça n’avance pas, ça fait un quart d’heure que nous avons quitté l’arrêt, nous avons dû faire grand max cinq cents mètres. Et pis ils n’ont pas peur de se rentrer dedans. Et vas-y que je force un peu ! Nan, moi d’abord ! Bref, c’est la folie !

Le chauffeur m’a descendu deux arrêts plus loin, en expliquant à la jeune fille qui descendait en même temps où j’allais. Ça tombe bien, elle se dirigeait dans la même direction. Elle prenait un taxi pour y aller, car les bus ont du mal à se frayer un chemin dans le trafic. Je ne lui ai payé que cinq cents tugriks, le prix du ticket, pas plus. Me voici donc sur la place centrale, de retour à Oulan-Bator, moins polluée aujourd’hui, je peux voir les tours et les montagnes au-delà. Le soleil se couche déjà, illuminant le ciel de teintes écarlates. Les dorures du palais gouvernemental resplendissent à la lueur des néons orangés. Une grue installe des décorations, Noël approche. J’ai hâte d’être à l’hostel, de passer par la case douche, avant de faire un gros dodo.

Je ne suis rentré qu’aujourd’hui, et la chambre c’est déjà Bagdad, j’en ai mis partout. En arrivant, j’ai écouté les péripéties de ma Coralie, avant de lui conter les miennes. Je les ai également narrées à Céline, ainsi qu’à Lucie et Johann, cela leur donnera peut-être des idées. J’ai pris une bonne douche chaude, ça fait beaucoup de bien.
J’ai demandé des informations pour le Gobi. Il y aurait déjà un tour tout organisé, qui part dans les prochains jours, elle ne sait pas quand, les deux filles doivent revenir du nord auparavant. C’est un tour de neuf jours et huit nuits, dans le désert de Gobi, avec balade à dos de chameau, à cheval, visite des dunes, des œufs de dinosaures, des falaises, des canyons, tout ça, les principaux sites quoi. Le tour est tout compris, avec hébergement, nourriture, voiture, essence et activités. Si nous sommes cinq dans la voiture, cela revient à trente-neuf dollars par jour et par personne. Environ trente euros. Ce qui finalement me convient, c’est le prix que je désirais mettre. La période est un peu longue, neuf jours. Si vous faites le calcul, ça fait presque trois cents euros. C’est plus que ce que je ne pensais dépenser en Mongolie, mais je pense qu’il sera difficile de trouver moins cher. Et je doute de revenir dans ce pays un jour, donc tant qu’à faire, autant y aller et en profiter. Et si j’enchaine sur une semaine de volontariat à l’école, où je n’aurais rien à payer, cela va amortir un petit peu plus. Enfin bon, j’ai fait part de tout cela à Lucie et Johann, je vais voir ce qu’on leur dit de leur côté dans leur hostel. J’ai fait un dîner rapide, que je n’ai pas mangé, car les ramens étaient beaucoup trop épicées. Celles que j’avais faites le jour d’avant, ça allait, mais là, même pas en rêve. Du coup, ce sont les filles de l’hostel qui les dégustent, j’ai pour ma part été chercher des pelmenis, c’est la seule chose toute préparée que j’ai pu trouver au supermarché. Pas de boîtes de conserves, même pas une pizza surgelée… Pour le dentiste, il y a une clinique internationale, que j’appellerai dès demain matin au réveil afin de savoir si je peux prendre rendez-vous dans la journée. Mais bon, s’il le faut, il le faut, en espérant que la sécu le rembourse. J’aurais voulu avancer sur d’autres choses ce soir, mais mes yeux se ferment tout seuls, j’ai donc retrouvé la tiédeur douillette de mon lit. Et je vais faire un très gros dodo.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:14:48

Mercredi 7 décembre

Bon, je pense que mon expédition au Gobi a pris un peu l’eau, mais je n’aurais pas dû m’émotionner autant hier soir. Lucie et Johann partaient ce matin avec leur guesthouse, elle leur a un peu forcé la main, un tour du côté de Kharkhorin, avec la cascade, tout ça, cinq jours pour trois cents cinquante dollars. Donc forcément, quand je leur ai proposé neuf jours pour trois-cent douze dollars, ils étaient un peu dégoutés. Ils ont réfléchi, voir s’ils annulaient au dernier moment ou pas. Ils sont finalement partis. Du coup, sans eux deux, le prix est passé de trois cents douze à quatre cents dollars, c’est donc plus cher pour moi, j’hésite donc beaucoup. Je n’ai rendez-vous chez le dentiste que demain, ce qui hypothéthise encore un peu plus ce Gobi. Si j’arrive à trouver aujourd’hui l’élan pour bosser sur le carnet de route, il y a de fortes chances pour que je passe l’entièreté de ma semaine à travailler dessus. Je ne partirai alors que mercredi prochain, pour l’école, vu que j’ai rendez-vous mardi à l’ambassade. Enfin bref, c’est comme ça, les aléas du voyage. Je verrai le Gobi peut-être une autre fois.

Une première journée de boulot pas forcément très satisfaisante. Je n’ai fait que du papier, et trois pages seulement. J’ai également passé du temps à essayer de m’organiser pour les pays d’Asie centrale, combien de temps je resterai, ce qu’il faut pour les visas, etc... Il est certain que je serai en France avant l’été. Mes finances ne me permettront pas de poursuivre vers le Caucase, comme je l’avais au départ prévu. Mais si j’arrive à me voir toute l’Asie centrale et l’Iran, ce sera déjà un bon gros voyage, et bon nombres de pays à colorier sur la carte.
Il y a plein de gens à l’hostel, qui sont rentrés de tour, mais je n’ai pas envie d’être très sociable. J’ai envie de me poser, de rester seul, tranquille, de bosser autant que je peux. Je n’ai pas le désir de me les coltiner. J’ai appelé tata Simone avec Skype, elle était très contente de m’avoir, et j’étais également heureux de lui faire part de mes avancées. J’ai également appelé la maison, papa a réussi à péter sa cheville avec sa gueule soûle. Il en a pour six semaines, bien fait pour lui.
Il est déjà fort tard, enfin, fort tard, façon de parler. Je m’en vais faire dodo, après cette journée dont je ne suis pas forcément très fier. J’essaierai de faire en sorte de ne pas être aussi déçu de moi-même demain soir.

Jeudi 8 décembre

Bilan des courses : une heure et demi sur le siège, deux caries seulement, après cinq mois tout de même. Et cent quarante euros plus tard, mes dents sont à nouveau prêtes pour plusieurs mois. Je me rends à l’hostel à pied, à cette heure-ci, ce n’est même pas la peine de prendre un taxi, j’irai plus vite en marchant.
J’ai changé mes plans, je ne me voyais pas rester tout le week-end à l’hostel, à bosser sur le carnet de route. Après un bref coup d’œil au Lonely Planet, je suis ce matin passé au bureau du parc national de Khustai, afin d’obtenir quelques informations. Ce parc n’est pas très facile d’accès, mais il y a un minibus pour les employés qui part le vendredi soir pour revenir le dimanche midi. Je passerai donc deux nuits en yourte, et une journée complète de randonnée, afin de tenter d’apercevoir une espèce exceptionnelle. Les chevaux de Prjevalski sont les derniers équidés sauvages au monde, si l’on exclut ceux ayant fui la domesticité en Australie ou aux USA. Ceux-ci, ce sont les vrais, l’espèce que Genghis Khan et ses compagnons chevauchaient. J’ai hâte de les voir.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:15:19

Vendredi 9 décembre

Je n’arrive vraiment pas à m’y mettre, c’est affolant, je ne sais plus quoi faire. Je n’avance pas sur ce carnet de route, je joue, je regarde des films… Certes, ils sont en russe ou dans d’autres langues étrangères, je fais travailler mon cerveau, mais ce n’est pas ça qui va faire avancer ce journal de bord. Au retour de ma petite expédition dans le parc national, je disposerai de deux jours et demi, je tenterai de trouver une bonne dose de courage afin de donner un grand coup de collier. Il faut que j’avance, sinon je vais y passer des mois quand je vais rentrer. Toutes mes affaires sont prêtes pour partir. Tout comme la dernière fois, je ne prends que mon sac à bandoulière, avec un rechange et des provisions. Ces dernières comprennent du pain, boîtes de hareng ou de pâté, sachet de nouilles instantanées si jamais je trouve de l’eau chaude. J’ai également du thé et du sucre, je commence à devenir un grand consommateur. Et pis une grande bouteille d’eau. Mon sac de couchage, mes autres trucs habituels, je suis prêt à partir à la découverte des chevaux sauvages.

Cela fait plus d’une heure et demie que le mini-van a pris la route. Seulement, nous sommes toujours en ville. Nous avons fait un premier arrêt, qui aura duré fort longtemps, au moins trente minutes, afin de récupérer des pneus et une batterie neuve. Nous avons cru que c’était bon, mais en fait non. Cinq cents mètres plus loin, deuxième étape, le supermarché, ils n’avaient pas fait leurs courses. Nous en sommes maintenant au troisième arrêt, nous faisons cette fois-ci le plein de sac de charbon. À l’intérieur du minivan, outre le chauffeur et trois mongols, sans doute employés par le parc, moi-même et Stéphanie sommes assis sur la banquette arrière. Elle est américaine mais vit en Nouvelle-Zélande. Elle est de passage ici, et dispose d’un visa de trois mois. Elle aimerait bien travailler un peu dans le coin si possible. Elle est consultante en architecture, quelque chose dans le genre. Et heureusement que je ne suis pas seul, je pense que j’aurais depuis longtemps déprimé face à la lenteur de la chose. Mais avec ma comparse d’infortune, nous rigolons beaucoup de la situation. Forcément, ce n’est pas un tour, avec le bus qui nous amène directement là-bas. Non, nous vivons la vie des gens du parc. Il faut donc s’arrêter pour refaire des provisions, racheter ceci ou cela, le tout dans un minivan qui n’est pas des plus isolés. C’est donc une véritable expérience que nous vivons. Le chargement de charbon semble être terminé, notre chauffeur remonte, enfin nous partons !
Nous murmurons afin de ne pas être compris des autres anglophones dans le véhicule, et extrapolons sur la prochaine pause, sans doute station-service, vu que nous en avons pas encore fait.
Mais à peine deux kilomètres plus loin, le chauffeur ralentit, et se gare. On dirait une espèce de supérette. Une des bonnes femmes descend, et revient vite fait. Qu’était-ce ? Un arrêt bouffe ? Un arrêt pipi ? Aucune idée, ça n’aura pris que cinq minutes, nous poursuivons notre route.
Nous roulons, et cette fois-ci nous sommes bel et bien en dehors de la ville ! Pas de pause essence finalement ! Nous commençons à enfin dégeler, l’habitacle se réchauffant peu à peu. Bon, nous ne sentons plus nos doigts de pied, nous préférons rire de la situation qu’en pleurer. J’ai très envie de faire pipi, va falloir retenir ma vessie ! Alors que nous nous réjouissons enfin d’avancer, nous ralentissons encore, une station-service ! La voici, la pause essence ! Le chauffeur remplit le réservoir avant de s’engouffrer dans le bâtiment. Et il ne revient pas. Une minute, deux minutes, cinq minutes, dix minutes…. Putain mais ça caille ici, il bouge son cul ou quoi bordel de merde ? Après un quart d’heure à se les geler, il est ressorti. Je ne sais pas ce qu’il branlait là-bas, s’il prenait le café avec un copain ou bien s’il dinait, aucune idée, mais c’était très long. Nouveau départ, cela fait deux heures que nous avons quitté le bureau du parc à Oulan-Bator, nous avons fait vingt-huit kilomètres ! J’ai vraiment hâte d’arriver, de mettre mes pieds au chaud, vider ma vessie et dîner !

Nous avons fini par arriver, il était près de vingt heures. À l’entrée du parc est aménagé un grand complexe. Un bâtiment de pierre, avec hôtel, restaurant, quelques chambres, ainsi qu’un camp de yourtes. Je dors dans une de ces gers, qui n’a rien à voir avec celle de Terelj. Là-bas, c’était vraiment pour les touristes estivaux. Ici, c’est un autre standing. Elle est déjà plus grande, il n’y a que trois lits, avec de vrais et confortables matelas. Ils sont en bois peints, avec des motifs floraux sur un fond orange. Les deux colonnes soutenant le cercle central ainsi que les traverses descendantes reprennent le même motif. La petite table basse et les tabourets également. Elle est très belle cette yourte. Très spacieuse, avec de la moquette et quelques tapis au sol, qui n’est pas gelé. Un poêle en plein centre, l’on m’a averti qu’un garde viendrait toutes les trois heures environs afin de refaire du feu, une attention fort appréciable. Stéphanie elle, dort en dur. Elle avait téléphoné avant, je ne sais pas trop ce qu’elle s’était organisé. Une chose est sûre, demain, je serai seul à aller marcher, car elle souffre beaucoup du froid et ne se croit pas capable de randonner toute la journée au dehors. Elle se fera peut-être un mini-trek d’une demi-heure, une heure et, si elle ne voit pas les chevaux, elle louera un garde avec son véhicule. Elle a pris la formule tout compris, avec dîner, déjeuner, moi non. Je n’ai pas autant de sous, j’ai pris la formule pauvre : yourte et petit-déjeuner. Avec le transport, cela me reviendra déjà à un certain coût. Lequel ? Je n’en sais rien, nous ne paierons je pense que demain.
Le vent souffle fort au-dehors. Mais ici je suis bien, même si le feu est éteint. Blotti sous mes couettes, j’attends que Morphée m’emmène rêver de chevaux et de liberté.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:15:58

Samedi 10 décembre

J’ai très bien dormi, et mon ventre digère un pantagruélique petit-déjeuner. Ce dernier était divin ! Une grande assiette avec fromage, tomate, concombre et mortadelle ! Du pain, du beurre, de la confiture. Des jus de fruits, céréales, lait, pommes, un festin ! J’ai donc la panse bien remplie, je me suis équipé pour les températures extérieures. Je ne crains pas le froid, mais j’ai plus peur du vent. Ce dernier est en effet « à décorner des bœufs » comme on dit, bien qu’il n’y ait pas de bœufs dans la région… Ils diraient peut-être « à décorner des yacks » par ici… Enfin bref, ça souffle énormément. J’espère donc ne pas trop me geler les couilles pour cette randonnée qui s’annonce épique. Des montagnes couvertes de neige et des chevaux sauvages m’attendent.

Voici déjà une heure que je marche, affrontant le vent qui me frappe de plein fouet. Il n’est pas facile d’avancer à contre-courant comme cela, mais je poursuis et je ne lâche rien. Tout autour de moi, des collines basses, couvertes de neige, quelques rochers solitaires dépassant parfois du sol. Je me suis déjà fait une fausse-joie. J’avais vu, dans une vallée latérale, des animaux au loin, j’ai cru à des chevaux. Après être grimpé et m’être rapproché, c’était en fait des vaches. Tant qu’à avoir quitté la route au fond de la vallée, je continue à grimper la colline, je pense avoir une meilleure vue de là-haut. Je fais une pause, abrité derrière l’un de ces immenses blocs de roche, à l’abri des bourrasques. Là-haut, un vautour ou un aigle plane dans le ciel, sans doute à la recherche d’une proie. C’est vraiment vide, silencieux, il n’y a rien d’autre que ces collines, la neige et le vent. Et moi. La marche est dure dans la poudreuse, mais j’ai vu pire, alors je continue. Je poursuis, à la recherche des chevaux de Prjevalski, rien ne pourra m’arrêter.

Vision d’un autre temps. Le soleil caché derrière de minces nuages, les collines qui se découpent devant moi sur l’horizon. Je suis assis au sommet de l’une d’entre elles, et je contemple l’œuvre de Dame Nature. Un paysage sublime, des vallées encaissées, un environnement difficile, mais un environnement où vivent néanmoins des êtres vivants. L’on trouve dans ce parc de nombreux rapaces, des lièvres, des marmottes, des lynx, des loups, des cervidés, mais il est avant tout connu pour les takhis. Takhi, c’est le nom mongol donné aux chevaux de Prjevalski. Cette race d’équidés remonte à la préhistoire, et a transmis ses gênes au fil des siècles. Ils ont été déclaré éteints en 1960. Éteints du moins à l’état naturel, car il en restait quelques centaines éparpillés dans des zoos de par le monde. À l’arrivée de la démocratie ici en 1989, des programmes de réintroduction ont vu le jour, notamment avec l’aide des Pays-Bas. Des dizaines de chevaux furent relâchés dans ce parc, et depuis, ils batifolent joyeusement ici. Ils sont devant moi, à moins de cinq cents mètres. Je suis assis sur le sol sableux et neigeux qu’ils ont piétiné ce matin même. Ils mangent, ils grattent, pour chercher des herbes rabougries. Il fait un froid polaire, je me congèle peu à peu à ne pas bouger de la sorte. Mais ils sont si beaux. Ils sont l’exemple que l’homme peut, lorsqu’il le désire, protéger ce que Dame Nature a fait, et inverser le cours des actions passées. Aujourd’hui, les chevaux de Prjevalski paissent tranquillement dans ce parc naturel, ils ne craignent plus la menace de l’homme. Ils sont là, devant moi, ils sont beaux, ils sont magnifiques.

Je suis revenu dans la vallée très venteuse, celle que suit la route. Après avoir suivi pendant un moment une bonne centaine de chevaux, domestique ceux-là, mais farouches et forts semblables à leurs cousins, ils se sont séparés, le plus gros se dirigeait vers la vallée transversale où j’avais aperçu les vaches au tout début. Une petite vingtaine d’entre eux poursuit parallèlement à la route, m’offrant un spectacle fantastique. Leur robe est brune ou alezane, ils avancent, tournant le dos aux bourrasques, tout comme moi. Ils s’arrêtent par moment, afin de gratter la neige, et de sonder le terrain, voir s‘il y a à manger ou non. ils ne sont pas à plus de deux cents mètres de moi, c’est exceptionnel. Aurais-je pu imaginer un jour que mes pas suivraient ceux de créatures aussi belles ? Une mère s’est arrêtée, un petit affamé tète, il a dû naitre au printemps dernier. L’instant est vraiment unique, chargé d’émotions. C’est vraiment quelque chose à vivre, quelque chose à voir, et pas à faire depuis une jeep. L’observer depuis un véhicule ne doit pas avoir la même saveur, là je marche avec eux, je souffre avec eux. Jamais je n’oublierai ce moment, jamais.

C’est un trek très difficile, sans doute l’un des plus ardus que j’ai réalisés jusqu’à maintenant. Le terrain est plat certes, rien à voir avec les Andes équatoriennes. Il ne pleut pas, comme sur les côtes irlandaises. J’ai finalement fait peu de kilomètres, mais il fait -20, peut-être même -25, la marche dans la neige est difficile, et il y a ce vent. Ce vent incessant qui traverse jusqu’à ma grosse combinaison. Là, je l’ai dans le dos, c’est une maigre consolation, je n’ai plus à lutter contre lui. Mais je ne sens plus mes pieds. Et malgré mes grosses moufles de l’armée russe, je ne sens plus mes mains non plus. Il m’a été difficile de saisir mon téléphone et d’appuyer sur les touches afin d’enregistrer ce message. Cela montre combien elles peuvent être paralysées par le froid, le sang n’y circule plus, elles se teintent de violet. Mais voici que la fin de mon calvaire approche, je peux apercevoir l’entrée du parc et les bâtiments attenants. M’y attendent un bon thé bouillant et qui sait peut-être, une douche chaude. Je ne regrette rien de ce trek qui fut absolument formidable, trois heures de temps seulement, une dizaine de kilomètres, mais tellement de souvenirs, tellement d’images qui resteront gravées dans ma mémoire et dans mon cœur. Cela valait bien tous ces efforts, toute cette souffrance. Je suis heureux de l’avoir fait, et je suis fier de moi.

Le déjeuner fut merveilleux. Juste une boîte de pâté de foie avec du pain, et du thé chaud. La pomme du petit déjeuner que j’avais emportée avec moi en cas d’en-cas, et à laquelle je n’avais pas touché, était congelée. Tout comme ma bouteille d’eau sur le point d’éclater. Je n’ai donc rien eu à manger en dessert. Le ventre plein, nous nous sommes élancés avec Stéphanie à l’assaut d’une des collines voisines. Seulement, le vent était extrêmement puissant, je l’estimerais à 80 ou 90km/h. Il était donc très difficile d’avancer, surtout lorsqu’on y fait front. Nous avons donc abandonné à mi-chemin, afin de revenir sur nos pas, des ailes nous sont alors poussées. Une petite balade très sympa, un autre bol d’air au milieu de nulle part. Je suis désormais revenu dans ma yourte chaude et bouquine un peu en attendant le coucher du soleil. Un thé, mon bouquin, Éole qui hurle au-dehors, les flammes dans la chaudière, j’apprécie le moment.

Le coucher de soleil ne fut pas particulièrement magnifique, mais ce fut quand même un bel instant. Assis dans la neige, à regarder l’astre disparaitre derrière la colline, dans une palette de jaunes. J’ai repensé à tous ces autres couchers de soleil que j’avais vu voir par le passé, dans différents endroits, avec différentes personnes. Je n’ai pu m’empêcher de repenser à tout le monde et de me dire que peut-être, là où ils sont, ils contemplent aussi le soleil. Cela me permet quelque part de me rapprocher d’eux, même si je suis à des milliers de kilomètres. Afin de me réchauffer, j’ai ensuite pris une bonne douche, il y en a dans le bâtiment principal. Et une douche chaude. Bouillante même. Ce fut particulièrement agréable. Bon, je n’avais ni savon ni shampooing, parce que je ne m’attendais pas à trouver ce genre d’installations ici, au milieu de nulle part, mais j’en ai néanmoins bien profité. Je bouquine à nouveau tranquillement, en espérant ne pas m’endormir cette fois-ci, en attendant l’heure du dîner. Les soirées peuvent être longues en Mongolie surtout lorsque l’on a rien à faire. Il me reste un film, que j’avais téléchargé sur le téléphone, je le regarderai sans doute avant de rejoindre Morphée

Le gars est venu il y a une heure pour raviver un peu le feu dans la chaudière. Du coup, là, je suis assis devant ma yourte, à observer la lune. Il y a malheureusement trop de nuages, c’est dommage, j’aurais bien aimé voir les étoiles. La porte de mon hébergement est grande ouverte, alors qu’il doit faire -20 à l’extérieur. En effet, la chaudière est devenue complètement folle, elle tourne à plein régime, le thermomètre à l’intérieur indique plus de cinquante degrés. Oui, cinquante degrés, le truc insoutenable. Je suis donc sorti pour profiter un peu de la fraicheur nocturne, et ça fait du bien. Bon, je ne vais pas trop rester non plus parce que j’ai envie de dormir. Le gars est sensé revenir dans deux heures pour raviver le truc, s’il me refait la même chose, ça va pas être possible. Alors que hier soir, ce n’était pas aussi puissant, j’ai eu plutôt froid. Enfin bref. J’essaierai de me lever de bonne heure demain matin afin de grimper la colline voisine et observer le lever du soleil à l’est. Le petit-déjeuner est à 8h30, nous repartirions sur Oulan-Bator vers 10h00. Ce n’est pas avec plaisir que je retrouverai la ville, j’avoue avoir passé ici une magnifique journée, riche en émotions, riche en paysages, riche en rires avec Stéphanie, je suis vraiment heureux d’être venu. Cette journée restera je pense, l’une des meilleures que j’ai pu vivre en Mongolie.

En fait, je me suis carrément allongé dans la neige, afin de tenter d’apercevoir les quelques étoiles qui perçaient ça et là à travers les nuages. Je suis rentré afin d’essayer de dormir, mais il fait trop chaud, la température a commencé à descendre, mais c’est toujours insoutenable. Il fait un peu plus frais sous ma couette, mais ça ne va pas durer, je vais vite chauffer ça. C’est un truc de fous cette chaleur, alors qu’à l’extérieur il fait -20, peut-être -30. Impossible de fermer l’œil dans une telle fournaise, je vais trouver de quoi m’occuper.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:16:42

Dimanche 11 décembre

Bon, je n’ai pas trop le moral. J’ai eu la mauvaise surprise en rentrant de découvrir que ma sœur m’avait envoyé de longs messages. Elle ne va pas bien du tout, elle a l’impression d’en prendre plein la gueule à la maison, que personne ne l’écoute, qu’on la traite comme une gamine de trois ans. Elle n’a plus envie de se battre, elle n’a plus envie de vivre. Elle pense même qu’elle n’a plus de famille, alors pourquoi continuer ? C’est très dur à entendre, surtout que je suis à des milliers de kilomètres. J’ai essayé de la rassurer comme je pouvais, et ai attendu la fin de l’après-midi pour appeler Maman et lui raconter tout cela. Apparemment, depuis qu’elle a reçu la lettre, elle se bouge un peu plus les couilles, elle lui parle davantage, elles communiquent, elles sont même allées faire du shopping l’autre jour. Mais bon, il semblerait que ça ne suffise pas, elle ne va toujours pas bien. Et je ne vois pas ce que je peux faire. Que pourrais-je faire de plus en étant en Bretagne ? Pas grand-chose… Je suis donc un petit peu dégouté, je vais dire à Maman de me tenir au courant, voir ce que ça donne. J’ai regardé la finale de Koh-Lanta, sans surprise. C’est mon favori qui a gagné, mais je pense que c’était le préféré de tout le monde. Du coup, il est temps d’aller me faire à manger. Cuisiner ou bien m’enfiler du pain avec une boîte de conserve ?
Putain, j’ai failli zappé, faut que j’aille chercher mon linge à la blanchisserie avant qu’ils ne ferment !

Lundi 12 décembre

Je ne suis pas mécontent de ma journée, j’ai bien avancé sur le carnet de route, j’ai fait cinq mille mots et ai terminé la partie russe. Pour la prochaine étape, deux solutions : ou bien je continue en tapant la partie mongole, sans la poster, car je n’ai pas fait les cartes, ou bien je tente de rattraper un peu le carnet papier. Je vais voir comment ça se passe au volontariat à l’école, si j’ai beaucoup de temps libre pour moi ou pas. J’ai également entamé la lecture de mon Lonely Planet sur l’Asie Centrale. Il me faut en effet savoir où je veux aller, ce que je veux voir, afin de planifier les visas. Et dans les cas du Turkménistan et de l’Iran, contacter au plus vite une agence de voyage, car j’aurais besoin d’une lettre d’invitation. J’ai lu toute la partie sur le Kirghizistan, je sais donc je que je veux y faire. Il y en fait peu, parce que c’est l’hiver. L’essentiel du pays est montagneux, l’intérêt réside donc dans la randonnée. Il y a néanmoins trois villes intéressantes à voir, dont celle où je ferai mon volontariat. Concernant Bichkek, la capitale, je viens d’envoyer une demande de Couchsurfing, en espérant avoir une réponse assez rapide. J’aurais dû le faire avant aussi, je m’y prends un peu tard. J’ai bien eu des réponses à ma demande ouverte mais ce sont des gens qui veulent me faire visiter la ville, sans plus. À voir ce que ça donne donc. J’ai également fait un tour en ville, je me suis ruiné en cartes postales et en timbres. J’ai en ma possession trente petits morceaux de carton, mais il m’en manque encore deux, j’ai mal calculé. Envoyer une carte ne coûte rien, environ quarante centimes. J’ai déjà mis toutes les adresses, je n’ai plus qu’à les écrire. J’ai également été jusqu’au marché afin d’acheter un cadeau pour le Noël et l’anniversaire de ma Coralie. Il tombe tout début janvier, il y a donc moyen de faire un envoi groupé. Au lieu de lui acheter une babiole made in China, qu’elle aurait pu mettre sur son étagère, j’ai voulu trouver quelque chose de plus intéressant. J’avais encore en tête cette espèce de canevas collant que faisait la mère de famille dans la première guesthouse où je suis resté, et j’aimais cette idée. J’en ai trouvé un au marché, représentant un instrument de musique traditionnel sur fond de chevaux. Elle n’aura donc plus qu’à s’amuser à coller les petits diamants brillants. J’espère que ça ne me reviendra pas trop cher à la poste, c’est en tout cas très léger. Ma journée s’achève, il est fort tard, je m’en vais rejoindre Morphée.

Mardi 13 décembre

Une journée bien remplie encore une fois. J’ai ce matin été jusqu’à la gare routière, afin d’acheter mon ticket pour Khujirt, histoire d’être certain qu’il en reste. Environ sept euros, pour faire trois cents trente kilomètres, ça me semble pas trop mal. Le bus part à huit heures, il me va donc falloir me lever de bonne heure, et surtout tenter de contrôler mes intestins qui, comme à leur habitude, ne vont pas fort, surtout en situation de stress. Je n’ai pas du tout travaillé sur le journal de bord, j’ai en revanche bossé sur les mois à venir. J’ai lu le chapitre entier sur le Kazakhstan, ou tout du moins les parties qui m’intéressaient, le sud et Astana. J’ai estimé en avoir pour au moins onze jours de visite, je dois donc caser tout le transport en quatre petites journées, car je ne peux pas rester plus de deux semaines sans visa. Et si je peux m’économiser les soixante euros et la paperasse, ce sera pas mal. Il me reste encore quatre pays à planifier, il me faut avoir fait cela avant de quitter la Mongolie. Dans l’après-midi, j’ai rendez-vous à l’ambassade, afin de faire une procuration pour les élections, même si je serai peut-être rentré pour certaines d’entre elles. J’ai commencé à écrire toutes mes cartes, et j’ai de quoi faire. Également un petit passage par la poste, afin d’envoyer le cadeau d’anniversaire à ma chère Coralie. Heureusement que c’était léger, parce que j’ai déjà payé treize euros, je n’imagine pas si ça avait été plus lourd. Il est déjà fort tard, la nuit sera courte, il est donc temps que j’éteigne la lumière.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:17:20

Mercredi 14 décembre

Me voici dans le car en direction de Khujirt, petit village à une cinquantaine de kilomètres au sud de Kharkhorin, l’ancienne capitale mongole. J’ai trois cents trente bornes jusque là-bas, je n’arriverai donc que dans l’après-midi, après six heures de transport. Ce dernier est confortable, moderne, très sympa. Et pis je n’ai personne à côté de moi, donc je peux prendre mes aises. Par contre, je n’ai pas vu de toilettes, mais je pense qu’il doit faire plusieurs arrêts. Car encore une fois, mon système digestif ne me laisse pas tranquille, mais c’est entièrement la faute de mes neurones qui paniquent à l’idée de ne pas avoir de toilettes. Enfin bref, je vais tenter de dormir un peu. J’ai même l’ordi avec moi si l’envie me prend de plancher sur l’Ouzbékistan. C’est un voyage qui s’annonce long.

Alors qu’au dehors s’étire toujours la steppe, invariable, ponctuée de rares collines, je suis ailleurs. À l’extérieur, le blanc de la neige, le froid. Dans ma tête, le soleil, la chaleur, le sable. Je lis le chapitre sur l’Ouzbékistan, qui me transporte dans un autre monde. Celui d’un pays qui aura vu de multiples civilisations. Les mongols, mais également les perses, les russes, les turcs et bien d’autres. Je suis transporté dans les anciennes cités de la route de la soie, me promenant entre les mosquées et les bazars, levant les yeux vers les hauts minarets. J’ai déjà hâte. J’espère vraiment ne pas tomber à court d’argent, ce serait fort dommage. La pause déjeuner est déjà passée, il nous reste au maximum je pense, deux heures de route. Je suis impatient d’arriver et de découvrir un autre visage de la Mongolie. Un visage que j’espère beaucoup moins touristique que celui d’Oulan-Bator.

J’ai pu rédiger quelques cartes postales dans le bus, et ai quasiment terminé le chapitre sur l’Ouzbékistan. En arrivant à Khujirt, j’ai été directement récupéré par Orkhon, qui est guide l’été et professeur d’anglais l’hiver. Elle loue une toute petite salle où il est difficile de rentrer à quinze. J’ai passé un après-midi très sympa. Directement dans le bain, avec les étudiants, c’était actif, intéressant, ils ont apparemment également beaucoup aimé. Elle m’a dit qu’ils travaillaient les directions, j’ai donc sorti ma carte d’Oulan-Bator. Je suis au marché, et je veux aller à l’hôpital, comment je fais ? Nous avons également travaillé sur ma carte de la Mongolie, avec les quatre points cardinaux, les routes, les moyens de transport, bref, j’ai pris des initiatives pendant que la professeur s’occupait d’un autre groupe d’élèves un peu plus en retard. Ça ne fait que vingt jours qu’ils ont commencé, et je trouve qu’ils ont déjà de bonnes bases.
Nous sommes à présent chez la cousine d’Orkhon, en attendant que son mari rentre au bercail, car c’est lui qui a les clés. Elle m’a complimenté sur l’après-midi, me confirmant que les ados avaient bien aimé, que c’était actif et que cela n’avait rien à voir avec ce que d’autres volontaires avaient pu faire. Certains sont juste venus et n’ont fait que répéter les questions basiques. D’autres dormaient même sur la table apparemment. Je fourmille déjà d’idées pour le reste de la semaine. J’ai mon jeu de plateau sur la Bretagne, l’on peut faire des jeux de mime, utiliser l’ordinateur également, bref, il y a de quoi faire, et j’ai l’intention de laisser une trace de mon passage. J’aimerais bien également garder contact, afin de pouvoir envoyer du courrier ou des emails, à voir comment se déroule le reste de la semaine. J’espère juste que mon hôte, guide l’été, ne va pas me proposer ce week-end de faire des excursions à prix exorbitant, sans quoi l’ambiance pourrait s’en trouver altérée. Bref, nous verrons bien ce que ça donne. Je suis naze, je continue à écrire des cartes pendant que la petite joue avec mes pastels.

Jeudi 15 décembre

Une journée fort chargée que je vais tenter de ne pas trop résumer. J’ai fini par dormir chez la cousine car nous n’avions pas de nouvelles du mari. Il n’est rentré que vers 23h00, car l’un de ses amis a eu un souci de voiture, il était resté dans la campagne pour l’aider. J’ai rejoint mon logement définitif ce matin, juste en face, je ne suis pas allé très loin. C’est une maison normale, en pierre et en bois. L’intérieur est chauffé par un poêle et une espèce de grand caisson encastré dans le mur. Ils utilisent beaucoup de bois, ça tombe bien il y a des forêts alentours. Concernant l’hygiène, les toilettes sont, comme je commence à en avoir l’habitude, une grande fosse creusée dans la terre, des planches trouées au-dessus et une cabane. À moins de passer juste après le voisin, pas d’odeur, car tout gèle instantanément. Pas de douche, et pour le lavage des mains, c’est un seau et un bocal d’eau. Mais bon, le confort m’importe peu.
J’ai passé une très bonne journée de travail. En fait les enfants vont et viennent, les plus jeunes le matin, les plus âgés l’après-midi, selon leurs heures de cours. Nous avons abordé différents thèmes avec eux, notamment l’Équateur, les fruits de mer, je leur ai montré des photos de ma maison. Nous sommes aussi allés faire un tour au magasin pour pratiquer notre anglais en immersion. Avec l’un des groupes, nous avons joué à mon jeu de société sur la Bretagne. Ce ne fut pas facile, car ma collègue était constamment au téléphone. Sans traductrice, allez donc leur expliquer les questions ou anecdotes historiques. Ils m’ont également enseigné un jeu avec des osselets mongols, j’ai bien aimé et ai exprimé le souhait d’en acheter. Du coup, chaque enfant devrait ramener quelques osselets de chez lui, afin que je puisse avoir mon propre jeu typique, avec des os de moutons ou chèvre. M’enfin bref, je me suis bien amusé, ma journée était sympa. Nous avons quelque peu discuté business avec Orkhon avant le dîner. Mon meilleur moyen d’aller à Kharkhorin serait de contracter son mari Tchuka comme taxi. Je lui ai fait part de mes difficultés financières, comme quoi il ne me restait que deux cent mille tugriks jusqu’à la fin du mois. Après calculs, je peux engager son époux pour quarante mille tugriks la journée, ce qui représente environ seize euros et reste raisonnable. Quand à ce week-end, il semblerait qu’elle ait prévu que nous allions dans campagne voir de la famille. Mère, belle-mère, je n’ai pas trop saisi qui c’était, et cela ne me couterait rien. Tant mieux ! Ce soir, des amis étaient venus dîner. Ce dernier se composait essentiellement de viande, elle avait faire cuire des patates et des carottes rien que pour moi. Nous avons ensuite joué aux dominos. Mais ce ne sont pas ceux que nous connaissons, ils sont d’un autre type. Il y a des couleurs, et différents chiffres, enfin bref, il faut se passer les dominos jusqu’à faire trois paires. Ce qui rend le jeu attractif, c’est que l’on joue pour de l’argent. Les billets passaient de main en main à chaque fin de partie. Billets de cinquante pour le gagnant et billet de cent si on lui avait donné le domino fatidique. En gros, nous jouions avec des pièces de deux et quatre centimes d’euros, rien du tout.
Il est une heure et quart du matin, nous sommes restés nous amuser fort tard. Je suis complètement naze, il est temps de faire dodo.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:17:54

Vendredi 16 décembre

J’ai l’impression d’être là depuis une éternité alors que je n’en suis qu’à ma deuxième nuit. Je passe l’essentiel de mon temps entre la salle louée pour la classe et la maison. Mais en même temps, il n’y a pas grand-chose à voir en dehors. Khujirt est un tout petit village, environ sept mille habitants, avec des maisons de pierre ou de bois dispersées un peu partout. Tout autour de nous, la steppe, et au loin, les montagnes. Mon réveil fut difficile après la nuit courte et froide, car l’air est glacé dans le salon. Un petit arrêt par la poste, où j’ai déposé toutes mes cartes postales que j’avais terminé d’écrire avant de rejoindre notre microscopique salle de cours. Les enfants se sont succédé au fil de la journée, venant, repartant, j’ai abordé plusieurs thèmes. La nature, avec tout le vocabulaire associé, les animaux, également la table, l’heure et un bref rappel sur les nombres, qui ne fut pas de trop. Je dois avouer que j’étais quelque peu exténué à la fin de la journée. Orkhon ne fait pas grand-chose, elle passe sa journée sur le téléphone et se repose sur moi. J’aurais quand même bien aimé quelques pauses de temps en temps. M’enfin bref, les enfants sont géniaux pour la plupart, et ont fortement envie d’apprendre. Ça ne les dérange pas de rester assis quatre heures à m’écouter et à répéter après moi. Ce soir, j’ai terminé de lire mon guide du Lonely Planet, chapitres du Tadjikistan et du Turkménistan. Pour le premier, je n’irai pas voir le Pamir, qui pourtant mériterait le détour. La région montagneuse semble magnifique, tout du moins sur le papier. Mais elle n’est accessible qu’en engageant un chauffeur, avec toutes les dépenses qui s’ensuivent etc… Je vais m’éviter de grosses dépenses. Le Turkménistan quand à lui, s’annonce très court. Je vais essayer de demander un visa de transit de trois ou cinq jours, selon ce que l’ambassade souhaite bien me donner. Ce qui me permettrait de passer de l’Ouzbékistan à l’Iran, en visitant une cité ancienne, la porte de l’enfer au cœur du désert et la capitale, Achgabat. Il y a quelques autres cités à voir évidemment, mais si je souhaite un visa de tourisme, il me faut impérativement une lettre d’invitation d’une agence de voyage, et je serais constamment accompagné par un guide, de mon entrée dans le pays jusqu’à ma sortie. Guide qu’il fait forcément rémunérer et qui donc, ne peut entrer dans mon budget. J’arrive donc au total à environ un mois et demi de voyage. Quinze jours au Kazakhstan et en Ouzbékistan, une petite semaine au Tadjikistan et trois jours au Turkménistan, avant d’atteindre l’Iran. Je n’ai pas encore lu ce Lonely Planet là, je pense que j’en aurais pour trois semaines, cela me ferait en tout et pout toute deux mois de voyage après mon départ du Kirghizistan. Si vous avez donc bien suivi, je serai à la maison fin avril, début mai. Il faut encore que je mette tout cela sur un calendrier, avec des dates précises, et une carte, afin de pouvoir présenter tout cela aux ambassades à Bichkek. Une bonne chose de faite donc, je n’aurai plus qu’à me documenter pour l’Iran et ce sera terminé. Il se pourrait donc que j’ai le temps, Dieu m’en préserve, d’avancer sur le carnet de route quand je serai de retour à Oulan-Bator. Oui, encore lui, l’interminable journal de bord. Mais bon, tout cela n’est qu’hypothétique et n’est qu’un rêve qui se fait de plus en plus inaccessible. Bonne nuit.

Samedi 17 décembre

Ce fut une très belle journée. Nous sommes allés, comme ils disent, dans la campagne, bien que Khujirt m’ait déjà l’air bien isolée. Mais nous avons poussé encore plus loin à l’ouest, au milieu de nulle part, dans les montagnes. Après plus d’une heure de route sur une sente cabossée, nous sommes arrivés à destination. Un campement était dressé au pied d’une colline, côté sud. Cinq yourtes et ce qui s’apparente à des étables. Tout autour, rien, si ce n’est les troupeaux à la recherche de quelques herbes survivantes. Moutons, chèvres, chevaux, ils sont plusieurs centaines. Nous entrons dans une des yourtes, qui est vaste, comme celles que j’avais pu voir au parc national de Khustai. Décoration dans des tons orangés, sol de lino, par endroit recouvert de tapis. Murs parés de draperies jaunes. Un ameublement conséquent, trois lits ou canapés, quelques petites armoires et des étagères. Au centre, l’éternel poêle qui apporte vie et nourriture à la maison. Une dizaine de personne dans la yourte, grand père, grand-mère, parents, tous des proches de Tchuka. Quatre ou cinq enfants également, je n’arrive pas à les compter, c’est difficile parce qu’il y a au moins deux paires de jumeaux. Deux garçons ont la boule à zéro, j’en déduis donc qu’ils ont eu trois ans il y a peu de temps. La coutume veut en effet que, pour leur porter chance dans la vie, l’on rase la tête des filles lorsqu’elles atteignent leur deuxième année, et la troisième pour les garçons. L’on m’a offert un petit bol de vodka, à la contenance bien plus conséquente qu’un shot européen. Je suis néanmoins parvenu à le finir en faisant quelques grimaces. Nous nous sommes rapidement lancés dans quelques parties de dominos, le rythme est très rapide, il m’est parfois difficile de suivre. Vient ensuite le déjeuner, encore une fois à base de viande, avec du riz. Après cela, je suis allé faire un tour en cheval. Vingt minutes seulement, mais c’était néanmoins très sympa. Le gars avec moi ne parlait ni anglais ni russe, uniquement mongol, et il ne cessait de baragouiner. Je répétais bêtement, je ne comprenais pas grand-chose. Balade sympa, j’ai eu ma photo sur un canasson mongol, c’est déjà ça. J’ai ensuite joué avec les enfants au dehors, jusqu’à ce que mes mains ne gèlent. Ils n’ont pas besoin de grand-chose pour jouer, ils étaient fascinés par l’appareil photo. J’ai pu prendre quelques clichés de leurs petites frimousses. J’ai terminé cet après-midi en grimpant la colline qui surplombe le campement, pour une très belle vue sur les alentours. Des montagnes blanches, et rien d’autre. Une forêt sur un versant, et le silence, le silence assourdissant. Il n’y avait pas un bruit, même pas de vent, il faisait même plutôt bon, c’était agréable. Une journée qui s’est achevé en beauté. J’ai retrouvé la chaleur de la yourte et attends désormais qu’ils terminent leur partie de dominos afin que nous prenions le chemin de la maison. Je vais encore une fois très bien dormir ce soir, si je ne tombe pas de sommeil dans la voiture. Une très belle journée, dont je saurai me souvenir.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:18:55

Dimanche 18 décembre

Je n’apprécie pas tellement le personnage d’Orkhon. C’est une femme très autoritaire, qui est très sèche avec les ados, n’hésitant pas à les invectiver. Son mari est à ses ordres, obéissant au moindre de ses désirs. Elle s’habille comme une femme de la ville, long manteau débordant de fourrure bleutée, lunettes de soleil, bottes de cuir blanc à talons, alors qu’elle vit dans des conditions aussi déplorables que ses voisins. C’est une businesswoman, guide l’été, elle vient de lancer ce club d’apprentissage d’anglais, soi-disant pour aider ses concitoyens, mais je suis certain qu’elle reçoit des compensations financières de la part des parents. Hier, nous sommes passés par ce qu’elle appelle son jardin. Quatre hectares d’arbres fruitiers au milieu de nulle part, plantés l’année dernière. Elle y a investi huit mille euros, une fortune en Mongolie.
Dans la soirée, j’ai également eu une démonstration de sa pugnacité sans bornes. Il y avait un spectacle à la salle communale, pour fêter la fin de l’année. Tout le gratin y était présent, et elle souhaitait discuter d’un nouveau projet avec certains. Une école d’anglais, mais pour adultes, pour favoriser le tourisme. L’idée est louable, mais je ressens clairement qu’elle le fait pour le fric. À la fin de la représentation, elle a sauté sur le maire et son adjoint, qui ont tenté de la fuir pendant près de dix minutes, écourtant sans cesse la conversation. C’était évident qu’ils n’en avaient rien à foutre de son histoire, mais elle insistait. Cela ne suffisait pas à Orkhon, elle voulait rencontrer le député de la circonscription. J’ai fait le plantain avec elle pendant plus de vingt minutes devant la porte derrière laquelle se poursuivait la soirée entre officiels. Face à sa ténacité, le député a finir par sortir cinq minutes pour l’écouter, bras croisés, en lui lâchant à la fin qu’il aimait le projet, plus pour s’en débarrasser que parce qu’il était emballé. J’étais effaré de voir une telle sans-gêne, prête à tout pour arriver à ses fins.
Aujourd’hui, rien de prévu. Je vais poursuivre sur ma lancée d’hier soir. Déjà quatre mille cinq cents mots de plus sur ma page Word entre hier et ce matin. Je vais viser les quinze mille avant la fin de la journée.

Bon, mon après-midi asocial devant mon écran a été quelque peu compromis. Trois francophones qui étaient en promenade dans le Gobi viennent d’arriver. J’avais déjà rencontré Joséphine, belge, et la québécoise Simone au Golden Gobi. Andrea lui, français, est une nouvelle tête. Après le déjeuner, nous avons été faire un grand tour, collines voisines et centre du bourg. Ils devraient rester quelques jours, je ne sais pas comment nous allons tous rentrer dans la petite salle de classe. Cela me fait un peu de compagnie, même si je ne suis pas certain que j’en avais réellement besoin. Je me suis remis à bosser sur l’ordi, ils papotent avec Orkhon dans l’autre pièce. Faut que j’avance.

Les rythmes latinos traversent ma peau, je suis en Équateur, sur la plage de Puerto Lopez. Il fait chaud sous ces latitudes tropicales, la brise caresse mes bras nus. Je danse dans le sable fin, un mojito à la main. J’ouvre les yeux, je suis subitement de retour en Mongolie. Un petit bar, la décoration de noël, des banquettes rouges, des tables aux nappes jaunes. Plusieurs verres qui trainent, une bouteille de vodka, une dizaine de mongols dansant avec leurs costumes. Je suis avec Joséphine, Simone, leur guide et Orkhon. Andrea et Tchuka squattent les canapés. Nous nous amusons, nous nous éclatons, je ne n’ai pas trop bu. Eux se sont cantonnés à la bière, ils ont apparemment eu suffisamment de vodka pendant le voyage.
Il est temps de passer dans la salle d’à côté, direction le karaoké. Nous enchainons avec deux heures de chanson, dans toutes les langues. Anglais, roumain, espagnol, russe, mongol, mais pas de français, les seuls chansons francophones proposées nous étaient inconnues, du genre Enrico Macias ou Tombe la neige, des vieux trucs quoi. La soirée s’achève tranquillement sur un bon rythme des années 80, nous sommes encore tous les quatre sobres, les mongols sont eux bien amochés. Les bouteilles de vodka ont pris un bon coup, il est plus que temps d’aller faire dodo. J’ai passé une excellente soirée, ça m’avait manqué.

Lundi 19 décembre

Une journée à la Louis de Funès…
Andrea est parti ce matin plus au nord, il allait faire du cheval. La journée de cours s’est très bien passée avec Joséphine et Simone. Avec les plus petites, nous ne savions pas trop quoi faire, leur anglais est limité vu qu’elles n’en apprennent pas à l’école, c’est difficile. Les plus grands eux, ont les bases de grammaire, on peut apprendre du vocabulaire, ça avance. Et c’est ensuite que tout s’est compliqué.
Il était prévu que j’aille dormir chez une des élèves, car ses parents m’avaient invité. Nous avions ce matin fait part à Orkhon de notre souhait de prendre une douche. Il y a apparemment des bains publics, qui ne sont pas ouverts le mardi, c’était donc la bonne journée. Parce que je sens que j’ai vraiment besoin d’un shampooing. J’ai donc rêvé de cela toute la journée, et voici qu’arrive le soir et la bonne surprise : pas de bain public pour tout de suite, nous allons directement chez la famille censée m’héberger, pour le dîner. Et là, Orkhon m’annonce, mine de rien, que je vais rester dormir là jusqu’à la fin de la semaine. Pardon ? Enfin, c’était pas prévu un jour uniquement? Apparemment, ils ne parlent ni russe, ni anglais, enfin bref, je vois pas trop ce que je pourrais faire là tout seul. Et pis je m’entends bien avec les filles, même si nous ne nous connaissons que depuis vingt-quatre heures. On s’amuse, on rigole, et pis on parle français, ça fait tellement du bien. Le repas se déroule, nous espérons toujours prendre une douche, car elle nous a dit que ça fermait à dix heures du soir. Nous imaginons notre petit plan entre nous trois, et lui disons que nous irions bien chercher notre shampooing à la maison. Elle nous répond alors que c’est déjà fermé. Incompréhension totale de notre part, un vrai micmac. De plus, le repas était bizarre, nous étions tous les trois à discuter entre nous, les mongols de l’autre côté. Nous sommes invités chez des gens et ils ne communiquent pas avec nous… Du coup, j’ai dit à Orkhon que je préférais rester avec les filles jusqu’au départ de Joséphine mercredi. Simone a elle prévu de partir demain matin, pour pouvoir faire paperasse et machine à laver à Oulan-Bator. J’ai donc dit que je resterai chez elle jusqu’à mercredi, pour ensuite bouger ici, difficile de refuser l’invitation tout de même. Elle explique à la famille, ces derniers nous disent qu’on peut tous rester là. Ça n’avait pas l’air de déranger Orkhon plus que cela, j’avais vraiment l’impression qu’elle voulait se débarrasser de nous, nous chasser. C’est bizarre quand même. J’aime déjà pas trop le personnage, là ça renforce encore l’impression. Surtout que nous ne l’avons pas vu de la journée, elle a passé sa matinée à cuver et son aprem à chercher des craies qu’elle n’a finalement pas trouvées. Enfin bref, elle n’a rien foutu. Donc voilà, du coup, nous avons été cherché nos sacs chez Okhlon, et nous voici dans une nouvelle maison. Une maison plus grande, plus spacieuse, plus moderne, avec des vrais meubles de cuisine, un canapé et plusieurs chambres. Bon, c’est toujours chauffé au bois et à la chaudière, mais il ne fait pas froid. Un lavabo avec de l’eau courante, enfin ! Elle tombe d’un réservoir, sans doute alimenté par une pompe, et finit dans un bidon. C’est déjà mieux que le seau dégueulasse dans lequel nous faisions nos ablutions jusque-là. La maison est cool, je resterai là jusqu’à mon départ, ça me plait davantage.
Une des petites filles vit ici, dix ans, elle persiste à nous parler en mongol. Elle vit avec ses deux parents et son petit frère de quatre ans, monté sur piles, il me rappelle Vica. Du coup, nous n’avons pas eu de douche, je vais donc insister demain matin pour au moins faire un shampoing. Je ne ressens pas le besoin de me laver, je ne pue pas, je ne me sens pas sale, alors que la dernière fois que je me suis décrassé remonte à une semaine. Mais mes cheveux sont gras, ça gratte, quand j’enlève le chouchou ils tiennent tout seuls, c’est dire. Je vais donc essayer de faire un shampooing demain matin, ça fera un bien fou pour commencer la journée.
Donc voilà, nous avons été chassé de chez Orkhon, nous n’avons pas tout compris, notamment ses histoires de bains publics ouverts ou pas, enfin bref. Je suis bien naze, mais content d’être avec les filles et d’être là, je vais passer une très bonne nuit.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:19:33

Mardi 20 décembre

L’eau fraiche s’écoule lentement dans ma nuque. La gamine la verse tout doucement sur ma chevelure abimée. Une bassine juste en dessous récolte ce qui n’aura pas imbibé mes cheveux. Le liquide est certes froid, mais je m’en fiche, j’ouvre la bouteille de shampoing, déclic orgasmique. J’en verse dans ma main, des parfums enivrants d’orange montent à mes narines. Je passe mes doigts dans mes cheveux et frotte, quel bonheur ! Je gratte, je reprends du shampoing, j’en remets, c’est un délice. J’astique ma chevelure durant au moins cinq bonnes minutes, histoire de la nettoyer quelque peu. Vient la phase de rinçage, l’eau est toujours glacée, mais ça m’est égal. Mes cheveux sont propres, je les sèche, passe un coup de peigne dedans, enlève nombre d’entre eux brisés ou morts. Le fond de la bassine est marron, c’est dire combien mon crâne était sale. Mais bon, ce fut sommaire, un vrai shampoing une fois rentré à Oulan-Bator s’imposera. Pour la douche, tant pis, je ferai sans, mais je ne me sens pas vraiment sale. Je ne fais pas grand-chose de spécial, à part être toute la journée dans la salle de classe, donc ça va. Mais le shampoing, j’en avais besoin, et il fut divin.

Nouvelle et avant dernière journée de cours. Simone est partie ce matin, ça ne la branchait pas tant que ça, et elle avait envie de rentrer sur Oulan-Bator. J’étais donc avec Joséphine, nous avons travaillé sur les émotions, les actions, et avec les plus grands, également sur les questions et le positionnement des choses. Bon, c’était un peu compliqué dans l’après-midi, car Orkhon était là, et elle ne rend pas les choses faciles. Elle a tendance à invectiver les enfants lorsqu’ils ne répètent pas cinq fois tout ce que l’on dit, ce qui m’agace au plus haut point. Je n’ai pas envie qu’ils répètent, j’ai envie qu’ils apprennent, qu’ils comprennent, j’ai envie qu’ils fassent des phrases. Enfin bref, elle était assez agaçante. J’utilise de nouveaux supports, de la photo, je suis passé à la vidéo. Et les dessins animés de Macha et Medved en russe me sont fort utiles. J’ai également usé du livre papier déniché dans l’étagère de la famille chez qui nous dormons. Petite pause au-dehors pour faire différents jeux, les gamins ont eu l’air d’apprécier. J’ai donc bien aimé cette journée, et la soirée encore davantage. Être libéré d’Orkhon après la classe, ça n’a vraiment pas de prix. La famille est très cool, très sympa, nous nous y plaisons bien. Joséphine me quitte demain midi, retour dans la capitale, elle a son train jeudi matin. Mais ce mercredi sera ma dernière journée de cours, je ferai les enfants écrire dans mon carnet, et jeudi, j’irai visiter Kharakhorin avec Tchuka. Ces dix jours dans la campagne s’achèvent bientôt, la Mongolie également, je l’aurai quittée la semaine prochaine. La suite s’annonce tout aussi passionnante.

Nous voulions absolument assister à cela. Nous l’aurions bien aidé, mais elle n’a pas donné signe que nous pouvions mettre la main au pis. Soir de traite des vaches, méthode manuelle. J’étais déjà venu en aide à une famille d’éleveurs de bovidés, celle de Camilla près de Latacunga, en Équateur. Mais là-bas, c’était une machine qui se chargeait d’aspirer le précieux liquide. Ici, le veau amorce, et l’humain prend le relais. Une scène inoubliable dans la nuit noire de Khujirt.

Mercredi 21 décembre

Joséphine m’a quitté sur l’heure de midi, après une matinée passée à apprendre l’alphabet aux plus petites. Orkhon a en effet commencé à leur faire répéter des phrases, mais elles ne savent pas lire l’anglais, il n’y donc pas grand intérêt. Elles sont capables de réciter l’alphabet, mais si on leur demande une lettre toute seule, rien à faire… Nous avons donc passé plus de deux heures là-dessus, l’une d’entre elle était motivée, l’autre, la fillette chez qui nous dormons, s’ennuyait à mourir…
Dans l’après-midi, j’ai poursuivi seul avec les plus grands, sur les mots interrogatifs et les réponses qu’ils induisaient. De quoi indiquer le temps, les personnes ou les endroits, encore plein de vocabulaire. Et surtout comprendre comment est construite la phrase. Orkhon n’avait pas l’air super emballée, elle préfère sans doute les faire répéter bêtement, mais j’ai pu voir de clairs progrès chez certains. Ça fait donc plaisir, je ne fais pas ça pour rien. Une soirée sympa, passée à jouer aux osselets que l’on m’a offerts aujourd’hui. Il y en a vingt-cinq, de quoi jouer à plusieurs. J’ai d’ailleurs mis cela en pratique avec la petite fille, puis avec le père, avec qui j’ai appris un nouveau jeu. Je tenterai également de trouver à Oulan-Bator des dominos mongols, ils seront mes souvenirs du pays. Je m’apprête à regarder quelques épisodes de Macha et Medved avec le petit garçon, et ensuite, au lit !

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:19:58

Jeudi 22 décembre

Bon, c’est bien ma veine ! Orkhon et Tchuka se sont déjà pointés avec une heure vingt de retard, ils étaient censés passer me prendre à dix heures. Elle m’a dit que la bagnole n’avait pas démarré ce matin à cause du froid, parce qu’il avait fait -35°C cette nuit. Me voici donc enfin parti, un arrêt à la station-service afin de faire le plein et la bagnole ne démarre plus à nouveau... Ce n’est donc pas un problème de froid vu qu’elle est chaude. Il n’y a absolument plus rien, ni klaxon, ni voyants, je pense que c’est un problème de batterie. Déjà hier soir, quand ils nous ont ramené, je sentais que la voiture avait du mal à avancer, soi-disant nous étions trop lourds. Nous n’étions que cinq dans la bagnole… Sa caisse a donc un problème, je ne sais donc pas si je vais pouvoir voir l’ancienne capitale mongole aujourd’hui, Kharakhorin. Si ce n’est pas le cas, je pense que je partirai demain matin très tôt, avec les moyens du bord, bus ou stop, et que je passerai la journée là-bas avant de prendre un car de retour. Enfin bon, ça me ferait une journée chargée et avec le sac sur le dos, alors que là j’aurais pu avoir une journée de visite tranquille et cool. J’ai déjà payé, j’espère revoir mes sous si nous n’y allons finalement pas. Enfin bref, c’est de l’organisation mongole, là il est parti je ne sais où pour voir je ne sais quoi, il n’a même pas ouvert le capot, c’est dire… Bref, la journée commence très mal.

Enfin seul ! Je suis à Kharkhorin, également appelée Kharakhorum, ancienne capitale mongole. J’aurais voulu la visiter seule, tranquille, à mon rythme, et que Tchuka aille faire son propre business. Que l’on se donne un point de rendez-vous, que l’on se retrouve à tel endroit à telle heure avant de repartir sur Khujirt. Et bien non. Il m’a déposé à la porte du premier musée, et est même rentré avec moi pour payer avec les sous que je lui avais donné. Complètement idiot, comme si je n’avais pas pu donner les billets à la guichetière moi-même… Du coup, mon ticket eétait une entrée adulte, au lieu d’une entrée étudiante. J’avais un peu les boules, c’est trois mille de plus et, à regarder mon porte-monnaie actuel, trois milles tugriks, c’est beaucoup. La visite du musée ne fut pas forcément intéressante. Je n’ai pas pu profiter des expositions comme je l’aurais voulu, car une mongole m’accompagnait pour me donner des explications sur tout et rien, les trois bouts de poteries dont je n’avais rien à branler par exemple. Elle parlait dans un anglais plus qu’approximatif, quasiment incompréhensible. L’intérêt de la chose était donc quasiment nul. Le musée en lui-même est moderne, il aurait vraiment pu être intéressant si j’avais pu prendre le temps. Il conte l’histoire de Kharakhorum, ancienne capitale mongole, de son fondateur, Genghis Khan, et de ceux qui lui ont succédé, tels Ogodeï, Möngke ou Kubilaï.
Après cette visite pas forcément des plus passionnante, je pensais pouvoir déambuler seul tranquillement dans la ville. Et bien non, nous sommes remontés en voiture, Tchuka m’a déposé au monastère, qui était à deux cents mètres. Encore une fois j’ai payé, peut-être plein tarif, je ne sais pas, ce n’était pas affiché. Encore un guide qui m’a accompagné jusqu’aux temples principaux. Bon, là je veux bien comprendre pourquoi, parce que les bâtiments étaient fermés pour conserver un poil de chaleur à l’intérieur. Il m’a laissé maintenant seul, je peux donc déambuler dans ce qui reste d’un complexe religieux qui fut jadis bien plus imposant. Fondé en 1586, Erdene Zuu, qui signifie « Les cents trésors » fut le premier temple bouddhiste en Mongolie. Au fil des siècles, les périodes de prospérité ont alterné avec d’autres, plus creuses. Jusqu’à mille moines ont ici déambulé, entre la centaine de temples et les centaines de yourtes. Tout s’est brusquement arrêté en 1937. Le gouvernement communiste de l’époque ne voyait pas la religion d’un très bon œil. Seuls trois édifices survécurent à la campagne de démolition imposée par le régime. Il n’y avait de toute façon plus personne pour y prier, les moines qui n’avaient pas été exécutés sur place avaient fini dans des goulags sibériens. Les portes du monastères furent rouvertes en 1956, mais uniquement pour en faire un musée. Ce n’est qu’à la chute du communisme au début des années 90 qu’Erdene Zuu retrouvera sa fonction première.
J’espère ne pas tomber nez à nez avec Tchuka à l’entrée, afin de pouvoir aller faire un tour dans les rares ruines de l’ancienne cité qui se dressait ici jadis. Quoi qu'il en soit, je ne profite pas vraiment de ma journée, difficile de faire de vraies descriptions, car je ne peux pas me poser et prendre la température du lieu. Je suis fortement déçu, j’aurais mieux fait de venir seul, par mes propres moyens et de payer une chambre d’hostel, ça me serait sans doute revenu moins cher.

Je marche sur la lande nue qui abritait jadis la capitale du plus grand empire que la Terre ait jamais porté. Kharakhorum, fondée en 1220 par le très grand Genghis Khan, était situé dans la vallée de l’Orkhon. Il existe de multiples questions quant à son fonctionnement, ses habitants. Ce n’est qu’à la fin du XXème siècle, en 1998, qu’une première expédition, germano-mongole, explora le site. On y distingua plusieurs élévations mettant en exergue un plan très clair. Une grande enceinte carrée, une rue courant est-ouest, une autre nord-sud, à leur croisement étaient établis les artisans. Au nord de l’enceinte, les chrétiens et les musulmans. Au nord-ouest, un quartier de gers, où vivaient les plus pauvres. Les nobles eux, vivaient au sud, dans des villas de pierres. Au sud-ouest enfin, un temple bouddhiste complétait l’ancienne capitale. La politique de conquête cruelle et sans pitié des mongols contraste fortement avec leur grande tolérance religieuse, apparente à Kharakhorum. Ce n’était pas seulement un centre religieux et commercial, proche de la route de la soie, ou un centre d’administration. Étant la capitale d’un empire nomade, la cité servait également d’entrepôt pour les différents tributs et butins. En 1260, face aux disputes internes, Kubilaï Khan décida de déplacer sa capitale à Dadu, aujourd’hui nommée Pékin. Ce déménagement ne marqua pas la fin de la cité de Temujin, qui ne déclina définitivement qu’au cours du XVème siècle. S’il n’en reste aujourd’hui rien, c’est parce que les ruines de la cité furent utilisées pour bâtir le monastère d’Ernene Zuu voisin. Plus aucune pierre sur le site, elles ont toutes été réassemblées pour former un nouveau complexe religieux. Il est difficile de s’imaginer que se dressait ici une cité entière, une cité qui a gouverné le monde. Il n’y a aujourd’hui plus rien. Plus rien, si ce n’est une sorte d’étrange mémorial construit récemment. Tout le reste n’est que lande nue et plate agrémentée de quelques buissons. Mais cela reste néanmoins impressionnant. Le grand Temüjin passa par ici il y a près de huit cent ans. Même si je n’ai pu voir son lieu de naissance, je marche néanmoins aujourd’hui dans ses pas.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:20:25

Vendredi 23 décembre

Cette dernière matinée de classe ne fut pas des plus reposantes pour mes nerfs. Ils n’écoutaient pas, n’écrivaient pas, et ne pouvaient ensuite pas répondre à mes questions. J’ai failli pleurer au moment de les quitter, ils m’ont lancé de concert « Nous avons bien appris l’anglais, merci pour tout ! » En anglais évidemment. Petit pincement au cœur, certains des enfants vont me manquer, d’autres non, et j’aurai vécu quoi qu’il en soit dix jours merveilleux, pleins d’expériences, je rentre la tête chargée de souvenirs. Je ne regretterai pas Orkhon, je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher au personnage, mais elle est comme ça, au moins elle a le mérite d’avoir lancé ce projet ici. J’ai de longues heures de car qui m’attendent devant moi, je vais ire mon Lonely Planet sur l’Iran, afin de voir où m’arrêter. Je comparerai cela avec ce que m’a déjà donné Ardui, du forum Écriture, qui est lui passionné par ce pays. Je vais également envoyer des messages vocaux aux filles à Dublin, à Coralie et à Céline, ils ne les recevront que ce soir, mais autant combler mon temps. Il me restera trois jours à Oulan-Bator, j’ai peut-être encore quelques visites que je désire faire, comme le musée des dinosaures ou celui d’histoire. Le marché noir aussi. Il me faudra également trouver une banque, car je ne tiendrai pas avec les trente mille tugriks qu’il me reste. Je jette un dernier regard par la fenêtre, les habitants sont en train de nettoyer les rues à la pelle et à la bêche, afin que tout soit propre pour le nouvel an. Khujirt s’éloigne, j’y laisse un petit bout de moi-même.

L’eau tiède imprègne mes cheveux peu à peu, c’est une délicieuse sensation. Je déclipse le capuchon, fait couler quelques millilitres du précieux liquide dans ma paume. J’applique cette dernière sur mon cuir chevelu, et commence à gratter. C’est si bon ! Les parfums d’orange me parviennent aux narines, j’ai l’impression de réellement me décrasser, j’ai l’impression de ramener ma chevelure à la vie. Un rinçage puis après-shampooing, ce ne sera pas de trop, après dix jours, les nœuds vont être légion. Je passe au corps, frotte le savon sur le gant. J’astique bien ma peau afin d’en enlever toute trace d’impureté. L’eau est à présent presque bouillante, je profite réellement du moment. J’ai terminé, le gant est passé du vert au noir. Rinçage de mes cheveux, cette douche fut absolument divine.
J’ai attendu quelque peu avant de la prendre. En arrivant à l’hostel, sur le coup de 22h00, le besoin d’internet s‘est fait plus pressant. Et j’ai bien fait ! Après même pas cinq minutes de connexion, j’ai reçu un appel Skype de ma tante, avec en fond, ma mère éplorée. Elle n’avait pas de nouvelles depuis dix jours, elle était donc dans tous ses états. Je lui avais dit que je rentrais à Noël, je ne sais pas pourquoi elle s’était imaginée que je ne partais que cinq jours, enfin bref, j’étais un peu étonné. Elle doit bien se douter qu’en dehors de la capitale, il n’y a rien. Elles ont essayé d’appeler mon numéro russe, mais il n’y avait pas tellement de réseau non plus… La prochaine fois, j’essaierai de lui donner des dates plus détaillées, afin qu’elle ne se fasse pas trop de mouron. C’est dingue quand même, qu’est-ce qu’elle a été s’imaginer ? Que j’avais été dévoré par un cheval ? Que j’étais mort congelé après avoir tenté une nuit au-dehors ? Je pense avoir suffisamment la tête sur les épaules pour ne pas prendre de risques, mais apparemment, ce n’est pas suffisant pour elle.
Je ne suis pas très fatigué, j’ai dormi dans le bus toute la journée, je vais donc rester à nouveau trainer sur l’ordi pour je pense, une bonne partie de la nuit.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:20:54

Samedi 24 décembre

Je vais d’un rayon à l’autre en quête d’idées. J’ai laissé mon panier dans un coin pour pouvoir effectuer mes recherches tranquillement. J’ai déjà déniché des chocolats, une boîte de terrine de campagne au piment d’Espelette, que j’accompagnerai de pain de mie. Ainsi que des olives et des curlys pour l’apéro. Mais que faire pour le plat principal ? Ici, impossible de trouver des fruits de mer comme on a l’habitude d’en manger en Bretagne. En revanche, il y a du poisson. Surgelé certes, mais ça reste du poisson. Sauf que les prix ne sont pas affichés en face de chaque produit, mais tous sur le côté. Va savoir ce qui correspond à quoi, je n’en ai aucune idée. Je n’ai pas envie de mettre vingt euros dans un morceau de poisson, je tente donc de comparer les codes. Le pavé de saumon est bien trop cher, les crevettes aussi. Le maquereau, ça va, mais je n’en ai pas tellement envie. Une dame du magasin, me voyant en plein flou depuis un bon quart d’heure, finit par venir me donner un coup de main. J’opterai finalement pour des filets d’un poisson blanc, genre du colin ou du merlan. Mais que faire avec ? Je pourrais préparer un riz à la crème, sauf que j’ai eu beau regarder, impossible de trouver de la crème. Je ferai sans, j’opte finalement pour des patates, je ferai des frites. Fish and chips pour Noël, ça sonne pas mal non ? Il me manque un dessert. Une glace ? Des petits gâteaux ? Il y a, du côté de la boulangerie du magasin, tout un monde de petites bûches. J’opte pour celle au chocolat et aux fruits rouges. Mon menu est prêt, il ne me manque plus qu’une bouteille. Beaucoup de rouge et de vodka, j’aurais bien voulu un petit Lambrusco, mais y’en a pas. Je me décide pour un riesling allemand, ajoute la bouteille dans mon panier. Il est temps de passer en caisse, j’espère que ça ne va pas faire trop mal. En fait non, vingt euros, ça va pour un repas de réveillon. Je n’ai plus qu’à cuisiner tout cela et à passer une bonne soirée. Seul. Parce qu’il n’y a à l’hostel qu’un seul pelé avec qui je partage ma chambre, un français, Manu. Sauf qu’il a prévu d’aller voir un spectacle et d’aller à la messe ensuite, ce sera donc réveillon en solitaire.

Je n’avance pas sur grand-chose, en cause, mon téléphone. Ça fait un moment que j’ai des petits bugs, et là, c’est de pire en pire. J’ai donc décidé de demander à mon frangin ce que je peux faire pour y remédier. S’il y avait des choses à supprimer, à améliorer, je n’en sais rien moi, c’est lui l’informaticien. Enfin bref, ça me gonfle un peu tout ça, du coup, pas de carnet de route. J’ai néanmoins terminé de lire le Lonely Planet sur L’Iran, tout est maintenant prêt, mon calendrier également. J’ai aussi noté chaque point d’intérêt sur les cartes de Maps.me, application installée sur le téléphone, très utile pour se repérer sans réseau. Je devrais normalement m’envoler pour la France le 5 mai. Maintenant, afin de la jouer discret et faire la surprise à ma famille, il me va falloir payer le billet d’avion tout comme le billet de train par PayPal, faisant croire que ce sont d’autres dépenses. Ce n’est pas forcément gagné parce que si je dois payer par carte bancaire c’est foutu, les confirmations arrivent sur le téléphone de mon frangin. Mais bon, je vais essayer de me débrouiller comme je peux. C’est une bonne chose de faite, je n’aurais au moins pas à m’occuper de cela au Kirghizistan. Je n’aurais plus qu’à ouvrir mon Lonely Planet et visiter en suivant le plan préétabli. Il est temps de me mettre aux fourneaux !

Le riesling est divin, vraiment très bon, je ne suis pas déçu. Les mongols ne fêtent pas Noël, forcément, vu que c’est une fête chrétienne. En revanche, ils fêtent le nouvel an, et les décorations et autres sapins s’y rattachent. Mais les dames de l’hostel, étant habituées à voir les touristes passer, nous ont préparé un petit quelque chose. Selon elles, c’est un plat d’honneur pour les invités. Il trône au milieu de la table basse, me regardant de ses orbites vides. La tête de mouton ne me donne pas très envie, mon poisson est bien plus appétissant. Je me regarde un film en mangeant, une comédie américaine à la con trouvée sur YouTube. C’est une soirée sympa tout de même, je suis certes seul, mais y’a un petit air de Noël. Le français, Manu, vient de rentrer, m’interrompant dans mon visionnage. Il a, je dirais, une quarantaine d’années, une cinquantaine peut-être. Il est ouvrier dans l’est, il est juste venu là en vacances. Sa conversation n’est pas forcément intéressante, j’avais juste envie d’être tranquille en fait. Mais il ne tardera pas à s’éclipser. Je vais donc pouvoir regarder la fin de mon film devant ma bûche et mes petits chocolats. Joyeux Noël à tous !

Dimanche 25 décembre

Noël. C’est pour moi avant tout une fête familiale, l’occasion de retrouver nos proches, même si on les voit déjà toute l’année. L’occasion également de s’en mettre plein la panse et de dévaliser le stock de fruits de mer. J’ai bien fait d’autres Noël à l’étranger, comme en Équateur ou en Irlande, mais j’étais toujours avec des gens, il y avait toujours des cadeaux, un colis envoyé par Maman ou bien des présents offerts par les amis. Mais cette année, il n’y a pas cette ambiance de Noël. Déjà parce qu’elle n’est pas présente dans les rues, et ensuite parce que je suis bel et bien seul. J’ai eu deux cadeaux ce matin. Le premier m’a fait très plaisir, il trainait au fond de mon sac depuis mon départ de Miass. Offert par Elena, Sacha et les filles, je me le suis trimballé sur des milliers de kilomètres. En l’ouvrant, tablettes de chocolat, sucettes, et une carte, ça fait vraiment plaisir. Le deuxième cadeau lui, m’a beaucoup moins plu. Face aux bugs incessants de mon téléphone, j’ai décidé de le reseter. Sauvegarde des données sur l’ordinateur, et c’est parti mon kiki ! Sauf qu’après la manipulation, il n’a jamais plus voulu redémarrer. L’écran reste bloqué sur « Android is updating, starting application. » Et rien d’autre. Uniquement cela, pendant plusieurs minutes, pendant même plusieurs heures. J’ai tout essayé, en enlevant la batterie, en faisant d’autres resets, en nettoyant le cache, tout, rien ne fonctionne, il est réellement bloqué. Je n’ai donc plus de téléphone, c’est fort agréable. J’en ai informé mon frangin, la famille n’était pas encore couchée, toujours à faire la fête. Nous verrons à son réveil ce qu’il est possible de faire, mais pour le moment, c’est un ras-le-bol général qui m’envahit. Plus de téléphone, cela veut dire plus de cartes, plus de dictaphone, plus de WhatsApp pour communiquer avec les filles, bref, je suis un peu dans le caca. S’il me faut en racheter un autre, ça fera mal au porte-monnaie. Bon, il faut que je me change les idées, je vais au marché.

Ce ne fut pas simple d’arriver là, le bus était ultra-bondé, mais vraiment. Les uns sur les autres, serrés, poussés, pire que des sardines prisonnières de leur boîte. Mais finalement j’y suis. Un peu déçu au premier abord lorsque j’ai vu des coquilles de smartphone et autre bricoles alignées sur des draps au sol, ça avait tout l’air d’une brocante. Mais en fait, c’est beaucoup plus grand que cela. Le bus ne m’a pas laissé à l’entrée principale, mais plutôt derrière, c’est pour cela que j’ai eu cette première vision pas très engageante. Un peu plus loin, on peut retrouver tout le nécessaire pour la maison, les poutres, les couches de feutres pour la confection de la yourte. Je suis venu avant tout pour voir, mais c’est un marché comme les autres. Et puis en Asie centrale, je verrai sans doute de nombreux bazars qui, je pense, sont bien plus intéressants. Mais je suis également ici pour trouver des dominos. Les fameux dominos mongols auxquels nous avons joué, j’aimerais en ramener afin de pouvoir y jouer une fois rentré. J’erre parmi les voitures et les étals, avant d’enfin atteindre la partie principale. Des centaines de stands sont alignés, protégés sommairement par des bâches. Tapis, vêtements en tout genre, jouets, produits de tous les jours, c’est un véritable bric à brac qui s’étend là. Cela n’a rien de forcément particulier, le marché à Miass avait le même aspect, mis à part que c’était plus petit. Je fais quelques clichés, trouve mes dominos, je vais maintenant me rentrer à pied, même s’il y a une petite heure de marche. J’irai plus rapidement qu’en transport en commun à cette heure-ci…

Je suis assis au salon de l’hostel, au sous-sol, seul, face à mon ordi. Ce dernier télécharge des fichiers de je-sais-pas-quoi. Mon frangin m’a filé le lien, c’est pour réparer le téléphone. J’ai déjà appelé tout le monde, ou presque, ma grand-tante en région parisienne, celle en région lorientaise, ainsi que la maison et les cousins, afin e leur souhaiter de bonnes fêtes. La nuit est déjà fort avancée, j’attends désormais que le téléchargement soit achevé, afin de peut-être, enfin, récupérer un téléphone et passer une nuit sereine.

Mandoulis Mandoulis
MP
Niveau 25
15 février 2017 à 16:21:54

Lundi 26 décembre

Mes paupières tombent toutes seules, j’ai du mal à les maintenir levées. J’ai en effet passé une bonne partie de ma nuit debout, je n’étais au lit qu’à 4h00. Mon frère a, je ne sais trop comment, installé un nouveau système sur le téléphone, un truc Android qu’il a réussi à mettre en place en le branchant simplement à mon ordinateur. Un nouveau système donc, et comme le dit le professeur Grant dans mon film préféré : « Monseur Hammond, les téléphones marchent ! » Il m’a fallu réinstaller toutes les applications, j’ai plus ou moins tout récupéré, sauf les conversations WhatsApp, car impossible de mettre la main sur ma carte sim irlandaise pour confirmer le compte J’ai donc rentré le numéro russe, il m’a pris pour une nouvelle personne, enfin bref, c’est pas très grave. Le principal, c’est qu’il fonctionne. C’est un gros poids qui s’enlève, j’ai cru un moment hier soir qu’il m’aurait fallu faire les magasins afin de dénicher un nouveau smartphone. Heureusement, ce n’est pas le cas. Les économies que ma mère et Tata m’auront versé sur mon compte pour Noël resteront donc intouchées, c’est un énorme soulagement.

J’ai passé un aprèm de glandouille. Après ces deux derniers jours éprouvants pour mes nerfs, je n’ai pas réussi à bosser sur le carnet. Il aurait pourtant fallu que je travaille sur ces derniers jours, vu que je n’avais pas de dictaphone… PlantVSZombie, les actualités, les forums, rien de vraiment utile. Si ce n’est que j’ai pré-rédigé le mail que j’aimerais envoyer au CIEP. Le CIEP, qu’est-ce que c’est ? C’est le Centre International d’Études Pédagogiques. Suite à mes nombreux messages envoyés à Coralie, concernant mon hypothétique futur et mes doutes quant à mon éventuelle rentrée de septembre, elle m’a filé de nombreuses astuces, notamment pour les assistanats à l’étranger. Je m’y prends un peu tard, parce que les candidatures ferment le 18 janvier, faut que je fasse ça rapidement. Mon principal problème est de ne pas être étudiant, je ne peux donc normalement pas candidater. J’ai l’intention de les contacter afin de leur envoyer un bon gros pavé pour connaitre les procédures à suivre. Dois-je m’inscrire en urgence dans une université quelconque ? Comment faire ? Parce que ça m’intéresse vraiment. Et si je postule, ce serait pour le Mexique, mais bon, rien n’est encore fait.

Manu fête son anniversaire, il ne me l’avait pas dit ce matin. C’est sans doute pour cela qu’il m’avait proposé d’aller prendre un verre. Il a acheté un gros gâteau, type tiramisu, que nous avons dévoré tels des goinfres. Il m’a offert un instrument de musique appelé kazou, il m’aura fallu au moins dix minutes pour trouver comment sortir un son de la chose. C’est une espèce de tube de métal avec un orifice au-dessus, recouvert d’une fine membrane de papier, qu’il faut faire vibrer. Je suis content, je pourrais l’utiliser avec les enfants. Il veut maintenant que nous allions dîner, je n’étais pas trop chaud, mais je ne vais pas le laisser tout seul pour son anniversaire. Action !

Le dîner était divin ! Fort bon, dans un petit boui-boui, dans lequel il avait déjà mangé. Avant de rentrer, il m’a filé un billet de 20 000 tugriks, huit euros, en me disant que j’en aurais plus besoin que lui. Vraiment très sympa comme gars. Je suis très fatigué, mais mon sac est fait, ce qui ne fut pas chose facile. J’ai en effet de nouveaux trucs à ajouter tels mes dominos ou mes osselets, enfin bref, tout rentre.
J’ai donc passé trente jours en Mongolie. Des débuts chaotiques, incertains, angoissés, une fuite dont je ne suis pas peu fier, mais qui était nécessaire. Une nouvelle base au Golden Gobi, mes deux petites expéditions en solo, aux parcs nationaux de Gorkhi-Terelj et Khustai, ou j’ai pu découvrir ce que les touristes viennent voir : les montagnes, la steppe, les chevaux, les yourtes. Et puis dix jours à Khujirt, où j’ai pu découvrir la vraie Mongolie, avec les toilettes au fond du jardin, les routes qui n’en sont pas, trois bâtiments de briques pour le village, et des enfants qui ont envie d’apprendre afin de pouvoir mieux s’en sortir que leurs parents. Finalement, je ne regrette pas ce séjour en Mongolie, même si j’aurais passé la moitié de mon temps sur Oulan-Bator. Ce fut un peu comme une pause, après les trois semaines intenses de transsibérien, et puis j’ai quand même vu ce que je voulais voir, en restant dans mon budget de quatre cents euros, qui était quand même énorme. Demain, je prends le bus, malgré l’insistance des filles de l’hostel, qui voudraient me voir prendre un taxi. Sauf que les transports en commun coûtent 500 tugriks et le taxi 30 000, soixante fois plus, donc y’a pas photo. Je quitte la Mongolie satisfait, mais je garde dans un coin de ma tête cette envie de revenir, en été notamment, avec une tente, et de pouvoir enfin explorer ce désert de Gobi.

Mardi 27 décembre

Me voici dans le bus pour l’aéroport. Ce n’était pas le moyen de transport le plus rapide soit, mais c’était le moins cher. Au Golden Gobi, ils auront tout fait jusqu’au bout pour que je prenne un taxi, avec eux évidemment. Alors que je leur avais dit hier soir que je prendrais les transports en commun, le chauffeur de taxi était tout de même là ce matin pour me faire une dernière proposition. Mais bon, il n’est que 7h45, et ça roule plutôt bien. Les bouchons ne se sont pas encore formés à cette heure-ci. Je pars donc pour un nouveau pays, je suis à la fois excité et un peu angoissé. Je ne sais pas trop ce qui m’attend, je n’ai rien de prévu si ce n’est la tournée des ambassades demain. Il devrait normalement y faire plus chaud, même si les températures resteront négatives. Mais rien à voir avec le -31°C d’hier au soir. À noter également : le téléphone se décharge très rapidement, je n’arrive pas à trouver ce qui bouffe la batterie, si c’est ce nouveau système, ou bien des applications qu’il me faudrait désactiver. Il me faudra voir ça avec le frangin dès que je trouverai internet. En attendant, je vais donc tenter d’économiser et de le mettre à charger dès que ce me sera possible. Ce soir, je poserai le pied au Kirghizistan.

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