Si un jeu était attendu plus que tout en cette fin d'année, c'est bien Fallout 4. 5 ans séparaient la dernière itération de la franchise, Fallout New Vegas de ce nouvel opus de la saga post-apo. Bethesda a cette année repris le contrôle total de son jeu, semblant manifestement privilégier son traitement de la saga à celui d'Obsidian. Etant d'ores et déjà un grand succès commercial, nous allons nous attarder sur la manière dont le studio est parvenu à démocratiser une licence qui, si elle était culte pour beaucoup, n'était pas nécessairement la plus connue et la plus vendeuse.

Je crois que Fallout 4 peut dépasser Skyrim et devenir notre plus grosse sortie à ce jour. Mais nous verrons bien.

Cette phrase, pas si anodine que ça, a été prononcée par Pete Hines, directeur de communication chez Bethesda, auprès de MCV. Particulièrement loquace et très présent sur les média spécialisés, l'homme a fait le maximum pour promouvoir son jeu et diffuser son nom auprès du plus grand nombre. Les ambitions de Bethesda sont d'ailleurs très révélatrices de sa volonté de capitaliser un maximum sur son nouveau bébé. Dans un communiqué, le studio affirmait avoir expédié pas moins de 12 millions d'expemplaires du jeu à travers le monde. Une telle confiance dans son produit ne s'est pas créée toute seule et a commencé sans aucun doute par une très bonne maîtrise de la communication de Bethesda.

Garder le silence face à la rumeur

Dès 2013 ; une généreuse quantité de rumeurs circulaient autour de la mise en chantier de Fallout 4. Dépôt de marque, fuite de script... les occasions de spéculer sur l'arrivée hypothétique d'un nouveau Fallout allaient bon train. Toutefois, Bethesda s'est bien gardé de confirmer quoi que ce soit, arguant que toutes les infos glanées sur le web qui n'émaneraient pas directement du studio étaient à considérer comme fausses. Même si l'existence à plus ou moins long terme d'un nouvel épisode de la franchise ne faisait aucun doute, il a fallu attendre le 2 juin 2015 pour qu'un petit site teaser fasse son apparition, donnant rendez-vous aux joueurs dès le lendemain après-midi pour une annonce dont personne ne doutait qu'elle concernait Fallout 4. Pas de surprises, donc, lorsque l'annonce de Fallout 4 s'est faite le 3 juin 2015 par le biais d'un trailer que nous avons été nombreux à décortiquer.

L'effet d'annonce était pour le moins réussi, du moins chez les fans et chacun guettait alors une date de sortie officielle. Chacun gardait en mémoire que pour la première fois, Bethesda tiendrait une conférence à Los Angeles, quelques semaines plus tard, dans le cadre de l'E3 2015. Cette conférence a d'ailleurs incontestablement frappé très fort dans le processus de démocratisation de la saga et dans la conquête du coeur du grand public.

Une sortie serrée

Fin juin 2015, Bethesda ouvre le grand bal des conférences de l'E3 2015, événement incontournable pour créer l'événement en annonçant des jeux plein de promesses pour les années à venir. Après avoir abordé une partie de son line-up (Doom, Dishonored 2...), les différents intervenants cèdent la place au très charismatique Todd Howard, directeur de Bethesda Games Studios, qui investi la scène et dévoile une généreuse portion de gameplay de Fallout 4. Création de personnage, environnements, combats, tout laisse à penser que le titre est particulièrement bien avancé, laissant présager une sortie imminente. La présentation, tout en auto-dérision et en enthousiasme, aura largement captivé l'auditoire. Pour une première conférence, Bethesda a assurément su caresser le public et les spectateurs du monde entier dans le sens du poil.

La date du 10 novembre est alors annoncée, réjouissant plus que jamais les fans en mal d'exploration post-apocalyptique. Premier coup de poing assené par Bethesda, qui a parfaitement compris comment gérer la communication autour de son jeu. Là où de nombreux studios dévoilent leurs prochains titres deux voire trois ans avant leur sortie effective, Bethesda lui, révèle un produit quasi-fini dont l'annonce n'est séparée que de quelques mois de la commercialisation. Nous apprendrons d'ailleurs un peu plus tard que le titre était déjà terminé avant son annonce. De cette manière, Fallout 4 est gravé dans les esprits et l'imminence de sa sortie permet au public de ne pas l'oublier et encore moins de s'en désintéresser faute à des présentations successives qui virent rapidement à la routine. La proximité : un excellent moyen de créer l'événement, de générer assez d'attente sans jamais laisser le soufflet retomber.

Le coup de poing Fallout Shelter

Mais ce n'est pas sur l'unique annonce de la date de sortie et sur la diffusion d'images du trailer que la conférence Bethesda a grandement contribué à démocratiser Fallout auprès du public. Entre deux trailers tonitruants, Todd Howard présente Fallout Shelter. Avec la reprise du look cartoon que le fameux Vault Boy arbore depuis le premier opus de la franchise - mais qui n'est pas pour autant représentatif des couleurs dominantes de Fallout - Bethesda a donné un visage sympathique et fun à la saga, tout en permettant à celles et ceux qui ne la connaissait pas encore de répandre un visage emblématique que chacun pourra immédiatement associer à la communication autour de Fallout. Le processus de popularisation est en marche et outre l'esthétique et la gratuité de Fallout Shelter, c'est incontestablement son support qui a permis au plus grand nombre de prendre conscience de l'existence d'une licence riche et déjà vieille de près de 20 ans.

Le toujours enthousiaste Vault-Boy, immédiatement associé à Fallout

Effectivement, quoi de mieux que le mobile pour faire atterrir un jeu dans la poche des joueurs ? Si les fans de la saga n'avaient clairement pas besoin d'être convaincus pour se précipiter sur le jeu, le public plus large, notamment celui conquis par Skyrim et arrivé dans le giron de Bethesda à travers lui, ne s'engageait à rien en téléchargeant le titre... rendu disponible sur iOS à l'issue de la conférence et ne requérant pas de connexion internet pour être pratiqué. Ainsi a-t-on vu de l'univers Fallout pulluler dans les transports en commun et entendu nombre de personnes se déclarer grandement intéressées par l'acquisition de Fallout 4 sans avoir jamais posé les mains sur un épisode de la saga.

Bien entendu, Bethesda n'est pas novice en la matière et il sait faire des jeu. Le studio a eu l'intelligence de signer, pour sa première incursion sur mobile, un titre de très bonne facture, qui esquivait habilement les micro-transactions et proposait un certain nombre d'heures de jeu sans jamais débourser un seul centime, tout en introduisant à tous une partie de l'"esprit" Fallout, élément qui – au delà de ses nombreuses autres qualités – a toujours constitué un de ses points forts. Le succès a d'ailleurs largement été au rendrez-vous : 5 millions de dollars générés par le jeu en 2 semaines, détrônant à sa sortie le pourtant indéboulonnable Candy Crush... Fallout Shelter est parvenu à faire une imposante campagne de pub auprès des joueurs, en alliant un très bon jeu gratuit à la volonté de répandre la nouvelle selon laquelle Fallout 4 sortira sous peu.

Loin de se contenter de sortir son jeu et de le laisser vivre sa vie, Bethesda a grandement alimenté le contenu du soft, introduisant ici et là des personnages emblématiques de la saga tout en répandant davantage encore la licence Fallout en portant le titre sur les plates-formes Android un peu moins de deux mois après la parution iOS et moins de 3 mois avant la sortie de Fallout 4. Nouvelle ruée vers le jeu, nouvelle piqûre de rappel de l'importance du triple A à venir.

Une fois les codes visuels de la licence et son existence rappelés à tous, Bethesda n'a pas désiré en rester là et a multiplié les annonces, non pas sur le jeu en lui-même, celui-ci s'étant fait très discret entre son annonce et sa sortie effective, mais plutôt sur des produits dérivés pour le moins sexy et fun, de quoi contenter tout amateur de goodies et de jeu vidéo en général.

Pip Boy et produits dérivés

S'il est bien un objet que toute personne ayant essayé et apprécié un épisode de Fallout désirait ardemment posséder, il s'agit bien du Pip-Boy. Dans le déroulement de la présentation de l'E3 2015, l'ami Todd Howard a également fait savoir que Fallout 4 bénéficierait d'une édition collector... assortie d'un Pip-Boy, un vrai de vrai, qui fonctionnerait en insérant un smartphone dans l'espace réservé au traditionnel écran. Annoncé avec une certaine auto-dérision, la perspective de l'arrivée d'un véritable Pip-Boy fonctionnel a fini de conquérir le cœur des fans, et d'intriguer davantage encore les plus sceptiques. Bien évidemment, les stocks étaient limités et se sont particulièrement vite écoulés.

Entre le moment de son annonce et la sortie effective de Fallout 4, Bethesda a énormément misé sur la communication autour de son titre, accentuant le fait qu'ils allaient accoucher du nouvel épisode d'un univers foisonnant et pour mieux le faire savoir, le choix de commercialiser d'autres produits dérivés de la saga était sans aucun doute la plus pertinente. Ainsi, de la bière Fallout 4, en passant par les sneakers aux couleurs des tenues d'abri ou au véritable Nuka-Cola Quantum, peu d'éléments identifiables au premier coup d'oeil et associés en un instant à Fallout sont passés loin de l'implacable campagne promotionnelle façonnée par Bethesda, qui a prouvé ainsi à maintes reprises sa volonté de faire ce son nouveau bébé un nouveau Skyrim.

Les incursions de Fallout 4 ne se sont d'ailleurs pas cantonnées au monde réel et les interactions avec le jeu vidéo se sont grandement multipliées, que ce soit avant la sortie du titre ou encore aujourd'hui. Rocket League vous propose une antenne Vault-Boy à débloquer, Rock Band 4 vous permet de revêtir la tenue de l'abri 111 sur scène... les exemples sont légion.

Un succès commercial en adéquation avec l'approche du jeu

Bethesda a travaillé d'arrache-pied sur Fallout 4 et en a fait un titre qui finalement correspond bien à l'ensemble de ce que je suppose être leur volonté de démocratiser un maximum un univers qui restait cantonné à un public de niche dans le cadre des deux premiers opus, et un public un peu plus large avec Fallout 3 et New Vegas. Le propos de ces quelques lignes n'est ni de faire le procès de Bethesda sur la manière (habile) de vendre son produit et de tenter (avec succès) de rallier à sa cause bon nombre de personnes jusqu'alors indifférentes à l'ensemble de la saga, ni de refaire le test de Fallout 4.

Le propos réside surtout dans le fait de montrer ce qui a mon sens a contribué à entériner la démarche amorcée par Bethesda depuis son obtention de la licence. Il est bien évident que la folie débridée et immorale que l'on pouvait retrouver dans les deux premiers opus n'aurait plus sens aujourd'hui et aurait d'ailleurs grand peine à se vendre. Il est tout aussi évident d'ailleurs que Bethesda, que l'on saluera toujours pour la qualité de ses jeux, serait bien cavalier s'il choisissait de s'aventurer sur un terrain corrosif, un brin immoral, bref s'il avait opté pour l'écriture d'un Fallout pur souche, au détriment de son image nettement plus "tout public".

Si Bethesda avait grandement dépoussiéré la licence Fallout en réalisant le tour de force de faire passer le jeu d'un gameplay au tour par tour à celui d'un quasi-FPS, il a aujourd'hui donné des tours nettement plus orientés action, en y intégrant des fonctionnalités nouvelles à l'image du craft et du mode construction, intégrant au passage une fonction sandbox particulièrement populaire depuis quelques temps à une licence qui en était jusqu'alors dépourvue.

Lorsque l'on sait que le titre s'est vendu à 1.2 millions d'exemplaires en à peine 3 jours sur Steam et que ce chiffre exclut donc le démarrage sur consoles, autant dire que la recette a manifestement fonctionné. Il faudra toutefois encore pas mal de ventes pour égaler l'estimation des 22 millions de Skyrim écoulés dans le monde. Fallout 4 devrait en revanche sans peine surpasser ses grands frères Fallout 3 et New Vegas. Dans l'attente impatiente des retours officiels des chiffres de ventes, nous vous souhaitons une bonne balade dans le Wasteland.