Oui je vois ce que tu veux dire.
D'un autre côté, si on le scande d'une certaine manière on s'écarte énormément du sens avec une énumération de météos.
Juste dans la deuxième moitié après "énormes et monolithiques poids et masses" où on revient forcément à l'histoire vu que c'est juste deux propositions assez longues.
Enfin il faudrait que je trouve la scène pour essayer d'expliquer un peu mon point de vue puisque j'ai aucune idée précise de ce qui fait poésie ou pas. Une certaine rythmique dans ce cas je trouve (même si la ponctuation de l'extrait ne la suggère pas forcément, faut exagérer un peu).
Le seul critère qui passe à peu près en vrai c'est celui de la graphie et de la plastique.
Je vois pas ce que tu veux dire
Pour graphie tu veux dire les licences poétiques? La mise en forme du texte?
La mise en forme plutôt. Le vers c'est qu'une unité graphique disposée sur une feuille, c'est tout.
Demain je compose sept heures sur la poésie 18e ça s'annonce très lourd.
Je lis beaucoup William Clyff en ce moment, il me branche bien.
Le 5e poème de la section "Philadelphia" de son recueil America.
à vous les Noirs ma sympathie
mais de loin car j'ai pas envie
d'être boxé volé tué
je sais que vous me détestez
je veux tant que je peux vous dire
bonjour et vous sourire mais
d'un air dégoûté vous voyez
mes assauts de cordialité
vous nous guettez la nuit près des
bars mal famés vous aimez vous
en prendre aux errants sans armure
ceux qui vont seuls et sans voiture
proies désignées aux mauvais coups
il s'agit d'avoir de l'argent
passer sa rage sur la race
qui depuis trois cent ans vous tient
en état d'ignoble disgrâce
il s'agit de s'approprier
certains ornements dérisoires
par lesquels vous croyez gagner
ce que vous ne serez jamais
couvrez vos crânes de perruques
cernez vos doigts de cent bijoux
habillez-vous de beaux costumes
vous ne serez jamais que vous
à vous les Noirs ma sympathie
car votre sort semblable au mien
est de ramper toute la vie
sous le talon du philistin
J'up le topic pour vous dire merci pour vos partages qu'on prend toujours autant de plaisir à lire en cas d'insomnie. Comme j'ai rien de très beau à vous partager, je vais seulement apposer un poème ludique d'Alphonse Allais, assez drôle. On pourra éventuellement le trouver terrible, pour peu qu'on soit alcoolisé et dans une mauvaise passe de la vie.
Je crois qu'il n'a pas été publié dans un recueil en particulier. Je l'ai trouvé sur internet et sans la référence. Faut dire qu'Allais avait l'habitude de publier ces textes dans les journaux... citer un recueil reviendrait à citer une compilation sans intérêt.
Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes ;
Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
Combien de soupirs je rendis !
De quelle cruauté vous fûtes !
Et quel profond dédain vous eûtes
Pour les veux que je vous offris !
En vain je priai, je gémis :
Dans votre dureté vous sûtes
Mépriser tout ce que je fis.
Même un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes,
Et je ne sais comment vous pûtes
De sang-froid voir ce que j’y mis.
Ah! fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,
Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez,
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse,
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m’assassinassiez !
Quand j'étais plus jeune je détestais Michaux. J'en ai relu un l'autre jour dans mon bain en ouvrant le recueil une page au hasard, il m'a chauffé.
"Télégramme de Dakar", Plume
Dans le noir, le soir.
auto dans la campagne.
Baobabs, Baobabs,
baobabs,
Plaine à baobabs.
Baobabs beaucoup baobabs
baobabs
près, loin, alentour,
Baobabs, Baobabs.
Dans le noir, le soir,
Sous des nuages bas, blafards, informes,
loqueteux, crasseux,
en charpie, chassés vachement
par vent qu’on ne sent pas,
sous des nuages pour glas,
immobiles comme morts sont les baobabs.
Malédiction !
Malédiction sur CHAM !
Malédiction sur ce continent !
Village
village endormi
village passe
De nouveau dans la plaine rouverte : Baobabs
Baobabs baobabs Baobabs
Afrique en proie aux baobabs !
Féodaux de la Savane. Vieillards-Scorpions.
Ruines aux reins tenaces. Poteaux de la Savane.
Tams-tams morbides de la Terre de misère.
Messes d’un continent qui prend peur
Baobabs.
Village
Noirs
Noirs combien plus noirs que de hâle
Têtes noires sans défense avalées par la nuit.
On parle à des décapités
les décapités répondent en « ouolof »
la nuit leur vole encore leurs gestes.
Visages nivelés, moulés tout doux sans appuyer
village de visages noirs
village d’un instant
village passe
Baobab Baobab
Problème toujours là, planté.
Pétrifié — exacerbé
arbre-caisson aux rameaux-lourds
aux bras éléphantiasiques, qui ne sait
fléchir.
Oh lointains
Oh sombres lointains couvés par d’autres
Baobabs
Baobabs, Baobabs, Baobabs
Baobabs que je ne verrai jamais
répandus à l’infini. Baobabs.
Parfois s’envole un oiseau, très bas, sans élan,
comme une loque
Un Musulman collé à la terre implore Allah
Plus de Baobabs.
Oh mer jamais encore aussi amère
Le port au loin montre ses petites pinces
(escale maigre farouchement étreinte).
Plus
plus
plus de baobabs
baobabs
baobabs
peut-être jamais plus
baobabs
baobabs
baobabs.
J'ai fini de taper dans l'anthologie de poésie haïtienne contempo' chez pocket, j'ai beaucoup apprécié. Celui-ci par exemple :
"Lanceurs de Pierres", Pradel Henriquez
Le sang gicle du cœur
Des lanceurs de pierres
Si ce n'est le temps des querelles
On dirait des aboiements de chats
Et des frissons d'abeilles
On dirait aussi qu'il faut
Casser la branche
Et mettre le feu aux poudres des canons
Les tiroirs on les tire
Les lits on les défait
La lampe à bec se tait
Le bec a ses remords
Et les remords et les querelles
Et si le cœur a ses raisons
Pourquoi faut-il des lance-pierres
Nezahualcoyotl – Sur cette terre à nous prêtée…
‘Les Chants de Nezahualcoyotl, roi de Texcoco’
trad. P. Coumes et J.-C. Caër, Arfuyen, coll. « Ombre », 2010 [XVe siècle]
(ISBN : 978-2-8459-0142-1)
Chant 20
« Ô mes amis…,
Nous ne reviendrons pas
Une seconde fois sur Terre.., »
Dit le cœur
De « Seigneur-aux-sourcils-froncés »,
De « Serpent-d’étoiles »,
De « Broussailles sèches ».
Ici est le lieu du plaisir,
Ici est la danse,
Ô princes,
Il en est ainsi maintenant,
Maintenant seulement, il en est ainsi.
Au profond de toi il vit,
Au profond de toi il écrit,
Il crée, « Celui-par-qui-vivent-toutes-choses »,
Ô princes chichimèques,
Ô « Coyote-famélique ».
Résonnent les Maracas,
Là-bas dans le Lieu du Pouvoir,
Mais il ne frémit pas,
« Celui-par-qui-vivent-toutes-choses »…
Voici « Celui-qui-va-l’amble »,
Mais il ne frémit pas…
Ce n’est pas en vain,
Ce n’est pas en vain,
Qu’ils sont comblés de savoir
Ceux qui sont à nos côtés,
Ceux qui sont près de nous.
Votre parole connaît les fleurs,
En haut est la fortune,
En haut est la parole,
En haut elle s’élève, Ô Princes !
Toi, « Celui-qui-va-l’amble »,
Toi, « Seigneur-aux-sourcils-froncés »,
Toi, « Broussailles sèches »,
Toi, « Serpent-de-la-Terre »
Toi, « Aigle-seigneur-de-l’eau »
Vous êtes les princes en qui demeure
« Celui-qui-a-le-pouvoir-de-la-parole »,
Toi, « Serpent-d’obsidienne », de la « Terre-des-Nopals »,
Et toi, « Coyote-famélique »,
Entrelacez, tressez,
Les fleurs odorantes,
Les fleurs de cacao,
Ô princes de la « Terre-des-saules » :
Toi, « Visage-mêlé »,
Et toi, « Lance-d’assaut »…
Avec des fleurs, tu peins le monde,
Ô toi par-qui-vivent-toutes-choses,
Avec des chants, tu dis le monde,
Et tout ce qui vivra sur la terre.
Et puis tu détruis
L’ordre des Aigles,
L’ordre des Jaguars…
Seul ce qui est ici sur la terre
Vit dans tes peintures.
Tu esquisses
L’ordre de la poésie, de l’amitié
Et de la noblesse,
Tu fais le choix des couleurs,
Et tu peins tout ce qui vivra sur la terre,
Et puis tu détruis
L’ordre des Aigles,
L’ordre des Jaguars…
Seul ce qui est ici sur la terre
Vit dans tes peintures.
C’est seulement dans la natte précieuse,
Dans le coffret de jade,
Que se cache le cœur des princes.
Ainsi, nous qui sommes mortels,
Nous les hommes, quatre par quatre,
Tous nous partirons,
Tous nous mourrons,
Ici sur la terre.
Je suis le seul, Ô princes,
Le seul à percer le coffret de votre cœur.
Ainsi, nous qui sommes mortels,
Nous les hommes, quatre par quatre,
Tous nous partirons,
Tous nous mourrons,
Ici sur la terre.
Le jade et l’or,
Jamais ne reviendront,
Ici sur la terre.
Tous nous partiront,
Là-bas, là-bas…
Rien ne restera, tout disparaîtra,
Nous irons tous dans sa demeure…
Comme les peintures,
Nous nous effacerons,
Comme les fleurs,
Nous nous fanerons,
Ici, sur la terre.
Mais le plumage du quetzal,
Le plumage de la calandre de l’aube,
Le plumage de l’oiseau de turquoise !…
Nous partirons, peu à peu nous disparaîtrons,
Nous irons dans sa demeure…
Ici j’ai passé mes jours,
M’acheminant vers l’angoisse
Vers ceux qui vivent dans sa demeure :
L’Aigle et le Jaguar,
Ce n’est pas en vain
Que nous les pleurons !
Nous partirons, peu à peu nous disparaîtrons,
Il ne restera rien…
Ô Princes, sachez le bien,
Sachez-le, Aigles et Jaguars,
Le jade et même l’or
Aussi là-bas s’en iront,
Là-bas, où-sont-les-Décharnés…
Nous partirons, peu à peu nous disparaîtrons,
Il ne restera rien…