Nintendo a délivré aujourd'hui son rapport financier, pour la période s'étalant d'avril à décembre 2016. S'il faudra attendre fin mars 2017 pour faire le bilan de son année fiscale, le géant japonais montre de véritables signes de faiblesse, masqués en partie par le succès de Pokémon, qui cette année a brillé sur différents supports.
Nintendo n'est pas à la fête. Le 13 janvier dernier, la présentation de sa nouvelle console a fait dégringoler Big N à la bourse de Tokyo, et si l'on se plonge dans le rapport financier pour la période avril/décembre 2016, tout n'est pas rose au pays de Super Mario, comme on pouvait s'en douter. Mais rassurez-vous, Nintendo n'est pas à plaindre, comme l'attestent les documents.
Merci Pokémon GO
Le jeu de Niantic Labs a eu plusieurs effets positifs sur Nintendo, et le premier n'est pas des moindres, puisqu'il s'agit de rentrée d'argent. Puisque The Pokémon Company appartient en partie à Nintendo, le géant japonais a bien entendu touché des dividendes, une somme qui se chiffre tout de même à 137 millions d'euros. Mais l'impact de ce Pokémon en réalité augmentée est beaucoup plus important qu'on pourrait le croire au premier regard. Le jeu a offert à la licence un sacré gain de visibilité, et comme l'a reconnu la firme de Kyoto, cela a eu un effet immédiat sur les ventes de Nintendo 3DS et de jeux Pokémon. Nous vous le disions ce matin, Pokémon Soleil et Pokémon Lune ont battu des records de vente, et cela est grandement dû à l'effet Pokémon GO.
Le jeu nomade décevant
Pokémon GO est la première tentative de Nintendo dans le monde du jeu mobile, mais pas la seule, et ne doit malheureusement pas masquer le succès tout relatif de Super Mario Run. Avec une sortie le 15 décembre sur iOS, soit tout à la fin de la période concernée par le rapport, le jeu n'a pas vraiment eu le temps de "s'exprimer", mais clairement, Nintendo s'attendait à mieux. Il a d'ailleurs revu à la baisse ses prévisions pour cette année fiscale de près d'un tiers, passant ainsi de 30 milliards de yens (246 millions d'euros) à 20 milliards de yens (164 millions d'euros) aux dernières prévisisions.
Le cas Super Mario Run est très particulier. Présenté comme un jeu free-to-play sur l'App Store, il faut en fait payer 10€ pour débloquer le jeu complet. Ce qui fait de lui un free-to-download plus qu'autre chose. Ce manque de clarté a passablement agacé les joueurs. Malgré 78 millions de téléchargements, seul 4 millions d'utilisateurs sont passés à la caisse. Ce qui signifie que plus de gens ont préféré dépenser 50 euros pour les deux Super Mario disponibles sur Wii U, plutôt que 10 euros pour un jeu mobile.
Le modèle économique adopté par le jeu pose lui aussi question, puisque si le nombre de joueurs ayant dépensé de l'argent sur Super Mario Run sont plus nombreux que des joueurs de jeux type Candy Crush, ils ne sortent leur carte bleue qu'une seule fois, là où les amateurs de jeux façon Supercell ou King continuent de dépenser, après téléchargement jusqu'à 20€ par mois. Ce qui signifie donc que ces jeux rapportent autrement plus d'argent que celui de Nintendo. Si la firme de Kyoto s'attendait à un retour sur investissement similaire, c'est raté.
Mais le jeu sur smartphones/tablettes n'est pas le seul à poser problème à Nintendo. Malgré le succès de Pokémon Soleil et Lune, qui ont eu un véritable impact sur les ventes de 3DS, la machine de Nintendo séduit moins que sa grande soeur. Cela se ressent sur les chiffres, bien évidemment. La 3DS a vendu à ce jour 65 millions d'unités, et 320 millions de jeux. Ici, l' attach est assez faible, surtout si on compare à la DS (154 millions de consoles, pour 948 millions de jeux) ou même à la Wii U, pourtant un véritable échec (13,56 millions de consoles, pour 96,52 millions de jeux). Ce qui signifie, pour vulgariser, que la 3DS ne génère pas assez de ventes de jeux. Le problème, c'est que même si les ventes de machines sont très bonnes (la 3DS restant la console de 8ème génération la plus vendue, devant la PS4), elles sont faibles à l'échelle de Nintendo, qui se fait la majeure partie de son beurre sur la vente de consoles portables et des jeux qui y sont attachés. Malheureusement, la 3DS n'a pas su rééditer l'exploit de la première DS, notamment en occident, où le grand public ne lui a pas réservé le même accueil.
Des résultats en dents de scie
Ces petites difficultés ont bien sûr des conséquences. Sur la période octobre-décembre, particulièrement importante pour l'industrie du jeu vidéo, Nintendo fait certes des bénéfices (265 millions d'euros), mais avec une baisse de 3,7% compativement à 2015. En effet, l'année dernière, sur la même période, Nintendo accumulait quelques 275 millions d'euros. La différence n'est pas gigantesque, mais avec la magie Pokémon, on pouvait s'attendre à ce que Big N présente de bien meilleurs résultats. Car si Pokémon excelle, le reste des activités de Nintendo brille moins, avec par exemple les amiibo, qui ne rapportent plus que 14 millions d'euros contre 25,3 millions, un an auparavant. Avec un chiffre d'affaire en baisse de 27% (2,56 milliards), mais des bénéfices en hausse de 154% (847 millions d'euros), Nintendo s'en sort avec les honneurs.
À noter également qu'en août dernier, Nintendo a vendu ses parts des Seattle Mariners, une équipe de baseball, ajoutant ainsi à son compte la coquette somme de 523 millions d'euros. Nintendo doit donc une grande partie de ses revenus de 2016 à Pokémon, mais aussi à cette vente.
Mais le futur s'annonce compliqué pour Nintendo, qui continue de souffrir de la grogne des actionnaires. Depuis le 13 janvier dernier, la bourse de Tokyo continue de bouder Nintendo, et son action ne parvient pas à retrouver son niveau d'avant annonce. Cette nuit encore, à l'heure de clôture, Nintendo accusait un repli de 1,89%. Le succès de la Switch dans ses premières semaines de vente sera décisif. Avec un tarif de 329€ (avec certes des écarts de prix d'un revendeur à l'autre), Nintendo ne craint pas d'effrayer les acheteurs, et a d'ailleurs annoncé avoir augmenté la production de consoles afin de pourvoir à la demande. Tatsumi Kimishima a d'ailleurs annoncé que la Switch serait vendue à profit dès le premier jour, ce qui tranche avec les pratiques de PlayStation et Xbox qui attendent généralement plusieurs mois, sinon plusieurs années, avant de tirer des profits de leurs ventes de consoles. Si vous vous demandiez pourquoi Nintendo vend sa console si chère en mars prochain, vous avez ici la réponse. La stratégie est risquée mais peut s'avérer payante rapidement.