Fallout : femmes jusqu'au bout des poings

News débat et opinion Fallout : femmes jusqu'au bout des poings

Publié le 02/09/2015 à 19:02

Martinyuk - Rédaction jeuxvideo.com

Fallout : femmes jusqu'au bout des poings

Si, à l’aube du XXIe siècle, l’égalité entre hommes et femmes est un combat mené avec acharnement, quelque deux cents ans plus tard, la gent féminine ne se contente plus de son espérance de vie supérieure, et le sexe dit faible n’a rien à envier au sexe supposément fort. Ni sa fierté, ni son autorité, ni sa puissance. Ni certains de ses aspects les plus sombres, malheureusement.

On ne le dira jamais assez : l’univers de Fallout a beau fasciner, en ce qu’il reflète un futur certes imaginaire, mais mettant en scène des enjeux autour du nucléaire très contemporains – son potentiel de destruction, l’impossibilité d’en assurer la totale maîtrise, le legs radioactif laissé aux générations futures… –, il se révèle avant tout d’une cruauté hors-norme.

Dans son roman La route, le romancier Cormac McCarthy, au travers d’une écriture sèche, martelée, met en scène un monde dévasté par un cataclysme. On y découvre un homme souffrant, hanté par le souvenir de sa femme qui, après avoir mis au monde l’enfant que désormais il protège, SpoilAfficherMasquera fait le choix de se suicider. "Tôt ou tard ils nous attraperont et ils nous tueront. Ils me violeront. Ils le violeront. Ils vont nous violer et nous tuer et nous manger et tu ne veux pas regarder la vérité en face." avait-elle dit à son mari, incrédule. L’éternel néant pour seul espoir. Un choix que l’on comprend dans un monde où l’être humain, n’exprimant plus que sa bestialité, est capable SpoilAfficherMasquernon seulement de dévorer ses semblables, mais aussi ses propres petits ("Ils avaient tout emporté avec eux sauf quelque chose de noir qui était enfilé sur une broche au-dessus des braises. (...) c’était un nourrisson carbonisé décapité et éviscéré (…)) .

Sans aller jusqu’à ces extrémités, Fallout se révèle d’une vraie noirceur, et fait supporter, notamment aux femmes, les pires épreuves. La faute à un contexte global où ne s’exprime plus que la loi du plus fort. Renaud le chantait déjà en 1985 : "Dans cette putain d'humanité, les assassins sont tous des frères, pas une femme pour rivaliser, à part bien sûr Mme Thatcher" (tintintin !). Si certaines s’effondrent, ou baissent les bras – à l’image de bien des hommes, dont la résilience n’est pas supérieure, et qui se perdent par exemple dans les paradis artificiels –, d’autres trouvent la force de survivre, et même, fol espoir, de croire en des lendemains qui chantent. La femme n’est ainsi pas seulement l’avenir de l’homme : elle est celui d’une civilisation que l’on croyait perdue, d’un monde en devenir, comme si, porteuse de vie, la femme se devait également de l’incarner. Toutes ne partagent cependant pas les mêmes aspirations, et ne sont pas soumises au même destin, par contrainte ou caractère. Portraits en quatre actes.

CELLES QUI SUBISSENT

Dans Fallout, le premier atout des femmes pour s'en sortir n'est pas leur force physique – ce que nous rappellent certains choix de personnages prédéterminés (Natalia, dans Fallout, est agile et discrète ; Chitsa, dans Fallout 2, possède un charisme insolent et une intelligence supérieure aux avatars masculins proposés) –, mais ce qui, de tout temps, a su amadouer l'homme, soumis aux injonctions de son cerveau reptilien : le sexe.

De Sinthia, dont vous pouvez réclamer les services dans le premier opus, à Clover, prostituée ayant subi un lavage de cerveau, en passant par Fantasia (Fallout 3), qui offre son corps à un ex-mercenaire en échange de sa protection (arguant qu'il vaut mieux être “pute plutôt que morte”), le plus vieux métier du monde est toujours d'actualité aux XXIIe et XXIIIe siècles.

Une constance qui peut procéder d'un (triste) choix chez certaines – New Reno, dans Fallout 2, est une ville de débauche où les prostituées sont légion, et qui profite d'une florissante industrie du sexe –, mais touche à la nécessité pathétique chez d'autres. Ainsi, Maude (Fallout New Vegas), employée d'un bordel, vous offre ses services pour une somme dérisoire, “tant que son dos tient le coup”. Et pour cause : son visage ridé et ses cheveux blancs trahissent un âge plus que respectable. Soulignons que si certains PNJ masculins louent eux aussi leurs corps contre quelques caps (Jimmy, prostitué homosexuel dans le même établissement), ils sont clairement l'exception. L'homme victime, dans Fallout, est avant tout esclave, ou junkie, et s'il subit des humiliations, elles se situent rarement en dessous de la ceinture.

CELLES QUI S'ADAPTENT

En exerçant des métiers ou en se découvrant des vocations jusque-là plutôt réservés aux hommes, les femmes de Fallout imposent un équilibre, et se posent en égales de leurs congénères masculins. On ne parle bien sûr pas là des quelques-unes ayant subi des transformations contre leur gré – Lily ou Tabitha (New Vegas), super-mutant(e)s, affichent la carrure de n'importe quel Mister Univers –, mais bien de celles qui ont embrassé une carrière par choix.

Ainsi, Diana, membre des Khan (Fallout), gère leur armurerie, faisant figure d'intendante incontournable ; Moira (Fallout 3), vend armes et munitions, les répare, et rédigera même un guide de survie qui connaîtra un vif succès à travers les terres dévastées ; quant à Cass, avec son chapeau de cow-boy vissé sur la tête et son penchant pour le whisky, elle brise les codes, et se révèle être un compagnon de route fiable, le doigt toujours sur la gâchette de son arme... Dans un monde où la loi du plus fort reprend fatalement ses droits, les femmes ont bien compris que leur émancipation devait passer par la bouche d'un fusil à canon scié ou le tranchant d'une lame. Une liberté par le feu et par le sang où la morale a son importance. Certaines choisissent d'intégrer un gang et, aux côtés de leurs congénères masculins, d'attaquer tout voyageur susceptible de leur fournir argent, objets utiles ou nourriture ; d'autres, animées par un idéal, vont préférer faire partie d'un corps d'armée en accord avec leurs idées et leur vision du monde.

En portant la lourde armure des membres de la Confrérie de l'Acier, les femmes s'imposent de fait avec force, Cross ou Sarah Lyons, leader de l'unité d'élite du même nom (Fallout 3), se montrant aussi impressionnantes et efficaces sur le terrain que n'importe quel autre soldat doté de chromosomes XY. Quant à l'armée de la NCR, elle n'hésite pas à intégrer dans ses rangs des femmes officiers d'exception, du caporal Betsy, sniper émérite, dont le crâne rasé et le ton ferme, clichés de la “butch”, trahissent les penchants lesbiens – une préférence sexuelle clairement assumée face à un avatar féminin incarné par le joueur –, au Colonel Cassandra Moore, véritable légende parmi les siens, davantage prompte “à creuser des tombes qu’à se faire des amis”, selon le Chef Hanlon. Ni l’efficacité militaire, ni le sens tactique, ni même l’autorité naturelle ne sont ainsi l’apanage des hommes dans l’univers de Fallout.

CELLES QUI S'IMPOSENT

Il faut bien le reconnaître, les plus hautes fonctions sont souvent, dans l’univers de Fallout, remplies par des hommes : Loxley est le chef de la guilde des voleurs dans le premier opus ; la Confrérie de l’Acier a été fondée par Roger Maxson, un officier de l’armée américaine ; les quatre grandes familles de New Reno ont chacune à leur tête un patriarche… Jusqu’à l’histoire canonique de la saga, ainsi que les concept art originaux d’Interplay, qui retiennent comme “véritable” premier héros Albert Cole, un homme blanc approchant la trentaine. La preuve qu’en 1997, il était encore difficile de s’éloigner de la recette consistant à proposer un personnage archétypal, proche du public auquel on s’adresse.

Il n’empêche : Fallout présente avec constance des femmes fortes, dominantes, dans chacun de ses épisodes. On pense notamment à Nicole (Fallout), la fondatrice des Disciples de l’Apocalypse, dont les membres, adeptes de la non-violence, portent secours à quiconque en a besoin ; à Joanne Lynette (Fallout 2), Première Citoyenne de Vault City, au caractère rigide, mais compétente ; ou bien encore à la doyenne du village d'Arroyo, qui n’est autre que la fille de l’habitant de l’Abri du premier Fallout, et la mère de “l’Élu”, le personnage héros de Fallout 2. Ainsi se voit incarnée la mater familias, gardienne des traditions, et pont entre les générations. Impossible, enfin, de ne pas mentionner Tandi (Fallout et Fallout 2), l’un des membres fondateurs de l’une des factions les plus puissantes du jeu, la NCR – ou New California Republic –, occupant à sa tête le poste de présidente... pendant plus de cinquante ans.

À la puissance politique s’ajoute également la supériorité intellectuelle, Fallout n’étant pas avare d’esprits féminins brillants. Du maître scribe Vree (Fallout), de la Confrérie de l’Acier, dont les recherches permettront la mise au point de nouvelles armes, au Docteur Madison Li (Fallout 3), essentielle au Projet Purity, certaines femmes s'élèvent ainsi au-dessus de la masse par leurs compétences, et même, disons-le, par leur génie.

CELLES QUI SONT PRÊTES À TOUT

À situations extrêmes, mesures désespérées. Il n'est, dans ces circonstances, pas étonnant de trouver dans Fallout des femmes prêtes à tout... bien souvent pour le pire. On découvre ainsi, dans Fallout 3, Carolina Red, une esclavagiste sans pitié, qui n'hésite pas à enlever même des enfants. Son histoire familiale – elle a vu son père couper les jambes d’un homme, avant de s’amuser à le regarder ramper, puis réduire son crâne en bouillie – a visiblement eu raison, chez elle, de toute forme de compassion.

Linda Smith, de la petite ville d’Andale, semble elle plus avenante.
Après tout, elle fait partie d’une communauté soudée, et est une cuisinière émérite.
Sa tourte à la viande, en particulier, semble faire l’unanimité.

Problème : SpoilAfficherMasquerson mari est également son frère, et l’inceste n’est pas le plus inavouable de ses secrets puisque les plats qu’elle prépare sont généralement confectionnés à partir de chair humaine…

Les choses ne sont guère plus reluisantes dans New Vegas où, au détour d’une ruelle, on trouve par exemple le gang des “Maud's Muggers”, trois petites vieilles armées de couteau de cuisine et rouleaux à pâtisserie qui vous attaquent à vue (une référence aux “Hell's Grannies” qui terrorisent une ville dans un sketch des Monty Python). La scène se veut amusante, bien sûr, mais traduit à sa façon les extrémités auxquelles même les plus faibles sont prêts lorsque l’époque et les circonstances s’y prêtent.

Plus fourbe, Jeannie May Crawford, la gérante du Dino Dee-lite Motel, n’hésitera pas, quant à elle, SpoilAfficherMasquerà vendre aux esclavagistes Carla Boone, une beauté à la langue trop bien pendue, récoltant pour l’occasion 1000 caps… et 500 de plus pour l’enfant qu’elle porte. Un acte d’une vilenie absolue, qui rappelle que si l’homme, à travers les siècles, a prouvé avec constance son amour des atrocités en tout genre, la femme, dans ce domaine comme dans bien d'autres, n’a finalement rien à lui envier, son vernis d’humanité s’écaillant parfois comme celui qu’elle dépose sur ses ongles...

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