Les officialisations fin 2018 début 2019 de Mortal Kombat 11 et Borderlands 3 ainsi que leur sortie respective dans un futur proche n'ont pas échappé aux joueurs suivant l'actualité avec assiduité. Les acteurs historiques semblent bouder désormais l'un de leur péché mignon... les arlésiennes et autres campagnes de communication sans fin. Et je pense pour ma part que ce phénomène récent est une excellente chose, mais... car il y a un mais. Je m'explique.
Le 7 décembre 2018, lors de la cérémonie des Game Awards, NetherRealm officialise le projet Mortal Kombat 11 avant de dévoiler sa date de sortie un mois plus tard. MK11 entrera dans l’arène le 23 avril 2019, soit 4 mois et demi après son annonce. Et Gearbox s’en inspire pour Borderlands 3. Lors de sa conférence à la GDC le 28 mars 2019, le studio présente officiellement le titre et annonce à quelques jours d’intervalle une sortie pour le 13 septembre, soit 5 mois et demi plus tard. Mais le champion toute catégorie reste et restera Apex Legends. Annoncé le 4 février et disponible dans la foulée, le Battle Royale de Respawn Entertainment dynamite un marché du jeu vidéo habitué à prendre son temps.
Enfin, cette envie de “rusher” ne date pas d’hier et concerne bon nombre d’acteurs majeurs du milieu. De Nintendo avec Super Mario Odyssey à Ubisoft avec la saga Assassin’s Creed en passant par Microsoft avec la série des Forza Horizon et Bethesda Softworks avec The Elder Scrolls V : Skyrim mais surtout les deux derniers Fallout, les éditeurs et les studios tendent à raccourcir les délais entre l’annonce et la sortie de leurs titres phares. Cependant, cette volonté de proximité se heurte à un obstacle de taille, celui de l’iconisation des franchises. L’ensemble des jeux cités ci-dessus résonne auprès des joueurs de par l’aura des licences auxquelles ils appartiennent.
L’industrie surfe simplement sur celles-ci pour intensifier les campagnes de communication autour de ces jeux sans occuper l’espace médiatique indéfiniment. Mais gare au matraquage. Condenser plusieurs années de vidéos, de communiqués de presse et d’informations en quelques mois n’est pas forcément la bonne chose à faire. Le jeu de combat de Warner n’y va pas avec le dos de la cuillère depuis plusieurs semaines. L’éditeur prend ici le risque d’incommoder des fans pourtant acquis à la cause de Mortal Kombat en révélant bien trop de choses sur le titre avant même sa sortie. La parcimonie est selon moi la clé du succès face à des joueurs… humains avant tout.
Le fan est un être facilement frustré capable de s’enjailler à raison devant un trailer de Final Fantasy VII Remake avant de se raviser et de conspuer le projet faute d’informations à se mettre sous la dent. Et cette frustration est totalement compréhensible. Voilà près de 4 ans que nous attendons de véritables nouvelles sur ce projet gardé sous silence. Le changement d’équipe témoigne d’un développement chaotique qui n’aide en rien Square Enix à finaliser son jeu. L’éditeur via une communication précoce se met lui-même sous pression alors que cela n’était en rien nécessaire. Des dires de Tetsyuya Nomura, FFVII Remake a été annoncé très (trop ?) tôt. Et nous serions en droit de citer également Shenmue III enfin prévu pour août 2019… soit 4 ans après son annonce… une éternité pour le fan que je suis et que vous êtes sûrement.
Et que dire de Beyond Good & Evil 2 ? Arlésienne parmi les arlésiennes teasée au public fin mai 2008 et qui a connu une longue traversée du désert avant de revenir sur le devant de la scène 9 ans plus tard pour le plus grand plaisir des joueurs. Pas sûr que cet effet d’annonce à retardement était intentionnel, mais le résultat est là contre toute attente. La “hype” autour du titre n’a jamais été aussi grande alors que la frustration était vraiment palpable après plusieurs années à attendre. Mais encore une fois, il s’agit d'un cas particulier, d’une licence jouissant d’une aura toute particulière. La majorité des franchises qui tirent sur la corde appelée “patience” joue avec les nerfs de leur communauté au point de les braquer. Entre campagne marketing expéditive et à rallonge, un équilibre existe pour chaque jeu.
Rares sont les éditeurs osant parier sur une nouvelle licence sans l’installer préalablement auprès de la communauté “jeu vidéo”. S’il semble aisé d’annoncer Mario + The Lapins Crétins Kingdom Battle en juin 2017 pour une sortie deux mois plus tard, il n’en va pas de même pour bon nombre de jeux. Pour la grande majorité d’entre eux, les mois séparant annonce et sortie sont essentiels à la réussite financière du projet. Pourtant, le risque de voir ce jeu annulé, rebooté ou transformé est bel et bien présent. Et les exemples pullulent. Il suffit de s’intéresser de près ou de loin à la franchise Star Wars pour en être convaincu avec la disparition coup sur coup de Star Wars 1313 et du projet de feu Visceral Games. La grogne des fans ne s’est pas fait attendre et je la comprends. La colère de ces derniers est à la hauteur de leurs attentes et des espoirs qu’ils avaient placé dans ces jeux. Réduire à quelques mois la campagne autour d’un titre permet d’éviter bon nombre d’écueils à commencer par la mort prématurée d'un jeu attendu.
La proximité entre l’annonce d’un jeu et sa “mise en rayon” réduit la pression sur les épaules d’un éditeur, intensifie la campagne de communication autour du titre à l’approche de la sortie et évite bien des frustrations auprès des fans. Mais attention à ne pas transformer cet élan positif en un déluge médiatique sans précédent à même de noyer les joueurs.
