Avec la multiplication des conventions tierses (Rezzed pour le jeu indépendant, les nombreuses PAX, Japan Expo, VGX pour les trailers etc.), la gamescom perd de plus en plus son aura de salon majeur de l'industrie console pour lentement glisser vers la redite de l'actu AAA qui survit uniquement grâce à la présence du PC et des démos E3, jouables pour le public. Côté développeur console, le rendez-vous a perdu de sa superbe d'antan et de son intérêt depuis que la règle "trailer E3, gameplay gamescom" a été chamboulée depuis quelque temps. Le salon allemand doit donc, selon moi, se métamorphoser en convention PC du fait de son implantation européenne et de sa puissance de frappe médiatique, idéale pour l'industrie ciblée.
Notre bilan de la gamescom 2015
Avec 10 salons à mon actif chez Jeuxvideo.com, j'ai pu voir une nette différence qualitative entre les différentes éditions de ces événements, tant « sur place » qu'en couverture « classique » en direct de notre chère rédaction. Nous allons donc tenter ensemble de creuser le postulat de base en analysant les enjeux et intérêts de chacun des acteurs présents à la gamescom, des développeurs aux éditeurs, du public aux journalistes pour savoir si cette grande-messe du jeu vidéo mérite encore son intérêt, dans sa formule actuelle.
Difficile de passer après l'E3
Mettons-nous l'espace d'un instant dans la peau d'un éditeur du marché. Pour lui, le gros de l'année médiatique se joue principalement à l'E3, le show des shows, durant lequel on ne rechigne pas à faire rêver les masses en diffusant des trailers somptueux et des annonces de nouveaux titres. Son but ? Rassurer le public, la presse, et les investisseurs en montrant que ses studios ont des projets de qualité pour les mois et années à venir. Il n'y a qu'à voir le cru 2015 de l'E3 pour se rendre compte à quel point ce salon peut être d'une intensité rarement égalée dans la vie d'un joueur, qu'il fasse partie de l'industrie ou qu'il soit internaute, journaliste, blogueur, ou « invité ». Car oui, et c’est important pour contextualiser notre analyse, cette année l'E3 s'est mis aux invitations pour le public avec 5.000 cartons envoyés aux « petits chouchous » des éditeurs, développeurs, et constructeurs. Une première pour le salon qui depuis 20 ans restait dédié à la presse, au sens large du terme.
Que les choses soient claires, ce salon californien reste pour l'instant un salon de présentations et d'annonces. La partie véritablement « jouable » y est historiquement assez faible mais, a tout de même considérablement augmenté depuis plusieurs années, offrant aux gens la possibilité de s'essayer au jeu ou d’observer du gameplay sur des builds récents en cours de développement. Une démarche qui va dans le sens actuel de l'industrie, de plus en plus tournée vers les bêtas publiques, alphas en early access et autres stratégies visant à présenter aux joueurs des versions testables assez tôt dans le cycle de développement.
Deux fois plus de travail pour les studios
Revenons-en donc à la gamescom, puisqu'elle est notre sujet aujourd’hui. Le salon allemand, paradis du jeu PC, intervient cette année moins de deux mois après le salon-clé de Los Angeles. Il y a donc, comme souvent à Cologne, de nombreuses redites dans l'univers console dont le fief est l'E3. Pour l'industrie, il s'agit là d'un problème capital puisqu’il faut se garder des cartouches en réserve pour l'événement allemand, sous peine de faire « une mauvaise gamescom ». On doit idéalement dispatcher les annonces pour être solide lors des deux événements et générer le « wow effect » chez les joueurs. Lorsqu’un éditeur ou développeur participe à un seul des deux événements majeurs, les choses se passent bien (on peut le voir par exemple avec Blizzard Entertainment ou encore Cloud Imperium Games, deux studios essentiellement PC), il y a un line-up solide et une présentation peaufinée. Le problème vient en réalité de la présence aux deux conventions.
Certains développeurs vous expliquent par exemple que la gamescom est un véritable calvaire pour eux puisqu'il leur est souvent demandé de préparer deux builds différents afin que les journalistes viennent essayer le jeu une seconde fois pour communiquer autour du projet. Si la démo est la même que celle traitée il y a un deux mois, la presse ne prend généralement pas rendez-vous et ne fera donc pas de sujet pour éviter la redite, préférant en toute logique les découvertes sur des choses inédites. Cela représente donc une charge de travail supplémentaire pour les studios, d’autant plus que si la démo de l'E3 peut être essayée dans des conditions « contrôlées », testée par un démonstrateur ou encadrée par un développeur lors de sessions à destination de la presse, ce qui est montré lors de la gamescom doit en partie être calibré pour les visiteurs. Vous pouvez vous en douter, montrer un produit en cours de développement aux joueurs n'est pas toujours facile. Cette version doit être stable et épargnée des nombreux bugs « classiques » que les professionnels du secteur tolèrent compte tenu du stade de développement. On se retrouve donc avec une multiplication des versions à sortir en très peu de temps à l’attention de la presse et du public.
Venir mais uniquement pour le public lorsqu'on était présent à l'E3 ?
Alors oui, on pourrait se dire que bouder la gamescom peut être une solution lorsqu'on est sur le marché des consoles, et prendre pour exemple Sony qui, cette année, n'a pas donné de conférence et se concentrera en revanche sur la Paris Games Week 2015 (fin octobre) pour y tenir son show européen d’annonces et présenter, on l’espère, de nouvelles choses sur ses licences. Sur la gamescom, le constructeur proposait simplement ses prochains jeux à l'essai pour le public. Ces démos, qui tournaient il y a encore quelques jours sur le stand du constructeur et éditeur, sont celles qui occupaient la pièce VIP Sony de l'E3 2015 dans laquelle on pouvait rentrer sur rendez-vous. D'ailleurs l'habituelle configuration "E3 de trailers, gamescom de démos" a la vie dure ces dernières années avec la montée en puissance du salon californien au niveau des sessions jouables et également à cause de certains soucis d'autorisation de capture vidéo des builds lors du salon de Cologne, certains éditeurs ayant décidé que leurs versions n'étaient finalement pas filmables à cause des bugs, faisant alors perdre encore un peu plus d'intérêt à la GC 2015. Recyclage pour certains, présence suffisante pour d'autres, la démarche de Sony ouvre néanmoins une autoroute à son principal concurrent : Microsoft qui a maintenu sa conférence.
Avec tout un salon pour lui au niveau des annonces faites en grandes pompes dans la catégorie des constructeurs de console, Microsoft a eu le champ libre pour marquer des points lors de cette gamescom 2015. Malheureusement, la stratégie était ici assez simple : montrer plus en profondeur les titres présentés à l'E3 tout en réservant quelques surprises comme Halo Wars 2. On pourra également citer Quantum Break, qui était volontairement absent du salon californien pour être la star du show Microsoft de la gamescom. On est donc loin de la mitraillette qu'une conférence E3 se doit d'être, mais, comme pour la conférence EA, nous avons tout de même eu un petit goût de déjà-vu, ou plutôt de second acte du même événement. Vu la masse colossale de travail que demande une couverture de salon pour l'industrie et le coût des conférences, on est en droit de se demander si cette seconde mi-temps était vraiment essentielle bien qu’utile pour voir un peu plus de gameplay. Rappelons d’ailleurs au passage que Nintendo était aussi présent et proposait aux joueurs d’essayer des titres très attendus comme Super Mario Maker, Xenoblade Chronicles X ou encore Zelda : Tri Force Heroes.
Blizzard, proposait au public d'essayer Overwatch
Le plaisir d'attendre...
Ne crachons toutefois pas dans la soupe, la gamescom est une formidable occasion pour de nombreux éditeurs et développeurs «plus petits» ou principalement PC d'être présents et de rencontrer le public et la presse, afin de se faire connaître et d'obtenir une visibilité internationale essentielle à la bonne communication d'un jeu. Localisée au cœur de l’Europe, Cologne représente un voyage bien moins contraignant que d’aller jusqu’à Los Angeles pour de nombreuses équipes. Les tarifs d’obtention de stand y sont moins élevés et la présence du public est un relai de communication de plus en plus important depuis l’apparition de Twitter et autres réseaux sociaux. Cependant, pour avoir rencontré pas mal de visiteurs lors de l'édition précédente, sachez que certains attendent dans les salons ouverts au public jusqu'à 3 ou 4 heures ne serait-ce que pour faire 15 minutes de jeu sur un titre attendu. Nous avions même pu voir, lors de l'édition 2014, des mineurs dormir au fast food du coin pour être les premiers à faire la queue à l'ouverture du salon. Aberration pour certains, sacrifice qui vaut le coup pour d'autres.
Avec la multiplication des conventions tierses (Rezzed pour le jeu indépendant, les nombreuses PAX, Japan Expo, VGX pour les trailers etc.), la gamescom perd de plus en plus son aura de salon majeur de l'industrie console pour lentement glisser vers la redite de l'actu AAA qui survit uniquement grâce à la présence du PC et des démos E3, jouables pour le public. Côté développeur console, le rendez-vous a perdu de sa superbe d'antan et de son intérêt depuis que la règle "trailer E3, gameplay gamescom" a été chamboulée depuis quelque temps. Le salon allemand doit donc, selon moi, se métamorphoser en convention PC du fait de son implantation européenne et de sa puissance de frappe médiatique, idéale pour l'industrie ciblée.