Le serpent de mer de l'effet de la 3D

Depuis l'arrivée plus ou moins massive de la 3D stéréoscopique dans les salons, dans les salles de cinéma ou sur 3DS, la question de son effet sur la vision des plus jeunes se pose. Une question sur laquelle le consensus a du mal à se faire dans la recherche ou parmi les ophtalmologistes. Pour certains, elle est au pire source de fatigue et de migraines, pour d'autres elle présente un risque sur le développement normal de la vision si on y expose un enfant de moins 6 ans. C'est en grande partie la gymnastique peu naturelle et l'effort d’accommodation constant qu'elle impose aux yeux qui sont mis en cause. Dans le doute, certains fabricants ont pris sur eux d'appliquer un principe de précaution, comme Nintendo qui déconseille l'utilisation de la 3DS aux moins de 7 ans. On peut également signaler que durant la Paris Games Week, Oculus VR ne laissait pas les enfants de moins de 13 ans tester son casque.

Recommandation officielle : Pas avant 6 ans

Mais, globalement, il n'y avait jusqu'à présent aucune prise de position "officielle". C'est à présent chose faite en France : l'ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire, vient de publier son avis sur la question de la 3D stéréoscopique en estimant que le risque est suffisamment probable pour que l'utilisation de la stéréoscopie soit fortement déconseillée aux moins de 6 ans, les moins de 13 ans devant limiter leur exposition.

L'ANSES s'appuie sur le conflit accommodation / convergence qu'engendre la 3D stéréoscopique. L’accommodation désigne la façon dont le cristallin se déforme pour faire le point sur un objet, la convergence étant le point focal vers lequel les deux yeux se tournent. Si en vision normale, les deux actions se concentrent sur un point situé à une même distance, en 3D stéréoscopique, l’accommodation ne change pas, elle se fixe sur l'écran, mais la convergence est perturbée par la présence d'objets à l'avant ou à l'arrière-plan (comme illustré par l'image empruntée à Journalofvision.org). Si par exemple une image semble jaillir de l'écran, vous cherchez à tourner votre regard près de vous, alors que le cristallin est toujours concentré sur l'écran, plus loin. C'est la cause principale de troubles chez l'utilisateur et la source de risques potentiels chez l'enfant de moins de 6 ans dont le développement oculaire n'est pas encore terminé. Accessoirement, on peut également citer d'autres sources de fatigue en matière de 3D comme l'effet "obturateur" de la 3D active (l'alternance rapide d'images dédiées à chaque oeil). Détail notable, que le rapport de l'Agence prend soin de signaler d'ailleurs, les problèmes du couple accommodation / convergence sont très dépendants de la qualité du contenu 3D, aussi bien en jeu que dans un film (montage, mise en scène, placement des objets, etc.)

Outre cette mise en garde, l'ANSES souhaite que de plus amples recherches soient menées sur la question afin de mieux "identifier les populations concernées, de mieux caractériser les expositions des différentes populations" et pour qu'une sensibilisation soit mise en place auprès des professionnels de santé.

Mais en fait la 3D, vous vous en servez ?

Relayée par plusieurs grand médias, cette recommandation ne fera sans doute pas les affaires de Nintendo qui avait déjà lui-même un peu créé la psychose en déconseillant de son propre chef l'activation de la stéréoscopie de la 3DS aux moins de 7 ans. Une fonction que de nombreuses personnes n'activent pas cependant. D'une manière générale, la 3D en relief est un marché qui n'a pas vraiment fait recette en dehors des salles de cinéma, elle est marginale dans le jeu vidéo (Sony a soudain cessé toute communication sur les capacités 3D de ses consoles après en avoir fait un argument de vente) et la vente des écrans 3D a coûté cher à certains constructeurs. Il sera intéressant de savoir si le rapport de l'ANSES aura un impact sur un public qui semble de toute façon plus attiré par la HD et la 4K que par le relief.