La France est la “mère patrie” de la science-fiction. Les romans de Jules Vernes, les films de Georges Méliès ou encore le magazine Métal Hurlant sont autant de témoins de son passé glorieux et de sa prédominance sur un genre qui aujourd’hui suscite bien des intérêts. L’hégémonie de l’Hexagone sur la SF n’est plus, mais certains cinéastes comptent bien changer la donne. Ce fut le cas de Jérémie Périn avec Mars Express en 2023. Cette année, c’est une comédie qui défend les (tri)couleurs de la science-fiction sur notre territoire.
"Ni Dune ni Star Wars"
La dernière création cinématographique “made in France” en matière de science-fiction est un objet filmique non identifié réalisé par nul autre que Bruno Dumont. Le cinéaste qui s’est fait connaître sur notre territoire avec La vie de Jésus (1997), P’tit Quinquin (2014), Ma Loute (2016) et France (2021) s’invite dans les salles obscures cet hiver avec une comédie de SF dont lui seul à le secret. Souvent qualifié de “parodie de Star Wars” par la presse généraliste et/ou grand public, L’Empire n’a finalement rien à voir (ou presque) avec l’univers imaginé en 1977 par George Lucas à en croire les dires du principal intéressé. Lors d’une interview accordée au Point Pop, il a déclaré suite au commentaire “En voyant le film, j'ai trouvé qu'il s'inspirait bien plus de Dune que de Star Wars…”:
Non, pas vraiment. Ni Dune ni Star Wars, en fait ! D'ailleurs, quand il a fallu créer les vaisseaux spatiaux, j'ai passé un temps fou à empêcher les techniciens de me faire des engins qu'on avait déjà vus partout. Pour le reste, L'Empire, c'est comme Aristote : tout est mélangé, le naturalisme, la SF, le satanisme, le fantastique, le tragique, le comique… L'Empire, c'est aussi comme la ducasse du Nord, quoi. Comme dans le village du film, ils sont tous à moitié anges et démons, brassés par des forces contraires. Johnny a été investi par le mal. Il est le père du Freddy que l'on voit dans La Vie de Jésus. - Bruno Dumont
L’empire contre-attaque
L’entretien entre Bruno Dumont et notre confrère du Point Pop Philippe Guedj fut l'occasion pour le réalisateur français de revenir sur son rapport avec la franchise Star Wars. Il a découvert le film “La guerre des étoiles” très tôt en salles directement aux Etats-Unis alors qu’il vivait avec une famille américaine dans l'État de l’Indiana. Cette séance de cinéma a marqué durablement B. Dumont. On retrouve d’ailleurs des traces de l'épisode IV de Star Wars dans sa filmographie, du simple clin d'œil à la manière de développer une saga.
J'étais aux États-Unis dans une famille du fin fond de l'Indiana et je parlais très mal l'anglais quand ils m'ont envoyé voir le premier Star Wars. Je n'ai rien compris parce que je parlais très mal l'anglais mais, là encore, l'imaginaire, les personnages, le gros bouillon syncrétique d'influences m'ont bouleversé. Quand j'ai tourné Flandres, en Tunisie, je l'ai fait dans un des endroits qui a servi au tournage de Star Wars. Regardez bien certains plans, vous décèlerez des restes de La Guerre des étoiles dans le décor. Dans Star Wars, j'ai adoré aussi l'idée du feuilletonnage des films, ça m'a donné envie de penser L'Empire comme un prequel de La Vie de Jésus : le bébé Freddy, c'est le Freddy de La Vie de Jésus. Il est le fils du mal, de Belzébuth ! - Bruno Dumont
Des références SF solides
Bruno Dumont assume ne connaître la science-fiction que par le prisme du cinéma et non de la littérature qu’il n’affectionne pas particulièrement. Il n’en demeure pas moins que ses références (pour le coup cinématographiques) s’avèrent solides. Le réalisateur de L’Empire mentionne des grands classiques de la SF dont l’incontournable 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Cependant, son premier film de genre au cinéma fut La Planète des singes (1968), un autre classique de la science-fiction. Il termine avec un film moins connu du grand public, mais qui a acquis le statut d'œuvre culte avec le temps… Soleil vert (1973) de Richard Fleischer.