Jusqu’à 3 milliards de joueurs ?

Le Xbox Game Pass est un service lancé par Microsoft datant du 1er juin 2017 qui permet d’accéder à un catalogue de jeux – régulièrement mis à jour – sur sa console Xbox et sur son PC. Contre un abonnement dont le tarif varie en fonction du type d'offre, le joueur a accès à un catalogue d’environ 300 jeux sur différents périphériques. Dans sa version Ultimate, le Game Pass propose de jouer en streaming sur des périphériques mobiles grâce au Cloud. Il permet également de jouer sur PC directement sur navigateur et intègre l’EA Play. Le gros plus du Game Pass par rapport au PlayStation Plus, c’est qu’il permet de jouer aux softs Microsoft/Bethesda dès le premier jour de leur sortie. Et normalement, les titres Activision Blizzard devraient eux aussi faire partie du catalogue prochainement.

Le 6 juillet 2023, la firme américaine a procédé à une augmentation générale de ses tarifs. Le Xbox Game Pass pour console est passé de 9,99 euros à 10,99 euros (+10 %) tandis que le Game Pass Ultimate est passé de 12,99 euros à 14,99 euros (+15 %). Les analystes du secteur ont estimé que ces nouveaux tarifs indiquaient que le nombre d’abonnements avait sûrement atteint un objectif, et que la firme de Redmond se sentait à l'aise pour faire passer à la prochaine phase, celle de la maximisation des rendements.

Officiellement, le service de Microsoft comptait 25 millions d’inscrits au début de l’année 2022. Depuis, le chiffre n’a pas été mis à jour, mais il aurait atteint les 30 millions de fidèles au mois de mars 2023, c’est-à-dire 7 mois avant la finalisation du rachat d’Activision Blizzard King. Quel est l’objectif affiché par Phil Spencer, le patron du gaming chez Microsoft ? Que les 3 milliards de joueurs de notre planète adoptent l’écosystème Xbox, qu’ils jouent sur console, PC, mobile ou encore TV connectée. “Il n’y a que 200 ou 250 millions de foyers dans le monde qui s’intéressent aux jeux vidéo sur consoles. Cela reste moins de 10 % des trois milliards de joueurs. On doit chercher les utilisateurs où ils sont, c’est-à-dire sur mobile et sur d’autres écrans ou appareils” indiquait Phil Spencer en amont du Showcase de 2021.

Les jeux first-party de Microsoft sont-ils moins bons depuis l’arrivée du Game Pass ?

“Il sera plus difficile d’avoir un contenu de qualité si l’abonnement devient le modèle dominant” déclarait sur X/Twitter Swen Vincke, le boss de Larian Studios (Baldur’s Gate 3). Cet avis a ensuite été comparé à celui de Jim Ryan, le patron sortant de PlayStation, qui assurait que les éditeurs détestaient le Game Pass. Il détruirait la valeur des jeux, selon ses propos. Comme vous le savez, il y a ensuite eu une pelletée de débats sur la viabilité du Game Pass, sur l'éventuelle dépendance des développeurs et sur la qualité des jeux qui serait affectée.

Oui, un préjugé tenace voudrait que le Game Pass contraigne Microsoft à sortir des jeux moins aboutis afin de répondre à la gourmandise des abonnés. Les 20 000 développeurs de la société (en comptant Bethesda, Activision et en retirant les nombreux employés licenciés) seraient condamnés à faire des productions passables pour nourrir efficacement la bête. Dans le but de vérifier cette hypothèse, nous avons comparé le metascore des jeux Microsoft Game Studios avant et après l’arrivée du Game Pass. Nous nous concentrons ici sur les moyennes Metacritic des jeux first party PC/Xbox (il n’y a ni Mighty DOOM, ni Gears Pop!). Nous ne comptons pas les jeux sortis plusieurs mois/années auparavant mais ajoutés au service suite au rachat d’un studio (The Bard's Tale, Deathloop). Nous prenons en compte les jeux édités par Microsoft via Xbox Publishing (Ori). Enfin, aucun jeu Activision Blizzard ne fait partie des données, le rachat ayant été officialisé en octobre 2023. Voici les résultats :

S'il n’est pas toujours aisé de juger les répercussions de l'offre sur la qualité des productions first party, un jeu vidéo pouvant mettre plusieurs années à être développé, nous constatons tout de même que la moyenne des notes des softs édités par Microsoft est globalement stable depuis l’arrivée du Game Pass. Par ailleurs, nous observons une nette progression des metascores aussi bien sur PC que sur Xbox au cours de ces trois dernières années. D’après les chiffres, donc, le Game Pass n’a pas causé de moins bons jeux chez Microsoft, c’est même plutôt le contraire. Un autre préjugé tenace voudrait que le Game Pass oblige le géant américain à sortir rapidement ses jeux afin de nourrir son catalogue. Or, nous constatons que depuis 2021, nous sommes plutôt dans une moyenne basse avec seulement 3 et 6 nouvelles sorties first party par année.

Voir Xbox Game Pass sur Microsoft

Le modèle de l’abonnement va-t-il devenir dominant ?

Le message du boss de Larian montre qu’il y a une inquiétude croissante chez les développeurs indépendants quant à une éventuelle domination des services gérés par des géants. D’après lui, si le Game Pass ou le PlayStation Plus devenaient la norme, cela mènerait vers “des exercices d’analyses coûts/bénéfices” qui iraient à l’encontre de ce que veulent les studios, en plus de rendre les artistes totalement dépendants des décisions d’un tiers. “C’est le service d'abonnement qui déterminera les jeux qui seront créés. Croyez-moi, ce n'est vraiment pas ce que vous voulez” prévenait-il.

Que nous soyons favorables ou non à la démocratisation des offres par abonnement, il ne faut pas oublier que contrairement à ce que proposent Spotify dans le monde de la musique et Netflix dans celui de la vidéo, le Game Pass laisse le choix d’acheter du contenu de manière classique dans les boutiques en ligne (ou physiques). En outre, les jeux AAA solo narratifs ne sont pas écartés de l’équation, Hellblade 2, et Indiana Jones sortant cette année dans le Game Pass, tandis que d’autres sont toujours prévus (Perfect Dark, Fable, etc.).

Quant à savoir si ces services pourraient un jour dominer le marché, Mat Piscatella, directeur exécutif et analyste du secteur des jeux vidéo chez Circana (NPD), est clair : il n’y a pour le moment aucune chance que cela arrive. Il constate en effet que la croissance des abonnements s'est stabilisée en 2023, et que les services ne représentent que 10 % du total des dépenses liées au jeu vidéo aux États-Unis. “Je comprends que certains cherchent à protéger leur modèle préféré” annonce-t-il, “mais l'idée que les abonnements deviendront dominants n'est pas étayée par des données”. Il conclut : “les abonnements ont été des ajouts plutôt que des cannibales, et ils offrent aux joueurs, aux développeurs et aux éditeurs plus de choix dans la manière de jouer ou de se lancer sur le marché. L'alarmisme sur ce sujet est tout à fait inutile”.