Tears of the Kingdom, une pâle copie ?

Depuis l'annonce de The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom et les premières images, on a vu émerger quelques irréductibles se refusant à participer à l'engouement ambiant autour de ce jeu. Tears of the Kingdom (ou TOTK pour les plus pressés) serait une simple version 1.5 de son prédécesseur, The Legend of Zelda : Breath of the Wild. Certains profanateurs évoquent même une suite aux allures de DLC. Alors oui, c'est dur… Mais outre l'appétence grandissante pour les dramas et autres propos exagérément tranchés, il y a des interrogations légitimes qui se posent concernant TOTK. Surtout que Nintendo a tout intérêt à proposer un Breath of the Wild bis sans trop d'ajouts. Pour rappel, le dernier jeu de la franchise s’est vendu à plus de 30 millions d'exemplaires. Pour une licence dont les ventes tournent généralement plutôt autour des 8 millions, c’est colossal. Il serait bien dommage, en tant qu’entreprise, de ne pas surfer sur ce succès inédit en optant pour une formule similaire. Mais si Nintendo choisit cette voie, cela pourrait mettre à mal la sainte tradition des Zelda, d'où l'inquiétude de certains.

La licence Zelda nous a en effet habitués à un renouveau constant. C’est simple, s’il est si difficile d’établir un classement objectif des meilleurs Zelda, c’est justement parce qu’ils sont très différents les uns des autres. Notez d’ailleurs que Breath of the Wild n’est lui-même pas considéré comme un “bon Zelda” par de nombreux fans. Alors quand TOTK est apparu, reprenant trait pour trait le Hyrule de Breath of the Wild, la grogne est automatiquement montée. TOTK serait ainsi une pâle copie de son prédécesseur. Ceux à quoi certains ont répondu “tu dirais ça de Majora’s Mask, Phantom Hourglass ou Spirit Tracks ?” Un débat sans fin sur la nature profonde de chaque opus de la licence qui n’a, à ce jour, pas vraiment trouvé de réponse incontestable. Et c’est au tour de TOTK de se retrouver au cœur de cet éternel débat.

Tout est une question de point de vue, comme souvent. D’un côté, la dernière présentation de gameplay s’est montrée rassurante. Outre les quelques petites nouveautés implémentées ici et là, on ressent surtout une volonté de permettre aux joueurs de moduler leur expérience de jeu. C’est l’essence même des pouvoirs d’Emprise et d’Amalgame qui ouvrent de nouvelles perspectives et semblent offrir des possibilités infinies aux joueurs. Mais d’un autre côté, cette approche inédite s’inscrit dans la démarche initiale de Breath of the Wild : une découverte placée sous le signe de la liberté. Ainsi, l’essence même de ces deux jeux peut sembler tristement similaire. Personnellement, j’ai d’ailleurs peur que TOTK ne prenne pas sur moi pour cette même raison.

Même la présentation de gameplay de la dernière fois n’a pas suffi à me rassurer pleinement. Et pourtant, je reconnais que le tour de force est impressionnant. Encore une fois, les nouveaux pouvoirs laissent la porte ouverte à des tas de nouvelles créations et possibilités. On pouvait déjà imaginer 100 façon de tuer tel ou tel ennemi sur Breath of the Wild, imaginez ce qu’il sera possible dans TOTK. Et puis c’est réellement surprenant, on ne s’y attendait pas. Si toutes les suites pouvaient proposer des changements aussi significatifs, le monde du jeu vidéo se porterait certainement bien mieux.

Sans compter que techniquement aussi, ça en jette. Passer des cieux à la terre ferme sans temps de chargement sur Nintendo Switch, ce n’est pas anodin. D’ailleurs, si le côté technique/visuel vous intéresse, on a justement écrit un article sur le sujet il y a peu. Et dire que l’on pensait que Breath of the Wild poussait déjà les limites de la (alors toute jeune) console de Nintendo… En vrai, plus j’y pense et plus je me dis que sur le papier TOTK a tout pour être un meilleur jeu que BOTW (oui, passons à l’acronyme aussi, pas de traitement de faveur). Mais en fait, ce n’est pas vraiment ça la question. En fait, si Tears of the Kingdom n’a, pour moi, aucune chance d’arriver à la cheville de Breath of the Wild, ce n’est pas tant de sa faute. Peu importe que le jeu soit excellent, il peut même être objectivement mieux, mais il n’aura jamais la même aura qu’a eu, et continue à avoir, Breath of the Wild.

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Breath of the Wild, un monument inégalable ?

L’idée de ce billet est née juste après la fameuse présentation de gameplay dont nous n’arrêtons pas de parler. Encore une fois, c’était impressionnant, rien à dire etc. Mais toujours est-il que quand les dix minutes de gameplay se sont écoulées et qu’il a fallu dire au revoir à Eiji Aonuma (producteur de la licence), je n’ai eu envie que d’une chose : non pas précommander TOTK, mais bien relancer BOTW. Breath of the Wild, c’est ça. Un jeu tellement puissant que peu importe le nombre d’heures que vous avez pu passer dessus, une micro incitation peut suffire à vous faire replonger. J’ai à peine le temps de jouer en ce moment et pourtant tant de jeux qui me tentent sont sortis ces dernières semaines. Prenons Resident Evil 4 Remake tiens. Depuis sa sortie il y a trois semaines, je ne joue quasiment qu'à ça et j’ai du mal à arriver au bout faute de temps. Mais non, au lieu de le finir une bonne fois pour toute et lui dédier la quinzaine d’heures nécessaires, j’ai préféré passer le double sur BOTW. C’est ça, le pouvoir de Breath of the Wild.

Outre cet étrange magnétisme qui opère toujours malgré les années, BOTW c’est surtout tout un contexte. En 2017, il s’agit de l’un des jeux de lancement de la Nintendo Switch et indéniablement le plus marquant. Aujourd’hui encore, il s’agit de l’un des incontournables de la console, l’un des jeux les plus impressionnants que ce soit en termes de technique que d’expérience de jeu. Si bien que quand un joueur demande quel jeu il devrait acheter pour sa console hybride nouvellement acquise, et bien on lui conseille encore BOTW, quel que soit son âge, ses habitudes de jeu ou ses préférences. Impossible de passer à côté de ce monument. Et si on s’attarde sur le monde du jeu vidéo en général, force est de constater que ce jeu a instauré de nouveaux codes dans un genre pourtant bien installé : celui des mondes ouverts. Sa proposition est tellement innovante qu’elle est même allée jusqu’à dégoûter certains joueurs des mondes ouverts plus classiques. Le CV du jeu est, vous l’aurez compris, impressionnant. Face à un tel ouragan, c’est presque impossible de lutter, même l’indomptable Hercule aurait abandonné.

En fait, rivaliser avec Breath of the Wild, c’est un peu comme se frotter à un titan, une divinité ou que sais-je encore. Je ne vois sincèrement pas comment Tears of the Kingdom peut tenir la comparaison. Aucune chance. “Alors pourquoi les comparer dans ce cas ? Pourquoi ne pas prendre et apprécier Tears of the Kingdom pour ce qu’il est ?” Parce que oui, c’est moche de penser ainsi, je le reconnais. Surtout que c’est paradoxal compte tenu du fait que je me contente, à titre personnel, assez facilement de suites classiques qui n’apportent fondamentalement pas grand chose de nouveau, si ce n’est au niveau de l’histoire. Mais c’est la tare des monuments tels que BOTW : impossible d’aborder un jeu qui leur ressemble autant sans qu’il ne souffre de la comparaison.

Surtout qu’un tel jeu ne bénéficie plus de l’effet de surprise, de l’impression de découverte totale et constante qui permet de marquer tant les esprits. God of War : Ragnarok a beau être excellent, il restera toujours dans l’ombre de l’étonnant opus de 2018 (respectivement 19/20 et 20/20 chez nous). Et c’est d’autant plus flagrant sur un jeu comme Breath of the Wild qui met justement l’accent sur la découverte et l’exploration. À moins de changer de cap et de nous proposer une aventure plus linéaire et centrée sur la narration par exemple (comme cela semble être le cas au vu de la dernière bande-annonce), TOTK restera forcément dans l’ombre de son prédécesseur. Dans 10 ans, on se souviendra encore de Breath of the Wild. Pas dit que ce soit le cas pour Tears of the Kingdom s'il choisit d'emprunter la même voie…