Ces derniers temps, si Ubisoft a fait la une des sites spécialisés, c’est plus pour ses positions critiquées en faveur des NFT que pour ses véritables propositions créatives. L’éditeur français faisant partie des géants historiques du jeu vidéo, les joueurs comme les développeurs attendent que l’entreprise prenne des risques et soit un moteur pour l’industrie. En amont de la GDC 2022, Ubisoft présente Scalar, une technologie basée sur le cloud computing qui pourrait redéfinir la manière de créer des univers virtuels mais aussi de jouer à nos jeux vidéo.
Du local au micro-service
C’est par l’intermédiaire d’une petite vidéo en motion design que la problématique exposée par Ubisoft nous a été présentée. Cette vidéo montre qu’avec le temps, les jeux sont devenus de plus en plus grands et interactifs, mais qu’ils sont toujours limités d’une façon ou d’une autre par le hardware. En effet, les joueurs comme les développeurs connaissent depuis toujours des restrictions liées au matériel, que ce soit pour jouer ou pour créer. “Et si cette restriction appartenait au passé ?” dit alors la voix off. C’est là qu’intervient Ubisoft Scalar, une technologie exploitant les possibilités du cloud computing, pensée pour donner “plus de liberté, d’évolutivité et de flexibilité” aux développeurs.
On est partis du point de vue des créateurs de jeux plutôt que de se dire comme d’habitude : “voilà ce qu’on a, on peut peut-être améliorer un peu ceci ou un peu cela”. Christian Holmqvist, directeur technique d’Ubisoft Scalar
Pour comprendre ce que tente de faire Ubisoft avec Scalar, il faut tout d’abord plonger dans le quotidien des développeurs. Cela fait de nombreuses années qu’ils façonnent des univers virtuels par l’intermédiaire de moteurs de jeu, qu’ils soient “maison” ou issus de tiers (Unreal Engine, Unity, etc.). Le problème, c’est que ces moteurs sont devenus au fil du temps des usines à gaz malgré de nombreux efforts orchestrés pour améliorer l’expérience utilisateur. Le fait qu’ils gèrent tout ce qui est primordial pour produire un soft (physique, gameplay, animation, son, etc.) a complexifié le travail en équipe, surtout quand cette dernière est composée de centaines d’artistes parfois disséminés sur plusieurs continents. “On voulait s’affranchir de cela et construire quelque chose de plus ambitieux” déclare Patrick Bach, directeur général d’Ubisoft Stockholm.
Avec Scalar, Ubisoft veut transformer les fonctionnalités gérées en local des moteurs de jeu existants en services. Ainsi, en fractionnant chacun des rôles d’un game engine en plusieurs micro-services dans le cloud, les artistes peuvent travailler sur un aspect donné sans que cela n’affecte les autres rouages de la machine. En outre, la puissance de calcul des machines locales est déplacée vers le cloud. “On retrouve tout ce qu’on connaît déjà, mais tout n’est plus en un seul bloc” confirme Christian Holmqvist, directeur technique d’Ubisoft Scalar. Il s’agit d’une “fondation technologique” qui peut être vue comme “un outil de production”, d’après Per-Olof Rommel, directeur produit d’Ubisoft Scalar. Cela permet aux titres Ubisoft d’exploiter “la puissance du cloud” pour “supprimer complètement les limites” des moteurs de jeu et “des barrières traditionnelle du matériel” que les utilisateurs rencontrent. Il ajoute : “cela soulève un certain nombre de nouveaux défis, parce qu’on ne peut pas s’appuyer sur ce que l’on sait. Il faut réapprendre et repenser notre manière de créer des jeux”.
On a essayé d’imaginer ce que seraient les jeux dans dix ans, ce qu’ils pourraient devenir et aussi ce qu’on pourrait en attendre et comment les développer. Per-Olof Rommel, directeur produit d’Ubisoft Scalar
Des jeux plus grands, plus précis, avec un nombre illimité de joueurs
En gestation depuis fin 2017 chez Ubisoft Stockholm, Scalar n’est pas un moteur de jeu, mais un outil compatible avec toutes les plateformes que les moteurs actuels peuvent utiliser pour exploiter les technologies du cloud. Et nous parlons bien de cloud computing, pas de streaming. “L’une des spécialités fondatrices d’Ubisoft est la création de mondes. On aura la possibilité de façonner des mondes encore plus vastes” se réjouit Patrick Bach, directeur d’Ubisoft Stockholm. L’ambition affichée est de construire “des univers gigantesques” peuplés par “un nombre illimité de joueurs” avec “une précision inégalée” en matière de physique et d’intelligence artificielle. Bien sûr, pour le moment, il est difficile de vérifier ce que vaut vraiment Scalar. Mais d’après le géant de l’édition, ses services évolueront avec des mises à jour qui ajouteront des fonctionnalités, et les jeux pourront être updatés sans que cela ne nécessite de maintenance particulière, et donc sans que cela n'oblige les joueurs à se déconnecter ou à télécharger un patch.
Justement, puisque nous évoquons les jeux, où sont-ils dans tout ça ? L’éditeur français a pour le moment préféré botter en touche. Oui, Ubisoft développe actuellement des titres avec Scalar, mais aucun nom n’est formulé pour le moment. Nous savons juste qu’en plus d’Ubisoft Stockholm, les studios de Kyiv, Malmö, Helsinki et Bucarest travaillent sur le projet. À l'heure où nous écrivons ces lignes, Scalar n’a pour le moment pas pour vocation de sortir des studios d’Ubisoft. Mais alors, à quoi sert toute cette communication autour de cette technologie ? Tout simplement à recruter des développeurs qui souhaiteraient rejoindre l’entreprise afin de créer des titres en utilisant Scalar. “Cette technologie nous permettra de créer des expériences de jeu sociales massivement multijoueur et de libérer tout le potentiel de notre processus de développement en facilitant la collaboration à l’échelle mondiale” répète l’entreprise.
“Ubisoft Scalar est une technologie développée par le département Technologies de Production, récemment créé. Ce département regroupe plus de 500 experts dont la mission est de développer les meilleurs outils et technologies pour aider les studios d’Ubisoft à donner vie à leurs projets” précise le communiqué officiel publié par l’éditeur. Le moins que l’on puisse dire, c’est le géant du jeu vidéo croit dur comme fer à sa nouvelle technologie qu’il qualifie “d’avancée majeure pour la communauté du jeu vidéo”.