Alors qu’Intel lance la commercialisation de ses nouveaux processeurs Alder Lake, qui entérinent le passage à la gravure 10 nm et le support de la DDR5, AMD rivalise toujours avec des puces Zen 3 qui accusent près d’un an d’existence. Pour autant, le nouveau leader du marché n’entend pas se reposer sur ses lauriers et affûte son imminente proposition. Entre rumeurs et annonces, nous faisons le point sur ce qui attend nos boîtiers de PC, autour de l’architecture Zen 4.
“La période pendant laquelle on pouvait penser qu’AMD dominait le marché est terminée”, s’exclamait Pat Gelsinger, le grand patron d’Intel, dans une interview d’octobre dernier alors que le constructeur passait un dernier coup de polish sur sa gamme de processeurs Alder Lake, commercialisée depuis le 4 novembre 2021. Évidemment, une telle prise de parole relève avant tout de la méthode Coué, après des années de piétinement technologique du côté d’Intel, qui lui ont valu de céder sa couronne à AMD. Selon le cabinet indépendant PassMark, l’écurie rouge détient en effet 50,8 % du marché des processeurs de PC de bureau, au premier trimestre 2021, contre 49,2 % pour Intel. Un vrai terrain à reconquérir, pour la première fois depuis quinze ans, même si l’écart reste mince.
Alors, ces processeurs Alder Lake censés incarner le renouveau d’Intel, que valent-ils ? Au nombre de six pour initier le lancement de la gamme (en réalité, trois variantes qui se déclinent en une version avec ou sans circuit graphique intégré), les Core de 12ème génération se révèlent très convaincants du côté des benchmarks. En Full HD, le Core i9-12900KF (719,99 €) est ainsi 3 à 4 % supérieur au Ryzen 9 5950K, pourtant proposé 150 euros plus cher, tout en présentant une efficacité énergétique significativement supérieure. Dans la même gamme, le Core i7-12700K (529,99 €) n’engloutit ainsi que 0,34 watt par image/seconde générée, soit un résultat 73 % supérieur au même Ryzen 9 5950K dans des conditions identiques.
Mais vous l’aurez compris : on compare ici des processeurs flambant neufs, qui impliquent au passage l’achat d’une nouvelle carte mère autour du socket LGA 1700, avec des puces signées AMD qui accusent déjà plus de douze mois d’existence et s’établissent autour de la même plateforme depuis mars 2017. La proposition des deux constructeurs n’est donc pas synchronisée et c’est au tour d’AMD de réagir. Et à en juger par le nombre de projets, le constructeur promet de ne pas s’endormir sur sa couronne de lauriers, fraîchement gagnée.
Une nouvelle génération Ryzen chaque année
Alors qu’Intel préparait sa nouvelle gamme, du côté d’AMD on était affairé à … souffler les cinq premières bougies de l’architecture Zen. Dans la foulée de Bulldozer (2011), ou plus précisément d’Excavator (2015) qui en a constitué la quatrième refonte, les Ryzen ont été une franche révolution à leur apparition en février 2017. Autour d’une gravure en 14 nm, les Ryzen 1700, 1700X ou 1800X ont introduit un nouveau type d’architecture plus modulaire et ont en particulier sorti le grand public du modèle des processeurs à quatre cœurs et huit threads. Un format que l’on se traînait depuis près d’une décennie, jusqu’alors.
Un an plus tard, en avril 2018, les Zen+ en constituaient la première révision avec un passage à la gravure en 12 nm. Au programme : des Ryzen 2000 favorisant l’overclocking et affichant une consommation électrique revue à la baisse. Premier vrai changement, les Ryzen 3000 de génération Zen 2 introduisent la gravure en 7 nm et la prise en charge du PCIe 4.0 en juillet 2019. Même affinage que précédemment, en novembre 2020, après une modeste série « Matisse Refresh » (les Ryzen 3000 XT) venant essentiellement gonfler les fréquences Boost : les Ryzen 5000 sont toujours gravés en 7 nm, mais introduisent l’architecture Zen 3. Elle vient unifier le cache L3, tout en le rendant plus important, et réduit la latence au passage : de quoi offrir près de 25 % de performances supplémentaires, face aux Ryzen 3000.
Ces quatre premières générations de processeurs Ryzen céderont bientôt la place à une cinquième, toujours autour du socket AM4 : des Ryzen Zen 3+ sont annoncés pour le premier semestre 2022. Entre deux bouchées de son gâteau d’anniversaire, AMD a en effet confirmé que sa « technologie 3D V-Cache, qui offre un gain de performances de 15 % en moyenne dans les jeux vidéo, arrive sur la gamme Ryzen sur plateforme AM4 ».
Cette technologie a été révélée en juin dernier, à l’occasion du Computex de Taïwan. Le principe ? L’ajout d’un cache L3 vertical supplémentaire au-dessus des modules CCD qui renferment les cœurs du processeur. Imaginez une sorte d’empilement, façon Lego, pour ne pas sortir du cadre qui fonctionne déjà : il serait ainsi possible d’adjoindre jusqu’à 64 Mo de cache par CCD, soit 128 Mo au total. De quoi tripler la quantité de mémoire cache et ainsi atteindre 192 Mo contre 64 Mo sur les modèles actuels.
Selon AMD, ce choix pourrait se traduire par une hausse des performances de l’ordre de 15 % dans les jeux vidéo, par rapport à un Ryzen 9 5900X - un écart supérieur à celui qu’offrent les processeurs Alder Lake, au passage. Selon toutes vraisemblances, il devrait s’agir des Ryzen 6000 qui seraient disponibles au premier semestre 2022. Ou des Ryzen 5000 XT, si l’on mime la nomenclature des Matisse Refresh d’il y a douze mois. La réponse ne devrait désormais plus tarder.
Zen 4 : jusqu’à 40 % de performances en plus ?
« La plateforme AM5 est en bonne voie pour 2022, avec notamment une connectivité de dernière génération, incluant la DDR5, PCIe 5.0, de nouveaux standards d’entrée/sortie et la compatibilité avec les solutions AM4 de refroidissement », poursuit Lisa Su, la PDG d’AMD à l’occasion de la conférence Hot Chips 33 d’août dernier. Elle évoque ici Zen 4 (nom de code “Raphael”), le futur changement d’architecture qui va signer l’entrée en lice de la gravure en 5 nm. Si peu de détails ont déjà filtré, on sait déjà qu’outre leur plus grande finesse de gravure, ces futurs processeurs devraient embarquer un nombre de cœurs plus élevé ; vraisemblablement, on devrait même s’orienter vers un modèle coiffant la gamme grand public équipé de 24 cœurs.
Autre confirmation, ces futurs Ryzen prendront bien en charge la mémoire DDR5-5200 et PCIe 5.0. Ils introduiront toutefois un changement de plateforme, avec le socket AM5 succédant à l’AM4 au terme de cinq années de bons et loyaux services. Au passage, celui-ci emprunterait un nouveau design de type LGA1718, plus proche de ce que propose Intel depuis des années - c’est un changement d’architecture, les sockets Land Grid Array (LGA) positionnant les broches du processeur sur la carte mère et non sur la puce (Pin Grid Array, PGA). En revanche, la seule compatibilité avec les systèmes de refroidissement actuels comme l’indique Lisa Su suffit à comprendre que la taille du socket AM5 demeurera inchangée (40 x 40 mm).
Leur plus grande finesse de gravure autorise théoriquement ces futurs processeurs à embarquer jusqu’à 1,87 fois plus de transistors à leur surface, par rapport aux Zen 3. Cela se traduirait par un nombre d’instructions par cycle (IPC) revu à la hausse de 25 %, et par un gain de performances de l’ordre de 40 % par rapport aux Zen 3, selon de premières rumeurs.
Elles semblent d’ailleurs confirmées par une récente conférence qu’AMD a tenue en début de semaine, à propos de sa future gamme de processeurs pour les serveurs et centres de données. Les deux prochaines familles de puces EPYC de ce type, Genoa et Bergamo, s’articuleront en effet autour de l’architecture Zen 4 et devraient donner un premier aperçu de ses performances … dans un contexte évidemment débridé. Genoa débarquerait au cours de l’année 2022, avec des modèles embarquant jusqu’à 96 cœurs Zen 4 en 5 nm, tout en supportant la DDR5 et PCIe 5.0. Lisa Su annonce des performances 1,25 fois supérieures à celles des actuels EPYC Milan, qui s’articulent autour de cœurs Zen 3 gravés en 7 nm. Un an plus tard, ils seront rejoints par les EPYC Bergamo, qui embarqueraient quant à eux jusqu’à 128 cœurs Zen 4c. Ce suffixe désigne leur visée vers le “cloud”, ce qui se traduirait par un réaménagement interne, avec certaines fonctionnalités expurgées, afin d’accroître leur densité et d’optimiser leurs performances pour certaines charges de travail. Mine de rien, il s’agirait ainsi de la fin de la stratégie du “one die fits all”, en vigueur depuis la sortie des Zen, qui se base rigoureusement sur la même architecture pour tous les types de marché.
En résumé : la guerre entre AMD et Intel va être passionnante à suivre
Même si l’architecture Zen 4, et le “refresh” Zen3+ intermédiaire qui s’annonce, semblent sur la rampe de lancement, le timing reste serré pour AMD. Du propre aveu de Lisa Su, le constructeur est touché par la pénurie générale de composants, ce qui explique le relatif retard du changement d’architecture. En pratique, et jusqu’en 2022, les processeurs d’AMD ne prennent pas en charge la mémoire DDR5 et PCIe 5.0, alors que les puces Alder Lake d’Intel en tirent d’ores et déjà parti. Et la liste des projets d’AMD ne se réduit pas au lancement de ces futures gammes de Ryzen : l’écurie rouge œuvre également sur le marché des cartes graphiques, avec une architecture RDNA 3 prévue pour la même fenêtre de tir.
Pour autant, les perspectives semblent réjouissantes. Si le refresh Zen3+ se confirme, AMD disposera d’une ultime “génération” de processeurs s’articulant autour d’une plateforme AM4 stabilisée depuis cinq ans. Cela pourrait être un avantage pour tous les utilisateurs désirant changer de CPU sans réinvestir sur d’autres composants, par exemple si leur machine tourne autour d’un Ryzen 1000 ou 2000. AMD devra ensuite convaincre, à l’image d’Intel aujourd’hui, de l’intérêt de changer totalement de plateforme. Et à la sortie de Zen 4, ses futurs processeurs devraient rivaliser avec le premier refresh d’Alder Lake, Raptor Lake, avec des Core de 13ème génération. Reste alors à voir si la gravure en 5 nm marquera une différence considérable. Réponse dans quelques mois !
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