La culture vidéoludique profite déjà d’une multitude de références qui parfois se retrouvent au sein même des jeux vidéo, tel des clins d'oeil. Une SNES dans Pokémon , des screenshots de Final Fantasy VII dans le remake du même nom, Conker jouant à Killer Instinct sur Game Boy… Les exemples sont légion. Mais aujourd’hui, nous allons nous intéresser à ce qui pourrait s’appeler des « inception games » : ces titres qui nous offrent l’opportunité d'utiliser notre héros pour se faire une partie au sein de ce monde virtuel. Ces jeux dans les jeux peuvent exister dans le monde réel, mais aussi être totalement inédits.

Des jeux vidéo créés pour l'occasion

En 2006, Rockstar développe et édite Canis Canem Edit (ou Bully aux USA). Dans ce monde ouvert, nous suivons la vie d’un jeune adolescent qui cherche à se faire respecter dans sa nouvelle école. Les actions à mener sont multiples et parmi elles, il y a les performances dans des jeux vidéo sur des bornes d'arcade. Ces dernières abritent des titres inédits. C'est également le cas pour GTA, la série phare de Rockstar. Ces jeux ont aussi à coeur de représenter une ville réaliste et une liberté d’action qui autorise de se consacrer à quelques parties de jeu, dans le jeu. Et que peut faire une jeune personne sur son temps libre ? Jouer.

Certaines de ces mises en scène vont plus loin, jusqu'à utiliser l'auto-référence. Dans Catherine , le protagoniste doit faire ses preuves sur borne d’arcade avec un jeu qui reprend le gameplay du titre d’Atlus. Comme dans les cauchemars de Vincent, le héros doit empiler des blocs pour s’élever tout en haut de la plateforme. Le but change cependant, car cette ascension sert à sauver Raiponce, la princesse aux longs cheveux. Des conversations inédites se débloquent après une cinquantaine de niveaux . Voilà une manière d’exploiter une deuxième fois les mécaniques de jeu tout en apportant une réalisation pour le moins cocasse.

Le générique de fin de Me and my Katamari propose un ultime niveau. Sa particularité ? Il s'agit d'une version 8-bits du jeu de Bandai Namco. Le roi félicite le prince pour son succès et bascule dans une autre dimension qui vient titiller notre fibre nostalgique. Le monarque ne manque pas d'humour : « Ne laissez pas les octets vous abattre. » Le plateforme 2D demande au héros faire rouler sa boule pour ramasser tout ce qui se trouve sur son passage. C'est une belle manière de clore avec émotion l'aventure, tout en rendant hommage à l'histoire vidéoludique'''

Réviser sa culture vidéoludique

Parfois, chercher un peu plus loin que le bout de son nez apporte son lot de surprise. La mise en abyme apparaît telle une récompense pour les plus aguerris. Dans Day of the Tentacle , s'attarder sur l’un des ordinateurs présents dans la maison des Edisons permet d'exécuter un autre titre. LucasArts a en effet installé sur l'un d'entre eux le premier Maniac Mansion . Voilà un moyen de se rafraîchir la mémoire ou tout simplement de prendre connaissance des origines de la série afin de mieux apprécier ce second volet.

La simulation de vie Animal Crossing de Nintendo encourage le joueur à posséder tout un tas d’objets pour travailler la décoration de sa maison. Dans l’épisode sorti sur Game Cube, il existe 19 NES, embarquant pour chacune d’entre elles un jeu de la mythique console japonaise. Une simple interaction peut lancer une partie de Donkey Kong ,Super Mario Bros ou encore Excitebike . Ce cadeau de la part de Nintendo, c’est un peu la console virtuelle de la Wii avant l’heure.

Mais ce n'est pas tout. En 2018, le hacker James Chambers a fait une intéressante découverte. Dans cet opus de 2001, la vingtième NES disponible livrée sans jeu a la capacité en réalité de lancer une recherche de fichiers ROM NES depuis la carte mémoire de la Game Cube ! Le petit génie a réussi à faire tourner Mega Man et d’autres titres depuis l’émulateur Dolphin (un émulateur dans l’émulateur d’un simulateur de vie !) puisque déplacer des fichiers ROM compatibles vers une carte mémoire physique s’avère très complexe. Ainsi, toute la ludothèque de la première console grand public de Nintendo pourrait être lue depuis Animal Crossing.

La série Shenmue propose de nous plonger dans un quotidien que personne avant elle n’avait aussi bien retranscrit dans un jeu vidéo. Les quêtes annexes servent d’excuses pour se faufiler dans chaque ruelle, discuter avec les citadins, dépenser des yens dans les échoppes… Mais également de s’adonner à quelques parties dans la salle d’arcade « You Arcade » en échange de quelques pièces. Au programme, le shoot 'em up Space Harrier et Hang-On , un jeu de course de moto. Tous deux ont été édités par Sega et ont fait leur entréesur borne d’arcade en 1985 au Japon et en 1987 à l’international sur Master System.

Leur apparition dans Shenmue fait figure d’hommage rappelant la place de Sega sur le marché du jeu vidéo à la fin des années 80. Ajoutons que ce procédé véhicule une bonne publicité pour la société. À travers ces mini jeux, Yū Suzuki et ses équipes tentent de faire vivre aux joueurs un voyage authentique dans la ville bien réelle de Yokosuka tout en incarnant un jeune japonais des années 80. Il aurait été étonnant alors de ne pas avoir la possibilité de pratiquer ce loisir si important dans la culture japonaise.

Pour apporter un peu plus de réalisme dans les jeux qui entendent dépeindre notre propre société et rendre hommage à la culture vidéoludique, les développeurs n’hésitent pas à intégrer des références en provenance d’autres titres ou en créer de nouvelles. La mise en abyme tente de fidéliser les joueurs aux éditeurs et laisse un souvenir singulier qui récompense les plus passionnés d'entre nous. Parfois, ce petit détail n’en est pas un : dans la série des .hack les personnages se déplacent dans un monde virtuel, tout comme dans Kid Chamelon où le joueur se retrouve peopulsé dans un hit de borne d’arcade. Il arrive aussi que les héros abattent le quatrième mur comme Max Payne dans sa première aventure, mais aussi dans les jeux Earthbound et Runaway . Quoi qu’il en soit, le jeu vidéo n’a pas fini de nous parler de lui-même.