Avec le reveal des capacités techniques de la next-gen, Microsoft et Sony déballent une nouvelle fois leurs gros chiffres. On parle ainsi de 8K, de 120 images par seconde, d’encore plus de teraflops, etc. N’étant pas un féru de résolution ni d’FPS à gogo, ces annonces ne m’attirent en rien. De toute façon, une fois le cap du photoréalisme atteint, Xbox et Playstation devront trouver un autre angle d'attaque pour vendre leurs titres majeurs.
Cet article entrant dans la rubrique "Débat et opinion", il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de Jeuxvideo.com.
On pensait avoir du photoréalisme avec la PS4 et la ONE, mais tout porte à croire que c’est la prochaine génération qui passera ce cap. Il suffit de regarder du côté d’Hellblade II, dévoilé aux derniers Game Awards pour montrer ce que la Xbox Series X, la next-gen de Microsoft, a dans le ventre. Et autant dire que c’était impressionnant. Le trailer a été présenté comme du “in-engine”, ce qui signifie que la nouvelle console de Microsoft sera capable d’afficher de tels graphismes en temps réel.
Senua's Saga : Hellblade II - Trailer
La course au photoréalisme c’est bien, mais la route pour y arriver touche à son terme. En effet, de manière assez naturelle, le jeu vidéo a évolué au fil des progrès technologiques et des ambitions économiques d’entreprises : pour encourager le joueur à dépenser son argent après un premier achat, quoi de mieux qu’une machine plus puissante et des jeux qui exploitent ce bond en avant ? Nous avons ainsi connu l’ère du 8-bits sur NES, avant que cette puissance ne soit démultipliée par la Super NES et la Mega Drive, avant d’entamer l’ère de la 3D puis de la HD.
Bien-sûr, les jeux indépendants sont arrivés entre temps, privilégiant la création pure à des besoins marketing, parfois sans même que leur auteur songe à faire de l’argent. Ainsi, des textures plus simples et des directions artistiques tout en pixels sont revenues sur le devant de la scène, avec par moments des concepts audacieux voire bizarroïdes. Parfois même des thèmes généralement peu abordés. Et même les géants de l’industrie vidéoludique s’y sont essayés. Grow Home d’Ubisoft Reflections ainsi que Sea of Solitude, déniché et publié par Electronic Arts, en sont de bons exemples.
Si on schématise à l'extrême, on peut scinder l'industrie en deux camps : d'un côté, les créateurs qui privilégient l’expérience de jeu sans avoir des monstres de puissance (Nintendo et les indés), et de l'autre, ceux qui mettent le paquet sur le visuel, parfois en négligeant les mécaniques de jeu ou sans proposer des trouvailles innovantes / surprenantes. Toutefois, une superbe plastique n'est pas incompatible avec des mécaniques bien pensées, et un jeu avec des rouages classiques ne sera pas forcément mauvais. Mais force est de constater que ni GTA, ni Call of Duty n’a “réinventé la roue” ses dernières années, à la différence d’un Breath of the Wild. Il ne faut toutefois pas s’alarmer : les fan-base de ces titres sont énormes, et l’argent investi tellement astronomique qu’une prise de risque, et donc un potentiel échec commercial, ferait suer jusqu’à la déshydratation n’importe quelle entreprise.
Ainsi, l’industrie s’est lancée dans une longue surenchère technologique, dont le bout du bout sera le photoréalisme. Mais une fois ce palier atteint, sur quelles innovations se vendront les AAA de demain ? D’après moi, il n’auront pas d’autres choix que de se réinventer : trouver des directions artistiques originales et enchanteresses (de la trempe d’un Gris), revisiter les codes d’un genre maintes fois utilisé (comme l’extraordinaire Breath of the Wild), ou investir dans des progrès technologiques encore peu démocratisés voire balbutiants (une histoire adaptative grâce à l’intelligence artificielle, comme avec AI Dungeon, ou la réalité virtuelle).
Mais peut-être que se poser la question ne sert à rien. Dans son documentaire “Les jeux vidéo vont-ils disparaître”, la chaîne Game Spectrum s’interroge sur la place du divertissement vidéoludique au sein d’une situation écologique alarmante. Entre le rejet de pollution dans l'atmosphère pour concevoir nos machines ou la raréfaction des métaux rares qui permettent à ces engins de fonctionner, nous n’aurons peut-être jamais de “Battlefield 20, ou de Xbox 3000” pour reprendre les mots de la vidéo. Au-delà même de savoir si cela sera possible, pourquoi continuer à produire des machines dédiées au jeu au profit des smartphones, qui permettent de faire autre chose que de se divertir ? Un avenir certes déprimant, mais qui mérite qu’on y réfléchisse quelques instants.