Si l’histoire des cartes graphiques d’une manière générale a débuté dès le début des années 80, celle des cartes 3D, ou accélératrice 3D, n’aura démarré qu’une décennie plus tard, et par l'intermédiaire d'acteurs, dont beaucoup hantent aujourd'hui les livres d'histoire de l'informatique.
À cette époque, le marché était principalement guidé par les besoins en affichage 2D, et les fabricants concentraient leurs efforts à optimiser l’accélération matérielle sur ce type de rendu ainsi que la gestion du frame buffer. Pour autant, au début des années 90, de nouveaux besoins ont commencé à poindre, qui ont poussé au développement de nouveaux circuits spécialisés dans les traitements 3D. Dans un premier temps, pour appuyer les industriels dans des domaines comme la CAO (conception assistée par ordinateur), ou la création de systèmes de simulation. Puis, un peu plus tard, pour soutenir des applications plus grand public, comme les loisirs vidéoludiques.
Nous sommes alors en 1994, et le marché des puces graphiques est dominé par trois entreprises : les canadiens Matrox et ATI, fabricants tous les deux des cartes graphiques dotés de leurs propres puces, et S3, plutôt spécialisé dans les produits d’entrée de gamme à intégrer directement aux cartes mères, et cela, même si ils étaient parfois également utilisés par des OEM pour des cartes d’extension. Parmi ces trois concurrents, Matrox va être le premier à dégainer une solution d’accélération 3D, la Matrox Impression Plus, dans un premier temps sous la forme d’une carte additionnelle, à coupler avec son produit phare de l’époque, dont le nom rappellera sans doute des souvenirs à quelques-uns d’entre vous : la fameuse Matrox Millenium. Pour rappel, ce modèle était de l’avis de tous, la meilleure carte graphique 2D de l’époque.
Ce mouvement vers la 3D, Matrox a notamment pu l’amorcer rapidement, car cette carte existait déjà, mais n’était commercialisé qu’à destination des professionnels, pour des applications de CAO. Une chance qui fut aussi en partie une des raisons de l’échec commercial de l’Impression auprès du grand public et des développeurs de jeux. En effet, à l’époque, les cartes d’accélération 3D ne pouvaient traiter que les fonctions pour lesquelles elles avaient été conçues, puisque les puces ne disposaient pas encore de microprogrammes que l’on pouvait adapter à loisir. Et les jeux, de leur côté, devaient être développés de manière à supporter ou pas, ces fonctions précises. Or, l’Impression, comme nous l’avons dit, était à la base une carte conçue pour des applications CAD, et ne supportait pas, par exemple, certains traitements propres aux jeux video, comme le Texture Mapping.
De fait, si l’Impression Plus a connu un certain succès dans le monde professionnel, elle est passée complètement à côté du marché du jeu vidéo 3D. La preuve en est : seuls trois titres ont été adaptés pour en profiter (et à peine plus pour la Millenium révisée, qui était cette fois une vraie carte 2D/3D, la partie 3D étant inspirée de l’Impression). Quant à S3, concentré sur le marché de l’entrée de gamme, il est en toute logique celui qui a eu le plus de difficultés à passer à la 3D. Sa première tentative, le circuit ViRGE, offrait des performances anémiques en Direct 3D et ne supportait pas du tout l’OpenGL (indispensable à certains titres phares de l’époque, comme Quake).
Finalement, des trois principaux fabricants de circuits graphiques 2D de l’époque, il n’y en a qu’un seul qui aura véritablement réussi à négocier son passage à la 3D : ATI. Et cela, même s’il lui aura fallu attendre 1997 afin qu’il développe le produit qui l’installera durablement sur le marché : la carte Rage Pro, qui representait dejà la troisième génération de cartes 2D/3D du fabricant (après des Rage I et Rage II au succès plus que mitigé). La Rage Pro n’était certes pas la plus performante de l’époque, mais elle était largement supportée dans les jeux, soit via les API propriétaires d’ATI, soit via OpenGL et les premières versions de Direct 3D. Elle proposait en outre des fonctionnalités multimédia intéressantes, comme un tuner TV (sur les versions All-In-Wonder), mais aussi et surtout le décodage matériel du MPEG-2, ce qui en faisait la meilleure carte graphique pour quiconque souhaitait regarder des DVD-Vidéo sur son ordinateur, sans avoir à ajouter une carte de décompression dédiée (beaucoup de CPU de l’époque étaient insuffisants pour un décodage logiciel).
Un marché en plein essor, des acteurs historiques qui peinent à s’y insérer… Le contexte semblait idéal pour que l’on assiste à l’émergence de nouveaux concurrents, et ce fut effectivement le cas : ils se nommaient 3dfx, NVIDIA, Rendition, ou Imagination Technologies… Et vous allez voir que cette nouvelle concurrence en a laissé plus d'un sur le carreau.