La cabane au fond des bois

Derrière Inscryption se cache le créateur de Pony Island et de Hex. Autant dire que compte tenu de son pedigree, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'il ne mette pas son imagination à profit pour leur prochaine production, qui vous place au commencement dans la peau d'une « aventurière », qui se rendre vite compte de la précarité de sa situation. Effectivement, une silhouette dont on ne distingue que les yeux nous déclame quelques lignes et peu à peu, nous nous rendons compte que notre héroïne est retenue captive dans une cabane en bois tout droit issu de n'importe quel film d'horreur qui se déroule en forêt. Rapidement, le geôlier propose de jouer à une partie de cartes et cherche à mesurer ses compétences face aux vôtres. C'est ici que les bases du jeu, ou du moins de sa première partie seront posées.

Après vous être fait distribuer votre main de départ, vous devrez évoluer sur 4 cartes différentes et donc affronter 4 boss pour terrasser votre adversaire. Chaque monde se présente de la même manière. Plusieurs chemins sont disponibles et il n'est pas possible de revenir en arrière une fois un embranchement effectué. Vous pourrez ainsi choisir de progresser dans une branche qui vous laissera sélectionner d'autres cartes pour renforcer votre deck, combiner deux cartes entre elles pour transférer les pouvoirs de l'une vers l'autre, ou encore vous équiper de plusieurs objets qui vous avantageront en cours d'affrontement.

Le principe des combats est d'ailleurs aussi simple qu'efficace. Vous faites face à une grille de 8 cases, les 4 cases devant vous représentant votre zone de jeu. Celle d'en face est l'espace alloué à l'adversaire, sachant que 4 cases supplémentaires lui sont attribuées afin que vous puissiez anticiper ses coups à venir, Inscryption se déroulant au tour par tour. Chaque carte dispose de ses propres caractéristiques : puissance d'attaque, points de vie et de nombreux pouvoirs seront donc à votre disposition pour tenter de venir à bout au plus vite des obstacles qui se dresseront face à vous. Au centre du plateau se trouve une balance qu'il faudra faire pencher de 5 crans vers votre adversaire pour qu'il vous laisse poursuivre votre route. Si l'une de vos cartes lance une attaque sur une case adverse vide, votre opposant prendra autant de dégâts que la puissance de la carte posée, si, en revanche, une carte se trouve en face de la vôtre, elle absorbera la totalité de l'assaut sans faire pencher la balance, à moins que vous n'ayez un pouvoir permettant de passer outre cette contrainte. Naturellement, la réciproque est vraie, aussi faudra-t-il bien veiller à son positionnement et à la pose des bonnes cartes au bon moment, si toutefois votre chance ne vous fait pas faux bond. Car oui, si vous savez ce que contient votre deck, celui-ci est mélangé à chaque début manche. Il faudra donc vous attendre à devoir compiler avec des mains plus chanceuses que d'autres et surtout de savoir faire preuve d'un sens aigu du sacrifice.

Le sens du sacrifice

Effectivement, la plupart des cartes du jeu ne peuvent pas être posées gratuitement sur le plateau. Certaines ont un coût en os, d'autres, en sang. Ainsi invoquer une carte ayant une goutte de sang affichée dans son coin vous demandera d'en sacrifier une autre déjà en présence sur le plateau. Fort heureusement, une pioche illimitée est accessible au début de chaque tour, vous permettant de récupérer une carte écureuil, n'ayant aucune puissance d'attaque et un seul point de vie, qui vous servira la plupart du temps à faire des sacrifices. Cela ajoute une petite dimension casse-tête supplémentaire, mais les choses ne sont pas figées, car toutes les créatures peuvent être sacrifiées, même les plus puissantes. Ainsi, si à votre tour une de vos cartes fétiches est sur le point de tomber, la sacrifier pour en invoquer une nouvelle sera souvent la solution à adopter. "Tuer" deux cartes et perdre leurs bonus afin de récupérer deux gouttes de sang pour poser votre carte ultime (par exemple) est souvent un choix cornélien, qu'il faudra un jour ou l'autre prendre afin de progresser dans le jeu. Sachez également que chaque mort ou sacrifice d'une carte génère un ou plusieurs os" et ils pourront servir à poser les cartes requérant cette ressource pour peu que vous en ayez dans votre main. Notez d'ailleurs que vous disposez de deux «vies » par monde, et d'une seule tentative par boss. Ainsi, dans votre traversée de la carte, il sera parfois préférable de sacrifier une vie afin de ne pas à tout prix chercher à remporter un affrontement qui vous coûterait par exemple l'exploitation d'objets utiles. Les tactiques sont donc très nombreuses, et les morts le seront aussi. Mais pas d'inquiétude, car à chaque échec, votre geôlier vous permettra de façonner votre « carte de mort ». Parmi toutes les cartes récoltées au cours de votre précédente traversée, une sélection vous sera proposée et vous pourrez en « extraire » le coût, la vie, la puissance d'attaque et la capacité spéciale. Ces cartes customisées auront une chance d'apparaître dans la prochaine session de jeu, qui vous ramène à votre point de départ, et elles vous donneront une chance de prendre plus facilement l'ascendant sur votre adversaire.

Les tactiques et synergies sont particulièrement nombreuses, il existe beaucoup de cartes de classes différentes qui interagissent très bien entre elles et l'ensemble des mécaniques est parfaitement huilé pour vous offrir une expérience qui ne se veut pas répétitive. Il est d'ailleurs à souligner le gros travail réalisé pour encourager le joueur à progresser et à faire preuve de curiosité dans sa traversée des cartes. Le jeu, d'une partie sur l'autre, aura la plupart du temps des petites nouveautés à vous montrer, pour renouveler un peu la partie, et, mieux encore, vous propose aussi une surcouche de jeu supplémentaire, articulée autour de l'histoire de votre héroïne elle-même.

Un jeu dans le jeu dans le jeu

Entre chaque affrontement, vous pourrez choisir de vous promener dans la cabane dans laquelle vous vous trouvez et comprendrez rapidement que de nombreux éléments peuvent être manipulés. Ces quelques énigmes, pour la plupart assez peu complexes, mais intelligentes comme tout, vous propulsent dans une sorte d'escape game et chaque résolution vous permettra de faire avancer l'histoire, que ce soit en récoltant des objets (à l'utilisation délicieusement sordide) ou des cartes qui rejoindront votre deck autant qu'elles vous donneront des clefs de compréhension concernant la prochaine étape de progression de l'aventure. Et lorsque vous penserez avoir fait le tour de la question, Inscryption vous propulse littéralement dans une tout autre vision du jeu, dont nous nous garderons de vous dévoiler les détails.

Sachez simplement que le deuxième gros « acte » du jeu comme le troisième conservent le principe de deck building, mais qu'il opte pour une approche plus « aventure » et plus libre dans la sélection des combats à mener ou dans la gestion du deck. Arrivé à ce stade, vous disposerez rapidement d'énormément de cartes et pourrez vous constituer un deck de 20 items, ce qui peut rapidement s'avérer un peu casse-tête compte tenu du fait qu'il sera vraiment nécessaire d'adapter votre main aux adversaires rencontrés, ce qui ne serait pas un grand drame si la gestion du deck en question était un peu moins laborieuse. Et il faut malgré tout reconnaître qu'à terme, l'aventure s'essouffle un peu, car l'intensité des rencontres ne parvient jamais vraiment à égaler la tension qui règnait dans le premier acte. En transformant totalement la vision du jeu, Inscryption pourrait perdre quelques joueurs en chemin, qui goûteront sans doute moins aux derniers tiers de l'aventure qu'à l'atmosphère horrifique de la première, mais quoi qu'il en soit, au cours des 10/15h qu'il vous faudra pour voir le bout de l'aventure, c'est un vraiment sentiment de fraîcheur que vous retiendrez et serez sans doute ravi d'avoir pris part à un jeu de deck building pas tout à fait comme les autres.

Conclusion