Breath of the Wild, Journey To The Savage Planet, ou encore Red Desert Render. J’ai récemment joué à des jeux où l’exploration était guidée par la curiosité et non pas par un pointeur sur la carte. Mais ces derniers ne rendaient pas compte d’un univers particulièrement réaliste ou historique. En fait, concilier certains mondes avec un open-world intelligent est vraiment compliqué.
Cet article entrant dans la rubrique "Débat et opinion", il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de Jeuxvideo.com.
Vous connaissez sans doute ce syndrome. Celui où d’innombrables points d’interrogation s’affichent sur votre carte. Dernier exemple en date, et sans doute le plus marquant : The Witcher 3. A peine votre arrivée en Temeria que des dizaines d’icônes vous appellent. Et si vous avez l’âme d’un complétiste, vous n’avez pas le choix. Il faut savoir ce que chacun dissimule. Ni une ni deux, vous utilisez votre GPS de Sorceleur pour tracer une belle ligne jusqu’au premier secret, et ainsi de suite. Si bien que vous regardez autant votre boussole que l'incroyable monde qui vous entoure. Et c’est bien dommage.
Mais CD Projekt Red avait-il d’autres choix pour rendre compte de l’immense richesse de son univers et des secrets qu’il renferme ? Et surtout pour pousser le joueur à explorer ? Et bien pas vraiment. En fait, dans les mondes ouverts qui se veulent réalistes et crédibles, il n’est pas évident de jouer avec la topographie pour attirer la curiosité. Les contrées de The Witcher 3 sont essentiellement plates, et correspondent certainement à ce que Andrzej Sapkowski décrit dans ses oeuvres. Rares sont donc les immenses tours ou montagnes qui captent notre attention. Et jusqu’à preuve du contraire, Geralt ne peut pas s’envoler pour dénicher les points d’intérêts aux alentours. Non. Il est cloué au sol car c’est un personnage qui est à l’image de son univers : crédible.
Des tours et des pigeons magiques
“Tours” ? Vous avez dit “tours” ? On a beau frôler l’indigestion en ce qui concerne celles du monde d’Assassin’s Creed, mais avec le recul, c’est une idée de Game Design pas si vilaine que cela. A l’inverse de The Witcher 3, le poulain d’Ubisoft n’affiche pas dès le début l’intégralité des secrets à découvrir. Avec ses tours, situés en hauteur, l’oeil du joueur est facilement attiré vers le haut. Et comme les assassins sont tous des pro de la grimpette, de plus dans des univers techniquement impressionnants, l’envie naturelle d’explorer est là ! On escalade, on admire, on déverrouille une petite partie des points d’intérêts et on continue d’explorer.
Je disais donc, “une idée de Game Design pas si vilaine que cela”, mais qui a beaucoup trop souffert de l’insistance d’Ubisoft avec cette trouvaille, que ce soit dans Assassin’s Creed ou même dans sa relecture de Far Cry. Mais ne jetons pas trop vite la pierre au studio : dans les derniers Assassin’s, que ce soit Odyssey et Origins, il est possible d’utiliser un pigeon magique pour scruter les environs, et même de verrouiller un point d’intérêt depuis les airs. Il n’y a ainsi pas de coupure entre jeu et interface, une manière de corriger le principal point noir des explorations guidées par un système GPS.
L'utilisation du "pigeon magique" dans Assassin's Creed : Origins
Geralt lui aussi aurait dû bénéficier de son pigeon magique ? Pas évident comme question. The Witcher 3 et les derniers Assassin’s sont des jeux très différents, que l’on n’aborde pas de la même manière. Le premier me semble plus dirigé par la narration et l’autre par l’exploration. Bref, ce sont des jeux vidéo, et tout est affaire de compromis et de cohérence au niveau du Game Design. Mais à chaud, un point de vue depuis les airs m’aurait semblé intrusif et presque spoilant dans The Witcher 3.
Moins ancré dans la réalité pour plus de curiosité
Donc oui, on se plaint des tours, mais il faut dire que l’exploration guidée par le regard et la curiosité a connu son heure de gloire que très récemment, avec Breath of The Wild. Ce jeu culotté qui a réinventé une série culte et la manière d’aborder un monde ouvert. Excusez du peu ! C’est le Level Design du titre et ses mécaniques de déplacement (l’escalade et le vol en paravoile) qui expliquent son succès. On peut littéralement tout faire, sans même passer par la carte. Avec la fidèle tablette Sheikah, il suffit de regarder une montagne pour y placer un curseur. On saute partout, on court, on grimpe et on prend du plaisir.
J’ai retrouvé ce plaisir d’exploration dans Journey To The Savage Planet, même si les déplacements ne sont pas aussi permissifs que dans le dernier Zelda. Il y a malgré tout cette science de donner envie au joueur d’explorer juste en voyant quelque chose d’intriguant. Pour prendre un exemple différent, même Red Desert Render m’a intéressé. Son créateur a été inspiré par Red Dead 2, où il découvrait des points d’intérêts grâce à ses jumelles. Le titre, sobre et ultra dépouillé, demande seulement de trouver certains objets et endroits. Et j’ai pris du plaisir à marcher pendant dix minutes pour dénicher un objet qui brillait au loin. Juste guidé par ma curiosité.
Ces trois jeux ont un point commun : ils ne s’attachent pas à rendre compte d’un univers crédible. Ils ne sont qu’astuces pour donner au joueur envie d’explorer (les montagnes et les mécaniques de déplacement dans Breath of the Wild, la verticalité et l’immense tour au centre du terrain de jeu pour Journey To The Savage Planet, les sommets rocheux pour Red Desert Render). Et ils n’ont pas non plus un cahier des charges historique et scénaristique particulier à remplir. Vous l’aurez compris, concilier univers “réaliste” et exploration intelligente, c’est un sacré défi.