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Sujet : [Fantasy] L'assemblée extraordinaire

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HelpingFR HelpingFR
MP
Niveau 32
28 octobre 2016 à 12:49:35

Le 28 octobre 2016 à 12:05:24 LePerenolonch a écrit :
Merci tous les deux pour votre lecture ! :-)

Le 26 octobre 2016 à 13:41:11 HelpingFR a écrit :
Lu, bon chapitre, qui met de nouveau en avant Evrard qui me plaît de plus en plus et qui est quand même promis à un avenir assez morbide d'après le précédent chapitre :hap:
Et j'avais oublié qu'Idilbad avait un gamin en chemin :noel:

Précédent chapitre ? :hap: Tu parles du chapitre ou Chimène parle du chapitre 15 de la Marque ? :hap: D'ailleurs il a jamais été dit avant qu'Ildibad avait un gamin, mais je crois que ça avait été deviné par quelqu"un ici :hap:

Je parle du chapitre 4, le passage avec l'ours et les pies :hap:
Pour moi, ça veut dire qu'Evrard va faire un massacre chez les Vanghelds (patapé si j'ai pas bien écrit) :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
29 octobre 2016 à 20:44:54

Chapitre 6 : LE DÉPART POUR EDELSTEEN

EDMOND

« Évadé, tu dis ? »

À la lueur tremblotante d’une flopée de cierges, Hyacinthe de la maison Hyacinthe faisait face à son seigneur, Edmond Aubépine. Les traits de l’intendant en disaient long sur sa condition. De larges cernes creusaient des tranchés bleuâtres sous ses yeux rougis, témoignant de son état de fatigue avancé, et son teint… livide comme celui d’un cadavre. Des larmes perlèrent quand il commença à répondre d’une voix chevrotante.

« Il a disparu de sa cellule. »

Le seigneur de Cenelle s’enfonça dans sa cathèdre et regarda par la fenêtre comme pour méditer. Dehors, le monde était encore gris. L’aube ne tarderait pas à pointer.

« Figures toi que je connais le sens de s’évader, et de bien d’autres mots encore. » persifla Edmond.

Hyacinthe hoqueta. Sa lippe tremblait nerveusement.

« Je ne peux me permettre de lancer des recherches et de retarder notre départ, avança-t-il. Si les neiges tombent tandis que nous sommes en chemin, nous pourrions passer l’hiver coincés dans la campagne groléjoise. »

Hyacinthe écoutait son suzerain, tirant nerveusement les doigts de ses gants.

« Je pourrais m’en occuper moi-même, monseigneur.
— Tu as d’autres obligations, et nous avons assez lambiné ces derniers temps. Nous devons reconstruire Mortefange. Le Groin du Porc a brûlé et je dois nommer un nouveau bourgmestre. Je ne consacrerai pas d’autres hommes à une chasse futile contre un gus inoffensif.
— Certes, vous avez raison, appuya Hyacinthe.
— Evidemment. De toute façon, ces soudards sont une menace en bande, et leur groupe à cette heure-ci doit avoir été dissout par sire Camomille. »

Les braises de la nuit mourraient dans l’âtre de la grande cheminée. Le départ pour Edelsteen semblait imminent.

« Auriez-vous des ordres de dernière minute, monseigneur ? s’enquit Hyacinthe.
— Depuis combien de temps n’as-tu point dormi ?
— L’autre nuit, mais je suis encore à votre entière disposition, monsieur.
— Voici mes ordres : repose-toi. Puis ensuite, tu t’occuperas de la reconstruction du Groin. Si jamais à mon retour les maisons sont capables de tenir debout toutes seules, tu deviendras le nouveau sire de la Baie des Porcs.
— C’est un honneur que vous me faites, s’inclina Hyacinthe.
— Oh non, détrompe-toi. C’est que je n’ai personne d’autre. »

Hyacinthe effectua une risette gênée. Sa broigne zinzolin couina à son habitude lorsqu’il se dirigea vers la sortie. Alors qu’il refermait le vantail de la porte sur lui, sa tête émergea de l’ouverture.

« Et le seigneur Wiern dans tout ça ? c’était son prisonnier.
— Alexander s’en accommodera, n’aie crainte. Maintenant, laisse-moi tranquille, j’attends ma fille. »

Quels bobards allait-il bien pouvoir conter à Alexander ? Déjà que le seigneur de Felseweise n’appréciait guère le fait de ne pas avoir pu se faire justice lui-même, il se voyait maintenant privé de sa vengeance.

Une domestique apporta son petit-déjeuner. Une tranche de lard fumait sur son pain, tandis qu’une cruche d’hypocras répandait une odeur moelleuse et sucrée.
Il éclusa la boisson assez rapidement, avant de gober le lard et d’engloutir le pain. Revigoré, il attendit Domitille en piquant du nez.

La dame de Cenelle pénétra la pièce, un chandelier à la main. Elle arborait ses plus beaux atours : robe bleue de guède, gants de soie et des fleurs d’aubépinier ornementaient sa coiffure.

« Tu es bien ravissante, mais je ne pense pas que ta tenue soit adaptée à tes futures obligations.
— Plaît-il ? »

Un trait soucieux se dessina sur son front. Quand Edmond lui lança un balai, elle le rata et le manche rebondit contre le sol de pierre.

« Que signifie tout ceci ? demanda-t-elle, fâchée.
— Tu as dit que tu donnerais un bon coup de balai une fois les vieux meubles partis. J’espère qu’à mon retour le château brillera de mille feux, s’esclaffa Edmond.
— Il s’agissait d’une image. » siffla-t-elle en posant son chandelier dont seul un petit filet de fumée subsistait des flammes.

Edmond se leva et l’étreignit de toutes ses forces contre sa panse. Quelque peu chiffonnée par l’embrassade, Domitille défripa sa robe.

« Prend soin de tes petites sœurs durant mon absence.
— Même de Sarah ? J’aurais bien du mal, vu qu’elle part visiter le monde, elle.
— Ne joue pas à l’idiote, l’admonesta Edmond. C’est un grand honneur que je te fais là. Tu gouverneras le fief de tes ancêtres. Montres-en toi digne. »

Domitille attrapa la main de son père.

« Vous ne m’aviez jamais dit que ma tante reposait au lac lacté.
— J’ignore comment tu l’as découvert, mais… » commença Edmond, complétement désemparé, si bien qu’il en oublia le reste. Domitille plongea ses grands yeux marron dans les siens.
« J’allais là où mère se donna la mort. J’ai également appris que vous ne fîtes rien pour la retenir. » reprocha-t-elle.

La honte s’empara d’Edmond. Sa fille se tenait devant lui, implacable.

« Je ne contrôlais plus rien… bafouilla-t-il. Comme si aucun de mes membres ne réagissaient, une telle torpeur… c’est ineffable.
— Je vous crois, répondit-elle d’un ton sec.
— Tu peux m’en vouloir pour ça. Mes émotions m’ont submergées…
— Il m’est arrivé la même chose. Qui est cet Hyppolite ?
— Un fol qui possède un grand talent pour la sculpture.
— Pourquoi vit-il dans la forêt ?
— Il dit préférer la compagnie de ses statues à celle des hommes. Ce en quoi je ne peux pas le blâmer.
— S’il n’apprécie pas les hommes, peut-être n’en est-il pas un lui-même. »
La réponse de Domitille le troubla. Edmond devait admettre qu’il était difficile d’oublier la poussière d’or qui semblait virevolter dans les yeux du sculpteur. N’avait-il pas eu raison pour Helena, la femme d’Alexander ? Ce nonobstant, qu’était-il s’il n’était point humain ? Domitille sombrait dans la superstition.

« Il est naturel de douter des choses que nous ne connaissons pas. Hippolyte vit en marge du fief, connais-tu beaucoup d’autres ermites en son genre ? raisonna Edmond.
— S’il n’était qu’un aigrefin ? avança la Dame de Cenelle.
— Non, c’est un honnête homme, qui fait tout dans la probité. »

Le son étouffé des cloches de l’horlogerie vrilla l’air du matin. Edmond étreignit une dernière fois sa fille.

« Je t’accompagne de tout mon cœur, dit-il en l’embrassant sur le front.
— Je vous rendrai fier, promit-elle. »

Une multitude de charriots l’attendaient dans la cour. Des valets s’afféraient çà et là à charger les derniers paquets, tandis que les cochers s’assuraient que les bœufs qui tracteraient les diligences soient bien attelés. Deux cents hommes d’armes et chevaliers oints, pour la plupart sous les commandements joints de Tobias Blomst et d’Alexander Wiern formaient une allée d’honneur. Edmond put apercevoir quelques crânes argentés de sa famille sur les blasons de quelques soldats, mais le loup Wiern et la rose Blomst les noyaient dans leur océan felseweisi.

Le seigneur Alexander Wiern avait déjà enfourché sa jument d’un gris pommelé et son armure argentée brillait aux premières lueurs de l’aurore. Il semblait mécontent.

« J’ai entendu dire que tu avais relâché mon prisonnier sans m’en aviser, maugréa-t-il.
— Nous n’avions pas de temps à perdre, mentit Edmond. D’ailleurs, ce pauvre hère n’allait pas moisir dans les cachots jusqu’à notre retour, répliqua-t-il, impavide.
— Tu défies là mon autorité, vilipenda Alexander.
— Mon fief, ma justice. Tu ne m’as pas payé de rançon pour l’obtenir ? »

Sur ces entrefaites, Alexander se détourna et repartit en tête de convoi. Sa troisième fille, Sarah, venait de s’installer aux côtés de la jeune Azalée. Edmond demeurait surpris que la damoiselle soit la deuxième de ses filles à se trouver un époux. Depuis quelques temps, la mode voulait de jeunes femmes élancées, les rondeurs devenues ingrates. D’autant plus, le mariage avec sire Tobias Blomst tombait à point nommé : Edmond n’aurait pu trouver de meilleur compromis. Penser aux unions de ses enfants lui rouvrit une plaie en plein cœur. Jamais feu son fils Martin ne connaitrait d’épouse ni n’engendrerait… Qu’y avait-il de pire pour un père que de perdre son fils unique ? Pour une raison qu’il ne pouvait expliquer, il se sentait châtré. Bien qu’il aimât ses filles, il n’arrivait pas à se sentir proche d’elles. Ses espoirs de descendances résidaient en Martin, et Martin avait été tué par un traître.

On lui apporta son destrier. L’animal était le plus gros de toute l’écurie. Tout de muscle, la bête arborait une robe d’un noir d’encre, et ses puissantes pates fustigeaient le pavé. Edmond monta non sans difficultés en selle, et lança son cheval au trot, sous le son des trompettes qui claironnait le départ des seigneurs et chevaliers. Sur les remparts, par-dessus la herse, les robes de Domitille claquaient au vent. La jeune femme, comme une sentinelle, veillait le départ de son père et de son époux.

Comme Edmond se retournait pour la saluer, Alexander lui engagea la conversation.

« Il me sied de voir que ta fille s’est assagie.
— Une vrai tête de mule, mais je pense qu’elle a réalisé l’ampleur de ses responsabilités.
— Si elle avait été un homme, son caractère aurait fait d’elle un seigneur craint et respecté, assura Alexander.
— Un sacrée petit bout de femme. » commenta Edmond avec fierté.

L’automne enflammait la forêt. Des gerbes rouges et or s’étendaient à perte de vue et avaient chassé le chant des oiseaux. Seul les corneilles rouscaillaient encore dans l’air frais du matin. Par chance, les routes n’étaient pas trop humides, et les ornières creusées par les chariots restaient peu profondes. Karl Wiern chevauchait seul, un peu à l’écart du groupe.

« Maintenant que mon fils est mort, c’est le tient qui va devenir seigneur de Mortefange, constata Edmond en regardant son gendre.
— Es-tu amer ? se bisqua Alexander.
— Ce n’est pas de l’amertume. Disons que j’ai comme l’impression d’avoir échoué. Pourtant, mon engin ne m’a jamais fait défaut. » lâcha-t-il d’un air désappointé en regardant son entrejambe.

Alexander haussa les sourcils. Peut-être aurait-il ri si Edmond lui avait tranché la main.

Ils mirent trois jours à travers la campagne de Mortefange pour atteindre la ville des Craffeux, où Gaspard Millepertuis les quitta pour reprendre les rênes de son fief. Tantôt sous la pluie, tantôt dans le vent, les charriots demeuraient extrêmement lents, ne parcourant pas plus de cinq lieues par jour. Ils ne croisèrent pas grand monde, hormis un ou deux chevaliers errants et quelques fermiers le long de la route des oliviers. La dernière guerre avait tué le commerce, et même les comptoirs Vangeld établis dans la région ne parvenait pas à raviver les échanges.

Un matin brumeux, alors qu’ils longeaient la forêt de Brume, Karl vint trouver Edmond au galop.

« Je crois qu’il y a des brigands qui nous observent ! »

Les naseaux de son cheval se dilataient à cause de la cavalcade, et lui-même s’empourprait au niveau des joues. Edmond se contenta de ricaner.

« Qu’ils gognent, ces gueux n’oseront pas porter la main sur nous.
— Vous les laisserez donc courir vos terres sans impunité ? s’étonna Karl, choqué.
— Nous n’avons pas le temps de nous occuper d’eux. Edelsteen est encore loin.
— Quand nous rentrerons, je lèverai un ost et je bouterai hors du fief tous les malandrins que j’y trouverai. Ces gredins pillent et tuent les honnêtes gens.
— Oh, mais libre à toi de partir à leur poursuite Karl, cependant, arrange toi pour nous revenir entier ce soir, ça forge le caractère. »

Karl partit au trop, soulevant de la boue sur son passage. Edmond sourit : ces jeunes cherchaient l’affrontement à n’importe quelle occasion, mais quand celle-ci se présentait, ceux-là se débinaient. Il profita de la chaleur d’un rayon de soleil inattendu qui perça à travers les nuages. Les flaques d’eau nichées dans les ornières flamboyèrent, recolorant la route morne. Alexander Wiern vint brutalement lui gâcher son plaisir en faisant parader le cul de son cheval juste devant lui. La colère déformait ses traits, et il beugla :

« Qu’as-tu dit pour mettre dans la tête de Karl des idées pareilles ? »

Edmond fronça les sourcils. Que diable son genre avait-il pu faire ?

« Je l’ai intercepté en train de partir à la chasse aux brigands. Le crâne bourré d’idées suicidaires.
— Il m’a signalé des brigands, je lui ai dit pour plaisanter d’aller les débusquer lui-même. Je ne pensais pas qu’il me prendrait au sérieux. Je te prie de m’excuser Alex. » lâcha Edmond d’un ton las.

Décidemment, ce voyage risquait d’être long. Très long.

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
30 octobre 2016 à 22:32:42

Ah bah j'avais même pas vu alors que j'étais en sueur que personne ne lise https://image.noelshack.com/fichiers/2016/39/1475401891-valls2.gif

Ouais je sais, mais j'avais pas grand chose à ajouter dans ce chapitre, il me fallait juste une transition pour faire démarrer le voyage, et ajouter un dialogue qui me semble important pour la suite :hap:

Quoi qu'il en soit, on en revient au quotidien qui suit le froid âpre du chapitre précédent : alliances et mariages.

Quand tu dis ça j'ai l'impression que ce que j'écris c'est toujours la même chose :rire:

Par contre, j'ai pensé à la crise des missiles quand tu as parlé de la Baie des Porcs :rire:

Mes noms font souvent rire :hap: (:snif:)

Pseudo supprimé
Niveau 8
01 novembre 2016 à 11:38:57

" Evrard se fendit, l’acier couina, chuinta et chanta. Languide, le chevalier contrait avec lourdeur ses attaques, s’affaiblissant à chaque coup. Nonobstant le martèlement que subissait son bouclier, le sire Camomille reculait peu à peu, tentant quelques frappes. Soudain, il alla se fracasser contre les roches dans un tintamarre métallique. Un carreau s’était figé dans son heaume. Evrard abattit le tranchant de son épée sur l’épaule du chevalier déchu et sectionna une artère, propulsant une fleur de sang."

Ce passage-là est vraiment bien ! Manifeste violence...

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
01 novembre 2016 à 11:49:35

Merci Ostulug https://image.noelshack.com/fichiers/2016/24/1466366209-risitas24.png

HelpingFR HelpingFR
MP
Niveau 32
01 novembre 2016 à 14:04:22

Chapitre lu [[sticker:p/1kkn]]
Bon ben, on retrouve Edmond, il m'a fait oncher avec le balais :hap:
C'est bien cette petite mise à jour sur la situation de Mortefange, et je sens que Karl va passer un mauvais quart-d'heure :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 22:24:54

CHAPITRE 7 : LES TOURMENTES DE LA PIE

JORIS

« Monseigneur ! Je vous en conjure, écoutez-moi !
— Monsieur, nous avons du retard dans l’affaire Bel-Ami ! »

Joris Vangeld poursuivait sa marche endiablée au travers du long couloir de son palais, nonobstant la foule de dignitaires à ses trousses.

« Concernant le quartier des enclumes, nous aurions besoin d’une levée de fond pour le rebâtir ! »

Chacun de leur piaillement l’insupportait, lui qui, à chaque heure de chaque jour se voyait importuné pour toutes sortes d’affaires. La flopée de bottes, de poulaines et de chausses fustigeait le marbre du sol, si bien que l’on aurait pu croire qu’un bataillon armé traversait l’édifice. Les jérémiades suppliantes de ses conseillers l’horripilaient au plus haut point, et bien qu’il fût une pie, il ne parvenait pas à s’élever par-dessus eux. Encastrée dans le mur de marbre cipolin, la porte qui lui faisait face semblait sa seule échappatoire. Deux hallebardiers barraient les doubles battants de chêne massif, et comme par habitude, ils s’écartèrent de la route de leur seigneur.

Une fois franchie, Joris put enfin ressentir les bienfaits du silence. Jamais un de ses feudataires ne traverserait son espace intime. Désormais, seul le propre écho de ses pas venait mourir dans la voute. Il remit son chapeau de feutre en place et lissa la plume de paon qui l’ornait. Le soleil déclinait, et sa lumière passait à travers les balustres qui délimitaient un petit jardin intérieur. En cette saison d’automne, les derniers rayons restaient les meilleurs, avant que l’obscurité n’engloutisse tout.

Joris ne toqua pas à la petite porte. Tout doucement, il prit soin de ne pas la faire grincer. Contrairement au reste du château, blanc et baigné de lumière, la petite pièce, cloisonnée dans l’obscurité exhalait des remugles morbides. Agenouillée au chevet de la mourante, sa femme, Maria, dissimulait son visage sous un voile noir. La petite main de sa dernière fille dans les siennes.

« Comment va-t-elle ? chuchota Joris.
— Sa toux s’est calmée. Elle dort. »

Joris sentit sa gorge se nouer. Wilma et Saskia reposaient toujours depuis que leur toux avait cessé. Sylvia résistait. La peau de la jeune fille se tavelait de rouge, à l’instar de ses deux sœurs jumelles défuntes. Un jour, Joris avait rendu visite à ses trois filles. La cheminée brûlait et répandait sa chaleur dans la pièce, et ses enfants souriaient, le regard plein de vie. Les triplées avaient aussitôt cessé leurs activités pour venir le serrer dans leurs bras. Il leur avait distribué à chacune une médaille, sur lesquelles il était respectivement écrit : force, courage et humilité.

Il avait donné la première à Saskia, qui ne démordait jamais des idées que son imagination débordante débitait. La seconde se destinait à Wilma, qui, en dépit de ses problèmes d’élocution et de motricité faisait toujours face à l’adversité. La dernière plaque, l‘humilité, déçut Sylvia. Pourtant, Dieu savait qu’elle était la plus noble des vertus : elle combinait la force, le courage et la modestie. Jamais Joris n’avait vu plus juste que ce jour-là : Sylvia acceptait avec humilité la mort.

« Maître Laten dit qu’il n’y a plus rien à faire… » annonça Maria d’une voix chevrotante. La dame d’Edelsteen réprimait ses sanglots. Joris vint à ses côtés et lui agrippa les épaules d’une poigne forte, se voulant protectrice.

« Ce médicastre de malheur n’est qu’un pleutre ! Je ferai convoquer tous les apothicaires de la Péninsule s’il le faut, s’énerva Joris.
— Je n’ai plus d’espoir… »

Sa voix s’engorgea, et les sanglots se libérèrent.

« Dans quel monde vit-on, Maria. Quels dieux cruels ôtent quatre enfants à leurs parents ?
— Quatre ? questionna-t-elle en chassant des larmes de son visage.
— Vous savez très bien de quoi je parle, répondit sèchement le seigneur de Groléjac.
— Notre tout premier petit bébé... Joris, il n’a jamais vécu, mort en sortant de mon ventre, jamais vous ne le vîtes… Pensez aux vivants, pensez à Sylvia.
— Vous n’êtes que d’un piètre réconfort. »

Dans une aiguière, un tissu trempait. Joris l’essora et le posa sur le front de sa fille.

« Elle est brûlante de fièvre, constata-t-il, âpre.
— Le feu de ses sœurs l’habite, elle combat le froid qui glace son cœur.
— Puissiez-vous avoir raison. »

Sans ajouter un mot, Joris se retira. Il repassa devant le jardin intérieur. Les douleurs du passé se ravivaient et l’attiraient. Parmi deux frênes aux feuilles d’or, brunes, et écarlates se dressait une petite stèle sur laquelle une pie était gravée, accompagnée d’une date : 1002. Le quart de siècle passé avait à peine entamé le grès. Ci-gisait son premier né, condamné à rester quidam toute sa vie. Il aurait été indécent de nommer un mort. Joris ne s’accorda qu’un léger lapse de temps pour s’y recueillir.

Le seigneur de Groléjac quitta la quiétude de ses appartements. Là où il les avait laissés, les dignitaires du fief faisaient la jambe de grue, et se remirent immédiatement à jacasser.

« Silence ! » hurla-t-il.

Seul le marbre lui fit écho. Tétanisés, ses vassaux lui accordèrent un calme presque religieux. Comme Joris s’avançait parmi eux, ils s’écartèrent, formant une allée d’honneur. Une fois que le seigneur de Groléjac eut fendu la foule, il s’exclama :

« Sire Eduard, veuillez me suivre, voulez-vous ? »

L’intéressé, un homme d’une trentaine d’année de petite taille et aux yeux noirs rapprochés prit une teinte blafarde. Portant les couleurs de sa maison sur son long manteau de zibeline, sire Sylve emboita le pas à Joris, non sans jeter d’inquiètes œillades derrière lui, sous le regard curieux de ses congénères.

Ils marchèrent assez longtemps pour se mettre hors de portée d’oreilles indiscrètes. Les lourds atours azur et sinople de son leude semblaient l’incommoder, comme en témoignait la sueur qui dévalait le long de ses tempes, même si Joris y soupçonna autre chose qu’une faible tolérance à l’effort.

« Sire Eduard, y aurait-il quelque chose que je devrais vous reprocher ? s’enquit Joris d’un ton impérieux.
— Que nenni mon seigneur, mais je ne vous cache pas que je m’inquiète d’une convocation aussi inattendue. »

L’homme tricotait avec ses gros doigts poilus.

« J’aurais une requête à vous soumettre, exposa Joris.
— Mon seigneur sait que je suis prêt à tout pour le satisfaire, minauda l’autre, passablement soulagé.
— Parfait donc. En tant que capitaines des archers, je vous commande d’envoyer vos hommes quérir chaque apothicaire de la ville, et ce le plus vite possible. Qu’ils soignent un patient, dorment ou forniquent, je les veux tous au palais, sans délais. Me suis-je bien fait comprendre ?
— Bien sûr. J’y cours. »

Sire Eduard fit la révérence, et s’éloigna, sa marche accompagnée de soubresauts, comme s’il se retenait de courir. Joris profita du couloir désert pour se détendre un peu. Au travers des fenêtres, le ciel prenait des teintes roses. Le seigneur de Groléjac s’attarda pour observer le ciel. Malgré les moult fioritures qui l’entouraient, la beauté primaire, celle de la nature ne s’estompait pas, et rendait l’or, le marbre et l’albâtre ternes comme des cendres.

Au détour d’un couloir, son fils lui apparut. Jannik Vangeld portait sous son bras l’harnachement de sa monture, et tout recouvert de boue qu’il était, peu de doute qu’il ait courut la quintaine. L’héritier de Groléjac salua son père d’un air affable. A l’instar de ce dernier, le jeune homme possédait des cheveux d’un brun clair ainsi qu’un long nez aquilin. Des traces de saleté suivaient son chemin au travers de l’immaculé du sol.

« Je vous ai aperçu dans la petite cour tantôt.
— Des blessures qui ne disparaissent pas sans laisser de cicatrices…
— Permettez-moi que je vous raccompagne.
— Avec plaisir. »

Comme Jannik s’apprêtait à saisir le bras de son père, Joris se déroba. Face au regard interrogateur de son fils, le seigneur de Groléjac fit remarquer :

« La boue.
— La boue ? » s’étonna le jeune homme.

Joris le désigna tout entier, et, se rendant compte de son état, Jannik vira au cramoisi.

« Je plaisantais ! » rigola son père en l’attrapant par le bras.

Quand Jannik eut repris ses esprits, son ton se fit plus sérieux.

« On dit que … votre premier fils n’est pas mort. Que vous l’auriez abandonné.
— Beaucoup de choses se disent. Quel est ton sentiment vis-à-vis de ça ? »

Jannik parut hésiter longuement.

« S’il s’avérait que les rumeurs soient fondées… qu’en adviendrait-il de moi ?
— Si ce mensonge se révèle être la vérité, alors je ferai tout pour vous accorder à tous deux un monde meilleur, assura Joris.
— Depuis quand les joyaux et les terres rendent-ils le monde meilleur ? se refrogna Jannik.
— Écoute, je n’ai pas vu mon propre fils. Le cadavre a été mis dans une petite boîte et enterré dans le jardin. Toutes ces histoires ne sont que des affabulations.
— Pardonnez-moi. Il est évident que vous n’aurez jamais maltraité un de vos enfants. Qu’en est-il de Sylvia ? S’en sortira-t-elle ? s’enquit Jannik.
— Mes espoirs s’amaigrissent heure après heure. »

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 22:25:07

Jusque tard le soir, un défilé d’apothicaire examina Sylvia et chacun de ces maudits médicastres énonça le même verdict : la petite était condamnée. Sire Eduard Sylve accompagnait Joris. A la lueur tamisée des chandelles, le couloir ne dévoila pas ses intimités. A chaque fois, d’un air plein de condoléances, un des soigneurs quittait l’endroit, énonçant les traitements qu’il avait essayé. Écorces de saule, onguent à base d’écailles de brochet ou inhalations d’antimoine. L’un d’eux demanda l’autorisation de lui administrer une infusion de passiflore, mais Joris refusa.

« C’était donc le dernier ? demanda-t-il d’un air las quand le fessier engoncé de soie d’un apothicaire disparut dans l’obscurité.
« Je n’affirmerai pas cela avec exactitude.
— Eh bien, annoncez ! fulmina Joris, exaspéré.
— Nous en avons refusé un. Bien qu’il tienne une apothicairerie, ses papiers ne sont pas en ordre.
— Faites le monter. »

L’arrivée du quidam fut ponctuée par des claquements sur le marbre avant même qu’il ne soit visible à la lueur des bougies. S’appuyant sur une canne, l’aigrefin clopinait, accoutré de longs tissus violets. Le reflet des flammes sur sa carnation de gypse la rendait parchemineuse et son long nez aquilin donnait l’impression d’un corbeau.

L’apothicaire fit la révérence à son seigneur dans un froufrou d’étoffes.

« Quel est votre nom ? interrogea Joris.
— Justinien Karel. »

Sa voix ressemblait à un croassement.

« Maître Nicolas Karel fut un grand médecin en son temps. Ce nonobstant, je ne sais rien de vous, répliqua le seigneur de Groléjac.
— Je suis son fils. »

Justinien gardait les yeux rivés sur Joris, sans même ciller.

« J’ignorais qu’il eut une descendance.
— Je ne partage pas son sang, certes. Mais il me recueillit enfant. À présent, il me semble qu’une jeune fille souffre. »

A contrecœur, Joris s’écarta de la porte qu’il obstruait et permit à l’escogriffe d’entrer.
« Je n’ai pas du tout aimé sa manière de me regarder, murmura-t-il à sire Eduard.
— Je garde un œil sur lui, si cela vous conforte. » assura le capitaine des archers en saisissant la garde de sa rapière.

La chambre de Sylvia était plongée dans le halo bleuâtre de la lune. Le vétuste mobilier se composait d’un lit et d’une armoire, ainsi qu’une petite table. Deux valets s’y tenaient, prêts à fournir une main secourable à la jeune fille. Justinien se pencha sur Sylvia et écouta son souffle quelques instant.

« Y a-t-il un échantillon d’urine ? demanda-t-il. »

L’un des hommes de chambre apporta une flasque contenant l’humeur. Justinien y gouta et fit la moue. L’apothicaire palpa la gorge de Sylvia. Après quelques examens supplémentaires, il se tourna vers Joris.

« Son sang a été souillé par mes congénères. Il est évident qu’il bout et que la lymphe lui manque, déclara d’un ton détaché.
— Et vous, l’apothicaire sortit de nulle part, savez tout ça alors qu’une quinzaine de vos semblables se sont penchés sur le cas de ma fille ? » s’indigna Joris, qui visiblement ne supportait pas les rodomontades de Justinien. Le médecin sourit. Un sourire qui étirait ses lèvres minces et les craquelaient presque, révélant une dentition éparse.

« Mon seigneur, l’erreur de mes comparses est parfaitement compréhensible : l’hiver, la lymphe est supposée sécrétée en abondance, mais, de toute évidence, ils ont concocté leurs remèdes de façon à lui faire augmenter son sang. L’équilibre des humeurs est rompu, elle brûle.
— Que proposez-vous dans ce cas ?
— Il n’y a plus rien à faire …
— Votre science est-elle limitée à ce point ? s’énerva Joris.
— Non bien sûr, mais vous condamnez vous-même à mort ceux qui pratiquent ce qui pourrait la sauver, lâcha l’apothicaire, plein d’ironie.
— Dites toujours.
— Une vie pour une vie. Nous devons lui fournir le sang de quelqu’un d’autre.
— C’est hors de question, refusa Joris, catégorique.
— Mon seigneur, réfléchissez ! intervint sire Sylve. C’est votre fille, elle est amenée à devenir une grande dame. Sa vie vaut plus que beaucoup d’autres.
— Ne pouvons-nous pas utiliser un mouton ? Ou une chèvre ? tenta le seigneur de Groléjac.
— C’est de votre fille dont nous parlons, mon seigneur, répondit Justinien avec une moue goguenarde. Pas d’un vulgaire animal. Peut-être y a-t-il quelque meurtrier dans vos geôles qui ferait l’affaire ? Imaginez, sa vie en échange de celle de votre fille. De plus, le gus rembourserait sa dette envers Dieu. »

Joris se laissa convaincre. Deux gardes apportèrent un homme d’âge mûr. Justinien avait déballé le contenu de ses sacs sur le sac, et triait différentes fioles, vides ou non. Il demanda aux geôliers d’allonger l’individu sur le marbre. Le quidam lâchait des regards affolés, ignorant quel sort allait lui être réservé.

« Mon seigneur, messire, ce qui va suivre risque d’être extrêmement désagréable à regarder. Je vous conseille de quitter les lieux.
— Certainement pas. » se bisqua Joris.

Imitant son seigneur, sire Eduard se tint droit comme un piquet. Justinien ne fit aucun commentaire et sortit une première flasque.

« Qu’y a-t-il donc là-dedans, se renseigna Joris, méfiant.
— Une infusion de passiflore. »

L’apothicaire s’approcha du lit.

« Je refuse que ma fille soit droguée.
— Elle ne le sera pas. » assura Justinien.

Comme le prisonnier refusait d’ouvrir la bouche, un des gardes l’y contraignit.
« Il me faudra du feu. » annonça l’apothicaire, une fois le contenu de sa fiole vidé dans le gosier de l’homme.

Joris acquiesça d’un signe de tête et un domestique se mit à la tâche. Quand les flammes inondèrent l’âtre, Justinien y trempa ses outils. L’on aurait dit un vautour avec son crâne chauve et son cou élancé, et voir ce charognard de malheur tourner autour de sa fille faisait hérisser le poil de Joris.

Quand le prisonnier perdit définitivement conscience, Justinien s’agenouilla près de son corps et y traça une ligne de son couteau, au niveau du ventre. Aussitôt un liseré rubis apparut, et Joris poussa un hoquet de stupeur.

« Je vous avais prévenu. Si vous souhaitez sortir, c’est encore le moment. »

Joris l’ignora. L’apothicaire élargit alors l’entaille et y fourra sa main en entier. Il en retira les tripes et une odeur nauséabonde emplit l’air.

« Êtes-vous fou ? » s’écria Joris, tandis que les gardes s’apprêtaient à saisir le charlatan.
« La petite ne souffrira pas. »

Une fois les boyaux déroulés, il en coupa une bonne partie et la vida de son contenu. Le tas d’immondices s’écrasa avec un bruit spongieux sur le sol. Un des valets dégobilla, surenchérissant avec les horribles remugles.
Le boucher alla chercher un de ses outils qui brillait désormais d’une lueur rougeâtre. On aurait dit une flûte en métal. Il y fixa l’extrémité de son bout d’intestin avec une corde et le planta dans le bras de Sylvia.

« Retirez ça immédiatement ! s’échauffa Joris.
— Comment pensiez-vous que j’allais remplacer son sang ? Si je m’arrête, elle mourra, me faudra-t-il le répéter combien de fois ? » commença à perdre patience Justinien. »

Le médecin pratiqua alors une autre incision au niveau du cœur du prisonnier. Bientôt, il ne ressembla plus qu’à une grosse pièce de viande en sang. Une marre vermeille empoissait le sol. Après cinq longues minutes, Joris, en sueur, distingua une petite boule de chair qui s’affolait, reliée au boyau qui venait finir sa course dans le bras de sa fille.

« Le cœur du condamné pompe le sang et l’injecte directement dans votre fille. Je vais être obligé d’en faire sortir la mauvaise humeur. »

Blanc comme un linge, Joris hocha la tête, n’étant pas trop sûr d’avoir compris.

« Je vais pratiquer la phlébotomie, expliqua Justinien.
— Diantre, pourquoi ne se réveille-t-elle pas ? » s’inquiéta sire Eduard, tout aussi blafard que son seigneur quand le médecin entailla le bras de Sylvia. Justinien essuya ses mains poisseuses sur un linge.

« C’est la maladie. Quand le sang aura fait son effet, elle reprendra ses esprits.
— Mais, avez-vous déjà testé auparavant ? s’inquiéta Joris d’une voix blanche.
— Sur des chèvres uniquement. Certaines s’en sont sorties, d’autres se seront faite empoisonnées par le sang de leurs congénères. Je ne l’explique pas. »

L’apothicaire détourna son regard sur sa victime. D’un air presque déçut, il déclara :

« Oh, le cœur a lâché.
— Et maintenant ? s’offusqua Joris. Si ma fille meurt, je vous promets que vous payerez le prix de cette … boucherie !
— Une forte somme, en effet, sachant qu’elle était sûre de mourir si je n’étais pas intervenu. » ricana Justinien, cynique.

Il s’agenouilla près du cadavre et saisit le cœur. Joris hoqueta de surprise quand Justinien pressa le muscle.
« Mon seigneur, j’en suis désolé, mais je ne souffrirai pas d’en voir plus. » hoqueta Sire Eduard, avant de quitter la pièce.
A chaque pression, un bruit de ventouse venait crisper la mâchoire de Joris. Lui qui avait affronté des hommes sur le champ de bataille, à l’époque des guerres de la coalition, n’avait jamais assisté à une telle barbarie. Pourtant, il avait combattu des pirates sans foi ni loi !
De longues minutes plus tard et le bras maculé de rouge jusqu’au coude, Justinien se releva enfin.

« Vous pouvez retirer le corps, s’adressa-t-il aux gardes.
— Quant à Sylvia ? s’enquit Joris
— Elle devrait se réveiller d’ici peu. »

Justinien rangea ses fioles et récupéra ses outils. La puanteur, décuplée par la chaleur de l’âtre empestait les lieux.

« Sinon, paix à son âme. » ajouta-t-il en se dirigeant vers la porte.

Joris s’interposa. Bien que l’apothicaire le dépassât d’une tête, il ne fut nullement intimidé.

« Ne serait-il pas prudent que vous restiez pour vous assurer de sa santé ? »

Il ne s’agissait pas d’une question, et Justinien le comprit. Sans doute réalisa-t-il par la même occasion que sa tête tomberait au moment où le cœur de la petite se paralyserait.

« Certes, vous avez raison. »

Quand Joris fut enfin seul, il s’agenouilla auprès de sa fille. Son petit bras, désormais bandé reposait hors des draps, et sa respiration soulevait légèrement la literie. Le jais de ses cheveux contrastait tellement avec le teint cadavérique de sa peau qu’elle en paressait effrayante. Joris lui caressa avait affection son visage. Alors, Sylvia Vangeld ouvrit les yeux. Des yeux d’un bleu saphir, des yeux Vangeld.

Arduilanar Arduilanar
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 22:45:12

Je n'ai lu que le dernier morceau - je sais, c'est vilain. :noel:

Mais cette scène de médico-torture, wtf. :rire:
Déjà, faire transiter du sang dans des intestins fraîchement vidés de leur merde, mauvaise idée. L'intérieur des intestins c'est le milieu extérieur, c'est pas stérile (on s'en douterait d'ailleurs :hap: ) donc y a aucune même pseudo-justification de faire ça...
Deuxio, la flûte en métal plantée dans le bras avec l'intestin attaché par "une corde" ? :o)) Bon courage pour trouver ta veine avec une flûte en métal, mais alors ton dispositif là... :rire: Sans compter que des intestins, ça se dilate à mort, c'est pas pratique du tout pour transfuser de petites quantités de liquide...
Mais alors l'incision au niveau du coeur... Tu sais qu'il y a une cage thoracique avec un sternum et des côtes avant de l'atteindre, quand même, non ? :hap:

On va dire que je suis déformé professionnellement, tout ça tout ça, mais même dans un contexte fantastique j'ai du mal à concevoir ton truc tel quel. :noel: Tu peux imaginer d'autres manières un poil moins fantasques tout en restant dans le sordide : par exemple tu attaches ton prisonnier tête en bas pour que tout le sang lui descende dans la tête, tu lui plantes une aiguille creuse dans une artère du coup et une autre dans la veine du bras de la gamine... Pour le tuyau, ce que tu veux, mais pas des intestins frais pitié. J'ai jamais fait d'entéro, mais à mon avis c'est juste pas pratique. :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 22:59:29

[[sticker:p/1lmb]] [[sticker:p/1kkr]]

Bon pour le coté stérile de la chose Justinien s'en ballec https://image.noelshack.com/fichiers/2016/38/1474488637-jesus26.png

Après j'avais aussi pensé à la tête en bas :hap:

Mais alors l'incision au niveau du coeur... Tu sais qu'il y a une cage thoracique avec un sternum et des côtes avant de l'atteindre, quand même, non ? :hap:

J'ai pas trop décrit mais en fait il farfouille dans le bide :hap:

http://puu.sh/s9XKU/5ad330b9cf.jpg :rire:

Bon je vais réécrire ça :hap:

HelpingFR HelpingFR
MP
Niveau 32
07 novembre 2016 à 23:11:52

Cette scène gore à souhait :rire:
A dire vrai, je m'attendais pas à ce que les Vangelds soient comme ça, du peu qu'on en avait vu dans la Marque. Je les voyais un peu comme les Freys dans GoT un peu :hap:
Je suis pas calé en science, mais i lest vrai que ta méthode de transfusion sanguine est douteuse... Ou alors ton Justinien, il pratique la magie :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 23:23:11

Le 07 novembre 2016 à 23:11:52 HelpingFR a écrit :
Cette scène gore à souhait :rire:

Je vais la réécrire parce que j'ai merdé en effet :hap:

A dire vrai, je m'attendais pas à ce que les Vangelds soient comme ça, du peu qu'on en avait vu dans la Marque. Je les voyais un peu comme les Freys dans GoT un peu :hap:

Ca doit être du au fait qu'à chacune de leur apparition a été vue du point de vue d'Edmond et d'Alexander, qui ne les aiment pas. Après c'est vrai dans le chapitre 1 de la marque, Reyce et Frederick Vangeld incarnent l'arrogance dont est taxée leur famille. Dans le chapitre 17, Sire Egbert lui est bien plus posé, et il est même déçu du comportement d'Edmond et d'Alexander.

Je suis pas calé en science, mais i lest vrai que ta méthode de transfusion sanguine est douteuse... Ou alors ton Justinien, il pratique la magie :hap:

:hap:

HelpingFR HelpingFR
MP
Niveau 32
07 novembre 2016 à 23:28:38

Après, il me semble qu'un certain Raspoutine a une histoire similaire à ton Justinien :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 23:33:06

Le 07 novembre 2016 à 23:28:38 HelpingFR a écrit :
Après, il me semble qu'un certain Raspoutine a une histoire similaire à ton Justinien :hap:

Ah, ça m'intéresse :hap:

HelpingFR HelpingFR
MP
Niveau 32
07 novembre 2016 à 23:39:02

Extrait de Wikipédia :hap:

Par l'entremise de la grande-duchesse Militza et de sa sœur, la grande-duchesse Anastasia, le « starets » est présenté à la famille impériale in corpore dans le palais Alexandre, le 1er novembre 1905. Il offre des icônes à chacun. Le tsarévitch Alexis souffrant d'hémophilie, Raspoutine demande à être conduit au chevet du jeune malade alité à la suite d'une chute, qui a provoqué un énorme hématome au genou15. Il lui impose les mains, lui raconte plusieurs contes sibériens et parvient ainsi, semble-t-il, à enrayer la crise et à le soulager au bout de quelques jours. Selon certains, cela s'expliquerait par le simple fait que la médecine de l'époque ignore les propriétés de l'aspirine qui est donnée au jeune malade. Ce médicament est un anticoagulant, facteur donc aggravant de l'hémophilie. Le simple fait de balayer de la table et de jeter les « remèdes » donnés au malade – dont l'aspirine – ne peut qu'améliorer son état16. Raspoutine expliquera plus tard à un ami que ses pouvoirs de guérison se basent sur ses dons d'hypnose et l'utilisation de médicaments traditionnels de Sibérie17.

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 23:50:51

Je laisse l'ancienne version, je reposte la nouvelle https://image.noelshack.com/fichiers/2016/24/1466366197-risitas10.png

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 23:51:29

CHAPITRE 7 : LES TOURMENTES DE LA PIE

JORIS

« Monseigneur ! Je vous en conjure, écoutez-moi !
— Monsieur, nous avons du retard dans l’affaire Bel-Ami ! »

Joris Vangeld poursuivait sa marche endiablée au travers du long couloir de son palais, nonobstant la foule de dignitaires à ses trousses.

« Concernant le quartier des enclumes, nous aurions besoin d’une levée de fond pour le rebâtir ! »

Chacun de leur piaillement l’insupportait, lui qui, à chaque heure de chaque jour se voyait importuné pour toutes sortes d’affaires. La flopée de bottes, de poulaines et de chausses fustigeait le marbre du sol, si bien que l’on aurait pu croire qu’un bataillon armé traversait l’édifice. Les jérémiades suppliantes de ses conseillers l’horripilaient au plus haut point, et bien qu’il fût une pie, il ne parvenait pas à s’élever par-dessus eux. Encastrée dans le mur de marbre cipolin, la porte qui lui faisait face semblait sa seule échappatoire. Deux hallebardiers barraient les doubles battants de chêne massif, et comme par habitude, ils s’écartèrent de la route de leur seigneur.

Une fois franchie, Joris put enfin ressentir les bienfaits du silence. Jamais un de ses feudataires ne traverserait son espace intime. Désormais, seul le propre écho de ses pas venait mourir dans la voute. Il remit son chapeau de feutre en place et lissa la plume de paon qui l’ornait. Le soleil déclinait, et sa lumière passait à travers les balustres qui délimitaient un petit jardin intérieur. En cette saison d’automne, les derniers rayons restaient les meilleurs, avant que l’obscurité n’engloutisse tout.

Joris ne toqua pas à la petite porte. Tout doucement, il prit soin de ne pas la faire grincer. Contrairement au reste du château, blanc et baigné de lumière, la petite pièce, cloisonnée dans l’obscurité exhalait des remugles morbides. Agenouillée au chevet de la mourante, sa femme, Maria, dissimulait son visage sous un voile noir. La petite main de sa dernière fille dans les siennes.

« Comment va-t-elle ? chuchota Joris.
— Sa toux s’est calmée. Elle dort. »

Joris sentit sa gorge se nouer. Wilma et Saskia reposaient toujours depuis que leur toux avait cessé. Sylvia résistait. La peau de la jeune fille se tavelait de rouge, à l’instar de ses deux sœurs jumelles défuntes. Un jour, Joris avait rendu visite à ses trois filles. La cheminée brûlait et répandait sa chaleur dans la pièce, et ses enfants souriaient, le regard plein de vie. Les triplées avaient aussitôt cessé leurs activités pour venir le serrer dans leurs bras. Il leur avait distribué à chacune une médaille, sur lesquelles il était respectivement écrit : force, courage et humilité.

Il avait donné la première à Saskia, qui ne démordait jamais des idées que son imagination débordante débitait. La seconde se destinait à Wilma, qui, en dépit de ses problèmes d’élocution et de motricité faisait toujours face à l’adversité. La dernière plaque, l‘humilité, déçut Sylvia. Pourtant, Dieu savait qu’elle était la plus noble des vertus : elle combinait la force, le courage et la modestie. Jamais Joris n’avait vu plus juste que ce jour-là : Sylvia acceptait avec humilité la mort.

« Maître Laten dit qu’il n’y a plus rien à faire… » annonça Maria d’une voix chevrotante. La dame d’Edelsteen réprimait ses sanglots. Joris vint à ses côtés et lui agrippa les épaules d’une poigne forte, se voulant protectrice.

« Ce médicastre de malheur n’est qu’un pleutre ! Je ferai convoquer tous les apothicaires de la Péninsule s’il le faut, s’énerva Joris.
— Je n’ai plus d’espoir… »

Sa voix s’engorgea, et les sanglots se libérèrent.

« Dans quel monde vit-on, Maria. Quels dieux cruels ôtent quatre enfants à leurs parents ?
— Quatre ? questionna-t-elle en chassant des larmes de son visage.
— Vous savez très bien de quoi je parle, répondit sèchement le seigneur de Groléjac.
— Notre tout premier petit bébé... Joris, il n’a jamais vécu, mort en sortant de mon ventre, jamais vous ne le vîtes… Pensez aux vivants, pensez à Sylvia.
— Vous n’êtes que d’un piètre réconfort. »

Dans une aiguière, un tissu trempait. Joris l’essora et le posa sur le front de sa fille.

« Elle est brûlante de fièvre, constata-t-il, âpre.
— Le feu de ses sœurs l’habite, elle combat le froid qui glace son cœur.
— Puissiez-vous avoir raison. »

Sans ajouter un mot, Joris se retira. Il repassa devant le jardin intérieur. Les douleurs du passé se ravivaient et l’attiraient. Parmi deux frênes aux feuilles d’or, brunes, et écarlates se dressait une petite stèle sur laquelle une pie était gravée, accompagnée d’une date : 1002. Le quart de siècle passé avait à peine entamé le grès. Ci-gisait son premier né, condamné à rester quidam toute sa vie. Il aurait été indécent de nommer un mort. Joris ne s’accorda qu’un léger lapse de temps pour s’y recueillir.

Le seigneur de Groléjac quitta la quiétude de ses appartements. Là où il les avait laissés, les dignitaires du fief faisaient la jambe de grue, et se remirent immédiatement à jacasser.

« Silence ! » hurla-t-il.

Seul le marbre lui fit écho. Tétanisés, ses vassaux lui accordèrent un calme presque religieux. Comme Joris s’avançait parmi eux, ils s’écartèrent, formant une allée d’honneur. Une fois que le seigneur de Groléjac eut fendu la foule, il s’exclama :

« Sire Eduard, veuillez me suivre, voulez-vous ? »

L’intéressé, un homme d’une trentaine d’année de petite taille et aux yeux noirs rapprochés prit une teinte blafarde. Portant les couleurs de sa maison sur son long manteau de zibeline, sire Sylve emboita le pas à Joris, non sans jeter d’inquiètes œillades derrière lui, sous le regard curieux de ses congénères.

Ils marchèrent assez longtemps pour se mettre hors de portée d’oreilles indiscrètes. Les lourds atours azur et sinople de son leude semblaient l’incommoder, comme en témoignait la sueur qui dévalait le long de ses tempes, même si Joris y soupçonna autre chose qu’une faible tolérance à l’effort.

« Sire Eduard, y aurait-il quelque chose que je devrais vous reprocher ? s’enquit Joris d’un ton impérieux.
— Que nenni mon seigneur, mais je ne vous cache pas que je m’inquiète d’une convocation aussi inattendue. »

L’homme tricotait avec ses gros doigts poilus.

« J’aurais une requête à vous soumettre, exposa Joris.
— Mon seigneur sait que je suis prêt à tout pour le satisfaire, minauda l’autre, passablement soulagé.
— Parfait donc. En tant que capitaines des archers, je vous commande d’envoyer vos hommes quérir chaque apothicaire de la ville, et ce le plus vite possible. Qu’ils soignent un patient, dorment ou forniquent, je les veux tous au palais, sans délais. Me suis-je bien fait comprendre ?
— Bien sûr. J’y cours. »

Sire Eduard fit la révérence, et s’éloigna, sa marche accompagnée de soubresauts, comme s’il se retenait de courir. Joris profita du couloir désert pour se détendre un peu. Au travers des fenêtres, le ciel prenait des teintes roses. Le seigneur de Groléjac s’attarda pour observer le ciel. Malgré les moult fioritures qui l’entouraient, la beauté primaire, celle de la nature ne s’estompait pas, et rendait l’or, le marbre et l’albâtre ternes comme des cendres.

Au détour d’un couloir, son fils lui apparut. Jannik Vangeld portait sous son bras l’harnachement de sa monture, et tout recouvert de boue qu’il était, peu de doute qu’il ait courut la quintaine. L’héritier de Groléjac salua son père d’un air affable. A l’instar de ce dernier, le jeune homme possédait des cheveux d’un brun clair ainsi qu’un long nez aquilin. Des traces de saleté suivaient son chemin au travers de l’immaculé du sol.

« Je vous ai aperçu dans la petite cour tantôt.
— Des blessures qui ne disparaissent pas sans laisser de cicatrices…
— Permettez-moi que je vous raccompagne.
— Avec plaisir. »

Comme Jannik s’apprêtait à saisir le bras de son père, Joris se déroba. Face au regard interrogateur de son fils, le seigneur de Groléjac fit remarquer :

« La boue.
— La boue ? » s’étonna le jeune homme.

Joris le désigna tout entier, et, se rendant compte de son état, Jannik vira au cramoisi.

« Je plaisantais ! » rigola son père en l’attrapant par le bras.

Quand Jannik eut repris ses esprits, son ton se fit plus sérieux.

« On dit que … votre premier fils n’est pas mort. Que vous l’auriez abandonné.
— Beaucoup de choses se disent. Quel est ton sentiment vis-à-vis de ça ? »

Jannik parut hésiter longuement.

« S’il s’avérait que les rumeurs soient fondées… qu’en adviendrait-il de moi ?
— Si ce mensonge se révèle être la vérité, alors je ferai tout pour vous accorder à tous deux un monde meilleur, assura Joris.
— Depuis quand les joyaux et les terres rendent-ils le monde meilleur ? se refrogna Jannik.
— Écoute, je n’ai pas vu mon propre fils. Le cadavre a été mis dans une petite boîte et enterré dans le jardin. Toutes ces histoires ne sont que des affabulations.
— Pardonnez-moi. Il est évident que vous n’aurez jamais maltraité un de vos enfants. Qu’en est-il de Sylvia ? S’en sortira-t-elle ? s’enquit Jannik.
— Mes espoirs s’amaigrissent heure après heure. »

Jusque tard le soir, un défilé d’apothicaire examina Sylvia et chacun de ces maudits médicastres énonça le même verdict : la petite était condamnée. Sire Eduard Sylve accompagnait Joris. A la lueur tamisée des chandelles, le couloir ne dévoila pas ses intimités. A chaque fois, d’un air plein de condoléances, un des soigneurs quittait l’endroit, énonçant les traitements qu’il avait essayé. Écorces de saule, onguent à base d’écailles de brochet ou inhalations d’antimoine. L’un d’eux demanda l’autorisation de lui administrer une infusion de passiflore, mais Joris refusa.

« C’était donc le dernier ? demanda-t-il d’un air las quand le fessier engoncé de soie d’un apothicaire disparut dans l’obscurité.
« Je n’affirmerai pas cela avec exactitude.
— Eh bien, annoncez ! fulmina Joris, exaspéré.
— Nous en avons refusé un. Bien qu’il tienne une apothicairerie, ses papiers ne sont pas en ordre.
— Faites le monter. »

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 23:51:38

L’arrivée du quidam fut ponctuée par des claquements sur le marbre avant même qu’il ne soit visible à la lueur des bougies. S’appuyant sur une canne, l’aigrefin clopinait, accoutré de longs tissus violets. Le reflet des flammes sur sa carnation de gypse la rendait parchemineuse et son long nez aquilin donnait l’impression d’un corbeau.

L’apothicaire fit la révérence à son seigneur dans un froufrou d’étoffes.

« Quel est votre nom ? interrogea Joris.
— Justinien Karel. »

Sa voix ressemblait à un croassement.

« Maître Nicolas Karel fut un grand médecin en son temps. Ce nonobstant, je ne sais rien de vous, répliqua le seigneur de Groléjac.
— Je suis son fils. »

Justinien gardait les yeux rivés sur Joris, sans même ciller.

« J’ignorais qu’il eut une descendance.
— Je ne partage pas son sang, certes. Mais il me recueillit enfant. À présent, il me semble qu’une jeune fille souffre. »

A contrecœur, Joris s’écarta de la porte qu’il obstruait et permit à l’escogriffe d’entrer.
« Je n’ai pas du tout aimé sa manière de me regarder, murmura-t-il à sire Eduard.
— Je garde un œil sur lui, si cela vous conforte. » assura le capitaine des archers en saisissant la garde de sa rapière.

La chambre de Sylvia était plongée dans le halo bleuâtre de la lune. Le vétuste mobilier se composait d’un lit et d’une armoire, ainsi qu’une petite table. Deux valets s’y tenaient, prêts à fournir une main secourable à la jeune fille. Justinien se pencha sur Sylvia et écouta son souffle quelques instant.

« Y a-t-il un échantillon d’urine ? demanda-t-il. »

L’un des hommes de chambre apporta une flasque contenant l’humeur. Justinien y gouta et fit la moue. L’apothicaire palpa la gorge de Sylvia. Après quelques examens supplémentaires, il se tourna vers Joris.

« Son sang a été souillé par mes congénères. Il est évident qu’il bout et que la lymphe lui manque, déclara d’un ton détaché.
— Et vous, l’apothicaire sortit de nulle part, savez tout ça alors qu’une quinzaine de vos semblables se sont penchés sur le cas de ma fille ? » s’indigna Joris, qui visiblement ne supportait pas les rodomontades de Justinien. Le médecin sourit. Un sourire qui étirait ses lèvres minces et les craquelaient presque, révélant une dentition éparse.

« Mon seigneur, l’erreur de mes comparses est parfaitement compréhensible : l’hiver, la lymphe est supposée sécrétée en abondance, mais, de toute évidence, ils ont concocté leurs remèdes de façon à lui faire augmenter son sang. L’équilibre des humeurs est rompu, elle brûle.
— Que proposez-vous dans ce cas ?
— Il n’y a plus rien à faire …
— Votre science est-elle limitée à ce point ? s’énerva Joris.
— Non bien sûr, mais vous condamnez vous-même à mort ceux qui pratiquent ce qui pourrait la sauver, lâcha l’apothicaire, plein d’ironie.
— Dites toujours.
— Une vie pour une vie. Nous devons lui fournir le sang de quelqu’un d’autre.
— C’est hors de question, refusa Joris, catégorique.
— Mon seigneur, réfléchissez ! intervint sire Sylve. C’est votre fille, elle est amenée à devenir une grande dame. Sa vie vaut plus que beaucoup d’autres.
— Ne pouvons-nous pas utiliser un mouton ? Ou une chèvre ? tenta le seigneur de Groléjac.
— C’est de votre fille dont nous parlons, mon seigneur, répondit Justinien avec une moue goguenarde. Pas d’un vulgaire animal. Peut-être y a-t-il quelque meurtrier dans vos geôles qui ferait l’affaire ? Imaginez, sa vie en échange de celle de votre fille. De plus, le gus rembourserait sa dette envers Dieu. »

Joris se laissa convaincre. Deux gardes apportèrent un homme d’âge mûr. Justinien avait déballé le contenu de ses sacs sur le sac, et triait différentes fioles, vides ou non. Il demanda aux geôliers d’allonger l’individu sur le marbre. Le quidam lâchait des regards affolés, ignorant quel sort allait lui être réservé.

« Mon seigneur, messire, ce qui va suivre risque d’être extrêmement désagréable à regarder. Je vous conseille de quitter les lieux.
— Certainement pas. » se bisqua Joris.

Imitant son seigneur, sire Eduard se tint droit comme un piquet. Justinien ne fit aucun commentaire et sortit une première flasque.

« Qu’y a-t-il donc là-dedans ? se renseigna Joris, méfiant.
— Une infusion de passiflore. »

L’apothicaire s’approcha du lit.

« Je refuse que ma fille soit droguée, rétorque le seigneur de Groléjac.
— Elle ne le sera pas. » assura Justinien.

Comme le prisonnier refusait d’ouvrir la bouche, un des gardes l’y contraignit.
« Il me faudra du feu. » annonça l’apothicaire, une fois le contenu de sa fiole vidé dans le gosier de l’homme.

Joris acquiesça d’un signe de tête et un domestique se mit à la tâche. Quand les flammes inondèrent l’âtre, Justinien y trempa ses outils. L’on aurait dit un vautour avec son crâne chauve et son cou élancé, et voir ce charognard de malheur tourner autour de sa fille faisait hérisser le poil de Joris.

Quand le prisonnier perdit définitivement conscience, Justinien s’agenouilla près de son corps et lui lassa les chevilles avec une corde.

« Aidez-moi à le suspendre. » demanda Justinien aux gardes.

Ils accrochèrent le pauvre homme au sommet de l’armoire, la tête en bas. Comprenant ce que le médicastre s’apprêtait à faire, Joris hoqueta, ce qui lui valut un regard agacé.

« Je vous avais prévenu. Si vous souhaitez sortir, c’est encore le moment. »

Joris l’ignora et préféra maugréer son mécontentement. L’apothicaire sortit alors une longue tige de métal creuse et s’approcha de Sylvia. Avec un tissu imbibé d’alcool, il nettoya le bras de la jeune fille. Puis d’un coup sec, il la tira du lit, sans qu’elle en reprenne ses esprits.

« Êtes-vous fou ? » s’écria Joris, tandis que les gardes s’apprêtaient à saisir le charlatan.
« Il faut la porter au plus proche de la source, se justifia-t-il »

Une fois la petite installée, il lui planta l’une des fines extrémités de sa baguette de métal dans le bras et demanda à l’un des domestiques de tenir son instrument bien droit.

« Retirez ça immédiatement ! s’échauffa Joris.
— Comment pensiez-vous que j’allais remplacer son sang ? Si je m’arrête, elle mourra, me faudra-t-il le répéter combien de fois ? » commença à perdre patience Justinien.

Le médecin pratiqua alors une incision au niveau de la jugulaire du prisonnier. Du sang gicla à flot de la coupure au rythme des battements effrénés de son cœur. Une marre vermeille empoissa le sol, se déversa sur la jeune fille, le valet et Justinien. Le laquais répandit le contenu de son estomac sur le sol, lâcha l’instrument que l’apothicaire rattrapa in extremis et éclata en sanglot. D’un air exaspéré, Justinien planta la dernière extrémité de la tige métallique dans le cou du quidam. Après cinq longues minutes, Joris, en sueur, s’inquiéta de la situation.

« Le sang du condamné se déverse directement dans votre fille. Je vais être obligé d’en faire sortir la mauvaise humeur. »

Blanc comme un linge, Joris hocha la tête, n’étant pas trop sûr d’avoir compris.

« Je vais pratiquer la phlébotomie, expliqua Justinien.
— Diantre, pourquoi ne se réveille-t-elle pas ? » s’inquiéta sire Eduard, tout aussi blafard que son seigneur quand le médecin entailla le bras de Sylvia. Justinien essuya ses mains poisseuses sur un linge.

« C’est la maladie. Quand le sang aura fait son effet, elle reprendra ses esprits.
— Mais, avez-vous déjà testé auparavant ? s’inquiéta Joris d’une voix blanche.
— Sur des chèvres uniquement. Je pompais directement avec le cœur. Un travail désagréable. Certaines s’en sont sorties, d’autres se seront faite empoisonnées par le sang de leurs congénères. Je ne l’explique pas. »

L’apothicaire détourna son regard sur sa victime. D’un air presque déçut, il déclara :

« Oh, le débit s’est affaiblit.
— Et maintenant ? s’offusqua Joris. Si ma fille meurt, je vous promets que vous payerez le prix de cette … boucherie !
— Une forte somme, en effet, sachant qu’elle était sûre de mourir si je n’étais pas intervenu. » ricana Justinien, cynique.

Il s’affaira près du cadavre et trancha alors la gorge. Joris hoqueta de surprise quand le sang cascada.
« Mon seigneur, j’en suis désolé, mais je ne souffrirai pas d’en voir plus. » hoqueta Sire Eduard, avant de quitter la pièce.
A chaque pression, un bruit de ventouse venait crisper la mâchoire de Joris. Lui qui avait affronté des hommes sur le champ de bataille, à l’époque des guerres de la coalition, n’avait jamais assisté à une telle barbarie. Pourtant, il avait combattu des pirates sans foi ni loi ! L’apothicaire saignait cet homme comme l’on aurait fait avec un porc.
De longues minutes plus tard et le bras maculé de rouge jusqu’au coude, Justinien sortit enfin de son mutisme.

« Vous pouvez retirer le corps, s’adressa-t-il aux gardes.
— Quant à Sylvia ? s’enquit Joris
— Elle devrait se réveiller d’ici peu. »

Justinien rangea ses fioles et récupéra ses outils. La puanteur du sang, décuplée par la chaleur de l’âtre empestait les lieux.

« Sinon, paix à son âme. » ajouta-t-il en se dirigeant vers la porte.

Joris s’interposa. Bien que l’apothicaire le dépassât d’une tête, il ne fut nullement intimidé.

« Ne serait-il pas prudent que vous restiez pour vous assurer de sa santé ? »

Il ne s’agissait pas d’une question, et Justinien le comprit. Sans doute réalisa-t-il par la même occasion que sa tête tomberait au moment où le cœur de la petite se paralyserait.

« Certes, vous avez raison. »

Quand Joris fut enfin seul, il s’agenouilla auprès de sa fille, que l’on avait nettoyée et reportée au lit. Son petit bras, désormais bandé reposait hors des draps, et sa respiration soulevait légèrement la literie. Le jais de ses cheveux contrastait tellement avec le teint cadavérique de sa peau qu’elle en paressait effrayante. Joris lui caressa avait affection son visage. Alors, Sylvia ouvrit les yeux. Des yeux d’un bleu saphir, des yeux Vangeld.

HelpingFR HelpingFR
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Niveau 32
07 novembre 2016 à 23:53:12

Le 07 novembre 2016 à 23:50:51 LePerenolonch a écrit :
Je laisse l'ancienne version, je reposte la nouvelle https://image.noelshack.com/fichiers/2016/24/1466366197-risitas10.png

Les nouveaux lecteurs qui vont la sentir quand ils vont voir qu'ils ont lu la mauvaise version https://image.noelshack.com/fichiers/2016/24/1466366197-risitas10.png

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
07 novembre 2016 à 23:55:22

Si tu veux lire, c'est dans la deuxième partie du post. Au final ça ne change pas grand chose à l'histoire, c'est juste moins gore :hap:

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