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Sujet : [Fantasy] L'assemblée extraordinaire

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LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
05 septembre 2016 à 23:14:28

CHAPITRE 1 : L’APOTHICAIRE D’EDELSTEEN

JUSTINIEN

Sur la façade d’une maison au toit pointu, au-dessus de la porte, nichait un coucou. Il ne s’agissait pas d’un être de sang et de plume, mais d’une sculpture en pierre se pavanant sur un écusson. D’aucuns parmi les badauds n’auraient qualifié le volatile de coucou, mais plutôt d’oiseau du commun, si seulement ils y avaient prêté attention. Quelques idiots convenaient d’une pie, se figurant là l’emblème du seigneur Joris Vangeld. Pour Justinien, il ne faisait pas l’ombre d’un doute, puisqu’il l’avait sculpté lui-même. Il s’enorgueillissait même de sa cautèle : le coucou demeurait célèbre pour parasiter les pies, éliminant les œufs de ces dernières et y déposant les siens dans leurs nids. S’il était homme qui détestait plus que Justinien les Vangeld, alors icelui brillait de par sa discrétion. À la dérobée, les chuchotements des cancaniers véhiculaient les mêmes rumeurs : le fils et héritier du grand seigneur Joris Vangeld, Jannik, ne serait en réalité que le cadet. Le premier né aurait été abandonné dans la rue après sa naissance, renié par ses parents à cause de son physique difforme, monstrueux. Dans son enfance, Justinien avait beaucoup réfléchi quant à sa provenance.

Orphelin, des prêtres le recueillirent et il put vivre avec d’autres enfants partageant sa condition. Il ne gardait aucun souvenir de ses parents. La vie à l’orphelinat fut une horreur. Contrairement à la marmaille issue des quartiers pauvres d’Edelsteen, Justinien avait toujours été chétif, tenant plus de l’escogriffe que du malabar. Afin de subsister et de nourrir les plus jeunes, les garçons assez âgés partaient pour les carrières de pierre. Le jouvenceau ne put jamais satisfaire les attentes des quartiers-maîtres, qui le raoustaient à chaque signe de faiblesse. Gestes qui furent rapidement imités par quelques petites frappes qui se complaisaient sadiquement à le ruer de coup. Peut-être avaient-ils de la frustration à écouler, ou bien que tout le monde souhaitait frapper un orphelin frêle. Quand Justinien fut jouvenceau, la rumeur concernant son seigneur lui parvint à l’oreille. Un fils monstrueux disait- on. Pourquoi pas lui ? Jamais il n’avait connu le sein d’une mère, et son pied-bot et ses yeux vairons n’en faisaient-ils pas un être abominable ? Cette idée d’être Justinien Vangeld l’obsédait. Jannik Vangeld était son cadet d’un an, tout coïncidait pour étayer sa thèse. À mieux y réfléchir, il paraissait maintenant évident que quelque chose de spécial l’habitait. Alors que les garçons de son âge n’aspiraient qu’aux querelles et aux donzelles, Justinien s’extasiait devant les librairies et les apothicaireries, rêvant des merveilles qui auraient pu lui être accessibles s’il avait eu la chance de vivre sa réelle destinée. Puis le poids de sa hotte remplie de bois faisait hurler le bas de son dos et ses genoux, lui rappelant sa véritable condition et c’est dans la poussière, l’envie et la haine qu’il retournait en boquillonnant dans les loges vétustes de l’orphelinat.

Justinien multiplia ses passages devant l’établissement du maître apothicaire Karel, s’accordant quelques instants de répit pour y reluquer les quantités de fioles qui s’amassaient derrière les petits losanges de verre. Il se voyait tantôt concocter les différents remèdes, sauvant des vies et être aimé en retour, le regard de la plèbe emplie d’amour et d’admiration. Tantôt, il s’imaginait administrer des poisons mortels à tous ceux qui lui avaient fait du mal, et en particulier à son père, Joris Vangeld, prenant sa place. Ce fut lors d’un de ses rêves éveillés que l’apothicaire Karel lui adressa la parole pour la première fois. L’homme contrastait avec l’adolescent efflanqué qui se présentait devant lui : bas de soie blanche et houppelande de brocart gueules et or enveloppaient son corps, tandis que le marmot s’affublait de loques bréneuses. L’apothicaire toisa alors Justinien de ses petits yeux perçants, comme si le jeune homme n’était qu’un excrément liquéfié sur le pas de sa porte. Adoncques, l’orphelin releva la tête de ses pieds crasseux et lui rendit un regard impavide. Maître Karel, peu accoutumé à la défiance de la part de la gueusaille en fut estomaqué, mais bien vite se reprit, arborant un air sévère.

« Il est fréquent que je te voie sur le pas de ma porte, vas-t-en avant que tu n’attires la vermine. »

Justinien se releva, dépassant l’apothicaire d’une bonne tête, même si son pied-bot le faisait pencher sur le côté. Gêné, l’homme remit son chapeau à large bord en place.

« Ne me regarde pas avec cet air outrecuidant ! menaça maître Karel.
— J’sais pas ce que ça veut dire. »

La voix de Justinien se voulait douceâtre, mais sa gorge sèche laissa échapper ce qui s’apparentait à un croassement. Le bourgeois fut pris au dépourvu.

« Outrecuidant signifie présomptueux. »

Justinien ne cilla pas.

« Arrogant ? Prétentieux ? » tenta l’apothicaire, la mine déconfite. Justinien hocha la tête.

« Je pourrai devenir votre apprenti, affirma le jouvenceau.
— Je ne t’apprendrai qu’une chose, impudent. Jamais les petites gens n’exerceront l’art de la médecine. Maintenant, déguerpis, et si je te revoie par-là, j’irai quérir la soldatesque ! »

Justinien revint chaque jour sans que jamais la menace ne soit mise à exécution. Maître Karel l’ignorait cependant, détournant vivement le regard dès qu’il croisait ce pauvre gamin qui lorgnait avidement sa vitrine. Un jour, il plut tellement fort que le caniveau au centre de la rue déborda, et le déluge força Justinien à s’abriter contre la façade de l’apothicairerie. L’eau martelait sa peau, tentant de s’infiltrer par n’importe quel moyen, imbibant ses loques, donnant l’impression que plus rien de sera jamais sec. À travers le rideau de pluie, l’orphelin distingua une masse d’étoffe qui approchait. Maître Karel ne lui accorda qu’une brève œillade le temps d’ouvrir la porte de son établissement, la pluie dégoulinant en cascade des bords de son couvre-chef. Les dents de Justinien ne tardèrent pas à danser la gigue, tandis que son corps frissonnait. Il ignorait combien de temps avait passé quand la porte s’ouvrit à nouveau. L’apothicaire y alla sans ambages.

« Allez, rentre. »

Justinien ne se fit pas prier. Une odeur d’alcool et de miel lui emplit les narines. La pièce reposait dans l’ombre. Maître Karel retira son chapeau, dévoilant un début de calvitie dans sa chevelure brune. Imberbe, son visage semblait taillé à la serpe. Justinien porta son regard sur les étagères. Diverses fioles soigneusement étiquetées y étaient entreposées, parmi des bocaux dans lesquelles des formes sombres y plongeaient. Justinien s’en approcha et constata qu’il s’agissait d’animaux dans un liquide jaunâtre. Une salamandre noire tâchée de jaune attira son attention.

« Ne touche à rien ! » aboya Maître Karel.

L’apothicaire alluma quelques chandelles et la lueur tremblotante des flammes inonda faiblement les lieux d’orangé.

« Je te préviens, dès que le ciel s’apaisera, tu repars. »

Justinien, qui s’extasiait devant des bouquets de plantes séchées suspendus au mur ne répondit pas tout de suite.

« J’ai traîné trop d’temps par ici. Si j’retourne à l’orphelinat, vont me buter.
— Tu te figures que je vais te garder ? lui demanda-t-il d’un air dédaigneux.
— Vous avez allumé vos bougies seul, personne n’a allumé de feu dans la cheminée et il y a pas d’odeur de boustifaille, vous n’avez plus de domestique ? éluda Justinien.
— Sa toux l’aura emporté, maugréa l’apothicaire.
— J’pourrai y faire à sa place. Je ferai vos courses, livrerai vos soins et j’mettrai l’ordre à la maison. » proposa Justinien.

Maître Karel soupira avant de céder.

« Soit, mais à la moindre bévue, tu prends la porte. »

De bévues, il n’y eut point. Justinien se montra attentif aux besoins de son nouveau maître et toujours répondait présent pour n’importe quelle tâche. Si bien que l’apothicaire commença alors à lui apprendre l’art de la lecture et de l’arithmétique. Il lui expliqua que le monde était composé de quatre éléments fondamentaux et de leurs quatre qualités : le feu, chaud et sec, l’eau, froide et humide, la terre, froide et sèche et l’air, chaud et humide. À l’instar de l’univers, l’homme possédait ces quatre éléments intrinsèques, représentés par la bile jaune, la lymphe, l’atrabile et le sang. En proportions égales, l’individu demeurait en bonne santé, mais si l’une des humeurs prévalait sur les autres, alors l’individu développait des symptômes caractéristiques de l’élément en surplus. Ainsi, quand l’hiver s’installait, la lymphe devenait majoritaire dans le corps, provoquant rhumes et bronchites. L’affaire était subtile : en fonction du tempérament du patient, de la saison de l’année et de l’heure de la journée, le traitement contre le déséquilibre des humeurs variait.

Justinien buvait les paroles de son maître. Il apprit rapidement à préparer et à appliquer cataplasmes, poudres, onguents, fomentations et emplâtres. Il se révéla un herboriste doué, mémorisant avec une aisance peu commune quelles plantes soignaient et lesquelles tuaient.

L’été de ses vingt-deux ans, Justinien en savait plus que n’importe quel autre apprenti. Dix années avaient passé depuis sa première rencontre avec Maître Karel. Quelques cheveux blancs se mêlaient à ce qu’il restait de la couronne brune de l’apothicaire devenu ventru. Il n’y avait pas d’amour entre les deux hommes, mais un respect mutuel saupoudré d’une légère aversion. Un soir, Maître Karel demeura silencieux tout le long du dîner.

« Quelque chose vous tracasse Maître ? » demanda Justinien par pure politesse. L’apothicaire posa ses couverts, et inspira longuement.
« Les patients se raréfient, je ne peux plus te garder. »

Justinien demeura impassible, son visage comme figé dans l’albâtre. Aujourd’hui, le crâne de Maître Karel observait de ses orbites creuses les patients qui pénétraient sa boutique.

Du ciel d’un bleu cobalt déferlait des spirales de flocons argentés. Justinien rabattit le capuchon de sa cape sur son crâne malingre. Il venait tout juste de soulager un nourrisson de sa colique. Après un sourire forcé, il avait quitté cette mère qui pleurait des larmes de gratitude maintenant que son marmot était de nouveau en mesure de déféquer. Sous ses poulaines, la neige formait un agglomérat sale et grisâtre, presque aqueux. Sa carnation de gypse virait au vermeille sous la morsure du froid et il enfila maladroitement ses gants sur ses doigts engourdis.

Personne n’arpentait la rue et le vent commençait à former des congères. Sa canne traversait la gaude glacée comme en témoignait le claquement du bois sur le pavé. Il ne s’agissait pas d’une quelconque badine. En son sein, une lame d’acier y était dissimulée. Du fait de sa profession, Justinien n’avait pas le droit de porter une arme. Il outrepassait la règle : en effet, après la disparition de maître Karel, une enquête rapide avait été menée. Même si les autorités s’étaient rapidement détournées de l’affaire, Justinien préférait assurer ses arrières. Une nouvelle bourrasque menaça de le jeter au sol, filiforme qu’il était. Luttant contre le vent, l’apothicaire regagna sa demeure. Un fin manteau blanc couvrait son coucou qui veillait sa porte. Il le regarda presque affectueusement, avant de pousser le vantail de sa porte et pénétrer la pièce obscure. Sur son atelier de découpe, l’estomac d’une vache commençait à exhaler d’immondes remugles. Justinien, à la recherche de bézoards avait dû l’abandonner là lorsqu’on l’envoya chercher pour le bébé. Ces pierres d’estomac réputées pour leurs vertus contre la peste et les ensorcellements, mais surtout contre le poison se voyaient fort prisées par les nobles. Ce soir, il n’aurait pas le loisir de poursuivre ses fouilles. En dépit des sommes considérables que les habitants d’Edelsteen dépensaient pour les pierres de fiel, Justinien avait beaucoup plus important à faire. Il était l’heure de descendre. Comme toute ancienne bâtisse, l’apothicairerie de feu Maître Karel communiquait directement avec les entrailles de la ville. Justinien descendit les marches étroites menant à la cave. Une faible lueur grisâtre parvenait des soupiraux, draguant une brise glaciale. Sous une toile de lin, le squelette du précédent propriétaire se devinait. Maître Karel interdisait à Justinien de pratiquer la dissection sur les cadavres des malades. En dépit de son insistance, jamais l’apprenti n’avait eu le droit ne serait-ce que de toucher à un macchabé. La superstition de l’apothicaire défunt agaçait hautement Justinien : pourquoi se garder de mieux comprendre le corps humain ? Cependant, cette révulsion à l’égard de cette pratique semblait bien ancrée dans les mœurs. Ainsi, il ne comptait plus les fois où il avait sorti de terre les corps récemment inhumés, laissant des fosses vides et un cimetière ravagé. Les habitants avaient rapidement pris peur, si bien qu’ils avaient afflué chez les apothicaires pour se munir de n’importe quel talisman ou onguent permettant de repousser les goules, ces prétendus morts-vivants qui déterraient les cadavres pour les dévorer. Depuis cet incident, les cimetières de la ville étaient régulièrement parcourus par les patrouilles nocturnes. Justinien n’accorda pas un regard au macabre empilement et poussa la porte des souterrains, qui s’ouvrit dans un grincement lugubre et poussiéreux.

Une lampe à huile n’attendait que d’être saisie, posée sur un tonneau contenant de l’huile de pierre. La substance noirâtre et hautement inflammable se trouvait en abondance dans le grand lac de la ville. Justinien en garnit sa lampe avant d’y poser une petite mèche de laine. La petite flamme vacillante dissipa les ténèbres et révéla le tunnel. Les parois se recouvraient de mousse, et les traces des pioches ayant creusé la galerie témoignaient du travail colossal des groléjois d’antan. Cette obsession pour les souterrains s’alimentait par une seule espérance : peut-être conduisaient-ils directement au château de Joris Vangeld ? Sa vengeance l’omnibulait. S’il était connu sous le nom de Justinien Karel, la douce mélodie de Vangeld claironnait à ses oreilles. Seigneur Justinien Vangeld. Il ne vivait plus que pour le moment où le seigneur de Groléjac expirera son dernier souffle. Il s’appuierait sur les rumeurs chuchotées au coin du feu certaines nuits d’hiver. On l’accueillerait à bras ouvert sur le trône, lui, le seul héritier légitime.

Des ossements noircis jonchaient le sol. Mandibules et fémurs craquaient sous ses pas. L’acide de corrodait jamais entièrement les corps qu’il dérobait. Ainsi comme chaque nuit, une âme vengeresse hanta les profondeurs d’Edelsteen, à la recherche de son salut.

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
05 septembre 2016 à 23:16:56

commentaire de Brad :d)

Lu !

Alors, j'ai trouvé cette intro correcte, mais plusieurs éléments m'ont perturbés.

Je t'avais déjà fait la remarque concernant le premier paragraphe qui est un plagiat éhonté du Hobbit ( :hap: ) et sur le paragraphe qui évoque les quatre éléments.

Majoritairement, le style est dans la continuité du tome précédent (D'ailleurs, je sais bien que c'est la suite et qu'elle porte un autre titre, mais pour les néophytes tu aurais pu le préciser :hap: ), mais comme je suis l'un des premiers je vais signaler les phrases qui m'ont laissées dubitatif.

À mieux y réfléchir, il paraissait maintenant évident que quelque chose de spécial l’habitait. Alors que les garçons de son âge n’aspiraient qu’aux querelles et aux donzelles, Justinien s’extasiait devant les librairies et les apothicaireries, rêvant des merveilles qui auraient pu lui être accessibles s’il avait eu la chance de vivre sa réelle destinée

Première phrase : Ok j'exagère sûrement, mais le "quelque chose" me gêne un peu. Ça me paraît trop vague, en fait. D'ailleurs, ce n'est pas la répétition la plus grave mais "quelque" apparaît plus tôt dans le paragraphe me semble-t-il.

Deuxième phrase : Ma perplexité provient davantage du fond. Ok, il y a aussi le problème que tu aurais pu tourner la phrase autrement : tu as une proposition subordonnée, une phrase principale, un gérondif + "qui", c'est un peu lourd (Je sais je ne dis jamais ça normalement :rire: ). Pour le fond, j'y reviendrai après mais disons que c'est le personnage en lui-même auquel que j'ai du mal à saisir. En fait, cette généralisation me paraît trop brute. Je ne connais pas super bien ton univers, mais même si les hommes y sont souvent belliqueux, prétendre que Justinien est le seul à être marginal est un peu gros.

« Ne me regarde pas avec cet air outrecuidant ! menaça maître Karel.

— J’sais pas ce que ça veut dire. »
La voix de Justinien se voulait douceâtre, mais sa gorge sèche laissa échapper ce qui s’apparentait à un croassement. Le bourgeois fut pris au dépourvu.
« Outrecuidant signifie présomptueux. »
Justinien ne cilla pas.
« Arrogant ? Prétentieux ? » tenta l’apothicaire, la mine déconfite. Justinien hocha la tête.

Ton intention est compréhensible : tu souhaites montrer la différence d'intelligence/d'éducation entre les deux. Mais cette façon se présente comme trop "artificielle". L'un prononce un mot que l'autre ne comprend pas et l'autre l'explique, ça me semble trop "mécanique" voire "didactique".

— Vous avez allumé vos bougies seul, personne n’a allumé de feu dans la cheminée et il y a pas d’odeur de boustifaille, vous n’avez plus de domestique ? éluda Justinien.

Je ne comprends pas trop comment ce "Justinien" est censé s'exprimer. Cette phrase est assez révélatrice : il prononce deux fois le "ne" de la phrase négative (dont une fois "inconsciemment") et il dit "il y a pas" qui fait un peu tâche. Comment que ça fonctionne pour lui ? :hap:

En proportion égales,

En proportions égales*

Depuis cet incidents

Depuis cet incident*

+Dans l'antépénultième paragraphe, tu répètes deux fois "En dépit de". Compte tenu du ton du texte, tu peux remplacer le second par "Nonobstant" :noel:

Du ciel d’un bleu cobalt

J'allais te signaler "cobalt" car il me semblait bizarre, puis j'ai fait ma petite recherche pour voir si le qualificatif "cobalt" était approprié pour "ciel", et c'est approprié pour le coucher du soleil, lorsque la nuit commence à se profiler. Est-ce le cas ?

Sinon, je vais reparler du fond. Il s'agit de l'introduction et de l'évolution de Justinien. Alors, au-delà de sa façon d'être, son évolution est somme toute intéressante. En revanche, sa rencontre avec le maître est vachement clichée, je ne vais pas le cacher. Après, ce n'est pas dérangeant (Sauf pour la réplique "Pars le plus vite possible"), mais je n'ai réussi à m'immerger lors de la rencontre, pourtant, ce devait être l'une des parties primordiales de cette introduction.

J'ai peine aussi à imaginer comment il intégrera l'histoire principale. Mais sur ce point, je te fais confiance :oui:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
05 septembre 2016 à 23:18:36

Merci d'avoir lu et commenté ! :-)

Je t'avais déjà fait la remarque concernant le premier paragraphe qui est un plagiat éhonté du Hobbit ( :hap: ) et sur le paragraphe qui évoque les quatre éléments.

Première phrase : Ok j'exagère sûrement, mais le "quelque chose" me gêne un peu. Ça me paraît trop vague, en fait. D'ailleurs, ce n'est pas la répétition la plus grave mais "quelque" apparaît plus tôt dans le paragraphe me semble-t-il.

Ouais le quelque chose est vague, mais c'est pour marquer la réflexion de Justinien sur ce qu'il est. Je vais quand même voir si je peux trouver quelque chose (:hap:) de plus élégant que quelque chose :hap:

Oui bon Tolkien ira pas me taper :noel: (et j'ai rien plagié d'abord :snif2: Pour les quatre éléments, il ne s'agit pas de débattre sur la théorie, elle est fausse. point. :hap: Après c'est aussi ce qu'ils pensent dans l'univers de la marque, mais le monde est régi selon les mêmes lois de la physique que le notre, ils sont aussi dans l'erreur.

Pour la deuxième phrase, on est dans le point de vu de Justinien, qui ne connait pas grand chose en dehors de l'orphelinat et de la carrière, donc les seuls gamins qu'il cotoie sont les mecs qui le victimisent.

Ton intention est compréhensible : tu souhaites montrer la différence d'intelligence/d'éducation entre les deux. Mais cette façon se présente comme trop "artificielle". L'un prononce un mot que l'autre ne comprend pas et l'autre l'explique, ça me semble trop "mécanique" voire "didactique".

Maître Karel, en dépit de ses airs de mépris est quelqu'un de bon.

Je ne comprends pas trop comment ce "Justinien" est censé s'exprimer. Cette phrase est assez révélatrice : il prononce deux fois le "ne" de la phrase négative (dont une fois "inconsciemment") et il dit "il y a pas" qui fait un peu tâche. Comment que ça fonctionne pour lui ? :hap:

Oui tu as raison, il est censé mal parler, là c'est un peu trop sophistiqué :hap:

+Dans l'antépénultième paragraphe, tu répètes deux fois "En dépit de". Compte tenu du ton du texte, tu peux remplacer le second par "Nonobstant" :noel:

Vrai, merci !

Pour cobalt, oui c'est ça :-)

J'ai peine aussi à imaginer comment il intégrera l'histoire principale. Mais sur ce point, je te fais confiance :oui:

L'histoire se passe à Edelsteen, lieu ou l'assemblée extraordinaire (évoquée dans le chapitre 17 de la marque) aura lieu :hap: D'ailleurs je suis assez surpris, je m'attendais à plus de retours sur la seconde partie, qui me plait moins :-)

Taz-Helldaymon Taz-Helldaymon
MP
Niveau 10
07 septembre 2016 à 20:18:24

Lu !

Bon alors déjà j't'explique de suite, j'suis pas une très grande fan pour les critiques détaillées comme le font certains, j'suis assez nulle à ça :hap:

Cependant j'ai bien aimé ton récit, tu as beaucoup de vocabulaire c'est très plaisant à lire :ok:

Par contre, j'ai un peu bloqué sur le passage de Justinien chez l'apothicaire, l' ellipse de dix ans n'aide pas à "accrocher" au duo qu'ils formaient (même si au final le pauvre Karel en meurt), c'est trop dans le cliché sur peu de phrases, mais ça reste bien écrit donc prenant.

Bon après tu faisais la description du personnage et son parcours, mais du coup y a pas trop d'action mais c'est pas très grave.

Sinon j'admets que j'ai eu un peu peur à la première phrase sur l'histoire du coucou, j'me suis demandé si tu allais nous faire l'apologie des volatiles :noel:

Après la fin je l'ai trouvée un peu longue, je ne saurai pas te dire pourquoi je dois bien l'avouer :(
Il est intéressant de constater qu'il n'est pas touché par les mœurs de la société, on comprend légèrement la psychologie du personnage, mais je trouve que ce n'est pas suffisant, peut être qu'il manque un petit quelque chose :hap:

En tout cas, ça m'a l'air d'être un psychopathe un peu ce Justinien :noel:

Voilà j'espère que mon avis te sera utile :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
09 septembre 2016 à 16:00:00

Salut Taz et merci pour ta réponse que je n'avais pas vu [[sticker:p/1lmk]]

Je suis conscient des faiblesses de ce chapitre, mais j'ai eu beaucoup de mal à l'écrire, du coup je voulais un peu de retours dessus.

Oui, comme tu l'as dit, Justinien est bien psychopathe, obsédés par ses hypothèses quant à son origine et de son "destin volé" :hap:

Message édité le 09 septembre 2016 à 16:00:11 par LePerenolonch
LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
09 septembre 2016 à 20:39:17

CHAPITRE 3 : FESTIVITÉS À FIERAMONT

ADRIAN

Lorsqu’Adrian Wiern atteignit la fin de l’esplanade, il fit volteface et lança son palefroi au grand galop. Après une dizaine de foulées impétueuses, il propulsa sa jambe par-dessus le garrot de l’animal et atterrit gracieusement sur le sol, sa monture toujours emballée dans sa course furieuse. En l’espace d’un instant, le jeune Wiern s’empara de la paumée de l’épée qui gisait là, dans l’étendue d’herbe. Aussitôt, il rebondit en selle et stoppa net le cheval aux pieds de Bécasse, qui se mit à applaudir avec entrain.

« Tu as encore été incroyable ! » s’esbaudit la jeune fille.

Adrian flatta l’encolure de l’équidé et le fit tourner au pas et rênes longues autour de son admiratrice. L’ombre du château de Fieramont s’avançait lentement vers eux à mesure que le soleil plongeait. L’astre n’était qu’un disque pâle à travers la grisaille et le vent venait tourmenter la chevelure brune de son amie. Adrian la gratifia d’un sourire timide. Bécasse travaillait aux cuisines du château depuis toujours, et depuis toujours Adrian chérissait son visage fin et sa voix haut perchée.

« Merci. » répondit-il, aussi fier que gêné.

Comme Bécasse frissonnait et emmitouflait ses mains dans ses laines, le frère de Karl sortit une paire de gant en soie.

« Ce ne sont pas les plus chauds que tu trouveras, mais ils appartenaient à ma mère, j’aimerai que ce soit toi qui les porte désormais. »

La valétudinaire Helena Wiern était décédée quelques temps après leur retour de Mortefange. Son faible état de santé et la possible menace Ebroïn avait pressé son époux, Alexander, de la renvoyer à Fieramont. Sans même qu’elle ne puisse assister au mariage de son fils aîné. L’annonce l’avait dévastée et elle se morfondit tout le voyage, refusant d’avaler quoique ce soit. D’ordinaire, elle n’acceptait les aliments que si Adrian la nourrissait, mais à partir de ce jour, les efforts de son fils cadet furent vains. Adrian tenait sa main quand elle mourut. Il ne pleura pas. Depuis des années, il s’était fait à l’idée que jamais Helena Wiern ne se remettrait de sa maladie. Même s’il se répugnait à l’admettre, le départ de sa mère l’apaisait plus qu’il ne l’attristait. Adrian voyait en sa mort la fin d’un long trajet sur le chemin de la souffrance. Le corps de la dame de Felseweise reposait dans la grande chapelle, dans un cercueil d’ivoire posé sur un catafalque de marbre. Quelques pétales de rose de Greim, sa fleur préférée et emblème de la famille Blomst parsemaient le tout, afin de camoufler les remugles dus à la mort. Le corps ne serait descendu à la crypte qu’au retour du veuf Alexander Wiern et était veillé par le grand-père d’Adrian, sire Octave Wildschwein.

Bécasse enfila les gants et sauta à son cou pour le remercier de sa charmante attention. Adrian en profita pour l’étreinte, bien qu’elle sentît le graillon. Même si la jeune fille ne refusait jamais les câlineries, il s’en gardait, surtout quand ils étaient susceptibles d’être observés. Or, mis à part les deux gardes qui surveillaient au loin l’esplanade, veillant justement à ce que personne ne vienne troubler l’intimité du jeune sire, nul ne se profilait à l’horizon.

« Je pourrai te trouver une haquenée, si tu le souhaites. Nous pourrions faire de longues ballades ensemble.
— Les chevaux me font peur, confessa Bécasse.
— J’en choisirai une toute douce, pas rétive pour un sou. » la rassura Adrian.

Les lèvres de Bécasse se posèrent sur les siennes. Leur baiser dura l’instant d’un cillement, mais comme à son habitude, Adrian avait pris une teinte pivoine.

« Ce ne sont pas des balades à cheval ou de beaux atours de soie que je veux, c’est toi.
— Tu sais bien que c’est impossible. » rétorqua le jeune homme en se détournant, amer.

La jeune fille lui caressa doucement sa joue.

« La plupart des chevaliers ont des maîtresses… sire Tobias Blomst…
— On m’a inculqué des valeurs, Bécasse, quel homme serais-je si je les trahissais ? Mon père …
— Ton père n’est pas là, le coupa-t-elle. Il t’a renvoyé ici, il n’a pas besoin de toi.
— Je suis amené à devenir sire de Fierport. Je ne tiens pas à passer pour un godelureau auprès de mes sujets avant même d’avoir pu y assoir mon autorité ! s’écria Adrian, désemparé.
— Oh, je t’en prie, rien qu’une fois !
— Et si je mets un petit bâtard dans ton ventre ?
— Je mentirai, je dirai qu’il est de quelqu’un de la ville !
— Je t’aime Bécasse, mais ne me demande rien de plus. »

Des larmes perlèrent aux yeux de la jeune fille et elle décampa. Adrian n’essaya pas de la retenir. Pourquoi tout devait être si compliqué ? Un profond sentiment d’injustice lui enraillait la gorge. Il présenterait ses excuses à Bécasse demain.

Un fin crachin se mit à tomber, et Adrian quitta l’esplanade, son cheval en main. Au même instant, les trompettes sonnèrent l’arrivée d’un convoi. Adrian sauta en selle et s’empressa de traverser le château. En tête venait son oncle, sire Frank Wiern du val de Croûtepain. Ses deux fils, Lucian et Iwan le suivaient de près, ainsi qu’une cohorte de chevaliers colorés. Sire Frank démonta de cheval et s’en vint enlacer son neveu.

« Mon petit Adrian, joyeux anniversaire ! s’exclama-t-il, affable.
— Mon oncle, bienvenue à Fieramont. »

Le grand guerrier qu’était Frank s’engraissait avec le temps, chose que son auguste frère n’aurait jamais toléré sur sa propre personne.

« Alexander n’est donc pas rentré de Mortefange ? s’enquit Frank, épiant les alentours.
— Le siège de Cenelle l’aura retardé, mais lui et Karl sont sains et saufs, assura Adrian.
— Comme le dit l’adage, il n’y a pas pire ennemi qu’un neufcâstelois en colère. Les dieux soient loués, nous en avons fini avec eux. »

Frank confia sa monture à un garçon d’écurie et enjoignit ses fils de s’assurer que sa suite puisse se remettre du voyage.

« J’aurai souhaité étreindre mes cousins, regretta Adrian.
— Tu auras tout le loisir de rattraper le temps perdu ce soir au banquet. Faisons un tour sur les remparts, veux-tu ? J’imagine que tu préfères que je t’assomme de paroles de vieille personne maintenant plutôt que ce soir quand tu t’amuseras ? »

Adrian fit la moue et invita son oncle à le suivre. Par-delà l’esplanade s’étendait la ville de Fieramont, entrelacée par le fleuve Vert-Limon, qui paraissait d’un blanc laiteux sous le ciel morne.

« Je suis navré pour ta mère, une femme courageuse qui s’est battu jusqu’au bout.
— Elle ne souffre plus maintenant, murmura Adrian. »

Frank acquiesça d’un air contrit. Au loin, le bois des Ours se teintait d’or et d’écarlate.

« Ton père a enfin détruit la vieille lignée d’Ebroïn. Tu sais ce que cela signifie ?
— Que jamais plus personne ne contestera sa souveraineté sur Neufcâstel et Havrepré. »

Adrian s’appuya contre un merlon, contemplant la douve en contrebas.

« Il est regrettable que ses serments l’aient obligé à unir Karl avec la fille d’Edmond Aubépine, poursuivit Frank. Mortefange est un vieux fief, qui chaque année sombre un peu plus dans la médiocrité.
— Il me semble que l’aide d’Edmond Aubépine ait été primordiale lors de la dernière guerre, fit remarquer Adrian, un poil irrité.
— Mais jamais Mortefange ne s’en relèvera. Quand on pense qu’une poignée de gueux valétudinaires a failli la mettre à genoux l’été passé, on se demande bien pourquoi nous aurions besoin d’alliés pareils.
— L’honneur le demandait.
— Je ne blâme pas ton père. Il n’avait pas d’autre choix à l’époque. D’ailleurs, avez-vous parlé de mariage ?
— Certes. Nous avons parlé du mariage de Karl durant toute une année.
— Je parlais du tien, triple-buse. » le rabroua gentiment son oncle.

Le visage de Bécasse lui apparut. Penser au mariage lui était douloureux. Combien de fois avait-il rêvé de parcourir le vaste monde, l’élue de son cœur à ses côtés ?

« Non. Nous n’avons pas évoqué d’union potentielle, répondit-il.
— Tu as seize automnes aujourd’hui, il faudrait que tu lui en parles à son retour. Damoiselle Amandine Mehl a fait la route jusqu’ici pour ton anniversaire. Te rappelles-tu d’elle ? »

Effectivement, un vague souvenir d’une enfant boulotte lui revint en mémoire. Elle lançait des risettes à tout bout de champ, et peut-être avaient-ils partagé quelques jeux autrefois.

« Oui, maintenant que vous l’évoquez, répondit-il d’un air las.
— Quelque chose te tourmente ? s’enquit Frank, face à la taciturnité de son neveu.
— Ma mère, mentit-il.
— Naturellement…
— Messires ! Je vous prie de m’excuser pour le dérangement. Deux missives viennent de nous parvenir. »

Adrian et son oncle se retournèrent en même temps. Un valet approchait.

« De qui sont-elles ? s’enquit Frank.
— L’une d’elle est de Cenelle, l’autre, d’Edelsteen.
— Que nous veulent donc ces satanés groléjois ? » pesta Frank en se saisissant des lettres.
« Oncle, en l’absence de mon père, il m’appartient de les desceller moi-même. »

Frank s’empourpra.

« Mais bien sûr, pardonne-moi. »

Il tendit les rouleaux de parchemin à son neveu. Le premier, cacheté de cire verte, représentait le loup Wiern.

« Père ne reviendra pas tout de suite en Felseweise, annonça Adrian. Il se rend pour Edelsteen où se tiendra l’assemblée extraordinaire. Tobias Blomst devrait passer par là avant d’épouser dame Sarah Aubépine.
— Soit, qu’en est-il du second parchemin ? »

Une pie gravée dans la cire dorée.

« Il s’agit de la convocation à l’assemblée extraordinaire.
— Ces assemblées sont une perte de temps. Pendant des jours, des seigneurs discutent des problèmes de la péninsule. On propose des solutions, mais bien vite, ils se rendent compte que cela perturbe leur petit confort et il ne se fait rien, cracha Frank.
— Il doit s’agir d’une merveilleuse occasion de rencontrer ceux qui font notre monde.
— Crois moi, tu n’aimerais pas la plupart d’entre eux. Sur ces entrefaites, j’ai fait un long voyage, et je suis affamé. »

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
09 septembre 2016 à 20:39:29

Un vacarme assourdissant rugissait dans la grande salle du château. Les tables disposées en U regorgeaient de vivres. Faisans, cygnes et paons arrivaient par flopées entières, farcis de marrons ou de giroles sur de grands plateaux d’argent. Quelques poissons accompagnaient le tout, ainsi que venaisons et sangliers. L’écuyer tranchant débitait les meilleurs morceaux pour Adrian, Frank et ses cousins, avant de faire passer le plat à d’autres grands noms, comme Damian Mehl ou Maximilien Schwert. Malgré les rires, le battement des tambours et les cornemuses, Octave Wildschwein dormait, exténué par ses longues veillées devant le corps de sa fille.

Lucian, le fils ainé de Frank Wiern s’esbaudissait à chaque instant, reprenant en chœur les chants commémorant les grandes batailles de l’union de Felseweise, comme Un loup dans la brume ou Danse danse Ô cygne idiot.
Alors qu’une grande rasade de vin le calmait, Adrian en profita pour lui faire la conversation.

« Mon cher cousin, il y a si longtemps que nous nous sommes vu, l’aborda-t-il.
— Il y a de ça la dernière fois quatre ou cinq ans ? Quoi de nouveau ?
— Rien de spécial, qu’en est-il de toi ?
— Je suis promis à dame Lucile Duroche, du fief des Pics. »

Ils furent interrompus par Bécasse qui déposait un plat de boudin noir aux pommes. Elle lança un regard attristé à Adrian qui la retint par le bras.

« Bécasse, voici ta faveur pour le tournois de demain, j’aimerai que tu me la donne pour que je l’accroche à ma lance, l’acceptes-tu ? »

Elle esquissa un léger sourire avant de s’éclipser, l’étoffe arborant le loup Wiern serrée dans sa main crispée.

« Toujours à faire les yeux doux à ta Bécasse ? » s’amusa Lucian. Il secoua sa crinière de longs cheveux noirs. Adrian avait remarqué que le physique avenant et les yeux gris de son cousin attiraient les regards des dames de Fieramont.
« Oui, rien n’a changé depuis nos jeux d’antan.
— Ah ! quelle époque, se souvint Lucian. Les chausses du fils du porcher s’en souviennent encore, il s’était conchié le bougre ! s’esclaffa-t-il.
— La flanquée que père nous avait mise…
— Oui, ma fesse gauche me lancine encore… fit mine de souffrir Lucian.
— Et Karl qui nous regardait avec son air suffisant. » rigola Adrian. Il bomba le torse et imita la voix de son frère : « Je vous avait prévenu que cela tournerait mal, regardez-moi, je suis Karl le fils parfait ».

Lucian ricana doucement.

« Mais bon, depuis lors, la nature de mes jeux a bien changé. Es-tu encore puceau ? »

Le cygne qu’Adrian mâchait profita d’un dernier vol avant de s’écraser sur la table.

« Plait-il ? Bien sûr que oui, jamais je n’aurai outrepassé les règles.
— Dis plutôt que tu ne sais pas t’y prendre, le taquina Lucian. Regarde celle-là, comme sa guimpe lui engonce le minois. C’est Amandine Mehl. Malgré ses airs de jeune fille pudique, elle est habitée d’un de ces feux…
— Elle a maigri, constata Adrian.
— Mais bon, je préfère de loin courir les gueuses plutôt que ces dames tout en soie.
— Et pourquoi ça ? demanda Adrian, évitant le regard de son cousin.
— Je suis las des châtelaines, à qui il faut sans cesse faire la cour et dont le chemin du con et un long sentier tortueux semé d’embuches. Les gueuses te laissent y accéder dans l’espoir que tu les engrosses. »

Adrian ne répondit pas, maussade.

« Quelle est la chose dans laquelle tu es le plus doué ?
— Je dirais… monter à cheval ?
— Et bien dis-toi qu’il n’est pas si différent de chevaucher un cheval ou une femme, sauf peut-être le plaisir procuré. »

Sur ces entrefaites, Lucian quitta sa cathèdre et déclara :

« Il faut que j’aille m’user quelque peu avant de courir la quintaine et de jouter demain, je ne voudrais pas tous vous désarçonner ! »

Avec des rires gras, quelques jeunes chevaliers se levèrent de concert, prêts à suivre leur futur suzerain.

« Joins-toi à nous, cousin, laisse-moi te montrer comment l’on fait chez nous, là où l’on sait s’amuser ! »

Adrian dénia l’invitation, peu désireux d’aller visiter quelque bordel de Fieramont. Il s’abandonna à la contemplation des activités de la grande salle. Quelques bouffons traçaient des lignes de feu à l’aide de leurs bolas incandescentes, tandis que d’autres régalaient les convives de pirouettes toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Un ménestrel chantait des odes à son seigneur de père. Les desserts furent apportés, pêches au vin, gelée d’écrevisses et gaufres au fromage. Cependant, Adrian les délaissa, trop remonté par sa brouille avec Bécasse. Une trompette invita les convives à danser au centre de la salle. Les troubadours jouèrent des accords frénétiques et les chevaliers vinrent cueillir les mains des dames. La plupart des hommes affluèrent près de damoiselle Amandine Mehl, même si certaines filles Blomst ou Pergament semblaient très prisées. Bientôt, Adrian se retrouva seul à la table, Frank Wiern tournant avec Dame Schwert, forçant les couples de danseurs à s’écarter avec prestance de leur folle gigue. Alors, face à lui se présenta une demoiselle : elle avait la carnation pâle et de beaux yeux bleus. Elle effectua une révérence, ses cheveux blonds voletant légèrement.

« Me ferez-vous danser, sire Wiern ?
— Ce sera un honneur. » accepta Adrian, appliquant les règles de courtoisie.

Il se leva et prie la jeune fille par la main.

« À qui ai-je le plaisir ?
— Anaïs Mehl, fille cadette de sire Damian Mehl. »

Alors il lui prit la taille, et commença à la faire valser. Elle se montra digne d’une grande dame, le port altier et le pied sûr. Adrian n’avait pas le cœur à danser, mais enchaîna plusieurs morceaux afin de ne pas paraitre pour un goujat. Parfois rapides et frénétiques, parfois plus lents. À la fin d’une de leurs danses, Anaïs s’arrêta quelques temps pour lui parler.

« Accepteriez-vous de porter mes faveurs demain au tournois ? »

Adrian eut l’air désolé. La jeune fille le regardait pleine d’espoirs.

« Je suis navré, mais je les ai accordées à une autre. »

Une tristesse passagère obscurcit son visage, mais en l’espace d’un cillement, Anaïs Mehl avait retrouvé toute sa contenance.

« Soit, je comprends. Je vous souhaite bonne chance et encore un joyeux anniversaire, sire. »

Après avoir reçu un baisemain, elle s’éloigna et disparut dans la foule.

Comme les effets de l’alcool commençaient à se faire ressentir chez les invités, Adrian décida d’aller se coucher. Maximilien Schwert s’était effondré dans une flaque de vin, tandis qu’un Pergament fourrageait le décolleté de son épouse.

Il s’éclipsa de la grande salle et de ses festivités, se dirigeant vers sa chambre à coucher. Des rires provenaient des couloirs du château baignés dans une obscurité pesante. Une lueur rougeâtre émanait de l’embrasement de la porte des cuisines. Finalement, une coupe de grog lui apaiserait les idées et l’aiderait à trouver le sommeil. Adrian poussa le vantail et tomba alors sur une véritable bacchanale : servantes dénudées se faisaient besogner par Lucian et quelques-uns de ses compagnons. Aux bons soins de son cousin, il aperçut Bécasse, jambes écartées et poitrine à l’air, qui gémissait, le plaisir lui rosissant les joues.

Cette vision lui remonta tellement le cœur qu’il en vomit. Il se traina jusque sa chambre et noya son chagrin dans ses larmes. On vint le chercher à l’aube. Perruquet, son valet lui apporta de quoi se remplir l’estomac.

« Avez-vous bien dormi, sire ? » s’enquit-il en voyant les cernes de son suzerain.

Un grognement fit office de réponse.

« Vous devez avaler votre repas. Il serait bienvenue que vous remportiez ce tournois, le jour de votre anniversaire !
— Je ne tiens plus à participer, maugréa Adrian.
— Sire, il est de votre devoir de représenter votre famille, lui rappela Perruquet.
— Mes cousins la représenteront très bien, ainsi que mon oncle.
— Wiern ils sont, sans doute. Mais ils ne brandiront pas vos couleurs, mais les couleurs de sire Frank. Ne ratez pas ce tournois, il vous changera les idées. » le convainquit le valet.

En l’espace d’une nuit, l’esplanade dévoilait un nouveau visage. Oriflammes multicolores vrillaient au vent, tandis qu’une lice se dressait, attendant les jouteurs. Des milliers de personnes, hobereaux et gueux, seigneurs et dames s’étaient vus conviés pour le tournois, les restes du festin de la veille mis à leur disposition. Dans son pavillon, les écuyers d’Adrian lui revêtaient son armure de plate. Il demeurait silencieux, aussi maussade que le ciel. Son destrier, caparaçonné aux couleurs Wiern, de champ de sinople à loup d’argent broutait l’herbe au pied de la tente.

Une première trompette retentit.

« Sire, vous allez être en retard si vous ne vous pressez pas. » avertit un écuyer.

Alors Adrian passa son heaume d’apparat dans le creux de son coude, celui dont une longue plume verte coiffait le cimier. Déjà, les jouteurs entraient en lice, leurs noms annoncés par le héraut. Adrian enfourcha son cheval et partit au petit trot rejoindre les autres.

« Votre sire de Fieramont et fils de votre seigneur, Adrian Wiern ! »

Ils firent plusieurs fois le tour de la piste, leurs chevaux drapés de leurs couleurs respectives. Alors, le héraut désigna les deux premiers jouteurs.

« Sire Damian Mehl de Fiermoulin joutera contre Sire Edmund Pergament de Pergament ! »

Au premier passage, aucune lance ne fut rompue. Les deux chevaliers se toisèrent, et chargèrent à nouveau. Cette fois ci, les deux lances se brisèrent. Après réflexion, on jugea qu’Edmund Pergament avait perdu un plus gros bout de son arme, et que par conséquent, il s’en sortait vainqueur. Sire Maximilien Schwert de Sombregoule désarçonna sire Pergament, et certains prétendirent que son séjour dans sa flaque de vin lui avait conféré le sang chaud.

Cependant, Lucian Wiern fit déchausser les étriers du sire de Sombregoule avec aisance, acclamé par la foule.

« Sire Lucian Wiern rencontrera son cousin, sire Adrian Wiern dont ce tournois est le fruit de la générosité de son père, notre seigneur Alexander Wiern ! »

Adrian coiffa son heaume et lança son cheval en lice. On lui donna une lance aux rayures sinople et argent. Il entreprit de faire le tour de la piste. Il passa devant un groupe de gueux qui le regardaient avec admiration. Son cousin, Lucian, lui adressa un signe de main de l’autre côté de la barrière qui coupait le stade en deux. Comme le cheval d’Adrian passait au niveau de Bécasse, cette dernière s’avança, la faveur qu’il lui avait confié la veille en main. Cependant, Adrian se contenta de détourner la pointe de sa lance et se dirigea vers la tribune des nobles. Il abaissa l’arme au niveau d’Anaïs Mehl.

« Damoiselle, je vous prie d’accepter de me donner vos faveurs. »
Bien qu’elle se reprît rapidement, Adrien remarqua sa joie. Elle noua un foulard arborant les armoiries de sa maison : champs de gueules à moulin sinople. C’est plein d’amertume qu’il acheva sa ronde et se positionna. Au même moment, les rayons du soleil pointèrent à travers les nuages et l’armure de son cousin resplendit. Les armes de Frank Wiern caparaçonnaient le destrier qui lui faisait face. De carnation à croix de gueules, seul le loup Wiern rappelait les attaches à leurs ancêtres dans la partie haute du blason.

Une sonnerie de trompette indiqua le début du duel. Adrian lança son cheval au galop, tandis qu’en face, Lucian faisait de même, sa plume rouge volant au vent. Il ajusta sa lance et visa le bouclier, tandis que Lucian abaissait la sienne. Comme un millier d’étincelles, l’armure de son adversaire rutilait, et son destrier soulevait des amas de sable sous ses puissantes foulées. Alors, machinalement, Adrian releva légèrement sa lance.

Le choc fut terrible.

Leurs deux lances se rompirent dans une explosion d’échardes longues comme des dagues, et Adrian se jura d’avoir aperçu une gerbe de pétales d’une rose sanguine. Il déchaussa les étriers et mordit la poussière, tandis que son cousin, tel un pantin désarticulé glissait lentement de selle. Lucian Wiern chut alors, et ne se releva jamais.

Arduilanar Arduilanar
MP
Niveau 10
09 septembre 2016 à 20:41:34

Il n'y a pas de chapitre 2 ? :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
09 septembre 2016 à 20:42:13

Oups je me suis trompé de numérotation :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
10 septembre 2016 à 02:59:20

[[sticker:p/1mr0]][[sticker:p/1kks]]

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
10 septembre 2016 à 14:01:31

Salut Brad et merci pour ta lecture :-)

Tu veux dire que le combat Lucian/Adrian n'est pas assez long ou que les joutes en elles - même, tu aurais apprécié voir plus de chevaliers ?

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
10 septembre 2016 à 15:04:54

Bah après, il devait même pas y avoir trente mètres entre les deux jouteurs, t'imagines bien que la distance se fait rapidement, d'autant plus que dans l'idéal ils n'en font que quinze :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
22 septembre 2016 à 17:22:11

CHAPITRE 2 : LE LAC LACTÉ

DOMITILLE

Domitille Aubépine observait son reflet dans la plaque d’étain poli. L’on disait que ses joues rebondies et mouchetées de son lui prévalaient son rang de plus belle femme de Mortefange. Cependant, la dame de Cenelle arborait un minois boudeur. Sa camériste lui tressa une autre de ses mèches châtain et d’une main experte, y enfouit une fleur d’Aubépine.

« Tout ceci ne sert à rien ! fulmina Domitille.
— Mais, ma Dame, votre chevelure est si belle ! » répliqua la coiffeuse d’un air émerveillé.

La servante fit louvoyer ses longs doigts au travers des boucles de sa maîtresse et en huma la senteur.

« Si fait, cette cannelle exhale un parfum exquis, toute la cour en sera charmée.
— Cassandre ? Es-tu donc ma coiffeuse ou ma confidente ? » l’admonesta Domitille.

La jeune femme n’était pas assez sotte pour répondre. Du même âge, elles avaient grandi ensemble, mais jamais Domitille ne s’était accommodé à la laideur de sa camériste. Courtaude, ses yeux globuleux semblaient aussi expressifs qu’un ciel gris et morne. Sa mâchoire proéminente et édentée lui avait valu le sobriquet peu flatteur de Cassandre Sandre, mais nulle autre n’avait son pareil pour réaliser les coiffures sophistiquées de Mortefange.

« Les dames d’Edelsteen se moqueront de ma coiffe archaïque. Là-bas, leurs fronts sont épilés très haut afin de faire ressortir leur bombé. Tu as ce que je t’avais demandé ?
— Oui ma Dame, mais il serait regrettable de …
— Vas t’en le quérir ! » perdit patience Domitille.

La mèche que Cassandre s’apprêtait à tresser lui battit la joue et les pas feutrés de sa servante s’éloignèrent hors de sa chambre. Les différents coffrets entreposés çà et là témoignaient du départ imminent pour Edelsteen, la ville des seigneurs de Groléjac où se tiendrait l’Assemblée Extraordinaire. Domitille s’inquiétait de plus en plus quant à sa participation au voyage qui semblait se compromettre au gré des jours qui passaient. Si seulement Iseut, sa mère, ne s’était point jetée dans les eaux blanches du lac lacté ! Son père, le seigneur Edmond Aubépine lui commanderait sûrement de rester à Cenelle pour veiller sur le château ainsi que sur ses jeunes sœurs. Pourtant ne rêvait-elle pas des grandes villes du nord aux moult merveilles ? Sa grasse de sœur, Sarah se voyait octroyer un sauf-conduit pour Greim, fief de Tobias Blomst, son promis. Domitille souhait tellement voir tous ces endroits, rencontrer tous ces fiers chevaliers du nord dans les noms fleurissaient dans les chansons, toutes ces grandes dames dans leurs atours satinés. N’était-elle pas mariée à Karl Wiern, fils aîné de l’illustre Alexander Wiern, seigneur du Grand Felseweise ? Edmond agissait cruellement en la gardant ainsi recluse pour de longs mois encore.

Cassandre revint les mains chargées d’un coffret. Elle le déposa sur la console et l’ouvrit : il contenait des fioles et des outils en métal.

« Il vous faudra appliquer ce baume sur le haut du front. » expliqua la camériste.
Domitille regarda la pâte blanchâtre et la renifla. Elle dégageait une odeur minérale, légèrement âcre.

« Qu’est-ce donc ? s’enquit-elle.
— Un mélange de chaux vive et d’arsenic, il rendra le cheveu mou et nous pourrons épiler le front.
— Et ensuite ? »

Domitille semblait soudainement indécise. Cassandre désigna un autre flacon contenant un liquide vermeil.

« On dirait du sang, se rebiffa la dame de Cenelle.
— C’est du sang, ma Dame. De chauvesouris, plus précisément. C’est pour empêcher la repousse du poil.
— N’y a-t-il pas d’autre alternative ?
— Nous pouvons utiliser de la fiente de chat, de l’urine d’âne ou du suc de ciguë… Je peux aussi faire venir du plomb ou du mercure … »

Domitille fit la moue et repoussa le mélange de chaux et d’arsenic loin d’elle.
« Finalement, ces dames du nord apprendront à apprécier tes coiffes, décida-t-elle.
— Vous m’en voyez ravie, madame. » déclara Cassandre en débarrassant de la vue de Domitille le coffret.

Lorsque ses cheveux furent coiffés et cannelés, la fille aînée d’Edmond Aubépine donna congé à sa camériste et s’accoutra d’une lourde pelisse d’hermine. Le vent s’engouffrait facilement dans les entrailles de Cenelle en ces jours de grisaille, et il n’était pas question qu’elle attrape froid quelques jours avant son départ. Elle ne souffrirait pas d’arriver à Edelsteen avec le nez rouge et morveux. Comme chaque matin depuis le siège du château, une myriade de paysans venait quémander compensations pour leurs pertes. Les deux gardes en charge de réguler les entrées dans la grande salle écartèrent la foule pour la laisser passer.

Alexander Wiern occupait le siège seigneurial, ce qui fit tiquer Domitille. Son beau-père avait autant de scrupule que de cheveux sur son crâne, et la situation n’allait pas en s’améliorant. Son époux, Karl, attendait sagement assis aux côtés de son paternel, tandis que son père, le seigneur de Cenelle débordait du siège de sa défunte mère. Plus sur les extrémités, ses oncles, Philipe Aubépine et Gaspard Millepertuis faisaient la jambe de grue, au contraire de sire Tobias Blomst qui s’appuyait sur le mur comme s’il lui appartenait. Les felseweisi semblaient comme chez eux en Mortefange.

Une paysanne crasseuse adressait une prière humide pour la clémence d’Edmond. Domitille y alla sans ambages et prit la parole, rabattant le caquet de la gueuse.

« Père, avez-vous considéré ma requête ? »

Edmond cilla, l’air béat.

« Ah oui… Edelsteen ? C’est non. »

Domitille ne laissa pas démonter. Pas immédiatement.

« Il est, père, que j’escomptais occuper la place qu’il me revient auprès de mon époux, Karl.
— Il est, fille, que ton devoir est de veiller sur le fief en mon absence. Le seigneur Alexander en conviendra.
— Le seigneur Alexander m’ennuie quelque peu. »

Son Karl de mari frissonna de la tête au pied. Comment un garçon qui craignait tant son propre père pouvait se targuer d’avoir combattu avec bravoure le jour du siège ? La colère rougissait les jours d’Edmond, qui aboya :

« Insolente, ce n’est pas parce que tu es sortie du bon con qu’il faut te croire …
— Paix, Edmond. » le coupa Alexander avec une froideur qui aurait tétanisé n’importe quel homme.

N’était-elle pas une femme ? Puis, mis à part une admonestation, qu’allait-il lui faire ? l’essoriller ? lui couper la langue ? Le seigneur de Felseweise la toisa du haut de sa cathèdre.

« Dame Domitille, il est essentiel que vous compreniez la situation. Les pertes considérables de votre fief ne permettent pas une promenade d’aisance à Edelsteen. Votre devoir est de rester à Cenelle pour y gouverner en l’absence de votre père. Je vous assure que vous aurez tout le loisir de visiter chaque capitale si le cœur vous en dit, quand l’Assemblée sera terminée.
— Mais…
— Ne me force pas à te le faire comprendre en te l’inscrivant sur le visage, menaça Edmond en levant son gros battoir de main.
— Fort bien, céda Domitille, l’air pincé. Peut-être qu’après tout le château a besoin d’un bon coup de balais, cela sera plus simple une fois les vieux meubles retirés. »

Elle garda une mine austère jusqu’à ce que son père et sa troupe ne puissent plus la voir. Alors qu’elle traversait avec rage le couloir pour retourner à sa chambre, elle entendit quelqu’un courir derrière elle. C’était Karl.
« Ma douce ! » l’apostropha-t-il.

Domitille le laissa s’approcher. Son époux lui prit son visage dans les mains, caressant ses joues.

« Cela me chagrine de te voir en colère.
— Peut-être que tu aurais été moins chagrin si tu avais plaidé ma cause, le rabroua-t-elle en se dégageant.
— C’est une grosse responsabilité et un honneur que te fait ton père.
— Tu étais bien plus intrépide auparavant. Je n’ai pas souvenir que tu revins châtré de bataille ? »

Karl s’empourpra, visiblement peu fier d’être considéré comme émasculé. Par son épouse, d’autant plus.

« Charles m’aurait défendu, reprocha-t-elle.
— C’est vrai qu’il était dévoué… commenta Karl, évasif.
— Bien plus dévot que toi. Si tu n’arrives pas à convaincre ton père de m’emmener à Edelsteen, tu pourras faire vœux d’abstinence jusqu’à ton retour. »

Son mari la regarda d’un air piteux.

« Mais après, je comprends parfaitement que tu préfères t’enfermer dans cette tour à apprendre à ce macaque roux comment faire des additions au lieu de tenir à cœur les intérêts de ta propre famille.
— Chimène est une gentille fille, se rebiffa Karl, choqué.
— Et ce n’est pas elle qui va m’aider à aller à Edelsteen !
— Ni moi. » trancha Karl.

La colère se lisait à présent dans ses yeux verts. Sans ajouter mot, il se détourna et regagna la grande salle. Domitille soupira et alla sur les remparts. Une vaste étendue noircie faisait comme une grosse croûte sur le sol, là où le feu avait ravagé le champ. La dernière trace de Charles Millepertuis. Cette manœuvre décisive avait permis aux troupes de Cenelle de mettre en déroute la soldatesque du félon Jules Hellébore, ainsi que les forces d’Ebroïn.

Les prémices de l’hiver s’installaient doucement et chaque matin le monde se recouvrait d’un manteau blanc qui pleurait au soleil avant de disparaitre pour la journée. Domitille rajusta sa pelisse et demanda une haquenée aux écuries. Une balade à cheval lui occuperait l’esprit. Tandis que les palefreniers harnachaient son cheval, elle alla quérir une coupe de vin chaud aux cuisines. La dame de Cenelle profitait de la chaleur du breuvage à travers ses gants quand un homme, vêtu d’une broigne en cuir zinzolin qui grinçait s’inclina face à elle.

« Ma dame, quel plaisir de vous voir ce matin ! »

Bien que Domitille l’ait déjà vu s’évertuer à suivre son père comme l’aurait fait n’importe quel valet, il lui était impossible de mettre un nom sur son visage. Elle ne lui rendit pas la révérence.

« Je crois que je n’ai pas eu l’occasion de connaitre votre nom ?
— Je suis Hyacinthe, de la maison Hyacinthe de Croix-Mont. Je suis sergent des armées et intendant de Cenelle.
— J’ignorais que nous avions un nouvel intendant. » répondit Domitille, évasive, tout en prenant une gorgée de son vin.

Les sourcils du gus dansèrent la gigue, témoignant de son embarras.

« C’est que… c’est tout récent, et sauf votre respect, vous n’avez pas beaucoup quitté le donjon ces derniers temps. C’est pour cela que je me réjouis de vous voir ici dans le château, vous y ajoutez une touche de gaité. »

Pour sûr, Cenelle paraissait désert en dépit des foules de paysans qui ennuyaient son père chaque matin. Autrefois, l’on pouvait entendre les deux sœurs benjamines de Domitille piailler gaiment, poursuivies par leur grand frère Martin dans la cour, ou bien la quintaine qui claquait lorsque son cousin Charles la courrait. Cenelle était maintenant un lieu peuplé de fantômes. La quenouille de sa mère n’avait pas bougé depuis son suicide. La bobine de fil restait en place, attendant que quelqu’un vienne terminer son œuvre.

Domitille regarda Hyacinthe. Ses yeux gris pâle lui semblaient tout aussi morts que le château. Elle lui rendit un sourire vide, en toute politesse.

« Je me plais à dire, madame, que vous n’avez nul besoin de fioritures, et que seul l’éclat de votre rire estompe toutes les parures.
— Merci. »

Le maître des écuries mit fin à son calvaire en lui apportant son cheval. Alors qu’elle enfourchait la jument, Hyacinthe crut bon de prendre la parole.

« Madame, allez-vous faire un tour à cheval ?
— De toute évidence, répondit-elle, agacée.
— Laissez-moi vous accompagner, cela serait plus prudent, proposa le coquebert.
— Je ne tiens pas à vous avoir pour compagnie. » siffla-elle sèchement.

D’une pression de talon, Domitille mit son cheval au pas. Hyacinthe lui enchaina la marche.

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
22 septembre 2016 à 17:22:20

« Permettez que j’aille mander quelqu’un, dans ce cas.
— J’irai seule, insista-t-elle.
— Que je prévienne au moins votre père, persista-t-il.
— Non, le retint Domitille. Finalement, vous pouvez m’accompagner. »

Comme l’intendant s’apprêtait à entrer dans l’écurie, Domitille le héla :

« Non, vous irez à pied et tiendrez ma bride. »

Hyacinthe revint en trottinant vers la cavalière et saisit les rênes tendues. Ils quittèrent Cenelle sous la grisaille.

« Où voudriez-vous vous rendre ? s’enquit le valet.
— Au lac lacté. »
Elle n’avait pas encore visité le lieu où sa mère s’était donné la mort. Le départ de tous ses êtres chers avait été si brutal qu’elle ne parvenait pas encore à ressentir le côté définitif de leur décès.

« Connaissais-tu mon cousin, Charles Millepertuis ? demanda Domitille, brisant le silence.
— Pas personnellement, Madame, mais nul doute qu’il combattit avec courage.
— J’ignore comment il passa de vie à trépas, l’aurais-tu appris ?
— Je regrette, Madame, mais je n’en sais rien.
— Arrange toi pour le savoir la prochaine fois.
— Assurément, Madame. »

Des plaques de givres subsistaient à l’ombre des arbres. Les derniers millepertuis d’octobre commençaient à se dégarnir de leurs parures dorées.

« Hyacinthe, cueilles moi quelques-unes de ces fleurs. »

L’intendant s’exécuta, rendant les rênes à la cavalière. Domitille ne se préoccupa pas de savoir si le jeune homme la suivait, et elle s’enfonça dans le Bois-aux-Satyres. Les premières statues des hommes-bouc lui apparurent. Certains semblaient accueillants, de vastes sourires n’aspirant qu’à la fête, sculptés sur leurs visages bestiaux. D’autres paraissaient hostiles, d’énormes masses d’armes et autres gourdins en main, canines sorties.

En contrebas, le lac lacté dormait paisiblement, sans que la moindre ondée ne perturbe sa surface de nacre. Domitille laissa brouter le cheval et mit pied à terre. Elle souleva sa robe afin qu’elle n’accroche pas les ronces. Sitôt Hyacinthe la rejoindrait avec les millepertuis, elle les lancerait au lac pour sa mère. Iseut Millepertuis aurait été touchée par son cadeau. Les feuilles mortes qui craquaient trahirent l’approche de quelqu’un.

« Hyacinthe, as-tu mes fleurs ? » s’enquit Domitille.

Comme elle n’obtenait pas de réponse, elle se retourna, irritée. Aucune trace du valet maladroit. À sa place se tenait un petit homme mafflu, courtaud aux grands yeux verts.

« Qui êtes-vous ?
— Je m’appelle Hyppolite. Je suis un ami de votre père. »

Ses cheveux en bataille d’un brun rougeâtre exhalaient une odeur de sciure.

« Il ne m’a jamais parlé de vous.
— Cela vous parait-il important que votre père connaisse un sculpteur de chèvre du nom d’Hyppolite ? »

Domitille fit la moue. Visiblement, non.
« Que faites-vous en ce lieu ? demanda-t-elle avec suspicion.
— C’est ici que j’habite, et vous ?
— Ma mère est morte céans. » rouscailla-t-elle sur la défensive.
La mine du sculpteur n’afficha nul signe de contrition, comme l’aurait voulu le protocole.
« Je sais, j’étais avec elle, annonça-t-il.
— Et vous n’avez rien fait ? se scandalisa-t-elle.
— Non, à l’instar des seigneurs Edmond Aubépine et Alexander Wiern.
— Mais pourquoi ? » se frustra-t-elle.

Quelque chose n’allait pas. D’ordinaire, elle aurait sauté au cou du petit homme. Elle sentait son indignation grandir en elle. Quant à la colère, elle n’en percevait point de traces. Elle était comme engluée dans une torpeur qui lui atténuait ses mauvaises pensées. De même, une chaleur étrange se propageait dans son cœur, lui enivrant ses sens.

« Il était temps pour elle d’alimenter l’horloge de Mithar.
— Mithar n’avait-il pas eut assez d’âmes pour son horloge ? Tous ces morts, la bataille ! »
Hyppolite la regarda d’un air triste. Une lueur dorée brillait dans ses yeux verts quand il attrapa doucement les deux mains jointes de Domitille.

« Le dieu Mithar se doit de récolter les âmes de ses enfants le temps venu, afin que son horloge continue d’avancer. »

Il s’éloigna de la dame de Cenelle et s’approcha d’un petit filet d’eau qui ruisselait vers le lac en aval.

« Ce ruisseau est pareil à l’horloge de Mithar. » dit-il en s’agenouillant sur sa berge. D’une grande poussée de bras, il obstrua le courant avec des pierres et des branches. L’eau se mit à déferler hors du lit.

« Il ne peut contrôler les débordements des hommes. Il ne croit pas à la destinée, il veut que chacun puisse disposer de son libre arbitre. Il a délaissé la responsabilité de faire perdurer le genre humain aux humains.
— J’ai toujours vu la mort comme un vide immense, ou rien ne peut être ressenti.
— C’est ce qu’est la mort, mon enfant.
— La vie me semble bien amère. De savoir que tout ça est vain, que la mort viendra quand même quoi que l’on fasse.
— La mort est nécessaire. Si plus personne ne venait alimenter l’horloge de Mithar, alors le temps se figerait pour l’éternité, et tout ce qui a existé disparaitrait. »

Le ciel commença à pleurer un fin crachin.

« Saviez-vous que votre père vient souvent par ici ?
— Mon père chasse, boit et fornique. Que viendrait-il faire par ici ?
— Il ne vous l’a jamais dit ? » s’étonna Hyppolite.

Domitille fronça les sourcils. Edmond n’avait pas coutume d’être cachotier. Deux branches de sapin s’écartèrent, sans que la jeune femme ne sache si Hyppolite était intervenu.

Deux faunes de pierre portaient avec un air d’extase une fillette dans leurs bras.

« Voici ta tante, Domitille Aubépine. »

La nièce de la défunte s’en approcha et porta son regard sur la roche ciselée.

« Je pensais qu’elle reposait dans la crypte de l’horlogerie.
— Cela apaise Edmond de venir ici. »

Un brouillard embrumait l’esprit de Domitille.

« Je me sens fiévreuse... Je dois y aller, où est Hyacinthe ? s’inquiéta-t-elle.
— Je lui ai demandé d’attendre, le voici. »

Hyacinthe arriva alors, la jument et bouquet en main.

« Vous êtes un ami de mon père, vous dites ? demanda-t-elle, circonspecte. Je ne pense pas que vous soyez son genre.
— Vous êtes très perspicace, Domitille. Peut-être trop pour votre bien. »

Alors que la dame de Cenelle quittait la forêt et que sa langueur se dissipait, elle frissonna. Ses yeux lui avaient-ils joué un tour ? N’avait-elle pas vu cette statue lui sourire ?

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
24 septembre 2016 à 21:54:27

Merci pour ta lecture !

Tu parles de dialogues en particulier avec deux personnages ou en général ?

La teinte du cuir toussa :hap: en plus le colorant zinzolin ca vient de je ne sais quel céréale lambda donc bon :hap: c de la fantasy :hap:

Message édité le 24 septembre 2016 à 21:55:32 par LePerenolonch
LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
24 septembre 2016 à 22:37:18

Ah c'est un violet rougeâtre :hap:

Après pour le dialogue je voulais faire un truc vachement formel entre Domitille et Hyacinthe vu que Hyacinthe fait son faillot et Domitille veut pas trop lui parler mais elle doit rester courtoise vu que c'est une dame :hap:

HelpingFR HelpingFR
MP
Niveau 25
25 septembre 2016 à 11:24:13

J'ai lu le premier chapitre :oui:

J'aime bien, tu explore enfin ces Vangeld que tu n'as que teasé au début du tome 1 :hap:
Je rejoins Taz sur le fait qu'on s'attache pas au duo Karel/Justinien, ça fait limite "résumé" de relation, ce qui est dommage :oui:
Je devrais pas tarder à lire le reste :hap:

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
25 septembre 2016 à 11:39:19

Et dans le chapitre 17 ! :hap:

Merci beaucoup pour ta lecture ! Je vais sûrement rajouter des trucs sur le duo dans la réécriture mais en fait je pensais faire court juste pour dire d'ou venait justinien parce que c'est des évènements passés mais si ça intéresse du monde alors je vais développer plus que ça :hap:

Negatum- Negatum-
MP
Niveau 10
29 septembre 2016 à 10:12:32

Bon, je vais essayer de bien piger et j’espère ne pas trop me gourer.

Justinien
Alors, j’aime bien l’idée que tu commences par un apothicaire, et que tu développes un peu cette histoire. Je trouve ça aussi très bien que tu prennes le temps de décrire le temps long : le problème des textes chorales étant qu’ils se déroulent souvent sur des périodes courtes, c’est intéressant, même pour une introduction, que ça se déroule ainsi.
Les autres ont dit que c’était un peu cliché, mais je rejoint Taz sur le fait que c’est à mon avis plutôt sous développé. Il y a, dans le personnage et dans le récit de son parcours, beaucoup de potentiel : On imagine qu’il est devenu extrêmement orgueilleux, qu’il s’est entiché des belles vitrines ou il était exclu, qu’il s’est éloigné de son idée quand il était apothicaire, et que le fait qu’il soit viré le ramène sur l’obsession Vangeld. Je sais pas si je surinterprète, mais tu suis un personnage pendant sept ou huit ans, ça me parait plus important que la page et demie consacrée à ce qu’il ramasse.
Parce que si ce qu’on imagine est cool, ce que tu montres est en effet un peu… j’irais pas jusqu’à dire cliché, mais en tout cas ça manque de caractérisation. C’est trop neutre.

Adrian
Alors, après avoir lu la première page, j’en viens à trois possibilités.
De un, pour comprendre ce pataqués faut avoir lu le premier tome.
De deux ,je suis très con et je n’ai pas l’habitude de la Fantasy.
De trois, il y a un souci dans l’exposition.
C’est probablement un peu des trois mais c’est vrai que aaarf, c’est compliqué à suivre.
Contrairement à Brad, c’est vrai que moi, Lucian Wern et tout ça, ils font trois lignes d’exposition dans le bordel, donc je vais suivre au contraire le truc que je comprends, c’est-à-dire avec Bécasse. Et pour moi y a quelques soucis.
Je vais passer un peu vite sur ce point, mais j’ai du mal à avaler le fait que les seigneurs organisent des partouzes consentantes avec les servantes dans leurs châteaux. Certes, je ne connais pas nécessairement les règles de ton univers, mais ça me parait très peu probable que ce soit quelque chose de répandu : la sexualité n’est pas aussi libre qu’aujourd’hui, c’est pour cela que les bordels avaient un intérêt. Je ne peux pas m’empêcher d’être un peu mal à l’aise par rapport à l’évidence que « tout le monde prend du bon temps », parce qu’anyway, toutes des salopes, et si elles tombent enceinte, elles diront que c’est un gars de la ville.
Ensuite, Bécasse. Bon, déjà, tu n’indiques nulle part que c’est son surnom, et j’ai du mal à imaginer des parents appeler sérieusement leur fille comme ça. Deuxièmement, la seule théorie qui me semble tenir un peu la route quant à son comportement, c’est qu’elle s’est sentie vexée par Adrian et qu’elle a décidée de se faire satisfaire par Lucien, ce qui me semble… peu crédible, de ce qu’on connait de son tempérament. Un peu toujours pareil, il y aurait moyen que ça sonne juste, mais j’ai du mal à y croire.
La réaction d’Adrian est assez similaire. Finalement, ça dure deux secondes et puis c’est tout. On repart direct sur le tournoi, et sur ce que j’imagine être la conséquence, la mort de Lucian. Donc là aussi, ou bien l’histoire avec Bécasse a/ avait une importance cruciale pour le personnage, et on prend encore plus de temps à comprendre ses réactions et ce qu’il pense (ce passage souffre un peu de la même chose que pour celui avec Justinien, j’y reviendrais plus tard), ou on s’en fout et dans ce cas… on s’en fout, Bécasse dégage.
Je ne suis pas nécessairement Brad sur la longueur du tournoi, parce que finalement, c’est une joute, c’est fait pour être extrêmement rapide.

Chapitre III :
Mon préféré, dans une certaine mesure, mais il s’agit d’avantage d’un truc un peu mystérieux sur Hyppolite. J’ai bien plus préféré la seconde partie que la première et… bah, je retourne au commentaire principal.

Alors, que penser de ces trois premiers chapitres ?
Le truc, c’est que le texte est objectivement très bon, et ça se voit peu dans mes commentaires, probablement parce que c’est le genre de texte envers lequel j’ai personnellement du mal. On va essayer de détricoter tout ça.
Le principal problème que j’ai avec le texte se joue plutôt en termes narratifs ; alors que tu mets une narration interne, justifiée par le nom des personnages au début de chaque chapitre, je ressens une sacré distance entre ce qui se passe dans le bouquin et ce que je suis censé ressentir. C’est liée en partie à deux choses qui ne sont pas sous ton contrôle, le fait que je pige absolument que dalle à la grande histoire et l’emprunt à un vieux français traduit. Mais ça peut être optimisé.
Par exemple, pour le style. Déjà, bravo, parce que c’est un exercice de style très compliqué que d’utiliser un tel vocabulaire et un tel genre pendant des textes aussi long, d’autant plus qu’il est techniquement irréprochable (pas remarqué de répétitions). Mais je trouve que l’emploi de tournures frôle parfois d’avantage la démonstration de force qu’elle ne sert l’histoire… Arf, je vais essayer de trouver un exemple.

Du ciel d’un bleu cobalt déferlait des spirales de flocons argentés. Justinien rabattit le capuchon de sa cape sur son crâne malingre. Il venait tout juste de soulager un nourrisson de sa colique. Après un sourire forcé, il avait quitté cette mère qui pleurait des larmes de gratitude maintenant que son marmot était de nouveau en mesure de déféquer. Sous ses poulaines, la neige formait un agglomérat sale et grisâtre, presque aqueux. Sa carnation de gypse virait au vermeille sous la morsure du froid et il enfila maladroitement ses gants sur ses doigts engourdis.

Qu’est-ce qu’on dit à ce moment-là ? Globalement rien, enfin si, il y a de la neige, c’est le point important ; j’imagine que la colique est ici donnée pour faire un sentiment de réalisme, mais elle est mal employée, parce qu’il fallait soit plus insister. Surtout, le paragraphe permet de donner une idée de ce que Justinien pense. Le style devrait aider à ce moment-là. Or, il est ici mit au service d’une description (talentueuse, je ne dis pas) des mains, des crânes, de la colique et de la neige qui, pour être intéressant, sépare grandement du personnage, parce qu’à moins que j’ai loupé une symbolique ici, on aurait pu avoir cette description à n’importe quel moment de sa vie.
J’espère être clair, j’ai l’impression de ne pas l’être du tout.

Bon, suivant, l’histoire. Là ça devrait être plus facile. L’un des problèmes se situe à mon avis, comme je l’ai dit précedemment, dans la description des sentiments. Tout est beaucoup trop narratif, cinématographique presque. Je noterais aussi le fait qu’il y a un trop grand détachement des personnages par rapport aux loooongs passages d’exposition, mais je m’aventurerais moins sur ce chemin, parce qu’encore une fois, je m’y connais peu.

Voilou voilou, c’est à peu près tout ce que j’avais à dire. En gros, c’est un bon texte, mais je trouve qu’il y a encore trop de distance avec les personnages. C’est vrai que c’est en partie personnel, vu que je préfére l’intensité à la complexité, mais bon, je pense qu’il est possible de faire les deux.

Pour être honnête, je pense que je ne lirais pas la suite avant que je me réserve une semaine de boulot pour lire et commenter la marque. Mais bon courage.

LePerenolonch LePerenolonch
MP
Niveau 10
29 septembre 2016 à 16:58:19

Salut Neg,

Je suis content que tu aies pris le temps de me lire, parce que d’après ce que j’ai lu de tes commentaires sur d’autres textes, on a une façon de voir les choses assez différente, ça ne peut être qu’enrichissant.

Les autres ont dit que c’était un peu cliché, mais je rejoins Taz sur le fait que c’est à mon avis plutôt sous développé. Il y a, dans le personnage et dans le récit de son parcours, beaucoup de potentiel : On imagine qu’il est devenu extrêmement orgueilleux, qu’il s’est entiché des belles vitrines ou il était exclu, qu’il s’est éloigné de son idée quand il était apothicaire, et que le fait qu’il soit viré le ramène sur l’obsession Vangeld. Je sais pas si je surinterprète, mais tu suis un personnage pendant sept ou huit ans, ça me parait plus important que la page et demie consacrée à ce qu’il ramasse.

Oui, j’ai prévu de redévelopper ça, au départ quand j’ai écrit je voulais vraiment dire qu’il ne sortait pas de nulle part, mais il y a un potentiel à en retirer, en effet.
Quand tu parles de « ce qu’il ramasse », j’ai une vague idée de ce que tu veux dire mais… quoi exactement ?

Adrian

Alors, après avoir lu la première page, j’en viens à trois possibilités.
De un, pour comprendre ce pataqués faut avoir lu le premier tome.
De deux ,je suis très con et je n’ai pas l’habitude de la Fantasy.
De trois, il y a un souci dans l’exposition.

La réponse D ? Je dirais un peu des trois.

C’est probablement un peu des trois mais c’est vrai que aaarf, c’est compliqué à suivre.

Contrairement à Brad, c’est vrai que moi, Lucian Wern et tout ça, ils font trois lignes d’exposition dans le bordel, donc je vais suivre au contraire le truc que je comprends, c’est-à-dire avec Bécasse. Et pour moi y a quelques soucis.

Lucian Wiern et compagnie sont de nouveaux personnages comme Adrian d’ailleurs (il a le droit à une brève apparition dans le tome 1 mais rien de transcendant).

Je vais passer un peu vite sur ce point, mais j’ai du mal à avaler le fait que les seigneurs organisent des partouzes consentantes avec les servantes dans leurs châteaux.

Certes, je ne connais pas nécessairement les règles de ton univers, mais ça me parait très peu probable que ce soit quelque chose de répandu : la sexualité n’est pas aussi libre qu’aujourd’hui, c’est pour cela que les bordels avaient un intérêt.

Ouais, l’étendue de la « partouze » est pas énorme en fait. C’est de l’œil d’Adrian, il croit avoir vu ça, il a pas analysé en détail les 2-3 mecs qui se faisaient plaisir. Justement au départ il pensait qu’ils allaient faire une descente au bordel, il ne s’attendait pas du tout à découvrir cette scène.

Je ne peux pas m’empêcher d’être un peu mal à l’aise par rapport à l’évidence que « tout le monde prend du bon temps », parce qu’anyway, toutes des salopes, et si elles tombent enceinte, elles diront que c’est un gars de la ville.

Ça rejoint ce que je disais au-dessus, en fait c’est vraiment du point de vue d’Adrian.

Ensuite, Bécasse. Bon, déjà, tu n’indiques nulle part que c’est son surnom, et j’ai du mal à imaginer des parents appeler sérieusement leur fille comme ça. Deuxièmement, la seule théorie qui me semble tenir un peu la route quant à son comportement, c’est qu’elle s’est sentie vexée par Adrian et qu’elle a décidée de se faire satisfaire par Lucien, ce qui me semble… peu crédible, de ce qu’on connait de son tempérament. Un peu toujours pareil, il y aurait moyen que ça sonne juste, mais j’ai du mal à y croire.

Hmm je ne sais pas quoi répondre à ça… en fait :hap: Sinon je pensais pas utile de dire qu’elle a vraiment un autre nom, mais si ça choque …

La réaction d’Adrian est assez similaire. Finalement, ça dure deux secondes et puis c’est tout. On repart direct sur le tournoi, et sur ce que j’imagine être la conséquence, la mort de Lucian.

J’ai pas trop l’impression d’avoir bâclé sa réaction, mais j’avais pas envie non plus de partir sur des lignes et des lignes sur : la trahison amoureuse c’est pas bien, je suis triste olala. Surtout que c’est une fatalité inévitable, l’amour entre Bécasse et Adrian était impossible de par les valeurs d’Adrian et de leurs situations sociales.

Alors, que penser de ces trois premiers chapitres ?

Le truc, c’est que le texte est objectivement très bon, et ça se voit peu dans mes commentaires, probablement parce que c’est le genre de texte envers lequel j’ai personnellement du mal. On va essayer de détricoter tout ça.

Merci beaucoup encore une fois. Il est vrai que ça me tient particulièrement à cœur d’écrire avec ce style, parce que je trouve ça beau, et ça me fait plaisir de voir tous ces mots un peu hors du commun en vie, je te rassure, mon langage à l’oral est très familier (voir péquenaud :hap: ) :noel:

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