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Sujet : [SF][Roman] Vertige Stellaire

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MP
Niveau 10
11 septembre 2017 à 14:47:49

PARTIE II.

14.

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MP
Niveau 10
11 septembre 2017 à 14:48:23

Lorsqu'il entra dans le bureau privé du Commandus Magnus, Flinn ne s'était pas fait annoncé. Il y retrouva Gregor, accompagné de son fils puîné, et visiblement en grande discussion. Et tandis que le Naneyë comprenait l'impolitesse de son geste, Gregor renvoyait Aodh avec discrétion. Flinn lui adressa un salut de tête aussi discret que possible, bien qu'empreint d'un sincère respect. Cette attitude fit sourire Gregor, avant qu'il ne retrouve son sérieux.

— Je te croyais plus à cheval sur le protocole, commença-t-il. Mais, cela n'a pas d'importance, je suis ravi de voir que tu te portes bien. Je suppose que tu ne viens pas ici pour tenir une conversation de salon. ?
— Maître, veuillez excuser ma maladresse, mais certains événement doivent être porté à vos oreilles.
— Ah oui ? Et lesquels ?

Flinn raconta la découverte de Viltis, puis la clef de donné, le message, et enfin l'entretien qu'il venait d'avoir avec Cyrill. Ces informations laissaient Gregor perplexe. Flinn avait observé, comme une conséquence involontaire, son visage se plisser de rides et d'expression qu'il n'aimait pas particulièrement voir. Si le Commandus Magnus vieillissait, il n'en restait pas moins un redoutable tacticien et un fin politique, mais le poids de l'âge commençait à user ses manières. Il n'agissait plus avec le même panache ni la même fougue. Lorsqu'il avait connu le chef militaire, Flinn l'avait vu plus réactif. Il craignait que cette lenteur ne vienne fragiliser sa position.

— Laisse faire, conclut Gregor. Que Cyrill s'occupe de Guilhem est plutôt une bonne chose. Ça lui évitera de lorgner sur ce garçon...
— Mais, maître … Cyrill va finir par savoir que nous avons découvert ses manœuvres.
— Je sais. Et nous allons aimablement lui couper l'herbe sous le pied.
— Mais … Comment ?
— L'acte de dissolution de la Sainte Cléricature est dans les tiroirs depuis quelques semaines. Naturellement, j'aurais préféré attendre le plus longtemps possible, mais le cas de Cyrill me révèle ce que je crains depuis le début. Ma position ne me rend plus intouchable, et de ce fait, laisse toute tentative de modernisation devenir hasardeuse. En faisant disparaître l'Inquisition, cela nous laisse le temps de nous réorganiser, et surtout de voir quels seront nos éventuels alliés. Je ne sais pas ce que ferra Cyrill, bien qu'il soit avisé de certaines affaires me concernant qui soient relativement compromettante, mais il ne serait pas assez stupide pour s'en servir maintenant. Il n'obtiendrait qu'une guerre civile.
— Et Guilhem ?
— Je lui prépare une place de choix dans cette construction. Il est toujours assigné à résidence ?
— Toujours.
— Alors la chose n'en sera que plus facile. Flinn, préviens le simplement qu'il est autorisé à revenir au Palais. J'informe Cyrill de ma décision pour qu'il garde ce trublion sous son aile.
— N'y a-t-il pas un risque qu'il fanatise un peu plus Guilhem ?
— C'est un risque à prendre. Mais si ce risque nous permet d'apporter quelques réformes...
— Très bien.
— Je veux que tu te charges d'informer Guilhem de sa mission. J'espère que tu n'y vois aucun inconvénient.
— Non, aucun, maître. En revanche, je me questionne sur ce que je devrais lui dire.
— Il nettoiera l'Inquisition des traîtres et des fêlons. Nous avions déjà parlé de son rôle futur … Je veux que tout ceci se mette en place.
— Mais, maître … Le garçon qui vient d'arriver va me demander beaucoup de temps et d’attention...
— C'est pour cela que je veux que tu te charges de l’annonce, et de rien de plus. Quant à moi, je le recevrai dès qu'il arrivera.
— Très bien.

Soulagé, Flinn quitta le bureau. En revanche, son mauvais pressentiment ne s'était pas totalement envolé. Quelque chose d’impalpable continuait d'embaumer l'air d'un parfum désagréable. Un goût amer coulait dans sa bouche. Le poison du doute était plus persistant qu'il ne l'aurait voulu.

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MP
Niveau 10
11 septembre 2017 à 14:51:54

La première chose qui frappa l'inquisiteur lorsqu'il se son ancien apprenti sur la projection holo, ce fut la mine sévère et la bouche pincée qui tirait son visage en lourd plis. Ses mâchoires contractées créaient un contrepoint à l'esthétique intéressante, presque anatomique.

— Maître, murmura-t-il dans un souffle, glacial

Flinn secoua la tête. Guilhem savait ce qui l'attendait, bien entendu. La seule chose souhaitable était que le jeune homme ne se dérobe pas à cette mission. Qu'une once de peur vienne à le déstabiliser. Il souhaitait que cela n'arrive pas.

— Maître, répéta Guilhem.
— Il n'y a plus de maître ni de disciple, Guilhem. Tout ceci est terminé.

La tension mobilisa à nouveau les traits du jeune homme. Flinn avait bien conscience de jouer une manche très serrée dans un jeu habile et délicat. Peser ses mots ne serait pas un luxe, mais la première des nécessités.

— Que s'est-il passé, maître ?

Flinn aurait voulu le reprendre, lui répéter qu'il n'y avait plus de liens d’apprentissages entre eux. Il s'en abstint, laissant passer un temps de silence dans la conversation. Il en profita pour s'asseoir et adresser un sourire triste à son interlocuteur.

— Beaucoup de choses.
— Une réponse facile, maître... Au moins, vous n'avez pas changé, vous.

Un sourire était passé comme un fugitif en cavale sur le visage de Guilhem. Quelque chose se brisa dans sa voix.

– Si vous me laissez vous expliquer...
— Il n'y a rien à expliquer. Le Commandus Magnus a statué sur ton cas, et je me suis entretenu avec le Major Beik.
— Maître, gémit le jeune homme dans un souffle.
— Je n'aime pas avoir à dire ce genre de chose, mais il est temps de grandir et de devenir un homme, Guilhem. .
— Je regrette tellement de devoir vous quitter...
— Ne me fais pas avaler tes salamalecs. Tu ne regrettes absolument rien, sinon ta liberté. Et la seule chose qui te fait ressentir un peu de souffrance, c'est la sanction qui te menace directement.
— Comment pouvez-vous dire de telles horreurs, maître ?
— Il n'y a plus de maître ni de disciple, Guilhem, siffla le Noble Clerc. Je pourrais te tuer sans que personne ne réagisse. Je serais même cité pour avoir débarrassé la Confédération d'un félon. La voilà, la vérité.

Guilhem blêmit.

— Maître, pitié...
— Plus de théâtre. Sinon je mets ma menace à exécution.

Le regard appuyé et la voix nette de Flinn encouragèrent le jeune homme à penser qu'il ne mentait pas.

— Calme ?

Guilhem hocha la tête.

— Bon. Puisque tu sembles un peu plus à même d'écouter, autant ne pas perdre de temps.
— Oui.
— Crois-tu que nous aurions pris la peine de te renvoyer chez toi si nous t'avions dû te châtier sans que quelque chose d'autre nous motive ?
— Cela signifie-t-il que vous me laissez une chance ?
— Oui, Guilhem. Sois heureux que le Commandus Magnus t’ait laissé en pleine disposition de tes moyens. Mais ta conscience sera le butin d'une charge lourde. Et la seule option que te laisse un éventuel échec, tu le connais déjà...
— Une Conversion ?
— A ta place, j'aurais presque demandé à être converti...

Guilhem ravala bruyamment sa salive. Il ne pouvait qu'entrapercevoir la dureté de sa sanction si ce n'était pas l'effacement de son esprit. Un châtiment plus cruel ? La mort ne serait que trop douce... Il connaissait très bien l'arsenal répressif de la Sainte Cléricature. Il frissonna.

— Vous savez très bien, maître que je ne pourrais pas faire autre chose qu'accepter.
— Et que cette acceptation sera pleine et entière. Que les règles du jeu ne te seront pas favorables. Et qu'il ne te sera pas permis de t'échapper, ni de te faire oublier.
— Un choix parfaitement équitable...
— Ce n'est pas le moment d'être cynique, Guilhem.
— C'est pourtant tout ce qu'il me semble me rester. Un avenir cynique.
— Tu as l'occasion de te racheter, Guilhem. Tu es un être vif, adroit, particulièrement malin. Tu ne manques pas de courage non plus, d'une certaine façon, même si ce courage se déguise parfois en honneur très mal placé.
— Et si vous en veniez au cœur du problème au lieu de me flatter pour mieux me retourner, maître ?

Flinn soupira, amusé.

— Brillant, oui. Et fin psychologue.
— C'est très amusant d'entendre ça dans la bouche de quelqu'un qui n'est pas né sur Terre. Cela sonne étrangement.
— Et pourquoi donc ?

Le jeune homme balaya la remarque d'une main distraite.

— Vous ne comprendriez pas. Expliquez-moi plutôt quelle est cette fameuse mission qui ne sembla pas me laisser tant de choix que ça...

Le Naneyë détourna son regard, activa une boucle secondaire de l'holovid', laissant apparaître les visages de deux individus que Guilhem ne connaissait que de vu. Un visage rond, presque lourd, flétri et vieillissant qui embaumait de l'honneur des hommes trop fiers, trop droits. Le second, tout aussi raide, affichait les caractéristiques communes d'un cyborg dans la force de l'âge. Traits durs, regard atone, implants imposants, immanquables.

— Le Commandant Entor et son aide de camp personnel, le Noble Clerfc Lantier. Entor était le supérieur direct du Major Beik, ce qui te donne une idée de son importance au sein de l’institution.
— J'en avais déjà entendu parler, mais merci pour le petit rappel didactique, professeur.

Flinn ne nota pas la remarque, et poursuivit.

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MP
Niveau 10
11 septembre 2017 à 14:52:57

— Le Commandus Magnus les a destitués voilà une dizaine de jours.
— Pour quel motif ?
— Haute trahison, blasphème et insubordination. Le Commandant Entor a été soumis à la Magna Mechanica, le Noble Clerc Lantier à la Question, puis converti. Ils croupissent dans des geôles du Palais, et sont régulièrement interrogés.
— Je croyais qu'il était inutile d'interroger des prisonniers convertis... Que leur mémoire été altéré par le processus...
— Souviens toi que tu n'étais pas encore inquisiteur, Guilhem, répliqua Flinn. Certains secrets te seront interdits tant que tu n'auras pas réintégré le corps clérical.

Les images devinrent floues, puis disparurent. Le Noble Clerc atteignit son aug', et fixa à nouveau son ancien élève.

— Le Commandant Entor menaçait directement la stabilité de la Confédération. Il avait ourdi une conspiration visant à faire chuter le Commandus Magnus, ce qui aurait grandement fragilisé le Très Saint Magister, ainsi que toutes les tentatives de rapprochements entre les Saintes Corporations de la Confédération.
— Je serais très curieux de savoir comment il avait compté procéder.
— Ce que je dois te révéler est un sujet sensible. Comprends bien que si tu essayes de le divulguer, je m'occuperais personnellement de ton cas.
— Alors autant ne pas me le dire... C'est une faute stratégique, maître.
— Je n'ai pas le choix. Il est bien plus préférable que tu saches de quoi il en retourne de ma propre bouche plutôt qu'au cours d'un hypothétique échange avec l'une de tes futures cibles.
— Des cibles ?
— Concentrons-nous, Guilhem, veux-tu ?

Le blessé hocha la tête.

— Entor savait qui était indirectement à l'origine du suicide du Très Saint Magister Oddarick. Le corps de notre défunt maître avait été rapparié sur Terre avec le concours d'une frange de la Sainte Cléricature radicalisée et clairement opposée au Commandus Magnus.
— C'est plutôt une bonne nouvelle ?
— C'est notre Commandus Magnus qui est à l'origine de cette mort.
Guilhem ouvrit la bouche en une expression de surprise totale. Ses yeux ne trahissaient plus sa stupeur, mais le reste de son visage jouait à cet instant une scène qui hésitait entre le comique et l'inquiétant.
— C'est une plaisanterie, maître ?
— Je crains que non, Guilhem.
— Mais ce n'est pas le commandant Entor qu'il fallait mater... C'était le Commandus Magnus !
— D'un point de vue éthique, la situation pencherait effectivement en faveur d'Entor. Mais ce rat de parvenu n'en aurait tiré qu'une satisfaction personnelle, au mépris du plus grand nombre. Sans le Commandus Magnus, la Confédération s'effondre. C'est lui qui a donné le troisième Très Saint Magister, qui a œuvré pour le système assoit sa domination et soit mieux accepté. Et en ce qui te concerne, c'est lui qui suspend ta peine.
— Quelle consolation...
— Il serait très simple de le prendre à la légère.
— D'une certaine façon, n'est-ce pas ce que vous êtes en train de faire, maître ? N'êtes-vous pas en train de participer au dépeçage moral de la Confédération ?

Les traits de Flinn se durcirent.

— Entor n'avaient que des principes. C'était un parfait lâche. Une vermine qui pourrissait la Sainte Cléricature de l'intérieur. Sois certain que sa foi n'était qu'une façade, sans quoi il n'aurait jamais fait tant de difficulté.
— Tandis que le Commandus Magnus, en assassinant le Très Saint Magister Oddarick, serait un saint ?
— Tu n'as pas besoin d'en savoir plus, coupa d'un ton glacial l'inquisiteur.
— Ce qui vous arrange au passage.
— Je préférerais que tu ne poses pas de question et que tu écoutes. Je n'ai pas toute la journée.
— Oh, alors, dois-je en déduire que vous avez plus intéressant que moi ? Un nouvel apprenti sans doute ? Vous êtes rapides, maître.
— Il a huit ans. Il s'appelle Viltis. Et il est télékinète.

La réponse eut l’effet d'un soufflet sur l'arrogance de Guilhem. Il se tut.

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MP
Niveau 10
11 septembre 2017 à 14:54:27

— Le Très Saint Magister Oddarick devait mourir. Voilà tout ce que tu dois savoir. Les individus qui considèrent que sa succession n'est pas légitime sont un poison pour la Confédération et le culte du Dieu-Machine. Des traîtres. Des hérétiques. Ils sont dangereux car ils sont persuadés d'êtres les porteurs d'une vérité sacrée, vérité renforcée par le fait qu'ils n'ont pas été radiés de leurs postes. La plus grosses parties est composée de Noble Clerc en fonction.
— Il faut un jardinier pour retire la mauvaise herbe, n'est-ce-pas ?
— Étrange comparaison, mais ta conclusion est pertinente.
— Quelqu'un d'assez désespéré pour accepter une mission suicide. Car bien entendu, si je suis découvert, je n'aurais aucun soutien concernant cette histoire d'assassinat du Très Saint Magister Oddarick. D'une certaine façon, je suis la cible idéale. Jeune, talentueux, habile. Vous l'avez dit vous-même, maître.
— Encore une fois, je ne peux que te donner raison.

Guilhem sourit.

— Je vous croyais plus versé dans l'honneur que l'opportunisme.
— Étrange parole venant de la bouche d'un garçon comme toi.
— Je n'ai jamais trahi qui que ce soit.
— Et sans l'aide de la Confédération, tu serais mort à l'heure qu'il est. Pour mémoire, qui t'a sauvé la vie dernièrement ? Qui s'est abaissé à devoir s'incliner devant un capitaine des Saintes Armées. Un capitaine, Guilhem ! Tu sais ce que cela peut signifier pour moi ? Tu fanfaronnes et tu pérores comme un vainqueur, mais tu n'as au final rien à ajouter. Tu n'as même pas envie de faire tremper ta conscience dans ce genre de considération. Tu es trop malin pour ça.
— Vous saviez que j'accepterais, maître. Pourquoi jouer cette comédie ?
— Tu as failli mourir, et...

A nouveau Flinn soupira, comme vaincu par l'aveu qu'il s'apprêtait à délivrer.

— Je tiens à toi, Guilhem. Je tiens à toi parce que tu es véritablement brillant. Tout comme moi, tu as souffert. Tu sers une cause que tu ne désirais pas au départ. Pour ton bien et pour le bien de la Confédération, je me bats pour que tu continues à exercer tes talents.
— Des talents bien utiles...
— Tu es cruel, tu es avide. Tu es bourré d'honneur jusqu'au col. D'une certaine façon, tu es un être détestable. Mais tu es touchant aussi. Quand je t'ai vu aux prises avec ce capitaine, sur le Keller Lumen, je ne pouvais pas ignorer ce sentiment de perte et de peur à ton égard.
— Une déclaration d'amour, maître ? C'est si touchant, railla Guilhem.
— Je n'aurais pas d'enfants. J'ai corrompu mon génome au contact des artefacts cybernétiques. Mon statut au sein de mon peuple fait de moi un noble banni. C'est pour cela que mon père m'avait pris avec lui. Pour échapper à une vie terne et morne alors que j'avais des capacités. Tout comme toi.
— Touchante comparaison.
— Ne joues pas avec le feu, Guilhem.

Le jeune homme soupira. Pendant de longues minutes, aucun des deux parties ne parla, ni ne bougea. Un lourd silence pesait sur eux.

— J'accepte la mission. Je n'ai pas le choix de toute façon.
— Le Major Beik te recevra pour fixer les modalités, répondit Flinn, soulagé.
— Vous reverrais-je, maître ?
— C'est prévu.

Flinn se leva, s'apprêtant à ressortir.

— L'enfant de huit ans, maître. Il existe ?

Le Naneyë se retourna, fixa son ancien apprenti.

— Un don du Dieu-Machine.
— Il est intelligent ?
— Ce que je disais te concernant n'était pas un mensonge, Guilhem. Je n'ai jamais connu quelqu'un d'aussi brillant que toi.
— Merci, maître.

L'inquisiteur décida de ne pas ajouter mot, et coupa la communication.

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MP
Niveau 10
11 septembre 2017 à 14:54:51

Lorsque le holo s'activa, le major Cyrill Beik sentit que quelque chose de désagréable avait eu lieu. Il n'était pas en mesure de l'expliquer, pas plus qu'il n'aurait pu extrapoler sur la raison profonde qui venait d'activer l'appareil de communication de sa silencieuse léthargie. Il reposa le rapport sur lequel il travaillait, et autorisa l'holo à diffuse son message.
L'espace d'une poignée de seconde, la figure riche et grave de Très Saint Magister Siegfried demeura statique. L'homme, trentenaire, était engoncé dans la rutilance et l'apprêt de ses lourds attributs de cérémonies : armure d'apparat, orbe pendu au cou, holster accroché à la hanche et cape tombante où surgissait des cascades de pierreries. Le Très Saint Magister, habituellement homme discret et préférant une simplicité presque sommaire aux étalages que pouvait procurer sa position, ne s'affichait de cette manière que lorsque la situation le lui imposait. « Je n'aime pas ça », songea Cyrill.

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MP
Niveau 10
11 septembre 2017 à 14:55:28

« Aux peuples de la Terre et hors de la Terre, qui vivent sur les mondes que le Dieu-Machine nous a expressément confié, à tous les serviteurs de la Confédération, à mes soldats, à tous ceux qui ont fait de leur vie un exemple de dévotion, moi, Siegfried, Très Saint Magister de la Confédération, j'adresse mon salut. Le Dieu-Machine est reparu à l'un de mes serviteurs, pour lui annoncer la fin d'une ère et l'aube d'une nouvelle époque. De profonds changements auront lieu. Des changements durables, qui impliquent de la part de tous de la rigueur, de la sagesse, du discernement, et de l'ordre.
L'ordre de la Sainte Cléricature a agi pendant des décennies avec application, répandant la foi en notre Seigneur là où il fallait, tantôt charitable, tantôt impitoyable, mais toujours juste. L’Hérésie a quitté les mondes que nous connaissons. L’œuvre de cet ordre est immense, et nous lui devons tous la paix que nous connaissons aujourd'hui, et qui nous permet de servir plus ardemment le Dieu-Machine. Jamais la Confédération ne pourra être en mesure de dire combien elle est reconnaissante à tous les hommes qui ont œuvré dans cette organisation.
Néanmoins, le Dieu-Machine est venu visiter l'esprit d'un de ses serviteurs. Il lui a ordonné de faire le nécessaire pour assurer le progrès et la prospérité au sein de la Confédération, et de réformer les institutions vieillissantes. La paix étant désormais dans chaque foyer, il apparaît nécessaire de revoir le fonctionnement de nos instances. Aussi, moi, Siegfried, Très Saint Magister de la Confédération et premier serviteur de Dieu-Machine, en application des lois de notre Seigneur, je déclare solennellement la dissolution pleine et entière de l'ordre de la Sainte Cléricature. Les agents affiliés à celle-ci seront dans l'obligation physique et morale de remettre leurs autorisations auprès des autorités concernés. Les fidèles et les loyaux seront bénis. Mais si certains serviteurs de cet ordre devaient désobéir à cette règle, ils seraient sévèrement punis.
Dans un souci d’ordre, les décrets relatifs aux exercices de la Sainte Cléricature seront abrogés les uns après les autres, sur une durée large, afin de permettre la transition qui verra émerger une nouvelle collégialité, afin de propager le ministère de notre Seigneur.
Puisse le Dieu-Machine vous porter en Sa sainte garde ».

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MP
Niveau 10
11 septembre 2017 à 14:56:02

La projection cessa. Interloqué, Cyrill resta sans réagir. Comme le vent sourd qui s'apprêtait à balayer une plaine quelques instants avant une tempête, il eut la sensation que ses idées refluaient, avant de revenir charger sa logique. Il choisit de s'asseoir, croiser les mains devant son visage, y posa son menton.

« L'imbécile ». Il avait été stupide de croire que Gregor aurait réagi sans défiance. Il avait le pouvoir pour et avec lui. Il ne pouvait pas le lâcher aussi benoîtement. Il aurait été stupide pour le Commandus Magnus de renoncer à tout le confort que lui apportait la situation. L'ennui, pour Cyrill, c'est qu'il y avait cru. Il avait vraiment cru que Gregor serait honnête, mènerait sans à coup cette délicate transition, et lui donnerait son dû. En faisant agir Siegfried, Gregor déclenchait un véritable cataclysme dans lequel lui, Cyrill, serait emporté si jamais le pouvoir tombait. Aussi, le major comprit qu'il ne pourrait pas faire porter la charge du meurtre du Très Saint Magister Oddarick sur Gregor, au risque de briser tous ses rêves de grandeurs. Aussi honnête qu'il fût, il était conscient que maintenir une prise sur le pouvoir temporel était une aide précieuse pour servir ses idéaux. Et sans Gregor … Il aurait voulu fermer les yeux. Il se souvint qu'il n'en avait plus. Ce détail ranima le souvenir douloureux de la perte de son corps. Si Gregor n'avait pas fait le nécessaire, il serait mort. A cause de cela, il continuait de se sentir redevable. Il savait qu'il ne pourrait ni le tuer ni le faire tuer. Il devrait choisir une autre alternative.

Mettre de la distance. Choisir une retraite assumée, loin du pouvoir, afin de s'assurer un confort certain et une position stratégique, au-dessus de la mêlée. C'était là l'unique solution de bon sens. En se retirant doucement de la vie politique, il n'aurait pas besoin d'abjurer, de trahir ses engagements d'un côté comme de l'autre, et donc de se salir les mains. Cyrill avait appris à craindre toute brutalité avec le temps, et si le fanatisme de ses idées était intact depuis sa prime jeunesse, son mode d'action s'était adouci. Cette douceur policée lui assurerait donc une planche de salut honorable. Une façon élégante de ne plus se mêler de toute cette agitation, du moins en première ligne. Car il n'entendait pas non plus cesser toutes les petites activités peu licites qui le liaient à quelques groupuscules de l'Inquisition aussi dévoué que lui à une vision rude et sans concession de la foi. Il faudrait déléguer les missions les plus risquées à des épaules fraîches et vaillantes. Et cela, il était sûr de ne pas en manquer.

La figure de Guilhem lui revint en tête. Flinn l'abandonnerait, c'était une certitude. Il lui faudrait alors un mentor, un sage guide pour affermir ses valeurs et rendre plus acéré le mordant de son âme. Son étrange donc pourrait bien en faire un héros de l'ombre. Un héros en mal d'affection, d'honneur, condamné à rester invisible... Oui. Voilà que le Dieu-Machine poussait vers lui un lot de consolation plus que conséquent. A son service, Guilhem pourrait accomplir des miracles, et lui assurer la force et la rapidité dont il devrait se défaire. Cyrill savait que Gregor et Flinn manigançaient dans le dos du jeune homme. Ils comptaient en faire un fossoyeur contre l'éventuelle résistance de l'Inquisition. Aussi, le contacter serait une affaire délicate. Cela n'effrayait pas le vieil homme. « Bah, j'en aurais vu d'autres ».

La seule perspective de pouvoir transmettre ses valeurs le satisfaisait bien au-delà de toute considération politique.

Il aurait enfin un fils.

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MP
Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:25:46

PARTIE III.

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MP
Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:26:28

année 2167

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MP
Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:26:52

PARTIE III.

1.

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MP
Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:28:30

La chaleur moite étouffait la cohorte. Des dix officiers, seuls Livius et son aide de camp semblaient ne pas souffrir du climat torturé de la région. Le pas lourd, le regard ferme, ils avançaient d’un même rythme, et menaient le reste de la délégation. Livius jeta un coup d’œil sévère en arrière, et secoua la tête.

— Dois-je encore tenir le rôle d’exemple ?

Un capitaine d’une trentaine d’années, haletant, se présenta à sa suite.

— Monseigneur, acceptez nos excuses pour ne pas…
— Je me fiche de vos excuses, capitaine Dikx, coupa avec fraîcheur Livius. Tout ce qui m’importe, c’est d’être à l’heure pour la cérémonie.
— La distance…
— Deux kilomètres sur un astroport dégagé et vous êtes hors service, capitaine ? Vous me décevez.

L’officier soupira le plus discrètement possible, tandis que son supérieur s’éloignait en compagnie du lieutenant Lancaster. Il haïssait le visage rond et le regard sournois de celui qui prenait un malin plaisir à distiller ses ordres comme des piques verbales. Il ne comprenait pas le sens de la démarche, et cela ne faisait que gonfler sa colère. Il aurait rêvé d’effacer le petit sourire mesquin qui planait sur les lèvres de son supérieur, mais la simple vision de la silhouette du Colonel Livius Mac Mordan l’en dissuada. Servir auprès d’un tel homme, auréolé du prestige double de sa haute naissance et de ses exploits, constituait une récompense dont plus d’un soldat aurait rêvée. Le capitaine Dikx se ressaisit. Il ne pouvait pas envisager de décevoir cet homme.
La Terre représentait un mirage brumeux. Ici, sur Delta Pegasi Sixte, son souvenir n'évoquait dans le cœur des hommes que de simples images d'un passé si proche et si lointain à la fois. Livius s'attendait à trouver une faune et une flore plus exotique et plus grandiose que ce qu'il n'avait jamais connu. Les arbres flottants de la région équatoriale semblaient caresser les nuages. Les poissons-caravelles du super-océan global charriaient de véritables archipels de vie, leurs carcasses constituant un havre salutaire pour de nombreuses espèces. Enfin, le confetti de terres émergées concentrait tant de richesse minière que le pouvoir central n'aurait pu ignorer plus longtemps sans commettre une erreur stratégique.

Livius n'avait pas eu son mot à dire concernant cette affaire. Et même s'il avait eu à s'exprimer sur le sujet, sa position n'aurait pas évolué d'un iota vis à vis de ce qu'avait édicté le pouvoir central. Il était un membre émérite de la maison régnante. Il considérait sa place et sa fonction comme naturelles, et n'aurait à aucun moment envisagé de remettre en cause des décisions pris par son frère, le Très Magister Siegfried, ou l'un de ses hommes de confiances. Sa fidélité, voilà sans doute possible la plus belle qualité qui le qualifiait. Et c'était cette même fidélité qu'il l'avait conduit ici.

— Monseigneur ?

Lancaster était un homme d'âge mûr, une poire flétrie qui empestait de cette suffisance acre et pénible des officiers fiers, trop conscients des subtils efforts qui les avaient hissé à de tels rangs. Sa voix résonnait dans l'air trépidant comme un souffle lourd, pesé, où le ton de tenor contrebalançait habillement la netteté de chaque syllabe qui s'échappait de sa bouche. L'individu amassait tant de défauts que la réaction de haine qu’éprouvaient beaucoup de subalternes à son égard constituait une forme de politesse piquante, avec laquelle il avait appris à manœuvrer habillement. Égocentrique, rusé, violent, impoli et retors, il jouait avec chacun de ces traits de caractère pour seconder son maître. Livius l'avait recruté en temps qu'aide de camp, et ne s'était jamais plaint de ses services. Sensibles à la flatterie, le lieutenant rendait au centuple ce qu'il récupérait de compliments de la part de son supérieur.

— Oui, Horatio ?
— Monseigneur, peut-être devriez-vous écouter ces hommes...

Livius se fendit d'un sourire amusé.

— Je ne te croyais pas si amène avec les officiers qui nous accompagnent... Tu te relâches, Horatio. Ce n'est pas bon.
— Je préfère couvrir mes arrières, monseigneur.
— Tu as l'honnêteté de le reconnaître, c'est déjà ça.
— Je ne fais que vous servir, monseigneur, susurra le lieutenant.
— Alors fais-le en silence, veux-tu ? Nous aurons assez de discours lénifiant sur la base pionnière.
— Permettez-moi de vous dire que je vous trouve de très mauvais humeur, monseigneur.

Livius lui décocha un regard noir.

— Le contingent de cybernautes qui devait arriver hier aura plus d'une semaine de retard...
— Et c'est cela qui vous perturbe, monseigneur ?

Livius secoua la tête, et fixa la pince qui avait remplacé sa main gauche. Celle-ci claqua sèchement. Mécanisé depuis l'âge de vingt ans, comme ses trois frères, il n'était pas rassuré de se trouver dans un endroit déserté des maîtres de la technologie. Il savait parfaitement exécuter les maintenances routinières qui assuraient le fonctionnement des parties cybernétiques de son corps, mais le risque d'une avarie si loin de la Terre le rendait nerveux. Une véritable épée de Damoclès planait au-dessus de sa tête, et il se forçait à oublier la menace. Il ne comprenait pas comment Horatio Lancaster parvenait à se montrer aussi désinvolte.

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Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:29:29

— Tu ne serais pas mon aide de camp, je pourrais croire que tu es un de ces fils d'hérétiques qui se sont glissés dans les rouages de la société pour en tirer le maximum de bénéfices.

Horatio s'emporta d'un rire sonore.

— Allons, monseigneur, vous n'y songez pas ? Moi, un fils de barbare ?
— D'hérétique, corrigea le colonel.
— Vous savez que j'aime jouer sur les mots, monseigneur...
— Et moi donc...
— Et vous savez que je ferais le nécessaire pour rendre votre séjour agréable, monseigneur.

Les propos de Lancaster résonnèrent dans son esprit. Livius jalousa les hommes de sa suite qui pouvaient encore se permettre la faiblesse de soupirer. Privé de poumons, avec ce corps qui se résumait à de complexes mécanismes et de multiples processus robotiques, il ne connaissait plus cette joie si discrète et si peu encouragée. La Loi Mécaniste imposait à tout individu masculin de remplacer sa chair faible et traîtresse par la sécurité et la force de la Machine. Et même convaincu de l'absolu nécessité de cette loi, une minuscule envie se dessinait dans les tréfonds de son âme. Quand l'appui de son père s'étiolait, lors de missions lointaines, il se laissait à rêver quelques instants qu'il aurait pu échapper à cette vie de service et d'honneur. Il supportait de moins en moins tous ces soldats qui s'inclinaient pieusement face à lui, pour la seule raison qu'il partageait son patrimoine génétique avec le Premier Messager du Dieu-Machine. Il avait trente-cinq ans. Il espérait trouver un bon parti et fonder une famille. Son père, toujours lui, l'en avait dissuadé jusqu'à maintenant. S'opposer à sa décision n'était tout simplement pas concevable. Livius en aurait été malade.

Paradoxalement, ce même dégoût naissant pour le laïus du Culte et la pompe des cérémonies et des hommages faisait vibrer en lui la corde raide et fourbue de l'honneur. Dressé plus qu'éduqué, il avait depuis son plus jeune âge su qu'il serait militaire. Tout avait été planifié dans ce sens. L’Académie militaire dès sa dixième année, son premier grade d'officier à dix-sept ans, un parcours qui attirait jalousie et haine, mais qui gonflait son ego d'un flot de suffisance et de prestige. Il aimait son rôle et il s’aimait dans ce même rôle. Donner des ordres était devenu une seconde nature, et coordonner des actions militaires le fascinait toujours avec autant de puissance. Il n'aurait jamais pu quitter totalement cette vie d'aventure et de cérémonie, d'honneur d'Homme accompli et versé pour une cause où son dévouement ne pouvait souffrir de réserve.

Il était un agent de la Confédération. Un serviteur du Dieu-Machine. Et cette simple idée remplissait de joie son cœur de cyborg.

— Je contacte la base, commenta platement Horatio.
— Est-ce bien nécessaire ?
— Les protocoles, monseigneur...
— Ah, évidemment... Les ... protocoles.

La voix de Livius s'était teintée de cynisme. Tandis que son second contactait le bureau de communication de la base, établie à quelques kilomètres, il se retourna pour observer les huit officiers se rapprocher. Leurs visages rouges suaient à grosse goutte. Il haussa un sourcil, puis se tourna à nouveau.

L'astroport était aménagé sur une ancienne coulée basaltique vaguement horizontal, qui avait crée un plateau haut de près de cent mètres. Le sol noir s'interrompait à quelques pas de Livius, tombant à pique vers une plaine luxuriante d'où montait de nombreux sons et d'étranges plaintes. Un courant d'air brûlant venait se cogner contre la pierre surchauffée, et le colonel ferma l'œil. Son implant oculaire – qui couvrait la partie droite de son visage – effectua une banale analyse spectrométrique des gaz. Beaucoup d'azote, de l'oxygène, mais aussi des gaz rares tel que de l'argon. L'usage d'une telle matière lui semblait tenir d'un autre temps. Une antiquité bonne à amuser quelques collectionneurs boiteux et belliqueux qui se seraient volontiers provoqués en duel pour un gramme de cet étrange gaz. Puis, il zooma. La fonction d'analyse de l'implant se modifia, et il fixa les profondeurs humides de la végétation. Quelques ravins laissaient deviner une forêt dense, sombre, plus étouffante encore que ce plateau où poussaient les herbes sèches et d'étranges fleurs aux teintes chatoyantes. Il se promit de faire un tour dans ces endroits intriguant, attirants. Ils devaient probablement receler de trésors biologiques et plus sûrement encore de dangers que se presseraient d'exploiter les cybernautes. Des poisons, des toxines, des espèces animales ou végétales mortelles. Il pourrait ramener ces trouvailles en guise de présents pour le Très Saint Magister. Comme à son habitude.

Horatio le héla. Livius se rapprocha, tandis que le visage du lieutenant, partiellement mécanisé lui aussi, se déformait sous des rides d'attention.

— Que se passe-t-il ?
— Ils en ont trouvés, monseigneur.
— Trouvé quoi, Lancaster ?

Les deux cyborgs se toisèrent sans agressivité.

— Des artefacts, monseigneur, concéda le lieutenant. Ils ont trouvés d'autres artefacts.

Livius jura entre ses dents, laissant son second dans un état mi-amusé par la scène, mi-inquiet pour les révélations dont il était le messager.

— Les mêmes que dans les autres situations ?
— Je suppose que oui, monseigneur.
— Ne suppose pas, sois sûr. Je ne t'emploie pas pour établir des hypothèses dans ce domaine.

Exaspéré, le colonel leva un bras en l'air, souffla, et, rageur, se précipita sur le raidillon qui descendait vers la base pionnière.

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Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:30:40

Tandis que le soleil entamait une longue et monotone descente de son zénith, Livius se présenta devant le bâtiment circulaire des administrations. Malgré la haie d’honneur qu’avaient mis en place à son attention, il affichait un air maussade. Les artefacts. Le simple fait que des pièces aussi mystérieuses aient été retrouvées avait mis en alertes tout ces sens. Son intuition le travaillait, lui conseillant de faire demi-tour, de repartir pour la tête. Son honneur et son sens du devoir lui indiquaient l’exact contraire. Tiraillé par des sentiments adverses, plongés dans des souvenirs flous, le colonel ne remarqua pas l’homme qui se tenait raide et digne devant lui. Un raclement de gorge le tira de sa torpeur. Il leva les yeux, constata la présence de l’individu.

— Colonel Mac Mordan.

Entendre son titre formel déstabilisa Livius. Il avait pris l’habitude d’être nommé par son autre titulature, bien plus nobiliaire que militaire, et ce rappel à l’ordre le ravit tout autant qu’il l’intrigua. L’homme en face de lui devait ne pas avoir froid aux yeux pour briser les règles tacites qui entourait le fils cadet du Commandus Magnus. Il avait du courage, beaucoup de courage, et Livius étaient persuadé qu’il ne se cacherait pas derrière des paroles vaines. Il lui semblait qu’il pourrait faire confiance à ce soldat.

— Lui-même.
— C'est un grand honneur de vous accueillir, mon colonel. Mais permettez-moi de vous adresser mes plus simples excuses pour l'inconfort de votre arrivée.
— Vous parlez de la panne généralisée des navettes, n'est-ce pas, capitaine ...
— Commandeur Adamsen, rectifia le militaire.
— Un incident regrettable, déplora Livius.
— Sans l'aide des cybernautes, nous tentons tant bien que mal de trouver d'où vient le problème. Mais les navigants sont plus doués à manoeuvrer entre les étoiles que dans le système d'alimentation d'un vaisseau.

Un sourire s'ébaucha sur le visage du colonel.

— Nous ferrons tout pour rendre votre séjour agréable, mon colonel.
— Je n'en doute pas, commandeur.
— Vous n'êtes pas venus seuls, mon colonel ?

Alors qu'il s'apprêtait à répondre en ironisant sur les qualités d'endurance de son contingent, il perçut des éclats de voix provenir de l'extérieur. Une cavalcade précipitée martela le sol, suivi du cliquetis militaire et désarticulé d'un canon ionique se chargeant à pleine puissance. Au vu de l'écho, Livius estima à une dizaine le total d'arme qui devaient se braquer sur un objet quelconque. Une mise en joue en bonne et due forme, en tout point semblable à un entraînement maintes et maintes fois répétées.

Adamsen s'inclina légèrement, s'excusant du dérangement, et se précipita à l'extérieur. Sa voix calme et androgyne constatait avec l'impression de brutalité et de force de son armure d'apparat. Livius le détailla de dos, d'un regard froid, trop habitué aux passages en revues des adeptes de l'art de la guerre. Son l'épaisse cape noire frappée aux grenats des armes de la Confédération, des bottes articulées et renforcées claquaient sur le sol. Lorsqu'il pivota vers un de ses hommes, le Commandeur Adamsen laissa deviner toute la complexité de son armure, un exosquelette lourd qui le faisait paraître bien plus grand et plus imposant qu'un homme ordinaire. Ce type de matériel était habituellement réservé à une certaine élite, la fabrication de tels bijoux technologiques demandant bien trop de temps et d'énergie pour être généralisé à tous les soldats. Un choix regrettable, estimait Livius. Elles étaient si maniables et si efficace pour protéger les hommes qui s'y glissaient qu'elles pouvaient constituer de précieux atouts tactiques sur un terrain. L'autre option – qui aurait consisté à imposer la mécanisation à tous les soldats de la Confédération – n'était pas plus envisageable. Le cyborg estimait cette seconde option comme plus coûteuse, mais autrement plus efficace sur un plan tant technique que moral.
Adamsen distribua une série d'ordres, et les soldats qui avaient constituée la haie d'honneur se dispersèrent. Le hall dessinait un rectangle au sol, et trois cotés s'ouvraient vers l'extérieur, sur ce qui semblait être une place d'arme provisoire. Un endroit découpé entre une pénombre huileuse et une lumière crue, violente, qui n’abordait aucune décoration. Comme un prolongement de l'ambiance teinté de ténèbres, une ombre s'était abattu sur les visages. Tandis qu'Adamsen revenait vers son invité, l'amabilité qui l'avait habité dans les première minute de leur entrevue se dissipait.

— Commandeur, que vient-il se passer ?
— Un incident, mon colonel.

Il soupira.

— Nous avons envoyé des informations à votre aide de camp, le lieutenant Lancaster.
— Les artefacts.
— Exact mon colonel, les artefacts.
— Et je suppose que « l'incident » a un rapport avec eux.
— Nous devrions peut-être en parler en privé, mon colonel...

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Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:32:04

Livius acquiesça, et le Commandeur le dirigea vers un bureau situé à quelque spas du hall principal. Une pièce minuscule, où les deux occupaient presque toute la place. Le petit bureau intégré était embarrassé de relevés topographiques et de deux projecteurs holo, qu'Adamsen activa d'un geste machinal.

— Les artefacts ont été découvert il y a moins d'une dizaine de jours. Les relevés satellitaires avaient identifiés une anomalie magnétique sur l’île où nous nous trouvons, et le commandement général du secteur m'avait clairement indiqué qu'il y avait une chance pour que la planète porte en elle des objets xénomorphe.
— Une chance... Ou une malédiction.

Adamsen ne nota pas le trait d'esprit.

— L'ordre que j'ai reçu me demandait de les extraire au plus vite. Votre visite pour l'inauguration de la base pionnière devait être un bon prétexte pour les rapporter sur Terre, afin de les examiner.
— Et ne pas attendre les cybernautes ?
— L'avarie du Buenos Aires retardait leur venue, et visiblement, personne ne souhaitait prendre le risque d'un retard. Mon colonel, je vais être très franc avec vous : j'ignore ce que sont les artefacts, je n'ai pas reçu plus d'informations que nécessaire, et hormis leur forme et leur emplacement...
— Je comprends, Commandeur.
— Les hommes s'inquiètent, mon colonel. Ils ne sont pas en mission pour retrouver des objets d'une telle nature. Ils devaient se contenter de sécuriser la base et les environs, en vue de permettre l'extraction minière dans des délais rapides.

Adamsen baissa d'un ton, sa voix se réduisit à un murmure.

— Vous savez ce qu'il s'est passé sur Six. Vous savez aussi que votre père, le très estimé Commandus Magnus, a permis d'éviter une catastrophe sur ce monde minier. Mais très honnêtement, je doute d'avoir ses capacités pour prévenir l'explosion de la situation, si tel devait être le cas.

Livius hocha la tête. Les événements qui avaient eu lieu une quarantaine d'année auparavant avait semé le doute dans le cœur des confédéré. Et comme le soulignait son hôte, la catastrophe avait été évité de peu. Cela avait coûté la destruction de la cité principale de la lointaine planète. Un sacrifice lourd de conséquence, qui avait compromis pour de longues années l'exploitation des éléments de l'écorce lithosphérique de la planète.

— Je comprends, Commandeur. Et je ne vous abandonnerai pas.

Adamsen se détendit imperceptiblement.

— Merci beaucoup, mon colonel.
— Alors, je suppose que je vais devoir vous indiquer ce que je connais sur les artefacts. Même si mon savoir sur ce domaine est limité.
— Je pense que ce serait profitable pour nous tous, mon colonel.

Livius demanda dans un premier temps à connaître la nature exacte des incidents. Un rayonnement thermique avait commencé à faire fondre de façon très concrète et très inquiétante le local où était stocké les objets de la collecte. Deux cubes d'une trentaine de centimètres de section, parfaitement lisse, à la surface aussi brillante que du mercure, et qui vibrait au contact de la main. Une spectrométrie de base et quelques analyses courantes avaient permis d’authentifier les artefacts.

— Personne n'a été en mesure d'identifier leur fonction première, commenta Livius. La seule certitude les concernant, c'est leur caractère artificiel.
— Et leur nature ?
— Un alliage, très certainement. Mais là encore, aucune réponse définitive.
— Sont-ils dangereux ?
— Jusqu'à présent, nous pensions qu'ils étaient inertes. Mais le fait qu'ils ait transformé le coffre qui les protégeait en guimauve ne m'incite pas à aller dans le sens d'une innocuité.

Adamsen soupira à nouveau.

— Et je ne sais pas comment les récupérer.
— Champ de stase magnétique. Ils sont sensibles à la gravité. Et je suppose que s'ils ne sont en contact d'aucune matière, ils resteront inactifs.
— C'est un pari risqué, mon colonel.
— C'est hélas la seule option qu'il nous reste.

Le Commandeur hocha la tête.

— Je vais donner des consignes en ce sens, mon colonel, ajouta-t-il.
— Très bonne initiative.
— Si les artefacts ne réagissent pas, nous pourrons considérer que l'affaire est réglée
— Du moins concernant votre coté. Vous avez effectué votre mission sans faillir, Commandeur. Je saurais le reconnaître. Et même si les derniers événements ont quelques peu troublé la quiétude de votre base, vous avez bien réagi.
— Sans votre concours, mon colonel...
— Je n'ai rien fait de particulier, tempéra Livius. Je ne fais que suivre mes propres ordres, et je n'oublie pas Notre Seigneur. Voilà ce qui doit nous donner du courage et de la volonté.
— Qu'Il soit béni à tout jamais.
— Sur ces bonnes paroles, Commandeur, je vous propose de vous accompagner pour voir ces fameux artefacts.
— Ce sera avec joie, mon colonel.

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Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:33:17

La base s'étalait sur un replat dominant d'une trentaine de mètres un ravin, qui descendait en cisaillant une plaine herbeuse et débouchait sur l'océan. Le vent y soufflait de façon permanente, tantôt tiède et doux, tantôt froid et rêche. Des pistes sillonnaient au travers de la végétation ambiante, constituant un lacis sinueux qui reliaient les puits d'explorations et les bâtiments du centre. La base pionnière elle-même formait une curieuse étoile aux branches inégales, dont l'acier brut et le plastique couleur crème luisait encore. Une odeur d'ozone indécise baignait les lieux. Livius se laissa imprégner de l'ambiance de l'endroit. Une réminiscence, fugace, se figea en lui. Il se rappelait d'un séjour sur les côtes de Bretagne, alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Il se souvenait de vacances humides et de granit rugueux, de plages désertes, de campagne majestueuse et sauvages. Et ce vent, toujours ce vent, qui battait l'herbe et fouettait le visage. Mais la Bretagne se trouvait très loin. Et le vent chargé de senteur magnétiques ne lui apportait aucun réconfort. Le bâtiment censé protégé les artefacts était planté à une trentaine de mètre de l’extrémité d'une des branches de la base. Un appentis métallique sobre, presque banal, si ce n'était l'étrange fumée quis 'en échappait. Rien ne semblait anormal. Tandis qu'il s'approchait, Livius constata que sa vision le trompait. Les tôles épaisses s'étaient tordus. Le toit s'affaissait en craquant par intermittence. Et une saveur désagréable inondait à présent sa bouche. La porte ouverte se convulsa une dernière fois, et s'écroula. Il s'approcha encore.

Au milieu d'une bouillie rougeoyante, les deux cubes sifflaient. Ils avaient dû être installé sur un établi, en attendant leur dernier voyage. Mais cet établi avait disparu. Seuls quelques boulons et d'étranges restes de plaques de carbone signaient sa funeste existence.

— Par le Seigneur Mécanique, glissa Adamsen.
— Qu'il nous ait en Sa sainte garde.
— C'est une véritable hérésie.
— Ne faisons pas concert de conclusions trop hâtives, répondit Livius d'un ton neutre et tiède. Tout ceci a une explication rationelle, même si elle nous échappe encore.

Le Commandeur ne protesta pas.

— Vous avez fait amener les générateurs ?
— Ils seront là d'une minute à l'autre, mon colonel.
— Il va falloir ruser. Si ces artefact réagissent aux champs...

Livius laissa sa phrase en suspend. Il n'avait rien besoin d'ajouter. Si les champs de gravité entraient en résonance avec les deux cubes, rien de bon ne devait en sortir. Tous les individus présents sur la base étaient des cyborgs, et un choc électromagnétique les tuerait tous, à coup sûr. Malgré les protections dont ils étaient équipés, ils n’étaient jamais à l'abri d'un incident.

Deux soldats se présentèrent, portant une lourde caisse. Ils se placèrent à proximité de ce qu'il restait de l'appentis, saluant verbalement les deux officiers, et disposèrent un premier générateur. Il s'agissait d'un assemblages de câbles et de boîtiers métalliques à peine plus gros que les cubes dont ils étaient censé rompre les effets thermiques. Après une série de manipulation, l'un des soldats indiqua au commandeur que tout était en place. Adamsen le gratifia d'un remerciement, et lui demanda de se reculer. Livius nota que même eux, deux simples soldats du rang, faisait parti du Saint Ordre des licteurs. « Père n'a pas envoyé les pires soudards ici », pensa-t-il. Le Commandus Magnus devait avoir une idée de ce que si tramait sur ce monde, avant même que les artefacts eussent été découvert. Il laissa cette observation de coté, et se promit d'y repenser plus tard, lorsqu'il rentrerait sur Terre. Sa priorité absolue devait être de se concentrer sur la gestion des champs. Un exercice qui s'annonçait ardu.

— Commandeur, avez-vous déjà manipulé de tels générateurs ?
— Hélas non, mon colonel.
— Une chance que je vous ais accompagné...
— En effet mon colonel.
— Écartez vous et tenez-vous prêt à suivre mes instructions.

Adamsen recula de quelques pas, jusqu'à une distance qu'il estimait raisonnable. Livius s’accroupit près d'un des boîtiers, et fit surgir de sa pince une série de câbles qui se tortillaient. Ils les connecta d'un geste adroit sur une prise saillante, et laissa son esprit entrer en contact avec le générateur. Des indications se figèrent dans champ visuel. Un bourdonnement saccadé, de plus en plus régulier, résonna et secoua légèrement le sol. Une poussière commençait à s'envoler. Le grondement devint plus aigu. La poussière se comporta étrangement, se mit à léviter. Une odeur d'ozone bien plus forte que celle qui régnait jusqu'à présent se fit sentir. Livius était prêt.

Il tendit sa main droite vers les cubes. La poussière comprise dans un cercle de quatre à cinq mètres s'envola doucement, puis quelques morceaux de métal fondus s'élevèrent dans les airs. Livius ajusta le champ de confinement, laissa mollement retomber les objets tordus. Quelques étincelles crépitèrent lorsque l'intensité du générateur ajusta les correctifs.

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Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:34:02

Adamsen observait la scène avec inquiétude. De sa position, il discernait le visage de son invité. Les traits du Colonel Mac Mordan étaient tendus par la concentration. Il serrait les dents. Son œil organique tremblait faiblement. Ses joues rosissaient, et de lourdes gouttes de sueurs commençaient à couler le long de son front. L’effort imposait sa loi au corps. Pour Le Commandeur, le fils du Commandus Magnus accomplissait là un acte d'héroïsme authentique. Il aurait tout à fait pu se retirer sur l'astroport le temps que la situation soit réglée. Adamsen était certain que la base contenait quelques âmes assez courageuses pour manipuler un champ magnétique sur une cible aussi sensible. Il aurait sans doute fallu davantage de temps pour trouver cette âme trempée dans la foi et la pratique, et le ramener ici. Mais aurait-il réussit ? Aurait-il été jusqu'au bout, en en ayant une vague connaissance ce qui pouvait se produire ? Adamsen en doutait.

— Il faut une autre source d'énergie.

La voix du Colonel Mac Mordan était gutturale. Il sous-vocalisait, et le processeur situé dans sa gorge transmettait un ensemble de sons métalliques, loin de la chaleur humaine dont il avait preuve jusqu'à présent. L'un des soldats s'avança, sortit un second générateur, le connecta au premier. Sa tâche accompli, il recula sans tarder. La situation dégénéra à cet instant précis.

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Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:35:06

Livius avait senti l'afflux d'énergie s'échapper du second générateur. Le soldat avait correctement effectué le branchement, mais le conteneur plasma standardisé devait souffrir d'une légère imperfection. Par miracle, il avait pu dériver le courant électrique vers une bobine de délestage. Cela le préserva d'un choc direct, mais le champ de confinement en souffrit en aussitôt. Les cubes, qui s'étaient élevé d'une dizaine de centimètres, retombèrent et se remirent à vibrer. Le rougeoiement du métal fondu devint plus fort. Livius sentit une vague de chaleur l'envahir. Il devait agir très rapidement, et sans commettre le moindre impaire.

Il n'avait jamais manipulé un tel champ. Il possédait les connaissances théoriques pour le faire, mais face à la peur que manifestait son hôte, il avait décidé de prendre la direction des événements. Son honneur avait parlé, et il commençait à regretter de ne pas avoir choisi la voie du bon sens. Il aurait dû se retirer. Son honneur avait parlé, et il les mettait tous en danger.
La solution s'imposa sans violence à son esprit. Il allait devoir prendre un gros risque, mais s'il ne tentait rien, il condamnait à coup sûr la base. Le courant s'échappa vivement de la bobine de dérivation, légèrement déphasé, mais le convertisseur d'onde tint bon. Livius sentit une secousse parcourir son corps, il ne broncha pas. Il concentra un peu plus le champ de confinement, et les cubes s'élevèrent dans les airs sans trembler.

— Stabilisateurs !

Les deux soldats se précipitèrent vers lui, et sortir une dizaine de modules gros comme un poing humain. Livius fit sortir avec délicatesse les cubes des restes de l’appentis, et les stabilisa à une cinquantaine de centimètres du sol. Les modules furent mis en place, et il relâcha progressivement le premier champ de confinement. Une trentaine de seconde plus tard, il coupa l'alimentation, tandis qu'un relais prenait en charge un nouveau champ, encore fragile.

— Sécurisez l'alimentation. Mettez les moyens qu'il faudra, mais ne la coupez sous aucun prétexte.
— Bien mon colonel.

Livius se désolidarisa du boîtier, laissant les câbles retrouver leur position dans son avant-bras gauche. Il se retourna vers Adamsen, encore animé par une tension conséquente.

— Vous n'étiez pas si loin de la vérité quand vous parliez d’hérésie, Commandeur.
— Je suis admiratif, mon colonel.
— Oh, ne le soyez pas tant. J'ai voulu agir vite, cela aurait pu nous condamner.

Livius désigna un des boîtiers encore en place sur le sol.

— Un générateur électrique défectueux. Par bonheur, l'installation était stable. Nous pouvons remercier vos soldats de connaître leur tâches.
Les hommes en question avaient déjà disparu.
— Je vais faire monter une garde, ajouta Adamsen.
— Mettez-y les moyens, Commandeur. Si les cubes retouchent quoique ce soit de solide, je crains que la base ne devienne plus qu'un souvenir.

Adamsen grimaça.

— J'y veillerais personnellement, mon colonel. Dernière question : où devons-nous placer les artefacts ?
— Peu importe où nous les stockerons à présent.

Livius réfléchit quelques instants, puis reprit la parole.

— Le plus sage sera de les confier à mon équipe. Je vais faire mandater une navette depuis l’Amsterdam, et l'équipe de cybernaute qui se trouve à bord prendra le relais. J'y joindrais quelques instructions.
— Votre sagesse vous honore, mon colonel.

Livius sourit.

— Ne nous portez pas malheur, commandeur.
— Nous avons eu notre dose d'émotions forte pour la journée.
— Et je dois bien avouer que cela donne un certain charme à ce voyage.
— Peut-être accepterez-vous que la cérémonie soit reportée à demain matin, mon colonel ?
— Là encore, je vous trouve très perspicace, Commandeur.

L’intéressé sourit. Il héla plusieurs soldats, et laissa quelques instants Livius seul.

« Père sera furieux », songea-t-il. « Quand il apprendra ce que j'ai tenté... ». Il secoua la tête. Le Commandus Magnus lui donnerait encore une leçon de morale sur son importance, leçon que Livius balayerait avec les mêmes arguments habituels. Ce jeu les amusait encore, père et fils, et ils s'y prêteraient volontiers.

Mais la dérive de la situation l'inquiétait encore. Pourquoi les artefacts avaient-ils réagit ainsi. Il se détourna à nouveau vers les deux cubes, les contempla de longues secondes. Personne n'aurait pu prévoir ce qui venait de se dérouler. Et personne ne devait plus ignorer les risques encourus à les manipuler sans précautions. D'une simple pensée, il contacta le lieutenant Lancaster, et lui ordonna de faire le nécessaire pour le mettre en relation avec le vaisseau resté en orbite.

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Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:52:17

PARTIE III.

2.

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Niveau 10
12 septembre 2017 à 10:54:18

Le vieil homme passa une main tendre sur le renfort d'une épaulière, un grossier quartier de sphère en alliage poli, rutilant.

— Un véritable petit bijou, Viltis. L'armure est comme neuve. J'ai rajouté quelques renforts et augmenté la capacité du générateur magnétique auxiliaire. Tu ne devrais pas avoir de problèmes.
— Même pour soulever un rocher de plusieurs milliers de tonnes ? Demanda l'adolescent.
— Même pour ça.

Le major Asweltorf le gratifia d'un sourire, avant de le laisser seul en compagnie de l'armure. L'objet était lourd, massif, mais Viltis savait qu'il se montrait d’une maniabilité exceptionnelle. Les servomoteurs avaient été ajustés à sa maigre corpulence, et pour un temps, il oublierait cette figure frêle qui se reflétait dans les miroirs du Palais.

— Major ?
— Oui, colonel Flinn ?

Le Naneyë soupira, visiblement fatigué. Un lourd cerne appuyait contre son œil droit, grise et gonflée. Il n'avait pas dormi de la nuit.

— Major, vous êtes certain que...
— Il s'en accommodera à merveille, trancha le cybernaute. Vous avez vu comme moi les prouesses dont il a fait preuve lors de son dernier entraînement, n’est-ce pas ?

Flinn n'aurait pu l'oublier. Son apprenti s'était saisit d'un transporteur chargé à ras bord de leste, et l'avait délicatement arraché à la gravité terrestre pour le reposer au même emplacements, après lui avoir fait décrire une série de volte et de boucles gracieuses. L'armure avait canalisé et renforcé en partie son don de télékinésie, mais l'origine même de ce pouvoir demeurait Viltis. Il devenait plus fort chaque jour. Flinn en avait frémi. « Et si, un jour, il avait la capacité de générer un point de gravitation aussi puissant qu'une étoile ? ». L'idée l'avait effrayé. Rien ne semblait pouvoir arrêter l'ascension de Viltis et de son pouvoir.

— C'était une démonstration impressionnante, commenta l'officier supérieur
— Un garçon formidable, poursuivit Asweltorf. Un véritable cadeau du Seigneur Mécanique... Exactement comme toi.
— La comparaison est flatteuse, bredouilla Flinn, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit bien justifiée.
— Et comment qualifierais-tu tout ce que tu as fait pour la Confédération, si ce n'est pas un présent ?
— Ma mission.
— Ta mission... La fausse modestie n'est pas une qualité, railla le major. Je sais que tu n'es pas prétentieux de nature, mais sois fier de ton travail, Flinn.
— Major, je ne comprends pas où vous voulez en venir.
— Sois fier d'avoir été choisi et d'avoir su remplir ta mission avec grandeur. Voilà où je veux en venir. Ne te cache pas derrière un « je n'ai fait que mon devoir ». Tu sais très bien que tu es allé plus loin que ça.

Le major posa un doigt sur l'armure de Flinn.

— Tu es resté coincé dans cet exosquelette pendant des décennies. Tu as choisi d'endurer la souffrance, parce que tu ne t'estimais pas digne de devenir un cyborg de plein droit.
— Mon père...
— Le Gouverneur Inuë est lui aussi exceptionnel. Mais il n'a pas eu de dangers à affronter. Pas de périls aussi conséquents que ceux que tu as traversés.
— Nous avons déjà eu cette discussion, major, répliqua Flinn, lassé. Vous connaissez mon point de vue sur le sujet.
— Techniquement, tu es un hybride, Flinn. Ton armure est indissociable de ton corps. Et tu sais aussi que les mutations qui ont entraîné une fusion partielle de ta chaire avec les systèmes de survie sont définitives. Stricto sensu, tu es un cyborg, quoique tu en penses.

Il soupira.

— Mais ce n'est pas la définition que moi, en tant que cybernaute, j’entends. Tu es encore tributaire de tes fonctions vitales. Tu réfléchis uniquement avec un cerveau organique... Un cerveau organique, Flinn. Avec tout ce que cela comporte de risques d’atteintes vasculaires, de destructions de cellules, de dégénérescence, bref, toutes ces tribulations qui font que l'individu sensé devient sénile avec le temps. Et nous savons tous les deux que tu approches d'un âge relativement avancé...
— Les anciens d'Alioth vivent plus de deux cents ans, protesta le Naneyë.
— Mais tu n'es pas un vieillard reclus. Tu es soumis à un important stress. Et je crois que tu arrives aux limites de tes capacités seules, sans appui.
— Major...
— Flinn, reprit sombrement Asweltorf. J'ai fait part de mes conclusions auprès du Commandus Magnus. Il est parfaitement d'accord sur le fait que tu dois être mécanisé dans un avenir proche.
— Major, vous savez très bien que je ne suis pas prêt...
— Plus que tu ne le penses.
— Et vous savez aussi quelles contraintes morales cela me pose. Vous savez que je ne suis ni un traître, ni un dissident, et que je fais tout mon possible pour servir le Dieu-Machine...
— Prouves-le.

La dernière réplique du cybernaute arracha à Flinn un rire forcé, caustique.

— Vous m'avez piégé, major.
— Je préfère que nous en discutions sur un ton léger alors que nous pouvons nous permettre le luxe de réfléchir. Mais un jour où l'autre Flinn, il faudra te décider. J'espère simplement que cela ne sera pas sous la contrainte d'une blessure ou d'une maladie grave.
— Je tâcherais d'y réfléchir.
— Bien.

Viltis héla le cybernaute. Celui-ci salua le Naneyë, et se dirigea vers l'adolescent.

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