La Quête au Trésor est un point'n click adapté du best-seller russe de Ilf et Petrov intitulé Le Veau d'Or. L'initiative était intéressante, mais elle aboutit hélas à un des jeux d'aventure les plus consternants qu'ait connu le genre.
Fidèle à sa politique, Anuman Interactive a encore été nous chercher une de ces perles russes injustement ignorées du reste du monde, qui sommeillent paisiblement dans les tiroirs d'Akella. Une fois de plus, le choix se révèle peu judicideux : cette histoire, qui plonge le joueur dans l'Union soviétique naissante des années 20, n'était peut-être pas ce qu'il y avait de mieux pour attirer le chaland. N'ayons cependant pas trop d'a priori : il est toujours intéressant de varier les ambiances et de découvrir de nouvelles oeuvres littéraires. Le familier de l'oeuvre de Ilf et Petrov, véritable brûlot contre le communisme naissant, sera tout de même surpris de voir le nom du héros principal, Ostap Bender, mal orthographié sur la jaquette. Et malgré les arguments dithyrambiques portés sur cette dernière, l'absence de manuel de jeu augure une fois de plus du manque de finition dont est coutumier l'éditeur.
Hélas, ces craintes se confirment dès le lancement du jeu : sans aucune cinématique d'introduction ni aucune explication préalable, vous vous retrouvez aux commandes d'Ostap Bender (enfin, vous supposez que c'est lui), dans une ville inconnue, sans qu'aucun objectif ne vous soit assigné. Malgré tout, vous finissez par comprendre que Bender est un escroc à la petite semaine, qui projette d'accumuler suffisamment d'argent pour fuir le prolétariat et aller se dorer la pilule à Rio. Rapidement, il sera accompagné de plusieurs autres personnages, tous aussi bizarres les uns que les autres, dans son périple à travers l'Union soviétique. De manière générale, la trame scénaristique est loin d'être passionnante. Les situations rencontrées et les discussions menées sont assez subtiles pour interpeller les férus d'histoire russe et les amateurs de satire politique du début du XXème siècle, mais elles laisseront de marbre la plupart des joueurs. Pire : confrontés à un manque évident de fonds, les développeurs de Rootfix ont dû remplacer les traditionnelles scènes cinématiques, qui auraient pu rendre le jeu plus attrayant, par des chapitres entiers du roman qui font office de transition. Il faut donc s'acquitter de ces longs moments de lecture pour espérer garder le fil d'une histoire qui part un peu dans tous les sens. Or, ce n'est pas gagné si l'on s'en réfère à la traduction approximative et aux phrases incomplètes ou qui se chevauchent. Soyez pourtant prévenu : les rares rebondissements qui émaillent cette soporifique Quête au Trésor sont systématiquement textuels.
A côté de ça, le jeu souffre d'un gameplay désastreux. La première demi-heure fait illusion, en proposant quelques tâches à accomplir plus ou moins intéressantes. Puis c'est le néant absolu : rapidement, les écrans traversés (plutôt nombreux eût égard à la faible durée de vie du jeu) ne contiennent plus qu'une ou deux sources d'interaction. La linéarité que l'on a souvent reprochée au genre se manifeste alors dans toute sa splendeur : oubliez les phases de recherche, les dialogues périphériques, les associations d'objets ; ici, vous ne pouvez interagir qu'avec ce qui permet de poursuivre l'aventure, et les objets présents dans l'inventaire sont la plupart du temps utilisés automatiquement. Au final, au cours des trois heures et quelques offertes par le jeu, vous cliquez moins que pendant trente secondes de hack'n slash. C'est votre souris qui va être contente ! Quelques mots, enfin, sur l'aspect artistique, qui se montre hélas inapte à rehausser l'intérêt du jeu. Ce qui frappe avant toute autre chose, c'est le silence qui règne dans les écrans traversés. Les bruitages sont extrêmement rares, et les dialogues ont perdu leur doublage russe (dont témoigne le menu des options) sans pour autant gagner de nouvelles voix en français. Les décors, quant à eux, ne peuvent pas vraiment être taxés de "moches", mais en dépit du style cartoon adopté, ils sont fades et manquent cruellement de personnalité. En outre, l'animation des personnages est peu fluide et les déplacements sont d'une lenteur insupportable : cliquez, allez vous faire un petit café ou sortez le chien, puis revenez : peut-être Bender sera-t-il enfin parvenu de l'autre côté de l'écran ? Bref, rien ne viendra sauver La Quête au Trésor du fiasco le plus total.
- Graphismes6/20
En dépit de l'adoption du style dessin animé, les graphistes ont rendu une copie fade et peu attirante. En outre, l'animation manque cruellement de vitesse et de fluidité.
- Jouabilité3/20
Le gameplay est aussi classique sur la forme que consternant sur le fond. En outre, le nouveau venu dans le genre pourra souffrir du fait que les contrôles ne sont détaillés nulle part.
- Durée de vie4/20
Trois heures de jeu suffisent pour voir la fin de La Quête au Trésor ; un peu plus si vous traînez, un peu moins si vous faites l'impasse sur les monceaux de lecture qui vous sont proposés.
- Bande son3/20
Les bruitages sont quasi inexistants, les dialogues ne sont pas doublés et les thèmes musicaux légèrement jazzy finiront par vous taper sur le système.
- Scénario5/20
Les personnages manquent de charisme, les actions à accomplir sont inintéressantes et l'histoire n'avance qu'à l'occasion de longs moments de lecture dont on se serait bien passé.
La Quête au Trésor remporte haut la main le titre de navet vidéoludique de l'année dans le domaine du jeu d'aventure. Intrigue soporifique, progression ultra-linéaire, gameplay inintéressant, réalisation atroce et durée de vie indigente : voilà qui place la barre bien haut pour qui voudrait lui ravir cette distinction amplement méritée.