Que vous dire de What Remains of Edith Finch si ce n'est qu'il s'agit là d'une pépite de mise en scène et de narration... Simple, efficace, limpide et diablement malin, le titre, seconde oeuvre du studio Giant Sparrow après le superbe The Unfinished Swan, nous a scotché comme rarement nous l'avions été auparavant.
Derrière cette petite équipe de développeurs se cachent des esprits brillants qui n'hésitent pas à chambouler les codes du game design conventionnel pour raconter leur histoire dans les meilleures conditions possibles. Soyons clairs dès le début, cette aventure de deux heures trente est un long récit, l'équivalent vidéoludique de ces livres à tiroirs, animés, que les anglais appellent pop-up books, dans lesquels chaque page recèle de détails et d'événements qui sucitent l'émerveillement. Edith Finch, appelons-le comme ça pour gagner du temps, est donc de ces jeux, courts, qui vous surprennent sans cesse tout en vous berçant dans une intrigue à la fois prenante et surprenante.
Le pitch, garanti sans spoilers
On y incarne... Edith Finch (quel suspens), unique descendante encore vivante d'une famille qui se croit maudite et dont chaque membre finit irrémédiablement par mourir de manière prématurée et dans des circonstances étranges. Evidemment, plus les Finch meurent étrangement et plus les descendants se sentent maudits et s'inscrivent dans une logique fataliste et dépressive, qu'ils estiment parfois liée à la maison familiale; un amas de pièces ajoutées au fur et à mesure que les années passèrent et qui incarne véritablement un des personnages principaux de l'aventure. Cette maison, Edith l'a quittée il y a plusieurs années et elle y revient désormais, agée de 17 ans pour explorer en profondeur le passé de ses frères, de ses oncles et tantes, et de ses grands parents. Elle qui avait réussi à s'extirper de ce cercle vicieux dans lequel chacun termine miné par le poids de la malédiction s'éteint à sa manière. D'ailleurs, dans la maison des Finch, chaque membre dispose de son propre univers, largement exploité au travers des nombreuses chambres que compte le batiment. Entrer dans une de ces chambres, c'est explorer un chapitre de la vie familiale, une certaine époque, souvent liée aux événements que nous avons déjà exploré ou explorerons un peu plus tard.
Le tout formera très vite une histoire dense et riche, qui vous fera vous sentir très proche de la grande famille Finch. Chaque chapitre apporte son lot d'empathie, renforcé par les décors incroyablement riches de détails, de la structure même des chambres jusqu'aux biblots, en passant par les nombreux passages secrets, journaux intimes, lettres, poèmes et photos. Il est d'ailleurs recommandé de prendre son temps en explorant, histoire de s'immerger à fond dans la vie éphémère de chacun et de découvrir dans de bonnes conditions comment les différents personnages vivaient et ce qui les intéressaient, autant d'éléments qui feront parfois écho à leur tragique disparition. Le travail artistique et narratif est ici formidablement réussi, et s'avère magnifié par une mise en scène remarquable, que nous ne vous spoilerons pas pour conserver la surprise.
Rando simulator 2
Côté gameplay, nous sommes ici sur une structure que les plus hermétiques qualifieront de "promenade interactive", dans la mesure où nos possibilités d'action se résument à marcher et intéragir sommairement grâce à une touche. Aucune énigme ne viendra vous donner du fil à retordre, aucun puzzle ne sera là pour vous bloquer et votre run durera moins de trois heures sans vous offrir de replay value. Cependant, comme dit plus haut, aussi courte soit l'expérience, on ne peut que s'incliner face aux idées de game design et de réalisation. On alterne donc entre tours de magie vidéoludique et exploration lente de l'habitation, laquelle se fera toujours accompagner de l'excellente voix d'Edith. Son récit est limpide et se matérialisera à l'écran, ce qui évite aux non-anglophones d'avoir les yeux rivés sur le bas de l'écran pour lire les sous titres et permettra donc de se concentrer sur le lieu plus que sur les sous-titres.
Une belle et triste histoire de geek...
Points forts
- Une mise en scène proche de la perfection
- Excellentes musiques
- Rythme très bien maitrisé
- Doublages impeccables pour une narration poignante d'efficacité
Points faibles
- On en redemande : 2 à 3 heures de durée de vie et presque aucune replay value
- Certaines scènes moins explicites que d'autres dans leur dénouement
- Une structure narrative fluide, mais dénuée de liberté et un peu maigre en "à côtés"
Nous ne pouvons que vous recommander cette épopée efficace, poignante, et maligne, que nous ne dévoilerons pas plus ici. Tel un Journey, un Limbo, un Inside, un Gone Home, un Unfinished Swan ou encore un Ethan Carter, What Remains of Edith Finch intègre le podium des aventures courtes, émouvantes, et diablement bien pensées. Un jeu qui vous émerveillera, un jeu que vous ne referez sans doute jamais, mais que vous n'aurez de cesse de recommander. S'il vous intéresse, ruez-vous dessus sans trop vous renseigner ou vous spoiler, car plus vous en verrez et moins les rouages du titre vont vous marquer... Une pépite, assurément.