Quand Shigeru Miyamoto a créé Super Mario Sunshine, il ne se doutait sûrement pas que son concept peinturluré allait accoucher, à plus ou moins long terme, de plusieurs séries reprenant le même thème. Chez Nintendo, on a ainsi vu arriver la licence Splatoon mais aussi divers jeux à tendance colorée comme Paper Mario : Color Splash. Du côté de la concurrence, difficile de ne pas glisser les deux épisodes estampillés de Blob (qui, il faut le rappeler, découle d'un prototype imaginé par des étudiants néerlandais) auxquels on peut greffer la saga Epic Mickey : Le Retour des Héros ou encore le style tout en estampes du magnifique Okami. Cette liste, loin d'être exhaustive, démontre que les développeurs aiment exploiter cette forme d'art. Splasher, comme le nom l'indique, rejoint la caste des titres où les fluides colorés font partie intégrante de l'expérience. Et ce petit bonhomme à la mèche rebelle pourrait bien vous faire tourner la tête...
Réalisé par la Splashteam (ça ne s'invente pas), Splasher est un concentré de fun en 2D réunissant à la fois la fougue et la précision de Super Meat Boy, les tâches peinturlurées de Splatoon, les gels physiques de Portal et le scénario de l'Odyssée d'Abe sur PlayStation. S'il n'est ici pas question de Mudokon à la bouche cousue, l'introduction rappelle, par bien des aspects, le célèbre jeu 32-bits. En effet, le héros de ce titre est employé dans une usine de peinture appelée Inkorp. Comme tous ses compères, ils passent des heures à nettoyer les murs et sols de la multinationale. Mais un jour, alors qu'il aperçoit de la lumière derrière une porte mal fermée, son sang ne fait qu'un tour. Il découvre que les produits vendus par sa société sont en fait des employés qui ont muté après avoir subi une injection. Bien décidé à sauver sa peau et celle de ses congénères, les fameux Splashers, le gaillard prend la poudre d'escampette et se retrouve chassé par tous les sbires de l'affreux Docteur, le big boss de l'entreprise. À partir d'un hub, qui prend les atours des bureaux de Inkorp, le joueur va devoir ouvrir les cadenas de chaque niveau et échapper à une issue défavorable. Difficile de faire plus efficace !
LE JEU QUI TÂCHE
Dans la veine des expériences die & retry, Splasher débute par un niveau d'apprentissage. Uniquement basés sur la touche de saut, ces premiers pas mettent en lumière l'inertie prononcée et le saut "tout en apesanteur" du héros. Les déplacements sont millimétrés et il suffit d'une mauvaise coordination pour se faire déchiqueter par les robots ou les pièges qui protègent les lieux. En plus de cette surprenante habileté, le fuyard peut exploiter la peinture projetée sur les murs pour gagner différentes aptitudes. Le fluide de couleur rouge lui offre ainsi la capacité de se déplacer verticalement sur les murs, quand il ne s'agit pas de se retrouver la tête en bas. Un bon moyen pour sauver un maximum d'otages tout en déjouant les pièges de la multinationale. Splasher met à profit toutes les ficelles du genre : phases de plateformes, checkpoints et level-design chirurgical ! Mais il va plus loin, beaucoup plus loin...
COLORE MES VEINES
Durant votre fuite, vous devez vous adapter à l'environnement en effectuant vos déplacements de façon judicieuse. En effet, si de la peinture est régulièrement projetée sur le sol et les murs, il existe aussi des jets de nettoyage vous obligeant à agir avec le bon timing. Dans le cas contraire, vous aurez de grandes chances de terminer votre périple dans les flux d'acide. Bien évidemment, avec un concept aussi coloré, les développeurs ont eu l'idée d'incorporer différents attributs aux tâches de peinture. Si la rouge agit comme une sorte de glue, la jaune aura quant à elle un effet rebondissant, vous empêchant de rester les deux pieds sur le sol pour atteindre des vitesses et hauteurs vertigineuses. Il vous arrivera également de croiser de puissants jets d'eau, bien pratiques pour progresser. Toutes ces caractéristiques offrent au jeu une foule de mécanismes et des situations sans cesse renouvelées. Et ce n'est pas fini.
Très tôt dans l'aventure, le joueur se voit doter d'un canon à fluide permettant d'interagir avec les éléments du décor. Outre sa capacité de destruction (pour les ennemis vulnérables), cette arme peut nettoyer des zones, projeter de la peinture ou agir comme un aspirateur de particules. Durant votre périple, vous êtes amenés à sauver des otages dans différentes situations mais certains prisonniers sont gardés dans des salles spéciales accessibles via des téléporteurs dimensionnels. Les amateurs de challenge seront d'ailleurs ravis d'apprendre que le Perfect - qui prend les traits d'un Splasher doré - ne s'obtient qu'à la seule et unique condition de réunir 700 points de fluide. Chacune de vos actions vient en effet gonfler ce nombre et il faudra fouiller chaque niveau de fond en comble pour débusquer tous les otages. Autant dire qu'il va falloir vous accrocher, projeter la bonne peinture au bon moment et l'utiliser à bon escient contre les ennemis.
VÉTÉRANS ET SPEEDRUNNERS
En plus d'être artistiquement réussi, Splasher est un jeu très abouti et ce n'est pas un hasard. Il est en effet l'œuvre de vétérans de l'industrie du jeu vidéo. À la tête du projet, on retrouve Romain Claude, ancien Game Designer et Level Designer chez Ubisoft (Rayman Legends, Rayman Origins, The Lapins Crétins : La Grosse Aventure), l'artiste Richard "Gromy" Vatinel et le musicien Aymeric Schwartz, lui-aussi ancien d'Ubi. Il a notamment été compositeur et Sound Designer sur des jeux tels que Absolver, Rayman Origins et le très poignant Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre. Pour couronner le tout, le jeu a été conçu en collaboration avec des speedrunners, ce qui ne manquera pas d'interpeler celles et ceux qui souhaitent se mettre au défi. Disponible pour une quinzaine d'euros, Splasher est une petite pépite de fun ! Ne laissant aucun répit, il jouit d'un rythme incroyable, d'une ambiance rétro-technoïde ultra immersive et propose même différents modes basés sur le speedrun et le time attack (avec en prime un classement pour partager vos exploits). Pour un premier jeu, la Splashteam démontre tout son potentiel et laisse augurer du meilleur pour l'avenir. Pour l'heure, ce petit bonhomme à la mèche violette n'a rien à envier à des titres comme Super Meat Boy.
Points forts
- Gameplay millimétré
- Les attributs de chaque couleur de peinture
- L'ambiance à la fois rétro et moderne
- Un jeu taillé pour les speedrunners
- Situations qui se renouvellent sans cesse
- Difficulté très bien dosée
- Le plateformer du moment !
Points faibles
- Système de ciblage pas optimal
- On aurait aimé encore plus de niveaux
- Le hub un peu fouilli
À la croisée d'un Rayman Jungle Run et Super Meat Boy, Splasher est fait pour les amoureux de challenge et de plateformes. Grâce à une difficulté bien dosée et un gameplay aussi accessible que futé, le jeu du trio de la Splashteam est ce qui fait de mieux dans le genre ! Chaque séquence s'enchaîne sans aucun temps mort et on prend un plaisir fou à éviter les innombrables pièges de l'infâme Docteur. Si certains regretteront un petit manque de précision dans le ciblage, l'ambiance technoïde rétro et l'intelligence des différentes phases de jeu (avec son lot de surprises) suffisent pour nous combler. Les speedrunners - et les autres - vont le retourner dans tous les sens. Une grande et belle surprise, colorée comme il se doit.