"Peut-on rendre n'importe quel sujet ludique ?" Si aucune réponse ne peut-être apportée à cette complexe question, puisqu'elle dépend totalement de l'appréciation de chacun, elle à tout de même le mérite d'être intéressante. Car même si le jeu vidéo a déjà traité très large dans ses thèmes, certains restent quand même beaucoup plus délicats. Le média vidéoludique demandant une très forte implication, beaucoup plus que n'importe quel autre média, il ne faudrait pas un traitement complètement à côté de la plaque. Surtout en abordant le sujet de la maladie.
That Dragon, Cancer est avant tout un hommage : L'adieu de deux parents à leur fils décédé d'une tumeur au cerveau. En 2014, Amy et Ryan Green créaient un kickstarter à l'intention assez nébuleuse. La seule chose qu'ils désirent est de raconter le combat qu'ils ont menés pour leur fils Joel. En très peu de temps, le projet est financé et le couple travaille péniblement pour au final sortir leur jeu en 2016. Il est inutile de préciser que cette création s'éloigne complètement des standards de jeu vidéo : un petit peu à la manière d'un film, le jeu est découpé en 14 scènes à durée très variables. Chacunes d'elles vous contant dans l'intimité la bataille de ses deux parents, un amour et un désespoir palpable.
Une descente aux enfers
Si l'on ne devait exprimer qu'un seul sentiment à la fin de ce jeu, ce serait une sorte d'inconfort totale. Cet enfant ne s'en sortira pas, le joueur le sait pertinemment avant même de commencer. Cet état de fait rend alors vraiment difficile les premières minutes, je dois l'avouer : la scène où la famille ne sait encore rien. Joel est à ce moment-là juste un gentil gamin un peu introverti, il ne fait rien comme ses camarades et ne parle pratiquement pas. Les parents en sont forcément préocupés, mais ils pensent en premier lieu à un désordre mental, l'enfant n'exprimant pas de douleurs. Seulement, il leur faut rapidement voir un médecin, puis un autre et encore un autre...Le diagnostic tombe, il est sans appel, Joel souffre depuis 4 ans d'une tumeur au cerveau. Je n'en dirai pas plus, car ce serait dénaturer complètement l'idée du jeu. Comment des vies peuvent changer, toutes les étapes qu'il faut traverser, c'est un ascenceur émotionnel absolument troublant. En plus de ceci, nous reste constamment à l'esprit l'aspect autobiographique : les créateurs de ce jeu ont réellement vécu ces tragiques évènements, cela accorde une intensité inédite à leur propos.
Pour ceux ou celles qui sont réellement sensibles ou qui ont déjà eu un passif avec ce genre d'histoires, ce jeu n'est pas un bon conseil. Les créateurs ayant voulu conserver une réelle vraisemblance, à part quelques séquences surréalistes voulues, le jeu est très documenté et ne cache absolument rien aux joueurs. Il faut accepter tout ce qui vous arrive dans la poire, ce qui est bien plus compliqué qu'on ne le pense, car ici vous ne pouvez vous cacher derrière la fiction, les évènements sont réels. Et cela est d'autant plus prenant que le joueur est en position omnisciente, il a une vue globale de la situation et de ce que pense chaque personnage, rien en lui est épargné.En environ 1h30, toutes les émotions vont vous traverser, elles sont certes prévisibles, mais elles sont sincères. Aucune fausse note, aucun trait forcé, la corde sensible n'est pas tiré à l'extrême : le jeu tape en plein dans le mille et forcément on pleure à chaudes larmes. Mais au final, après ce combat plein d'espérance, vous voilà face à l'inéluctable. Ne reste plus que l'innocent rire de Joel qui vous accompagne jusqu'à la fin des crédits.
Points forts
- Une sincérité vraiment prenante
- Un espoir sous-jacent malgré une fin certaine
- L'aspect polygonale vraiment joli
Points faibles
- Un jeu qui n'est pas vraiment jeu
- Le propos est cru, le joueur n'est pas épargné
Pour comprendre l'oeuvre des développeurs, au-delà de l'émotion pure, il faut le prendre pour ce qu'il est : un hommage, une autobiographie sincère. Une fois le jeu terminé, on ne peut que comprendre l'envie de partager ce combat, ce triste changement de vie que l'on ne souhaite à personne. Si l'on ne remet pas en cause ici l'utilité de produire cette oeuvre sous forme de jeu, on aurait peut-être aimé un aspect ludique un peu plus poussé, même si cela ne nuit en aucun cas au propos. Reste un jeu à part, prenant et qui ne laisse jamais indifférent.