L'annonce en fin de conférence Blizzcon d'un Diablo sur mobiles a déchaîné les foules. Le public, présent à l'événement était tout dédié à la cause Blizzard et attendait de pied ferme l'hypothétique annonce de Diablo IV, pourtant ni évoquée ni suggérée par le sutdio. Cependant, les simples rumeurs suffisent souvent, par leur simple existence, à convaincre certains joueurs de leur véracité, à tel point que chacun a persuadé son voisin que, oui, il y aurait bien l'annonce d'un Diablo IV à la Blizzcon. La communication sur internet étant souvent radicale, le phénomène a pris de l'ampleur et chacun s'est laissé entraîner par l'excitation générale pour se gaver de certitudes, tout le monde étant manifestement mieux renseigné que les développeurs et organisateurs eux-mêmes. Et, fatalement, lorsque l'annonce a pris la forme d'un Diablo Immortal, la colère a été immense à l'image de la déception,  et s'est manifestée d'une manière peu élégante, à l'image des diverses insultes qui pullulent dans ces cas là, ou, dans un acte de mécontentement, par une avalanche de « dislike » sur la présentation du jeu ayant volé la vedette à Diablo IV qui cristallisait tant d'espoirs.

Cette vendetta n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Souvenez-vous d'un Dota 2 passé en évaluation steam « variable » suite à l'annonce du jeu de cartes issu de la licence de Valve. Ou encore de la colère essuyée par CD Projekt lorsque le public a compris que Cyberpunk 2077 ne dépasserait pas les portes du stand réservé à la presse lors de la gamescom 2018. La vindicte des joueurs est telle et tellement véhémente que des développeurs en viennent parfois à rétro pédaler. Soit en communiquant précipitamment pour éteindre l'incendie, à l'image de Blizzard devant affirmer que oui, un nouveau Diablo est bien en chantier, ou comme CD Projekt qui a finalement diffusé la présentation presse à l'ensemble du public. On pourrait voir là des excuses détournées qu'aucune pression n'aurait dû déclencher, même si l'on comprend que les réactions sont le fruit d'une passion dévorante des joueurs pour le media.

S'il n'est pas criminel de s'insurger contre certaines pratiques de l'industrie dès lors qu'elles sont injustes pour les joueurs, le fait d'intenter un procès à l'égard d'un créateur ou distributeur de jeu sur un titre qui n'a pas été annoncé, ou lui faire payer au prix fort une maladresse de communication est disproportionné. Au delà du fait que cela donne une image du public « gamer » d'une bande d'enfants insatisfaits hurlant à la trahison dès que ses désirs ne sont pas satisfaits, cette attitude est aussi symptomatique du fait d'oublier que l'annonce d'un jeu attendu n'est pas un dû du développeur à son public.

Il existe beaucoup de raisons de pester contre la politique de communication autour du jeu vidéo. De nombreux faux pas ne sont pas excusables. Des graphismes pas à la hauteur d'une présentation peuvent passer pour de la publicité mensongère. Des micro-transactions mal pensées peuvent déséquilibrer gravement un jeu. Dans ces cas, oui, la levée de bouclier peut se justifier et, lorsqu'elle ne vire pas comme trop souvent au lynchage aveugle, elle peut avoir des effets positifs. Les présentations de jeux deviennent de plus en plus conformes au produit final, tandis que l'introduction de micro-transactions sera désormais étudiée plus sérieusement qu'auparavant. La grogne des joueurs n'est sans aucun doute pas étrangère à l'ajustement de ces pratiques.

Mais, lorsque les joueurs s'emploient à saborder le fruit du travail de toute une équipe, sans jamais y avoir touché, sous le simple prétexte que tel titre ne correspond pas aux attentes relève d'une attitude impatiente et puérile. Si un studio choisit de ne pas communiquer sur un titre en particulier, qu'il soit attendu ou non, relève sans aucun doute d'une mûre réflexion. Des raisons purement commerciales, tout comme des raisons d'avancement d'un projet interviennent dans la divulgation ou non d'un jeu à venir. Et en cela, un studio devrait toujours rester maître de son calendrier sans voir une partie de son catalogue totalement conspuée sous prétexte qu'il ne satisfait pas les désideratas d'un public peu enclin à prendre son mal en patience.

Les studios ne doivent pas d'excuses aux joueurs pour ne pas avoir dévoilé un projet qui n'est peut-être qu'au stade embryonnaire. Ils doivent aux joueurs et à leur soutien leur capacité financière à mener des projets sur le long terme et la possibilité de continuer leur activité. En cela, ils ne doivent pas les tromper sur les produits commercialisés, simple question de « service clientèle ». Cependant, ils sont aussi capables de maladresses de communication : créer un événement qui se termine mollement, ou laisser entrevoir un annonce forte qui ne s'avère pas à la hauteur des attentes du public.

Ce n'est pas une raison suffisante pour enterrer des jeux qui n'ont pas encore vu le jour, et encore moins pour discréditer l'ensemble d'un studio. La patience est une vertu, et de la frustration naît le désir. Autant d'adages dont il s'agirait parfois de se souvenir.