L’écoterrorisme pour les jeunes

Quand on jette un rapide coup d'œil à Final Fantasy VII Rebirth et Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins, difficile de trouver un point commun. Nous ne sommes ni sur le même genre de production, ni sur le même genre de jeu, ni sur la même durée de vie, ni sur le même style visuel… Et pourtant, si on se penche sur l’histoire, il y a un point commun entre les deux jeux, et pas des moindres. FF7, ce n’est pas juste le récit des aventures de Cloud. Elles se déroulent en effet dans un monde hyper-industrialisé, dans lequel une méga-corporation exploite sans vergogne la planète, au risque de la détruire. C’est pourquoi le groupe AVALANCHE, au sein duquel Cloud va malgré lui se retrouver, milite de façon plus ou moins musclée contre la Shinra. Ils sont considérés comme des “éco-terroristes”. Et c’est aussi comme cela que les autorités de la Vallée des Moomins qualifierait très certainement l'impétueux Mumrik (ou Snufkin pour les anglophones). Dans les avis Steam de Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins, on retrouve en effet de nombreux joueurs qui s’amusent à dire que le bonhomme est un affreux criminel qui viole la loi pour sauver la nature. Rajoutons à cela le fait que le bonhomme est de nature plutôt nomade et contre toute forme de propriété et il y a de quoi, pour certains, le pointer du doigt comme un terrible extrémiste… Et pourtant, Mumrik est loin de mener des actions aussi violentes qu’AVALANCHE.

Dans ce jeu, vous incarnez le criminel et éco-terroriste connu dans le monde entier, Mumrik

Sabokatti

Dans Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins, le but est simple : redonner à la nature sa splendeur d’antan… en arrachant pavé après pavé, clôture après clôture et tout ça au nez et la barbe des policiers qui patrouillent dans le coin. En pratique, c’est très simple et mignon. Il suffit d’attendre qu’un représentant de l’ordre tourne le dos pour arracher une petite pancarte. Le message est clair : moins d’infrastructure, plus de nature. Quand on compare aux actions d’AVALANCHE, cela n’a rien de bien révolutionnaire au final, et c’est normal ! Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins est une aventure pour “tous les âges.” S’il porte ouvertement un message écologiste, il s'agit d'une écologie pour tous, un premier aperçu du sujet. Le tout est couplé à une bienveillance sans faille qui fait de cette petite aventure un havre de paix naturel et enfantin. On oublie l'illégalité, on oublie l’affreuseté et on se laisse porter. Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins est clairement une fable toute mignonne doublée d’un récit écologiste qui parlera autant aux plus jeunes qu’aux moins jeunes. Et cela n’a rien de surprenant, puisque Tove Jansson portait déjà ces sujets en 1945, année de la publication de la première œuvre de l’univers des Moomins, Moumine et la grande inondation.

La nostalgie Moomins

Et oui, le monde des Moomins a quasiment 80 ans. Avec toutes ces années, la licence a eu le temps de forger tout un empire. Les Moomins, ce sont des livres, des séries, des jeux, des produits dérivés… Résultat, chaque année la franchise génère des millions d’euros (8 en 2013 à titre d’exemple). Si cela n’aurait certainement pas bien plû à sa créatrice - dont l’histoire est au moins aussi intéressante que celle des Moomins -, ça en dit tout de même long sur l’aura que possède cette licence. Et pourtant vous n’en avez peut-être jamais entendu parler. Mais sachez que de nombreux jeunes enfants ont passé des heures en compagnie de ces gentils trolls, que ce soit grâce aux histoires contées le soir ou l’adaptation animée japonaise sortie dans les années 90. Et forcément, Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins sent bon la nostalgie pour tous ces anciens enfants. Pour tous ceux-là, le jeu a clairement des airs de madeleine de Proust particulièrement satisfaisante.

Surtout que les développeurs de chez Hyper Games ont rendu un bel hommage à l'œuvre initiale. Une petite heure suffit à se rendre compte qu'ils ont réussi à retranscrire avec brio l’esprit des Moomins. Il est ainsi possible de retrouver les différents personnages de ce riche univers (plus de 50), avec leurs personnalités et leurs particularités qui les rendent aussi attachants - ou énervants selon le cas. Bien sûr, c’est également l’occasion de revoir des paysages incontournables qui vous replongeront, avec une rapidité folle, en enfance. Les clins d'œil sont également nombreux. Et puis il y a ce ton à la fois léger et grave, enfantin et lourd de sens, qui a fait le succès de la licence. Bref, ce jeu est sans grande surprise une lettre d’amour à l’univers de Tove Jansson, et sacrément bien réussie ! Résultat, le jeu conviendra autant aux enfants qu’aux nostalgiques un peu plus âgés… mais pas que.

Pas besoin de connaître le monde des Moomins pour comprendre ce qu’il se passe dans Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins. Le jeu n’est ainsi clairement pas réservé aux fans. Tout amateur de jeux d’aventure cosy saura y trouver son compte. C’est cohérent, intéressant, attachant et riche en quêtes annexes. Au-delà des Moomins, le titre est avant tout une expérience reposante qui mise sur un gameplay simple mais efficace, des graphismes tout mignon et une musique envoûtante. Et ça, c’est la troisième raison de craquer !

Une oeuvre d’art à part entière

Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins est une œuvre artistique à part entière. Cela, il le doit tout d’abord à ses graphismes. Le titre a clairement des airs d'album pour enfants avec ses couleurs apaisantes et sa patte graphique si particulière. Il y a même un petit effet qui donne l’impression que les personnages ont été déchirés d’un album de Tove Jansson pour se mouvoir et vivre leur vie sur de grands tableaux. Qui plus est, certains plans sont particulièrement bien travaillés et on pourrait passer de longues minutes à les contempler, comme on le ferait face à un paysage naturel s’offrant à nous une fois arrivé au sommet d’une falaise. Mais Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins ne propose pas seulement des visuels particulièrement réussis.

Vous le savez peut-être, mais Mumrik aime écrire de la poésie et jouer de l’harmonica. Ce dernier point, il est particulièrement important pour ce qui va suivre. Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins est en effet une expérience musicale. Grâce à ses instruments, notre petit bonhomme va pouvoir résoudre des énigmes et avancer, au fur et à mesure qu’il retrouve son inspiration grâce à la beauté de la nature. Et puis forcément, il fallait que les équipes d’Hyper Games proposent une bande-son à la hauteur de son talent. Là vient un argument de poids : le groupe de rock progressif islandais Sigur Rós a posé sa patte si particulièrement sur la bande-son du jeu. De quoi accentuer l’ADN nordique de ce nouveau jeu vidéo, tout en proposant une expérience envoûtante de A à Z. Dès les premières minutes, dès les premières notes, on comprend que Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins propose un véritable voyage artistique auquel de nombreuses personnes semblent sensibles. Si, de ce que j’ai vu pour le moment, je suis entièrement séduite, je ne suis visiblement pas la seule. Le titre enregistre un Metacritic de 80 au moment où nous écrivons ces lignes, avec également 98% d’avis positifs sur Steam. De quoi peut-être finir de titiller votre curiosité. Et à ce sujet, laissez-moi conclure avec un conseil de l’autrice tout droit tirée de l’un de ses livres :

Dans le fond, il n'y a qu'une seule chose à retenir : ne jamais se lasser, ne jamais devenir indifférent, ne jamais perdre sa précieuse curiosité - car c'est là qu'on se permet de mourir. C'est aussi simple que ça.

Fair-Play, Tove Jansson

Mumrik : La mélodie de la Vallée des Moomins est disponible depuis le 7 mars sur PC et Nintendo Switch.