Ce jeudi 18 janvier, la conférence des développeurs de Microsoft levait enfin le voile sur l’un des jeux les plus attendus de l’année 2024 : Indiana Jones : le Cercle Ancien, un projet qui trotte depuis un long moment dans la tête de Todd Howard, producteur du titre. Première bonne nouvelle pour les fans : notre cher Indy porte les traits d’un jeune Harrison Ford, incarnant naturel du personnage que l'on voyait difficilement être remplacé. Naturellement, il s’agira d’une aventure avec un grand A, incluant énigmes d’envergure avec leviers et symboles compliqués au programme, mais aussi exploration et utilisation intelligente du fouet. Le jeu se déroule entre le second et le troisième film et autre bonne nouvelle, la version française peut compter sur le talent du renommé Gérard Darbois, lui qui prêtait déjà sa voix au personnage dans Indiana Jones et le Temple maudit. Seulement voilà, à la surprise générale, le jeu est à la première personne, un point qui semble agacer une bonne partie de la communauté.

"Vous n'incarnez pas juste Indy, vous êtes Indy"

Un rapide tour sur les plateformes de discussion et les réseaux sociaux permet de se rendre compte assez facilement de la tumulte que provoque l'annonce de la vue à la première personne d'Indiana Jones et le Cercle Ancien. Une poignée de topics fait l’étalage de réactions assez hétérogènes ; “Tous les jeux Indiana Jones des années 2000 sont à la troisième personne comme Tomb Raider” déplore un internaute aux habitudes trop ancrées dans une discussion sur le site Steam avant que quelqu’un ne lui réponde : “Alors pourquoi faire un autre jeu à la troisième personne au lieu d'essayer un jeu à la première personne pour changer ? On ne peut pas nier que l'approche adoptée pour ce jeu n'est pas unique”. L’ambiance est plus ou moins la même sur Reddit “La première personne marche si vous incarnez un soldat non identifié ou un vague héros. Mais ici, vous êtes Indiana Jones. Vous devriez pouvoir voir qui vous jouez…”, dit quelqu'un, quand un autre rétorque “Ils veulent vous mettre dans la peau d'Indy. Cela signifie que vous serez au plus près de l'environnement.”

C’est bien là la stratégie de Machine Games, 'qui lors de la conférence, nous indiquait déjà que dans Le Cercle Ancien, “vous n’incarnez pas Indy, vous êtes Indy'”.' D’ailleurs, dans une interview publiée sur le site de Lucasfilm, les journalistes d'IGN ont demandé à Jerk Gustafsson, directeur du jeu chez MachineGames, si les développeurs avaient essayé la troisième personne pendant le développement. Ces derniers défendent fermement leur décision, probablement bien conscients que le choix de la caméra allait susciter une myriade de débats : "Le jeu à la première personne fait partie de l'ADN de MachineGames, et nous voulions voir comment nous pouvions l'utiliser pour créer une expérience vraiment immersive en entrant dans la peau de l'archéologue le plus célèbre du monde''", a expliqué Jerk Gustafsson. Le directeur du design Jens Andersson y est aussi allé de son commentaire :

La première personne vous permet de faire partie de ce monde, d'explorer et de vivre les choses plus intimement. Que ferez-vous lorsque vous serez lâché dans cette aventure avec votre esprit et votre fouet ? Le monde d'Indiana Jones est un monde avec des mystères à chaque coin de rue, où vous devez courir contre la montre et être plus malin que vos ennemis pendant que vous traquez des artefacts.

Le choix d'innover

J’en viens à me demander à quel moment les jeux à la première personne sont-ils devenus si impopulaires auprès du public, outre les migraines que cela peu provoquer chez certains ? Est-ce en raison de la popularité dominante des licences à forte dimension cinématique et à la 3ème personne comme les God of War et The Last of Us ? Certains joueurs sont-ils trop habitués à voir le dos de leur personnage pour apprécier une approche différente ? Je sais que beaucoup trouvent simplement la sensation désagréable, ou estiment que la caméra accorde une mauvaise perception du personnage dans l’espace de jeu. Pourtant de grandes licences à la première personne anciennes comme actuelles trouvent encore leur public, de BioShock à Resident Evil Village et passant par les sagas Metro et Half-Life. Et une grande partie d’entre elles incluent des armes à feu. L’approche d’Indiana, qui mêle coups de fouet, énigme et furtivité, est tout de même assez singulière dans le paysage vidéoludique et propose un regard assez frais. Elle rend le joueur bien plus curieux sur le produit fini que s’il était à la troisième personne. Aussi, si le jeu n’était pas à la première personne, on ne pourrait être aux premières loges pour profiter du visage effaré de nos victimes prises dans notre lasso, comme si bien illustré dans le gif ci-dessous.

Gustafsson a aussi ajouté que le point de vue à la première personne permettait de différencier le jeu des autres titres d’action-aventure très bien connus du grand public. C’est à mon sens un excellent argument qui évitera bon nombre de comparaison avec les séries Uncharted de Naughty Dog et Tomb Raider de Crystal Dynamics, deux franchises à la troisième personne d’ailleurs inspirées des films d'Indiana Jones qui souffrent déjà entre elles de comparaisons constantes. Incarner un aventurier/archéologue en quête d’un trésor enfoui ou d’un artefact interdit, c’est un scénario que l’on a déjà visité une myriade de fois de la même manière. Le proposer d’un point de vue différent était franchement l’une des seules solutions pour innover drastiquement l’expérience.

La spécialité MachineGames

Le choix de la caméra à la première personne n’est de toute manière pas franchement étonnant lorsqu'on se rappelle que c’est MachineGames qui est au développement. Rappelons qu’ils sont à l'origine des Wolfenstein depuis le reboot de la série avec Wolfenstein : The New Order, un FPS old-school fun et efficace avec des sensations vraiment grisantes. Leur dernier titre en date, Wolfenstein Youngblood, n’est pas en reste et propose des gunfights toujours toujours aussi nerveux en dépit d’une IA volatile. Le studio a aussi aidé quelques confrères sur les licences DOOM, Deathloop et Skyrim. Bref, quand on sait le jeu entre les mains d’un tel spécialiste, difficile de vraiment s’inquiéter sur le point de la première personne. A la rigueur, on pourrait plutôt porter ses questionnements sur d’autres aspects plus nébuleux, comme la narration et l’intelligence ennemie. Mais pourquoi voudrait-on sortir MachineGames de leur zone de confort ? L'objectif logique n'est pas tellement pour eux de s’adapter à l’historique de la licence, mais plutôt de l'intégrer à leurs codes les plus aboutis pour en faire ressortir le meilleur des deux mondes. L'image de Harrison Ford apparaîtra pour les séquences de cinématique et à quelques autres moments propices, et cela me semble bien suffisant. Après tout, cela fait plus de quarante ans qu'on voit déjà son chapeau, n'est-ce pas assez ?