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Sujet : [Fic] Au coeur de la tempête

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TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
03 septembre 2018 à 00:20:06

Chapitre 13

Pour la seconde fois d'affilée, la nuit s'abattit sur eux sans prévenir. Posté à la vigie conformément à l'assignation quotidienne des tâches, Aris acheva le malheureux filet d'eau-de-vie hantant encore le fond de son outre, avant d'émettre un long sifflement à l'égard de l'équipage, marquant la fin d'une longue journée de travail.
À l'écoute du signal, les marins s'agitèrent pour la dernière fois de la journée, enivrés par la perspective du repos à venir. Les matelots replièrent aux deux tiers les voiles du navire, nouèrent solidement les cordages les maintenant attachées, et regagnèrent le plancher du pont. Ernard délaissa le gouvernail, et se dirigea d'une démarche sautillante vers le rougegarde tout juste descendu des cordages.

- Encore une journée radieuse qui s'achève ! fanfaronna le bréton en posant sur l'épaule du mercenaire une main que ce dernier se força à supporter.

- Je n'aurais pas refusé un peu de mauvais temps, grogna Aris. Nous pourrions déjà être à Daguefilante si le vent avait daigné pointer le bout de son nez.

- Allons, tant de pessimisme ne vous sied guère, matelot ! Vous avez encore une fois su mener mon équipage d'une main de maître ! Chaque jour qui passe est une raison supplémentaire de me féliciter de votre présence à bord de l'Esturgeon.

- Félicitez-moi tant que vous le souhaitez. Si un navire pirate nous tombe dessus, je ne donne pas cher de notre peau. Où est Dakin ?

- Il ne doit pas avoir entendu votre appel. Allez donc le chercher ! Mes hommes se chargeront de la cuisine, comme toujours.

Le rougegarde dépassa le quatuor d'équipage, figé dans une droiture scrupuleuse face au commandant de bord, et s'engouffra dans la cale.
Un souffle d'air frais l'accueillit au pied des marches, et il soupira de contentement, heureux d'échapper à la fournaise à peine retombante d'un ciel marin peu venteux.
Conformément aux dires d'Afranius, Aris avait travaillé dur durant les quarante-huit dernières heures, supervisant l'équipage du bréton tout au long de la journée sans prendre le moindre repos. Malgré son excellente condition physique, se balader de cordage en cordage et hisser voile sur voile afin de maintenir le cap de Daguefilante sans rien sacrifier à leur vitesse de navigation pouvait rapidement s'avérer épuisant. Le manque d'effectif se faisait cruellement sentir, d'autant plus que le reste de l'équipage ne semblait pas pressé de regagner la terre ferme, et écoutait au mieux d'une oreille distraite ce que le second improvisé avait à leur dire. Il pouvait les comprendre : se retrouver subordonné à un nouveau venu du jour au lendemain devait paraître étrange à ces hommes ayant grandi sur les flots et les rivages de la baie. Même si une certaine complicité s'était formée entre lui et les autres marins, il pouvait sentir que la perspective d'abandonner la moitié de leurs camarades à Sentinelle ne les enchantait guère, et qu'ils se languissaient d'ores et déjà de troquer sa présence contre celle d'un équipage au grand complet.

Néanmoins, il ne se plaignait guère de sa condition. Pouvoir naviguer de nouveau l'emplissait de nostalgie, et chaque goutte de sueur versée lui rappelait les jours dangereux mais inoubliables qu'il coulait autrefois en compagnie de sa famille. Piller les navires côtiers et assaillir les caravanes longeant la baie avait laissé des marques indélébiles dans son esprit d'enfant, et la perspective alléchante de chaque nouveau butin avait bercé ses jeunes années aussi sûrement que la terrible guerre civile qui avait suivit.
Désormais, plus de meurtre, plus de vol, plus de raid. Son clan avait disparu au sein de la masse rebelle écrasée par les armées fédérées du précédent souverain bréton, et avec, la vie de banditisme qu'il s'était vu mener.

Avec un sourire en coin, il pensa que l'Ordre des Marcheurs n'avait guère suffit à ôter de telles tentations de son esprit. Indubitablement, le chemin à parcourir pour rallier le côté de la justice était encore long. Le voyage même qu'il était en train de mener ne se faisait-il pas sous les auspices du trafic illicite de marchandises ?
Mais peut-être tout ceci allait-il bientôt changer. Qui pouvait dire ce que ses retrouvailles avec Dakin allaient engendrer dans les semaines à venir ?

À l'instant où ces pensées traversaient son esprit, le rougegarde tomba justement nez-à-nez avec son acolyte. Il trouva l'elfe noir agenouillé au sol, astiquant avec une hargne non dissimulée les planches du pont inférieur.

- Oh, voilà le capitaine adjoint ! ricana le Dunmer en levant les yeux dans sa direction. Suis-je autorisé à disposer de l'usage de mes genoux pour me relever ?

Aris dissimula l'éclat de rire satisfait montant de sa gorge. Pouvoir affecter son ami aux corvées de nettoyage sans souffrir de contestation était un plaisir dont il se délectait copieusement depuis la prise de cette décision. Il n'avait pas hésité une seule minute après qu'Afranius lui ait conféré les pleins pouvoirs sur le restant des matelots pour assigner à l'elfe la tâche qui le rebutait le plus à bord de l'Esturgeon, et ce dernier s'était retrouvé contraint sous la menace d'un retour immédiat vers Sentinelle.

- Hé ! Au moins, tu as droit à un peu de fraîcheur là-dessous ?

- Le feu du dépit m'échauffe bien plus que ne le ferait le soleil, grogna son camarade. Tu me payera cela à l'instant exact où nous poserons pied sur la terre ferme.

- Nous verrons bien. En attendant, je suis affamé. Et je suppose qu'entretenir ce magnifique et humide espace a dû te creuser l'appétit autant qu'à moi !

Aucun des deux Marcheurs ne se fit prier lorsque l'heure du repas fut arrivée. Les sept passagers du navire se réunissaient chaque midi et chaque soir dans l'habitacle situé sous le gouvernail, où les ustensiles de cuisine s'alignaient sobrement le long des murs, surplombant l'imposant chaudron de pierre nécessaire au maintien de la satiété commune. Si les deux rougegardes de l'équipage régulier mettaient à profit la majorité de leur temps libre pour entretenir l'armature de l'Esturgeon, l'argonien et le bréton semblaient partager une passion commune pour le domaine culinaire, et possédaient visiblement plus d'expérience en la matière que n'importe qui d'autre à bord, surprenant chaque jour le palais des deux amis de nouvelles créations aussi osées que fructueuses. À leur arrivée, tous s'étaient attablés sans attendre, autour d'un ragoût de saumon à l'aubergine et à la menthe accompagné de généreuses tasses de thé au wasabi.
Si les journées étaient dures, le désavantage de leur sous-effectif s'inversait cependant en cette heure, et chacun fut en mesure de remplir son auge autant de fois que nécessaire. Ernard, qui avait englouti sa pitance sans un mot, quitta la compagnie de ses hommes assez rapidement, et retourna s'enfermer dans sa cabine, où il semblait passer le plus clair de ses journées.

Malgré la sympathie que les deux camarades vouaient aux quatre matelots, ils ne s'attardèrent pas non plus ce soir-là. Comme convenu la veille, une discussion s'imposait à eux.
Après s'être soulagé, Aris retrouva Dakin un bon mètre et demi au-dessus du pont, les membres croisées autour des cordages pour se maintenir en l'air. Le rougegarde prit place jambes par-dessus bord, humant l'air marin avec tranquillité.

- Bien, commença-t-il en scrutant l'horizon scintillante. Voici venu le temps des questions.

- Je t'en prie, fit le Dunmer.

Le mercenaire prit une longue inspiration. Il lui était encore difficile de mettre de l'ordre dans sa tête, et les interrogations qui s'étaient accumulées au sein de son esprit étaient aussi innombrables qu'il l'avait craint.
Il ne faisait aucun doute qu'il lui serait impossible de toutes les poser ce soi-même, et que certaines d'entre elles se verraient suivies de réponses dures à digérer. Pire encore, il pressentait que l'elfe noir ferait s'étaler la divulgation de son savoir sur plusieurs mois, et que ce soir s'avèrerait probablement avare en informations. Aussi décida-t-il d'aller à l'essentiel.

- Qui retrouverons-nous à Daguefilante ?

- Tu commences fort, dis-moi. J'osais espérer pouvoir garder cette information confinée dans la sureté de ma conscience individuelle aussi longtemps que possible.

- Allons, cesse de te jouer de moi ! Je sais que tu ne nous mène là-bas que parce qu'un Marcheur s'y trouve. Et je suis conscient que son identité est un secret à conserver jalousement. Mais ici, aucune oreille indiscrète ne viendra s'enquérir de notre discussion.

- Facile à dire. Oublierais-tu que nous nous trouvons...

- Quoi ? Tu as peur qu'un agent du Thalmor se tienne tapi sous la surface des flots, attendant sagement tes dernières révélations pour nous foudroyer sur place ?

Conscient de l'agacement de son camarade d'antan quant à son excès de prudence, le Dunmer soupira.

- Comme je te l'ai dit avant notre départ, ne n'ai pu rester en contact qu'avec une poignée des nôtres. Mais celui que nous nous apprêtons à retrouver ne fait pas partie de ceux-là, bien au contraire.

- Que veux-tu dire ?

- À moins que tu n'aies consciencieusement délesté ta mémoire de tout souvenir concernant Yokuda, j'imagine que le nom de Nash gro-Shagol ne t'es pas complètement inconnu ?

- Comment l'oublier ? rit le mercenaire. Voir un orque délaisser la hache au profit de la plume et l'ouvrage fait assurément partie des choses que je ne pourrait oublier, même en le souhaitant.

- Il n'est pas simplement érudit, compléta Dakin. C'est également un grand maître des arcanes. Sa puissance nous sera précieuse dans la lutte à venir.

- Très bien. Et alors ?

- Et alors, j'ai de bonnes raisons de penser qu'il se cache quelque part en ville. Je ne peux pas t'en dire plus avant d'en avoir le cœur net, mais je t'assure que mes prédictions se verront confirmées sous peu. Dans le cas contraire, nous partirons à la rencontre des autres survivants de l'Ordre.

- Alors quoi ? Nous allons débarquer dans l'une des plus grandes villes du continent sans la moindre indication et attendre que le hasard nous mène face à lui ?

- Tu te doutes bien que je ne me risquerais pas dans une quête aussi incertaine, Aris. Si je ne pensais pas avoir les moyens de lui mettre la main dessus, nous ne serions pas à bord de ce bateau. Tu en sauras plus en temps voulu, fait moi confiance.

Le rougegarde cracha dans l'eau, incapable de dissimuler sa frustration.

- La suite dans le prochain volume... pesta-t-il sèchement. Si tu ne me fais pas confiance, très bien. Mais je ne reviendrais pas sur mes paroles. Tôt où tard, il te faudra parler.

- Égrener les informations est un moyen efficace de m'assurer que tu restes à mes côtés pour le moment. Si je te révélais tout d'une traite, que ferais-tu ?

- Je te fausserais compagnie à la première occasion, naturellement, ricana-t-il. Je retournerais violer, massacrer et vivre sur aux dépends de notre bonne société ! À quoi s'attendre d'autre, avec un scélérat de mon espèce ?

- Blague à part, ta présence est nécessaire, maintenant plus que jamais.

- Discernerais-je là l'esquisse d'un compliment ?

- Même si j'éprouve bien peu de satisfaction à l'admettre, tes... expériences professionnelles font de toi un partenaire idéal. Il serait idiot de me priver de tes compétences en des temps si critiques.

Aris sourit.

- Nous pouvons au moins tomber d'accord sur ce point.

- Descendons, à présent. Passer la journée enfermé au frais m'a amplement suffit, et je troquerais volontiers ces embruns nocturnes contre la chaleur d'un bon feu... ou d'un bon lit.

Les deux hommes regagnèrent leurs appartements, adressant un dernier regard à la voûte céleste. Parmi la myriade d'astres flamboyants trouant l'infini, Masser et Secunda veillaient sur eux, et amorçaient le dernier acte de leur montée au dessus de leurs têtes. L'aube ne les attendrait pas, et les heures de sommeil à venir seraient aussi précieuses que comptées s'ils ne s'en saisissaient pas sur-le-champ. À contrecœur, Aris décida de mettre en suspens sa légion de question, et de méditer calmement sur le peu qu'il avait apprit. Si Diagna le désirait, le sommeil lui porterait conseil.

TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
03 septembre 2018 à 00:21:01

Malgré le peu de confiance que lui avait inspiré Ernard Afranius le jour de leur discussion, les négociations du rougegarde s'étaient avérées payantes. Au terme de près d'une heure de palabres, Aris était parvenu à faire céder le nobliau. Le bréton leur avait attribué les appartements les plus somptueux du navire, réservés aux invités de marque, en échange de leur discrétion indéfectible quant à ses agissements commerciaux peu reluisants.
Deux amples lits aux draps finement brodés se trouvaient au centre de la pièce, chacun pourvu d'une table de chevet en cèdre marbré dont le niveau de détail suffisait amplement à confondre les regards les moins avertis. De nombreuses lanternes éclairaient généreusement la pièce d'une lumière dansante, accentuant les reliefs d'un ameublement aussi noble que minutieux. Le mobilier croulait sous les dorures, distribuées sans parcimonie, au point que chaque étagère, chaque armoire et chaque gravure murale semblait n'être là que pour écraser les rares résidents de la chambre sous l'opulence de son propriétaire. Aux murs, plusieurs toiles bucoliques ornées de signatures indéchiffrables se balançaient lentement au gré du roulis, emplissant l'air d'un grincement régulier. Toute trace de normalité avait été scrupuleusement bannie de l'espace qui les entourait, laissant l'exubérance fanfaronne de leur hôte régner sans concession sur les lieux.
Tout d'abord surpris de la présence avérée d'une cabine aussi luxueuse à bord d'un bateau destiné au transport de marchandises, Dakin n'avait pas hésité longtemps. Après avoir passé des mois dans l'exiguïté de sa chambre en compagnie de Neloth, l'opportunité de rehausser son niveau de confort s'était imposée comme une chance unique. Il avait ainsi accepté de se plier au commandement d'Ernard, et, par une regrettable extension dont il ignorait alors les tenants, à celui d'Aris, soudainement promu second. Un choix qu'il regrettait amèrement de jour, mais avec lequel chaque nuit le réconciliait sans mal.

Sans attendre, le rougegarde ôta sa tunique, révélant un torse finement ciselé exempt de cicatrices. Le mercenaire se glissa sous ses draps, encore défaits de sa dernière nuit, et posa avec délectation sa nuque contre le sommet de l'oreiller immaculé. Après avoir contemplé quelques minutes le plafond de chêne au polissage ostentatoire, il se tourna vers son camarade.
Assit de dos à lui, Dakin s'était également dévêtu de son habit pourpre, exposant ses creux de ses larges épaules à la lueur des chandelles.
Si les recherches menées par le Dunmer l'avaient écarté de ses entraînements quotidiens, les apparences n'en laissaient rien croire. Malgré l'élégance de son faciès et la délicatesse de ses doigts, le Marcheur était solidement bâti, et semblait pouvoir encaisser de plein fouet la charge d'un taureau.
N'importe quel reître rougirait d'envie face à la possibilité de mettre de telles capacités à exécution, songea Aris en fermant les yeux.

- J'espère que Neloth fera bon voyage, souffla Dakin.

- Pourquoi ne pas l'avoir emmené avec nous ? Même lui paraissait surpris de te voir lui ordonner de quitter la ville par l'Est.

- Il savait que nous devrions nous séparer tôt ou tard. J'ai juste omis de lui préciser que cette séparation constituerait la première étape de notre périple.

- Laisse-moi deviner... Il se dirige vers une obscure contrée dont le nom restera secret jusqu'à ce que je me montre digne de ta confiance ?

À sa surprise, le Dunmer ne répondit ni par un silence, ni par une excuse.

- Non, pas cette fois. Sache qu'il fait marche vers Bordeciel, à la recherche de l'un des nôtres.

- Vraiment ? s'étonna Aris. Et tu le pense capable de réaliser seul une mission pour laquelle tu t'avoues avoir besoin de mon aide ? Dans une province aussi drastiquement différente de Martelfell, qui plus est ?

- Il s'agit d'un cas un peu particulier... Il rencontrera l'un des Marcheurs ceux avec lesquels je communique. Je lui ai donné une lettre à lui remettre, avec l'interdiction formelle de la lire.

- À quoi bon lui adresser un pli si tu es en mesure d'interagir avec lui à distance ?

- C'est parce que la lettre est vide. Je n'ai pas écrit un mot dessus.

Soudain, le rougegarde comprit vaguement où son ami voulait en venir. Rouvrant les yeux, il se redressa vers lui. L'elfe noir contemplait le vitrail de la fenêtre, à travers lequel l'écume d'une mer grondante s'agitait puissamment.

- Il s'agissait plus d'un prétexte pour l'éloigner de moi que d'une réelle mission, continua-t-il sans quitter le hublot du regard. Il n'aura même pas à localiser notre allié, puisque ce dernier le rejoindra de lui-même au point convenu.

- Pourquoi l'écarter de nous ? Que crains-tu trouver à Daguefilante, au juste ?

- Nous ne sommes pas en sécurité, et mettre pied sur les côtes de Hauteroche n'y changera rien. Des assassins sont probablement à notre poursuite, et si je peux me tromper, il ne fait en revanche nul doute que des espions traquent nos déplacements pour en avertir l'ennemi.

Aris se figea. À ces mots, le souvenir des hommes l'ayant attaqué au marché de Sentinelle le jour de sa rencontre avec le Marcheur venait de lui revenir. Dans l'effervescence et le questionnement permanent des trois derniers jours, l'assaut des spadassins lui avait complètement échappé. Les trois hommes étaient loin de lui avoir causé le moindre trouble, mais ils savaient précisément où et quand le trouver. Cela aurait-il dû le mettre sur la piste d'une intervention plus sérieuse qu'il ne l'aurait pensé ? De tels brigands en avaient-ils après lui en raison de sa notoriété de chasseur de primes ? Ou bien y avait-il bel et bien une autre raison à leur irruption ? Si tel était le cas, alors Dakin disait vrai : ils n'étaient sans doute plus nulle part à l'abri.
Mais cette découverte s'avérait plus problématique qu'autre chose : il était trop tard pour faire demi-tour et en avoir le cœur net. Restait de plus à savoir comment l'annoncer au Dunmer. Le fait d'être passé à côté d'une potentielle piste concernant l'identité du traitre risquait de le mettre en furie, et le sommeil alourdissait déjà ses paupières. Une énième dispute était la dernière chose dont il avait besoin.

- Tu as fait le bon choix en l'éloignant, acquiesça consciencieusement le rougegarde. Les hommes de main de notre traître ne devraient pas en avoir après lui. Et j'ose dire que le Thalmor ne lui tombera pas dessus en territoire rougegarde.

- C'est bien ce point qui m'inquiète, marmonna l'elfe noir. Neloth en sait à peine assez pour suivre mes ordres sans discuter. S'il ignore notre véritable objectif, au moins est-il conscient de la nécessité de rassembler nos anciens camarades pour organiser notre défense. Mais notre ennemi ne peut que présager de telles choses. S'ils ont le moindre doute quant à son degré d'implication dans cette affaire, ils s'en prendront à lui pour écarter tout risque.

- Ne feraient-ils pas mieux de le suivre discrètement jusqu'à ce qu'il les mène à notre soutien en Bordeciel ?

- Encore une fois, impossible de savoir s'ils ont conscience de sa destination ou même de son objectif. Ils pourraient parfaitement tenter de s'en débarrasser en engageant des mercenaires, ce qui leur éviterait d'avoir à impliquer directement le Thalmor sur le sol de Martelfell. Je l'ai averti du danger, mais je ne peux qu'espérer qu'il passe entre les mailles de leur filet...

- Crois-moi, tu ferais mieux de t'inquiéter à propos de la route qu'il a a parcourir plutôt que de ses hypothétiques poursuivants. Il va devoir traverser tout Lenclume, et les temps qui courent ne sont pas sûrs pour voyager. Cela dit, il m'a l'air de pouvoir se défendre à peu près convenablement...

- Que veux-tu dire par-là ?

L'œil suspicieux de Dakin se fixa sur lui, accrochant son regard aussi sûrement qu'un poing cranté refermé sur une lame. Le rougegarde su alors que la vérité allait immanquablement devoir franchir le seuil de ses lèvres.

- Aris, qu'est-ce qui te fait dire qu'il sait se battre à peu près convenablement ?

Le Dunmer avait répété sa question, et au ton de celle-ci, Aris réalisa que sa réponse était déjà à moitié devinée.

- Je me demandais... fit-il d'un ton aussi calme et innocent que possible. Il ne t'as pas parlé de quelque chose avant votre séparation ?

- Où veux-tu en venir ? Je t'écoute.

- Eh bien... Nous avons été attaqués en ville, avant de venir te trouver.

- Je m'en doutais, grinça le Dunmer en secouant la tête. J'avais mit cela sur le compte de la chaleur, mais il paraissait essoufflé après notre entrevue. Évidemment, il ne m'en a pas parlé. Et toi, pourquoi ne m'avoir rien dit ?

- Parce qu'il aurait pu s'agir de n'importe quoi d'autre ! lâcha le chasseur de primes, sur la défensive. Sentinelle est une grande ville, et le mercenariat a vite fait d'y attirer les ennuis. J'avais mit leur assaut sur le compte d'un client mécontent, ou d'une guilde aux valeurs discutables cherchant à éliminer ses rivaux. Cela arrive souvent, en tout cas plus que tu ne l'imagines.

- Enfin ! Au vu des circonstances...

- Sans t'avoir rencontré, je ne pouvais pas réaliser le danger qui pesait sur les Marcheurs ! Comment aurais-je pu faire le rapprochement entre ces hommes et des ennemis dont je ne soupçonnais alors même pas l'existence ?

- Peu importe, déclara l'elfe, amer. Ce qui est fait est fait. Tu as remarqué quelque chose de particulier chez eux ?

- Rien à priori, déplora Aris. Pas d'insigne sur leurs tenues, des armes de facture notoire, et un comportement tout à fait habituel pour les gredins de leur espèce. Je ne les ai pas fouillé, bien que l'idée m'en soit passé par la tête. La garde locale ne m'inspire aucune confiance, et je redoutait qu'ils ne se montrent... collants si je m'étais attardé.

- Je vois. En somme, il pourrait s'agir de simples bandits comme d'agents venus spécifiquement pour nous éliminer. Je suppose que nous n'aurons jamais le fin mot de cette histoire... Comment s'est battu Neloth ?

- Pourquoi cela ? hésita le rougegarde. Eh bien, il sait à peine comment tenir un poignard, mais il m'a semblé assez vif pour un gamin de son âge...

- J'ai personnellement veillé à son entraînement ces derniers mois, expliqua le Dunmer. Mais m'exercer aux armes blanches avec lui aurait été trop risqué. Je ne suis plus aussi habile qu'auparavant lorsqu'il s'agit de mesurer mes réflexes, et je craignais de le blesser. Je devais néanmoins m'assurer qu'il puisse se défendre, et les arts martiaux yokudans m'ont semblé appropriés.

- Ces mouvements m'étaient vaguement familiers, mais je n'y avait guère prêté attention... Une sage décision, assurément. Maîtrisé, le combat rapproché est l'arme la plus redoutable d'un combattant pour se défaire de ses assaillants. Mais je doute que cela lui soit d'une grande aide face à la faune sauvage qui le sépare de son objectif. Il paraît que Bordeciel abrite des ours aussi gros que des senche-raht.

Les yeux de Dakin se perdirent de nouveau à travers la vitre de la cabine, empreints d'une détermination infaillible.

- Il survivra. Je m'inquiète, mais je sais qu'il survivra. Il est de leur sang.

Un rire sombre agita la poitrine du mercenaire.

- Qui l'eût crû ? Neloz et Sulith auront été plus que les nos sauveurs et maîtres en Yokuda... Ils t'ont même remit leur unique fils ! Et dire que j'ai sans le savoir failli lui planter une lame entre les côtes... J'imagine que cela aurait fait de moi un autre ennemi de l'Ordre...

- La famille Drès est vaste, et ils n'auraient pas eût de mal à le confier aux soins de leurs proches de Vvardenfell. Je n'avait pas compris leur décision, à l'époque... Me donner la garde un nouveau-né juste avant de partir en Tamriel ?

À son tour, Dakin eût un rictus. Mais ce dernier, loin de paraître ironique, était empreint de nostalgie.

- Nous étions si jeunes, et si peu préparés à cette guerre... Malgré toutes les horreurs que nous avions vu, j'étais resté naïf. Je pensais qu'ils seraient toujours là pour nous guider vers la lumière de Diagna... Quel imbécile. J'aurais dû me douter qu'ils n'avaient pas prévu de revenir, et que cette mission serait leur dernière.

- Je n'ai jamais su me résoudre à retourner en Hauteroche après cela, avoua Aris. C'est une des raisons pour lesquelles je désapprouvais cette traversée. Je pensais pouvoir finir mes jours à Lenclume, entouré par les femmes et la boisson... Et nous voilà, comme réunis par leur mémoire, prêts à pénétrer dans la ville où la mort les a trouvé.

- N'est-ce pas étonnant ? Nous semblons marcher malgré nous dans les traces qu'ils ont laissé à notre attention. Et aujourd'hui, nous voilà à notre tour trahis par les nôtres. En mettant fin à la guerre civile, ils ont payé le prix fort. Ils savaient que le coup viendrait d'une main alliée, mais cela ne les a pas empêché d'accomplir leur devoir et de ramener la paix.

- Tu peux penser ce que tu veux de moi, Dakin. Tu peux me mépriser à ta guise et te gausser de ma moralité tant qu'il te plaira. Mais laisse moi t'assurer que je ne laisserai pas l'histoire se répéter. Je me fiche bien de ce qui reste de l'Ordre, mais je ne laisserai jamais la guerre détruire ce qu'ils sont mort pour protéger. Pour moi, ils étaient ce qui s'apparentait le plus à des parents dignes de ce nom.

- Alors faisons notre possible pour que l'histoire ne se répéte pas. Cette fois, nous survivrons à ce nouvel ennemi. Quant à moi, j'honorerai le serment que j'ai prêté à leur départ : je protégerai Neloth quoi qu'il en coûte, même si je dois l'envoyer à l'autre bout du monde pour garantir sa survie. Je défendrai mon héritier comme s'il était de mon propre sang, jusqu'à la mort s'il le faut. Et, si je survis assez longtemps pour cela, je serai le tuteur qu'il n'a jamais eût la chance d'avoir.

Les bougies des lanternes ne tardèrent point à faiblir, puis à rendre l'âme dans un souffle inaudible. Désormais seulement éclairés par le halo lunaire se découpant sur le mur, les deux compagnons s'endormirent sans un mot, autant l'un que l'autre résolus à atteindre leurs objectifs respectifs. Et, lentement mais sûrement, le royaume des songes emporta leurs esprits vers les lointains rivages de Yokuda.

Aucun d'eux n'était encore conscient que leur sommeil n'allait pas durer.

bhecil bhecil
MP
Niveau 5
03 septembre 2018 à 12:58:03

La longueur de ce chapitre excuse le retard...
Mais j'attends déjà la suite avec impatience 😉
Continue comme ça...

TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
04 septembre 2018 à 20:35:24

J'y travaille l'ami, un peu de patience :ok:

TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
24 septembre 2018 à 21:44:09

Désolé de l'attente excessive, ca fait un petit mois déjà mais je suis lentement en train de me faire un emploi du temps. LE chapitre avance, j'écris minimum 20 minutes par jour donc ca devrait voir le jour d'ici peu :oui:

bhecil bhecil
MP
Niveau 5
26 septembre 2018 à 19:27:28

"Faute avouée, faute à moitier pardonnée"
et puis dans la vie ya des choses tristes qui peuvent arriver à tout le monde comme la rentrée...
:)

Message édité le 26 septembre 2018 à 19:30:45 par bhecil
ThelVadam ThelVadam
MP
Niveau 10
26 septembre 2018 à 23:45:43

Tiens d'ailleurs, tu fais quoi cette année petit Léo ?

TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
27 septembre 2018 à 12:57:37

Première année de licence en Biologie (à Paris 7 Diderot pour ceux qui connaissent) :ok:

On a entre 20 et 26 heures par semaine, réparties entre Outils pour biologistes (maths), Thermodynamique (Chimie), Biologie évolutive et Biologie cellulaire et moléculaire.

C'est plutôt sympa, j'ai plus de chances de finir préparateur en labo dans un lycée de Montfermeil que de révolutionner la théorie de l'évolution, mais ca me plait donc tout va bien :oui:

Message édité le 27 septembre 2018 à 12:57:52 par TheEbonyWarrior
ThelVadam ThelVadam
MP
Niveau 10
30 septembre 2018 à 14:51:08

Bon, j'ai tout lu :hap:

Concernant le style pour commencer, j'ai trouvé les descriptions du premier chapitre et de la moitié du second souvent assez lourdes et/ou rendues brouillonnes par un excès de zèle littéraire. On dirait que tu voulais en mettre plein la vue, en chargeant tes phrases de nombreuses métaphores un brin grandiloquentes et pas toujours maîtrisées. C'est un peu comme si tu montais les graphismes du jeu au maximum aux dépens du framerate : la surabondance de verbiage soutenu nuit à la fluidité de la lecture.

MAIS, à partir du moment où Aris traverse le mirage dans le chapitre 2, ton style semble maturer brusquement et toute la suite du récit se lit très agréablement. Les descriptions suivantes restent tout aussi imagées mais sont dans l'ensemble beaucoup plus maîtrisées, non plus lourdes mais élégantes, il y a même parfois des putains fulgurances, bref tu écris bien.

Bien sûr, il continue à y avoir des lourdeurs mais ça reste rare.

A propos de l'histoire maintenant, je dois t'avouer qu'au début, j'ai lu parce que c'était toi :hap: En me basant sur le peu que tu avais laissé filtrer dans certains de tes posts sur le blabla, je m'attendais à un scénar complètement barré, avec une utilisation poussive du lore profond, beaucoup de magie et d'éléments surnaturels tirés par les cheveux. Bref, bien loin de ma came habituelle, à savoir les histoires politico-militaires à la Naytoz ou Caranthir Tharn.

Eh bien je m'étais trompé. C'est beaucoup plus terre à terre que je ne le pensais, tout en distillant un mystère qui rend le récit assez addictif. A partir de l'exposition du scénar par Dakin dans le chapitre 3, j'ai dévoré ta fic avec enthousiasme.

Je comprends mieux tes recherches poussées sur le lore, ton récit en est chargé, ce qui rend sa lecture nettement plus intéressante pour un initié.

Rien que cette phrase : "le dragon est un mensonge" ne peut pas être réellement comprise par 95% des joueurs de Skyrim mais il est assez clair qu'Au Coeur de la Tempête ne s'adresse pas à la populace.

Je suis souvent très méfiant vis-à-vis des wannabe loristes qui se lancent dans l'écriture d'une fic ou d'un RP. J'ai parfois lu des trucs où tu sens bien que l'auteur étale ostentatoirement ses connaissances en lore profond et finit par transformer son histoire en délire à la MK. Mais la tienne échappe à cet écueil avec brio. Tu pratiques un "lore appliqué" comme j'aime, en te servant de tes connaissances pour distiller un sous-texte qui n'étouffe pas le récit mais ne fait qu'en rendre la lecture plus gratifiante pour ceux qui maîtrisent l'univers des TES aussi bien que toi. Et bien qu'il soit encore tôt pour me prononcer et qu'il n'est pas complètement impossible que ton histoire finisse par devenir aussi branlante que le script des dernières saisons de Vikings avant que Ragnar ne meure, pour l'instant, la trame générale de ta fic semble être portée par une compréhension globale, une vue d'ensemble des grands enjeux du lore. Et ça c'est vraiment cool car le secret d'un bon scénar pour moi, c'est l'existence d'un fil conducteur solide ou d'un propos de fond qui confère une cohérence et un véritable ADN à l'histoire. Et s'appuyer sur l'opposition originelle entre la stase et le chaos pour dresser cette toile de fond me semble être un choix tout à fait judicieux.

A ce propos, ce passage est tout simplement brillant :

- Nos peuples ne sont pas voué à se comprendre, commença le Compagnon. À la différence des elfes, tous les hommes sont mus par la volonté de transmettre leur savoir, afin que leurs successeurs accomplissent ce qu'ils n'ont su réaliser durant leur existence éphémère. Chez nous, ceux qui érigent les nations ou les doctrines d'un peuple vivent rarement assez longtemps pour voir le fruit de leurs efforts éclore et perdurer, et c'est précisément ce qui les pousse à guerroyer de la sorte. Paradoxalement, c'est ce désir d'accomplir quelque chose qui restera debout bien après leur mort qui les pousse vers les portes de celle-ci, et les derniers événements regrettables dont Bordeciel et Cyrodiil ont été le théâtre ne font que confirmer mes dires. Bien sûr, cela doit vous sembler bestial et incompréhensible. Pourquoi diluer une vie déjà courte et vaine dans la poursuite d'un idéal hors d'atteinte ? Mais de tels questionnements sont vains. Tout comme aucun homme ne peut saisir ce que signifie être un elfe, aucun Mer saint d'esprit ne se risquerait à écourter son existence, même par curiosité, afin de comprendre les maux qui fondent notre histoire. Nos deux espèces marchent à un rythme différent à travers les âges, et représentent chacune un aspect différent du comportement que les Dieux arboraient à la perfection avant notre création. Contemplation et mouvement sont les deux faces d'une même pièce : aussi liées soient-elles, il leur faut rester opposées pour que le monde continue de tourner normalement. Mais le Thalmor ne se contente pas d'observer. Il agit, et perturbe l'équilibre fragile que nos ancêtres s'efforçaient de respecter. Alors, en retour, les Marcheurs ont attendu, contrairement aux autres hommes. Pendant que ces derniers versaient leur sang, ils ont observé. Ils ont appris.

Comme tu le sais, je ne fréquente pas les loristes. Et parmi le commun des mortels, il m'a semblé assez rare de trouver des gens qui ont compris que le Thalmor est fondamentalement padomayique dans ses méthodes et encore plus rare de voir cette réalité aussi habilement exprimée. Et l'idée d'une sorte d'anti-thalmor tel que l'Ordre des Marcheurs, à savoir une faction d'origine visiblement humaine mais alignée sur la stase attire vraiment la curiosité. Avoir choisi de placer cet Ordre à Yokuda est également malin vu qu'on ne sait pas vraiment où se positionnent les rougegardes sur l'axe stase-chaos.

De manière générale, les éléments de headcanon que tu introduis sont d'une originalité appréciable et tranchent avec le classicisme des productions actuelles (auquel je n'échappe pas moi-même) qui se focalisent souvent de façon assez scolaire sur le conflit Empire/Thalmor. Cette histoire de guerre civile secrète à Hauteroche, c'est un peu gros et plutôt osé mais c'est introduit de telle façon que ça passe crème et que ça suscite davantage la curiosité que l'envie de te descendre en flèche en hurlant à l'incohérence. J'ai aussi beaucoup apprécié ce petit tease sur la véritable nature de Renji : on n'a jamais vraiment su à quoi avaient conduit les expériences du Thalmor sur les lunes et cette zone d'ombre permet au headcanon de s'exprimer pleinement, il fallait y penser, bien joué.

(Néanmoins, quelques petites perplexités :
- La guilde des mages n'est-elle pas censée avoir été dissoute en Synode et Collège de je ne sais plus quoi ?
- Yokuda n'est-il pas censé avoir été englouti sous la mer ?)

Se servir des zones d'ombre du lore pour laisser libre cours à sa créativité tout en respectant scrupuleusement les fondations du canon : c'est là un travail de roliste. Bon, comme c'est la première fic linéaire que je lis (je ne compte pas les écrits sporadiques de Naytoz), ça biaise un peu mon point de vue, mais dans mon esprit, les auteurs de fic pouvaient beaucoup s'éloigner du lore officiel et ne cherchaient pas toujours à faire en sorte que leurs histoires s'imbriquent parfaitement dans le canon. Toi en revanche, tu me sembles avoir une méthodologie de roliste dans la construction de ton scénario car tu n'essaies pas seulement de faire en sorte que ton histoire soit en accord avec les grandes lignes directrices du lore. Tu mets aussi un poing d'honneur à respecter ce que l'on voit in-game. Par exemple, que le mec d'Ysolda tienne la jument pavoisée sachant que l'aubergiste Huelda n'arrête pas de dire qu'elle veut "prendre sa retraite et vendre l'affaire à Ysolda" dans le jeu, ça n'est peut-être qu'un détail insignifiant mais pour moi ça fait toute la différence en terme.. d'immersion.

Malgré tout, le passage que j'ai le plus apprécié est certainement le moins chargé en lore : il s'agit de tout l'arc sur l'initiation des recrues. Et ça me permet d'embrayer sur deux autres points importants que je souhaitais aborder.

Tout d'abord, tes personnages sont décrits de façon suffisamment détaillée pour inspirer l'empathie. Ce qui fait que j'étais vraiment dedans, à leurs côtés, lorsqu'ils tentaient tant bien que mal de s'en sortir dans ce fort pas si abandonné que ça. Et pour me faire avoir de l'empathie pour un Khajiit, il faut y aller ! Ils n'échappent pas toujours aux clichés raciaux (j'ai souri à la description physique de Nemira car il semblerait que ni toi ni moi ne puissions concevoir une dunmer qui ne serait pas une bombe) et ne sont pas forcément hyper complexes dans leur psychologie mais ils semblent... vivants et c'est le plus important.

Ensuite, tu réussis très bien, voire même mieux que Naytoz (seul comparatif que j'aie), ce je considère être le plus difficile à faire dans une fic : décrire les combats et surtout les rendre lisibles. L'action dans le fort était haletante et pleine de suspense. Bien sûr, je ne suis pas con, je savais que ça finirait plutôt bien au final, mais ça ne m'a pas empêché d'être à fond dedans. Bon, par contre, la première scène de combat dans le chapitre 1 est brouillonne et assez imbuvable, ça me laissait présager le pire pour la suite :hap: Et de manière générale, je dirais que le chapitre 1 me fait penser à la première mission du vieux Deus Ex : elle est hyper ingrate et décourageante alors que le reste du jeu est génial.

Ma pudeur m'interdit d'utiliser ce qualificatif pour décrire ta fic, mais je bien suis forcé d'admettre que j'ai beaucoup beaucoup aimé ce que j'ai lu et que je continuerai à suivre cette histoire, de la même façon que je l'ai fait cette fois-ci (en imprimant plusieurs chapitres à la fois car il n'y a pas moyen que j'arrive à me concentrer en lisant sur l'écran de mon ordi. Or, ton style assez recherché impose d'être un minimum à ce que l'on fait si on veut éviter de perdre le fil assez vite).

Pour l'instant c'est un joyeux bordel, on ne sait pas trop où on va, mais la maîtrise semble être au rendez-vous, ce qui fait qu'on ne s'inquiète pas trop pour la cohérence de la suite mais qu'on est plutôt impatient de démêler tous ces mystères avec toi. Par contre, combien de temps ça va te prendre ? Parce que vu le rythme d'avancée de l'intrigue, plus proche de celui d'un roman que d'une nouvelle, et ton rythme de parution (qui n'a absolument rien d'aberrant, il est tout à fait normal de prendre énormément de temps pour soigner son travail) ça risque de te prendre genre cinq-dix ans non ?

Il me reste la correction des fautes d'orthographe de conjugaison (tu as un gros problème avec les verbes du deuxième groupe :noel: ) ainsi que quelques points de détail (des passages ou des formules que j'ai trouvées lourdes ou pas clair) à te faire parvenir, et j'ai surement oublié des choses, mais voilà dans l'ensemble ce que j'en ai pensé :ok:

Message édité le 30 septembre 2018 à 14:52:31 par ThelVadam
TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
30 septembre 2018 à 16:36:26

C'est littéralement plus long que mon premier chapitre :hap:

Je lis ca ce soir et je finis le chapitre dans la foulée pour m'en montrer digne :oui:

TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
30 septembre 2018 à 17:56:34

edit, j'ai tout lu finalement.

Merci beaucoup pour le commentaire "construit" (le terme parait presque petit :noel:)

Pour Yokuda, effectivement le continent est submergé, mais il reste des îlots (voire des terres qui reviennent de ce que j'ai cru comprendre) et des bateaux rougegardes y font des voyages durant l'ère quatrième :ok:
Pour ce qui est de la Synode et du Collège des soupirs, effectivement, ils sont deux entités distinctes :oui:
Effectivement, il est bien avec la Synode, mais je voulais éviter de parasiter le chapitre avec davantage d'infos, surtout que sans vraiment spoiler, on va très peu en entendre parler par la suite.

Et OUI, le rythme de parution va devoir accélérer, j'en peu plus d'avoir simultanément envie et la flemme d'écrire :snif2:

TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
02 octobre 2018 à 14:31:21

Chapitre 14

Le choc fut si puissant qu'Aris ne reprit connaissance qu'une fois étalé au sol.
Avant même qu'il ne puisse saisir ce qui se passait, une seconde secousse survint, plus violente encore que la précédente. Il fut projeté de coté, heurtant le montant de son lit de plein fouet. Une douleur acérée se propagea le long de ses côtes, lui arrachant un long gémissement hagard. Tout autour de lui, le navire à l'agonie émit une série de craquements sinistres. Durant plusieurs instant, il resta seul à haleter dans un noir presque total. Le plancher s'était mit à tanguer de façon répétée, comme prit dans une tempête de haute mer.
L'Esturgeon venait de heurter quelque chose. Quelque chose de gros.

Le rougegarde prit appui du coude sur la table chevet pour se relever. Immédiatement, un liquide chaud rencontra la commissure de ses paupières. Du bout des doigts, il s'assura que la plaie qui barrait son front ensanglanté n'était pas trop profonde, et déchira un morceau de draps qu'il s'enroula autour du crâne pour endiguer le saignement. À côté de lui, Dakin gisait encore au pied de sa propre couche, sonné par la violence de l'impact.

- Par Diagna, qu'est-ce que c'est que ce foutoir ?! geint le Dunmer.

- Aucune idée, mais les autres vont sans doute avoir besoin de notre aide... et nous de la leur si nous ne voulons pas finir au fond de la baie !

Les deux hommes se vêtirent en vitesse, les mouvements encore lourds de fatigue. Lorsque le roulis se stabilisa, un fait étrange les alerta : le sol n'était pas droit, et le degré de la pente ne laissait rien augurer de bon quant à l'état du navire. D'après les ombres fugaces et discrètes projetées dans la cabine par la clarté brunâtre de Masser au travers du hublot, il devait faire nuit noire au-dehors.
À peine plus disposé que son camarade, Aris poussa la porte de la chambre.
Et, presque immédiatement, ils entendirent les cris. Stupéfiés, les deux Marcheurs se figèrent, étudiant avec anxiété la teneur des éclats de voix.

En quelques secondes, le sombre constat que le rougegarde avait dressé se fit unanime. Prudemment, Dakin referma le battant.

- Tu te souviens de ce que je disais à propos de nos chances de survie si nous venions à être assaillit par des pirates ? souffla le mercenaire.

- Oui, et j'espère bien les revoir à la hausse, rétorqua l'elfe noir en partant récupérer le fourreau de sa lame au fond de la chambre.

Ne disposant guère du temps de s'équiper avant l'irruption sans doute imminente de plusieurs corsaires sous le pont principal, les deux combattants s'éclipsèrent de la mansarde sitôt leurs armes en leur possession.
Sur le pont inférieur régnait un silence de mort. Cette fois-ci, les cris avaient cessé. Le Dunmer scruta les couloirs aux ténèbres épaisses les entourant, à l'écoute du moindre bruit. Rien. Rien, mis à part le son des pas battant les planches au-dessus de leurs têtes.

- Ils sont nombreux, chuchota-t-il. Au moins dix, peut-être bien plus. Ils ne vont pas tarder à descendre.

- Prenons l'initiative. Nous n'avons pas d'alternative, alors pas de demi-mesure. Offrons donc une petite démonstration de force à nos visiteurs nocturnes...

Un son de toile froissée s'éleva dans la nuit. Et, à en juger par la lueur flamboyante et le crépitement foudroyant qui se mirent à filtrer sous la porte au sommet des escaliers, leur équipage réduit ne l'avait pas emporté.

<><><>

- Combien ?

- Je ne...

- Combien d'or ?! Chaque minute que tu me fais perdre est une vie que j'ôterai de bon gré à tes petits camarades !

En dépit de la situation, Ernard ne tremblait pas. Face à lui, le capitaine ennemi se dressait de son imposante stature, le visage à moitié dévoré par l'éclat des flammes consumant la grand-voile de l'Esturgeon. Sur la peau du rougegarde torse-nu, divers tatouages s'étalaient en une frise menaçante de monstres marins et d'obscurs symboles traditionnels. Un marquage pour le moins impressionnant, noyant son teint d'ébène sous une myriade de symboles aux significations aussi sombres que la réputation de leur porteur.
Cet homme s'appelait Zefir. "Zefir le brise-lames", si l'on en croyait les avis de recherche placardés au coin de chaque taverne des bourgades limitrophes de la baie. Depuis plusieurs mois, l'homme avait déjà raflé les cargaisons de plusieurs douzaines de navires, et étendait depuis peu son ambition démesurée aux galions militaires, abondamment pourvus en équipements de guerre et en biens réquisitionnés. Naturellement, il lui arrivait de laisser une poignée de survivants regagner les côtes après les sanglants abordages auxquels il s'adonnait. En temps normal, seule une poignée de ces heureux élus parvenait à regagner le rivage et à se traîner jusqu'à la civilisation. Juste assez pour alimenter sa macabre légende, grandissante de jour en jour.

Mais d'après le rictus hargneux ridant son visage du front au bas des joues, il paraissait prêt aux faire entorse à ses miséricordieuses habitudes si tout ne se déroulait pas pour le mieux.

- Tu ne m'as pas entendu, mon beau ? Un silence de plus, et tes gars sont morts !

Cette fois-ci, le nobliau leva les yeux, non pas pour soutenir le regard colérique du hors-la-loi, mais pour s'enquérir de l'état de ses amis et compagnons. Plus loin, ses quatre matelots gisaient au sol ligotés les uns aux autres, dirigeant une série de regards mauvais sur leurs assaillants.
Trente hommes, armés jusqu'aux dents. Face au surnombre, ils s'étaient vu contraints de se rendre presque sans combattre. L'équipage assaillant était majoritairement composé de rougegardes, mais le contrebandier dévisagea également les faciès ricanants de quelques brétons et khajiits parmi la masse.
Chez chacun d'entre eux, il pouvait lire un mélange d'expressions contraires dont il craignait connaître la teneur.

Étant donnée la recrudescence d'activités illégales sur la baie depuis le retrait des forces impériales et la sécession que Martelfell avait signé avec le Domaine Aldmeri, la piraterie était redevenue chose courante. En conséquence, il n'était pas rare qu'un navire soit attaqué par plusieurs groupes de corsaires durant une même traversée, laissant peu d'occasions aux derniers venus de renflouer leurs caisses en puisant dans les réserves d'une embarcation déjà pillée depuis belle lurette.

En l'instant présent, cette hypothèse devait déjà s'être imposée dans l'esprit des malfrats, conscients qu'un navire défendu en tout et pour tout par quatre hommes désabusés avait peu de chance d'abriter un butin digne d'attention.
Et, comme cela se savait si bien, la déception d'une mauvaise prise se répercutait fréquemment pour le pire sur les infortunés qui avaient le malheur de leur présenter une cale vide.

TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
02 octobre 2018 à 14:32:28

Bien heureusement, Afranius avait de quoi contenter leur avidité. Non sans regretter d'avoir organisé cette traversée périlleuse, il parla d'une voix claire.

- Quinze mille septims d'armement, et moitié autant d'épices. Fouillez le pont inférieur si vous voulez en avoir le cœur net.

- Et qu'y trouverais-je vraiment si je m'y rend ? tonitrua le capitaine. Des sacs de grains avariés ? Une douzaine de marins en embuscade attendant que je me relâche pour frapper ?

- Tout mon équipage se trouve ici, je vous le jure ! lâcha Ernard en levant les mains vers le rougegarde comme pour démontrer sa bonne foi. Je n'ai rien à cacher ! Le reste de mes hommes est passé par-dessus bord alors que nous quittions Sentinelle !

- Sentinelle, tu dis ? Et pourquoi ça ?

- Une tempête de sable venue des terres nous a surpris alors que nous nous apprêtions à lever l'ancre. Elle était plus grande et violente que n'importe quelle autre ayant frappé la région cette dernière décennie. Très peu de bateaux ont pu quitter le port, et une bonne part d'entre eux ne sera jamais en mesure de mener à bien la traversée de la baie.

Zefir saisit sa large barbe en pointe comme s'il s'était s'agit de la gorge d'un adversaire agonisant, émettant un froissement sec qui évoqua au bréton le son des os brisés.
Le rougegarde s'accroupit devant lui. Plongées dans la pénombre de ses arcades, ses pupilles n'émettaient pas la moindre lumière, mais il était possible sans même les apercevoir de deviner le sérieux mortel convoyé par son regard.

- Me dis-tu donc que les navires marchand vont rester bloqués à la capitale jusqu'à ce que la situation s'améliore ?

- Hélas, j'en ai bien peur.

Un éclat de rire sardonique souleva la poitrine du flibustier.

- Formidable ! Il est donc temps pour nous de frapper un grand coup...

Sans cesser de tourmenter son bas-menton, le capitaine se releva, et se tourna vers son équipage.

- Allez, les filles ! Videz-moi cette coquille pouilleuse en vitesse ! Nous faisons cap vers Alcaire ! Montrons enfin à ce petit duché poupon que son port n'est pas à l'abri de mon courroux !

L'équipage exulta comme une meute de loups hurlant à la lune.
De nouveau prostré vers le sol, Ernard ne saisit de ce début de pillage que les pas désordonnés de la troupe pirate. Il les entendit s'engouffrer dans les entrailles de l'Esturgeon comme une infestation de fourmis prêtes à laver la carcasse d'un animal mourant pour n'en laisser que les os. Quelques secondes passèrent, sous les grognements rageurs de ses quatre matelots enchaînés. L'Esturgeon était avec le temps devenu un membre à part entière de l'équipage, et le voir ainsi dépouillé était une vision dure que le capitaine n'était pas prêt à soutenir. Déjà, les premiers hommes remontaient, les bras chargés de caissons. Silencieusement, et durant plusieurs minutes supplémentaires, il fit le deuil de ses possessions. Éperonné sur le flanc droit par la proue d'acier du galion ennemi, le navire rencontrerait les fonds marins bien avant de regagner les côtes qui l'avaient vu assemblé. Déjà, le grincement des planches tordues et déchiquetées par la pression croissante s'élevait dans l'air nocturne, signe que ses deux décennies de navigation à bord étaient sur le point de s'achever aussi brusquement qu'inévitablement.
Puis, alors que personne ne l'attendait plus, le premier hurlement monta de la cale, atrocement déformé par les parois bombées du navire.

Les lames furent tirées au clair aussi rapidement que la foudre, enserrant le navigateur au sein d'un cortège d'une bonne douzaine de lames. Toutefois, celles-ci n'étaient pas tournées vers lui, et les regards ennemis, aveugles à sa présence, demeuraient rivés en direction de l'origine du sinistre écho.
Deux brigands s'approchèrent de la porte du pont avant.
Lorsque la première ombre bondit hors de l'ouverture, ils n'eurent que le temps de constater leur erreur. La lueur d'un glaive fendit les ténèbres de la nuit, emportant leur essence vitale dans un arc de cercle cramoisi.
Le haut du visage couvert d'un linge immaculé, Aris venait de jaillir des ombres à une vitesse hallucinante. Le rougegarde avait déjà rengainé lorsque les deux corps heurtèrent le pont, toisant le commandant ennemi d'un air de défi.

- J'en étais sûr ! explosa Zefir en tendant sa main noueuse vers le Marcheur. Débarrassez-moi de ce guigno...

Au même instant, une explosion résonna dans leur dos, noyant les vociférations du corsaire dans un fracas de bois brisé. À l'autre pointe du navire, une une silhouette drapée de rouge venait de surgir de la cabine du capitaine, retenant par le col le cadavre inanimé d'un corsaire au visage carbonisé.

<><><>

Dakin dévisagea avec indifférence les mines ahuries dirigées sur lui. Comme escompté, la détonation avait détourné l'attention des envahisseurs durant un bref instant. Aris n'en demanda pas plus pour reprendre son travail.
En une fraction de seconde, le rougegarde disparu au regard ennemi, et s'infiltra sous la garde d'un nouvel adversaire avec une facilité enfantine. Le flanc du pirate se couvrit de rouge, tandis que le mercenaire le dépassait déjà, sûr d'avoir scellé son sort. Un khajiit au visage criblé d'anneaux métalliques s'interposa sur sa route, lâchant précipitamment la caisse qu'il transportait plus tôt.
D'un mouvement plus qu'habile, le Marcheur dévia le tranchant de sa hachette du dos de la main sans cesser d'avancer, plongeant du même mouvement sa propre lame dans la poitrine du félin, qui s'effondra en même temps que son camarade.

Les quatre hommes qu'il venait d'abattre avaient sans doute forgé leur instinct et leurs techniques au cours de leurs nombreux raids, mais Aris venait de les faire passer pour de simples enfants agitant vainement les bras en espérant toucher leur cible. Réalisant ceci, les deux rougegardes les plus proches reculèrent avec prudence, laissant place à un second groupe visiblement plus confiant.
Trois assaillants se refermèrent sur le mercenaire l'instant suivant, le faisant disparaitre du champ visuel du Dunmer.

TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
02 octobre 2018 à 14:33:07

L'elfe noir reporta son attention sur ses propres opposants. Un rougegarde et un bréton se ruaient sur lui, chacun armés d'une lame courbe et d'un bouclier rond. Juste derrière eux, disparaissant presque entre leurs épaules, l'éclat imperturbable d'un carreau d'arbalète armé luit brièvement à la faveur des flammes.
Faisant preuve d'une force qu'il se languissait depuis des mois de mettre en action, Dakin Dolovas se mit en mouvement. Gonflé par l'effort, son bras gauche souleva le corps de sa première victime comme un fétu de paille, et le projeta en avant, droit sur ses assaillants.
Malgré la vitesse stupéfiante du projectile, les deux bretteurs s'écartèrent avec agilité, revenant à la charge en le prenant en tenaille.
Voyant sa cible se mettre en mouvement si vite, le tireur passa à l'action. La corde se détendit, et le carreau se ficha dans la chair du mort, inoffensive.
D'une pensée ne pouvant s'apparenter qu'à de la lassitude, le Marcheur tendit les paumes.

Et les flammes jaillirent.
Le pont du navire, déjà amplement éclairé par la voile en feu, s'illumina cette fois comme en plein jour. La moitié du pont fut secouée d'un souffle d'air brûlant, faisant vaciller chacun des belligérant -alliés compris- sous son intensité.
Les cheveux des deux hommes furent réduits en cendres avant même que le brasier ne les atteigne. Lorsque les langues embrasées se refermèrent sur eux, la vie tenta vainement de s'échapper de leurs corps avec un couinement vaporeux d'hémoglobine en ébullition. La peau se détacha prestement de leurs os, presque désireuse d'échapper au supplice bref et infernal qui attendait leurs enveloppes charnelles condamnées. Leurs muscles s'asséchèrent en une fraction de seconde, et leurs orbites se creusèrent brusquement sous la morsure avide du courroux ardent. Leurs fonctions vitales cessèrent d'œuvrer au même instant, subjuguées par le déferlement chaotique d'informations accablant simultanément chaque ramification de leur système nerveux.

Une telle déflagration aurait été plus que suffisante pour raser du monde mortel l'existence de tout un équipage. En outre, le sort des deux malfrats ne parut à aucun des regards abasourdis qui le contempla comme le résultat d'une défense légitime et mesurée. Non, il s'agissait de faire l'exemple. De souligner le fossé béant qui séparait un mage compétent de ses adversaires. Expert, novice, peu importait. La chair des héros brûlait aussi bien que celle d'un nouveau né, et le Dunmer était comme toujours prêt à rappeler à qui voulait l'entendre que la maîtrise des arcanes pouvait sans difficulté surclasser le plus adroit des bretteurs.

Suffoqué par la proximité de la chaleur, l'arbalétrier s'effondra, inconscient. À côté de lui, les cadavres aux vêtements désagrégés et aux os fondus chutèrent sur le pont presque sans émettre de son, dépossédés de leur matière par le brasier qui les avait consumé. Mais les flammes, elles, continuèrent de s'enrouler autour de leurs carcasses noircies en un concert de draperies funéraires ardentes, rongeant avec avidité les restes dont elles n'avaient su se saisir. Très vite, il ne resta des deux hommes qui avaient osé défier Dakin Dolovas qu'un tas d'os, de cendres et de dents à l'émail calciné. Et, enfin, après cet infernal ballet que rien ne semblait pouvoir interrompre, les volutes ondulantes aux tons orangés s'arrachèrent à leurs proies, montant vers les cieux en emportant l'âme des défunts dans une plainte sifflante.

À bord de l'Esturgeon, le temps semblait s'être arrêté, suspensant jusqu'à l'affrontement qu'Aris livrait à ses trois adversaires. Immobiles, les pirates fixèrent tour à tour l'elfe noir à la silhouette pourpre et la fine lame rougegarde d'un œil vide. Si le premier s'était imposé en tant que menace principale de ce qui apparaissait désormais comme un affrontement à sens unique, le second ne s'en tenait pas moins toujours debout, l'épée tachée du sang de quatre des leurs.
Indécis, Zefir se tourna lentement vers Ernard, mesurant ses mots futurs avec une méticulosité qu'il n'aurait jamais crû devoir employer.

Les pupilles du capitaine corsaire brillaient d'un doucereux mélange de haine et de désarroi. Ce regard, Afranius ne le connaissait que trop bien. Il s'agissait de celui que l'on voyait emplir les yeux des hommes condamnés à mort alors qu'ils contemplaient leur bourreau, face à l'échafaud, celui d'un damné que la résignation enfouissait déjà à moitié dans la tombe. Soudain, le bréton comprit.

Il s'imagine que je savais pensa-t-il. Il s'imagine que je savais depuis le début ce qui adviendrait, mais rien n'est moins vrai. Comment aurais-je pu ?

Tremblant, le bréton pivota la nuque jusqu'à entrevoir du coin de l'œil les restes fumants des deux opposants du Dunmer. S'il s'était prêté aux superstitions, il aurait sans conteste considéré tout ceci comme l'œuvre d'un démon. Mais il savait très bien qu'il s'agissait là du travail d'un mortel comme il en existait des centaines à la surface du continent. Ce qui, il devait se l'avouer, était bien moins rassurant que de se laisser aller aux craintes folkloriques populaires.

Zefir ne se morfondait plus. De nouveau, il fut prit d'un rire tonitruant, et leva les bras, prenant ses adversaires pour auditoire.

- Par Ruptga ! Vous savez ce que vous faites ! Un mage et un épéiste, luttant côte à côte contre la menace ! Talentueux, en plus de cela ! Messieurs, vous ravissez mon âme d'enfant !

Sans leur laisser de répit, le corsaire s'avança vers Ernard d'un pas lourd, et le hissa en l'air par le col.

- Allons... laissa-t-il échapper en lançant un regard sombre aux Marcheurs. Nous voici à présent fourrés dans une situation épineuse ! Ne prenons pas de décisions hâtives, voulez-vous ?

- Aris ! Dakin ! Aidez-moi ! geint le bréton, étouffé par la main calleuse du pirate.

D'une concertation silencieuse, les deux compagnons se mirent d'accord.
Si leur capitaine et seul cartographe compétent mourrait, ils pourraient bien ne jamais mener ce voyage à terme.
L'elfe noir ne fit qu'un seul pas en avant, mais son regard se durcit au point que les flibustiers resserrèrent les rangs comme s'il s'était jeté sur eux. Sa petite démonstration avait fait son effet, et il était certain qu'aucun d'entre eux n'oserait le défier sans le soutien du reste de l'équipage.
Il parla calmement, du ton d'un homme maîtrisant la situation dans son entièreté :

- Je vais compter jusqu'à cinq. D'ici là, les plus sages d'entre vous se seront jetés par dessus bord, et s'accrocheront misérablement aux restes de notre navire jusqu'à ce qu'un bateau de passage daigne les récupérer. En revanche, ceux trop stupides pour différencier bêtise et courage payeront au flammes le tribut de leur vie. Vos deux petits camarades ont eut de la chance. Je voulais qu'il souffrent pour vous donner une idée de l'humeur mécontente dans laquelle vous m'avez mis en vous invitant à bord, mais je me suis légèrement emporté, et ils sont morts avant même de le savoir. Si vous vous obstinez, vous n'aurez pas cette chance. Suis-je bien clair ?

Une moue hargneuse déforma les traits de Zefir.

- Du calme, elfe ! Vous n'êtes pas le seul à bord qui sache faire des étincelles ! Votre navire ne regagnera jamais le rivage, et la distance qui nous sépare de celui-ci est trop grande pour être couverte à la nage. Si vous voulez rallier la terre ferme, ce sera en tant que prisonniers du grand Zefir. Et si vous refusez, c'est au fond de la baie que vous rencontrerez votre triste fin !

Aris ricana d'un air sarcastique.

- Et avec quoi attacherez-vous donc les deux prisonniers que voici ? Des cordes ?

- Ôte moi ce petit air insolent de ton visage, mercenaire ! rugit Zefir. Pensez-vous pouvoir quitter cette embarcation en vie sans mon accord ?! Regardez autour de vous ! Regardez votre petit capitaine de pacotille dont mon bras tiens la vie en otage, regardez les marins attachés derrière moi ! Vous me parlez de choix ? Le choix est mien, et seulement mien !

Tout d'abord peu confiants à l'idée de livrer bataille, les matelots du truand semblaient s'être engaillardis par le ton impétueux de leur meneur. Désormais, leurs rangs se refermaient lentement mais non moins dangereusement sur des deux résistants, forçant ces derniers à reculer.
L'irruption calculée des deux amis par les extrémités opposées de l'Esturgeon n'avait eût pour but que de pousser les adversaires à se regrouper au centre afin de leur donner l'ascendant. Mais face à un ennemi bien décidé à en découdre, leur position se retournait contre eux : séparés l'un de l'autre, il serait difficile voire impossible de contenir le flot de leurs opposants.
S'ils devaient battre en retraite, la cale du navire ne leur offrirait qu'un piètre échappatoire.

Dans le dos d'Aris, un son inquiétant bien connu de l'ancien mousse retentit. Un torrent d'eau se déversait dans le flanc béant du navire, dont le pont commençait à pencher sévèrement. Il ne leur restait que quelques minutes avant de devoir abandonner l'Esturgeon aux flots scintillants de la baie.
Lorsqu'il reporta son regard vers l'opposition, il capta immédiatement l'éclat des arbalètes pointées sur lui. Trois, puis cinq, puis neuf. Il n'en avait pas dénombré autant l'instant d'avant. L'ennemi avait habilement caché son jeu en prévision de cet instant. S'il bougeait d'un orteil, les hommes tireraient. Avec un peu de chance, aucun d'entre eux ne s'était exercé longuement au maniement d'une arme d'ordinaire peu utile en mer, et il pourrait compter sur sa vitesse pour les prendre de court et se servir du plus maladroit comme d'un bouclier. Mais devait-il risquer sa vie dans une telle situation ? L'équipage d'Ernard reposait encore pieds et poings liés sur le pont du bateau, et il doutait fort d'être capable de mener le navire ennemi jusqu'à Daguefilante si seul lui et Dakin en réchappaient. S'il voulait vivre, il devait trouver un moyen de mettre en sécurité les marins sans pour autant permettre à l'ennemi de fuir.

- Un.

Les poils du mercenaire se hérissèrent, pressés par une pressante sensation de danger. Laissant tomber les forces ennemies du regard, il focalisa son attention sur Dakin. L'elfe noir venait de commencer à compter.

Agitées par une bourrasque surnaturelle, les robes écarlates du magelame battaient furieusement dans les airs, couvrant partiellement son visage fermé. Juste au dessus de lui, au creux de ses paumes levées en une ovation rituelle, quelque chose semblait briller.

- Deux.

Une minuscule sphère venait d'apparaître. Pourtant, il parût au rougegarde que la chaleur d'un deuxième soleil venait d'envelopper les alentours. Soudain à l'étroit dans sa chemise de lin blanche, il éprouva le besoin de se baisser en dépit des carreaux pointés dans sa direction. Aucun des pirates n'avait encore réagi à l'incantation, mais l'ordre fusa des lèvres de Zefir avec une force pénétrante.

- Tirez ! Abattez le Dunmer !

- Trois.

Cette fois, Aris s'écroula au sol en même temps que toute autre forme de vie présente à bord. Le cliquetis des lames et des arbalètes s'abattant contre les planches résonna longuement dans la nuit comme une irrévoquable sentence au trépas. Un haut-le-cœur souleva la poitrine du rougegarde, mais il ne restitua qu'un filet de bile acide. Incapable de relever la tête, il sentit néanmoins que l'éclat brûlant venait de gagner considérablement en intensité. Un bourdonnement profond s'éleva, ridant la surface de l'eau entourant les navires sur plusieurs dizaines de mètres.
Jamais il n'avait vu son ami utiliser de tel sortilège. À l'époque de leur séparation, l'elfe noir lui avait à peine semblé doué pour la magie. Qu'avait-il réellement pu faire durant ces mois passés enfermé dans sa mansarde de la capitale ?

- Quatre.

La douleur se fit insupportable. Le bourdonnement assourdissant redoubla, vrillant ses tympans. Du coin de l'œil, il capta la silhouette de Zefir se relevant lentement. Il tenta de l'imiter, mais demeura cloué au sol. Faire le moindre mouvement demandait à présent une force colossale. Mais le pirate ne répondait plus aux contraintes logiques pesant sur lui.
Pressé par l'urgence d'une fin imminente, le hors-la-loi se rua vers Dakin en poussant un cri sauvage droit venu des méandres de son esprit désespéré. La vigueur décuplée par un torrent d'adrénaline, il chargea en écartant les bras, prêt à percuter l'elfe de plein fouet.
Claquant des dents, Aris ferma les yeux.

- Cinq.

Masser brillait, haute dans le ciel.

ThelVadam ThelVadam
MP
Niveau 10
02 octobre 2018 à 17:09:07

Cliffhanger putassier :) :hap:

Juste, c'est "geignit", "geint" c'est au présent :ok:

TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
02 octobre 2018 à 20:25:08

Je fais cette putain de faute à chaque fois :noel:
Le pire c'est qu'à chaque fois je me dis "écrit pas geignit, écrit pas geignit"

Bref c'est mal de se spoil, t'as même pas encore lu le 13 :hap:

ThelVadam ThelVadam
MP
Niveau 10
02 octobre 2018 à 20:59:20

Si si j'ai lu le 13 dans la foulée des autres, j'ai juste pas corrigé parce que je ne l'avais pas sur papier :ok:

ThelVadam ThelVadam
MP
Niveau 10
02 octobre 2018 à 21:02:32

Ah oui et pour tout t'avouer je m'attendais à un gros plot twist avec invocation d'épées spirituelles voire pankratosword pour défoncer les pirates, car j'étais secrètement persuadé que les marcheurs avaient qqch à voir avec les Anseis :hap:

Message édité le 02 octobre 2018 à 21:02:55 par ThelVadam
TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
02 octobre 2018 à 23:22:23

Le 02 octobre 2018 à 21:02:32 ThelVadam a écrit :
Ah oui et pour tout t'avouer je m'attendais à un gros plot twist avec invocation d'épées spirituelles voire pankratosword pour défoncer les pirates, car j'étais secrètement persuadé que les marcheurs avaient qqch à voir avec les Anseis :hap:

On en reparle dans 75 chapitres si tu veux :hap:

:sournois:

Message édité le 02 octobre 2018 à 23:24:16 par TheEbonyWarrior
TheEbonyWarrior TheEbonyWarrior
MP
Niveau 31
11 octobre 2018 à 20:31:31

Chapitre terminé (corrections non comprises).
Cette fois je vais me taper une relecture complète pour faire plaisir à Rtas :hap:

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