Spécialiste des gros systèmes pour entreprises (mainframes), dont il détenait quasiment les deux tiers du marché mondial, IBM a compris un peu tardivement que le marché du micro-ordinateur était plein d’avenir et que ces machines "compactes" et abordables, allaient bientôt équiper chaque bureau et chaque foyer, mettant en péril le marché des mainframes.
Dans l'optique de rattraper rapidement ce retard, IBM a conçu son premier micro-ordinateur, l’IBM Personal Computer, en un temps record - à peine un an - en recourant massivement à des composants standards déjà existants sur le marché, et en confiant la réalisation du système d’exploitation à un petit éditeur de logiciel fondé quelques années plus tôt : Microsoft.
Si ces choix ont permis à IBM de pénétrer rapidement le marché avec une machine performante et abordable, qui s’est extrêmement bien vendue, ils ont également grandement facilité le travail de la concurrence. Le choix de composants standards permettait en effet à n’importe quel autre constructeur de concevoir une machine similaire sur le plan matériel, tandis qu’IBM avait « oublié » un point important dans le contrat de fourniture du système d’exploitation passé avec Microsoft : aucune clause n’interdisait à ce dernier de vendre son système (MS-DOS à l'époque) à d’autres constructeurs. Il ne manquait donc qu’un petit détail aux autres constructeurs pour réaliser des machines capables d’exécuter les logiciels conçus pour l’IBM PC : le firmware du PC, le fameux BIOS (Basic Input Output System), indispensable au bon fonctionnement de MS-DOS et des logiciels sur un ordinateur clone du PC.
Et c’est finalement la législation américaine qui a porté le coup de grâce à IBM, et a permis le développement du marché des « compatibles PC » à cette époque. En effet, si les lois sur la propriété intellectuelle interdisaient bien entendu aux autres constructeurs de recopier à l’identique le contenu de la ROM abritant le BIOS, des règles spécifiques s’appliquaient à la rétro-ingénierie lorsqu’elle était nécessaire pour assurer l’interopérabilité des systèmes. Ces règles autorisaient notamment à analyser le comportement d’un système en mode « boîte noire » (c’est-à-dire en étudiant uniquement ses entrées et sorties, sans regarder comment les traitements sont effectués à l’intérieur) dans le but d’en réaliser une spécification qui servirait ensuite à réaliser un équipement compatible. Plusieurs entreprises se sont donc lancées, avec succès, dans la rétro-ingénierie du BIOS d’IBM, et ont ainsi pu réaliser leur propre BIOS, soit pour ensuite fabriquer eux-mêmes des « compatibles » PC (Compaq par exemple), soit pour le vendre sous licence à d’autres constructeurs (comme l’ont fait Phoenix, Award et American Megatrends, qui sont encore aujourd’hui les principaux fournisseurs de BIOS). Pour les amateurs de séries TV, cet épisode crucial de l’histoire du PC est au cœur de l’intrigue de la saison 1 de Halt and Catch Fire, que nous ne pouvons que vous conseiller, si vous souhaitez des éclaircissements sur les enjeux technologiques qui animaient les fabricants de matériel informatique dans les années 80.
Une fois le BIOS cloné, il n’a plus connu d’évolutions majeures pendant plusieurs décennies (il est même resté en 16 bits alors que les processeurs sont passés à 32 puis 64 bits…). La seule grosse évolution a eu lieu au début des années 90, avec la généralisation d’un outil de configuration intégré au BIOS, accessible en pressant une certaine combinaison de touches au démarrage. Auparavant, toute la configuration devait se faire soit via des cavaliers (« jumpers ») ou des interrupteurs sur la carte mère, soit via le système d’exploitation, qui pouvait appeler certaines routines du BIOS pour en modifier les paramètres (par exemple, l’horloge système).
À de rares exceptions près, il s’agissait d’un menu au graphisme minimaliste, manipulable uniquement au clavier, pour garantir son bon fonctionnement quel que soit la configuration, et notamment avec n’importe quel modèle de carte graphique (le mode texte étant le seul mode obligatoirement supporté par le firmware des cartes graphiques compatibles PC). Ce minimalisme était également imposé par le besoin de faire tenir ce logiciel dans la mémoire ROM de la carte mère, très coûteuse, et donc, de faible capacité (quelques dizaines ou centaines de Ko dans les années 90).
Ce n’est qu’au début des années 2000 qu’une nouvelle révolution est venue modifier en profondeur les BIOS, cette fois sous l’impulsion d’Intel.