En dépit de son statut de suite, Runaway 3 ne commence pas où le 2 s'était arrêté. Au lieu de ça, le jeu débute par une cinématique nous montrant Gina assistant à l'enterrement de Brian, entrecoupée d'images du procès de ce dernier pour meurtre ! En effet, l'ex étudiant en physique reconverti en aventurier a été accusé de l'assassinat d'un certain colonel Kordsmeier... Mais il ne se souvient de rien et clame son innocence. Afin de vérifier si son amnésie est réelle ou simulée, le tribunal l'envoie à l'asile Happy Dale, où le docteur Bennett doit l'examiner. C'est là que Brian est apparemment victime d'un accident mortel... Évidemment, vous vous doutez bien qu'il s'agit encore d'un des tours de passe-passe dont il a le secret, et que le bougre a en fait simulé son décès pour prendre la poudre d'escampette. Ce n'est pas un grand secret, vous l'apprendrez dès les premières minutes. Ce que vous devrez éclaircir en revanche, ce sont les circonstances de cette évasion, que vous allez reconstituer. Après quoi vous pourrez passer au cœur de l'histoire : déjouer la machination qui pèse sur Brian et le laver de tout soupçon.

Le scénario est impeccablement construit et alterne – c'est une première – entre des séquences dans la peau de Gina et d'autres dans celle de Brian, jusqu'à ce que les deux tourtereaux se retrouvent pour le grand final. Sans oublier une troisième personne que vous serez amené à incarner brièvement, mais je préfère vous laisser la surprise sur cette phase absolument géniale. Comme dans les précédents opus, la progression dans l'histoire se fait essentiellement en dialoguant avec les nombreux personnages rencontrés. Une trentaine de protagonistes vous attendent, du scénariste déchu à l'infirmière sadique en passant par les pensionnaires de l'asile, tous plus fous les uns que les autres. Vous retrouverez même quelques vieilles connaissances, mais chut... Quelques fans regretteront sans doute l'absence de Sushi, Saturne et Robby, le trio d'amis de Brian présent dans Runaway 1 & 2, mais il faut savoir faire de la place aux nouvelles têtes. Quoi qu'il en soit, cette brochette de personnages vaut le détour, non seulement pour leurs répliques savoureuses, toujours bourrées d'humour et de références, mais aussi pour la qualité de leur interprétation. C'est encore l'entreprise Words of Magic qui s'est chargée de la localisation française, et force est de constater qu'elle a fait de l'excellent travail. Chaque acteur est totalement investi dans son rôle, les dialogues sonnent juste, chaque tirade fait mouche... Du grand art.

Mais le gros du mérite revient surtout au studio Pendulo qui nous a encore mitonné un de ces grands jeux d'aventure dont il a le secret. Pas de grosse surprise côté gameplay, il s'agit toujours de scruter les décors à la recherche du moindre objet, même si son utilité ne saute pas forcément aux yeux. Vous aurez peut-être un peu de mal à voir l'intérêt de bougies d'anniversaire au premier abord. Pourtant, lorsqu'il s'agira d'épiler un dos velu... Vous l'aurez compris, Runaway 3 fait la part belle aux énigmes farfelues. Cet aspect ne réconciliera pas la série avec ses détracteurs, mais ravira les autres. Quiconque a aimé MacGyver dans sa jeunesse ne peut qu'adhérer au concept qui veut qu'une paire de bretelles puisse être fabriquée à partir de sangles de valise. Par rapport aux précédents épisodes, la jouabilité de A Twist of Fate profite de quelques améliorations. La première est une fonction, déjà vue dans les Secret Files, qui permet de voir toutes les zones interactives d'un environnement. Fini les longues minutes passées à balayer l'écran en quête du précieux pixel actif ! La fluidité des déplacements est également accrue grâce à un système permettant de se rendre instantanément à l'autre bout d'un lieu en double-cliquant. Enfin, le jeu se veut plus accessible et propose donc de l'aide en cas de blocage. Un coup de fil à ce bon vieux Joshua, infiltré pour l'occasion dans les locaux de Pendulo, devrait vous mettre sur la voie sans révéler toute la solution.

Bref, le gameplay est parfaitement calibré. Dernier secteur, et non des moindres, où toute la maîtrise des développeurs s'est exprimée : les graphismes. Ce n'est pas étonnant, les 2 premiers jeux brillaient déjà sur ce point, mais A Twist of Fate constitue une nouvelle prouesse artistique. Chaque décor regorge de détails, peints à la main et avec amour par une poignée de passionnés dont le talent crève l'écran à chaque instant. En revanche, contrairement à ses ancêtres, Runaway 3 se déroule essentiellement dans des intérieurs, on pourra donc regretter que les environnements manquent un peu de vie. De même, il est dommage qu'un même lieu (l'asile) soit réutilisé pour un second chapitre, on aurait préféré avoir 6 ambiances vraiment uniques. Mais ne faisons pas la fine bouche, le titre est quand même magnifique, sans doute le plus beau jeu d'aventure sorti ces dernières années (avec Perry Rhodan, dans un tout autre style cependant). Même l'animation des personnages, autrefois considérée comme le point faible de la série, a gagné en souplesse. Adieu démarches rigides et robotiques, les personnages évoluent désormais avec beaucoup plus de naturel. Personnages qui, soit dit en passant, jouissent toujours d'un design inspiré. N'en jetons plus, vous l'avez sans doute compris après la lecture de ces louanges : A Twist of Fate se montre digne des espoirs placés en lui et clôt la trilogie Runaway de la plus belle des manières.