En 2012, Shiver Games mettait au monde un enfant terrible répondant au nom de baptême de Lucius . Le jeu offrait la possibilité d'incarner le personnage du même nom qui s'avère être rien de moins que le fils du Malin. Vous étiez alors en charge de tuer l'ensemble des occupants de votre foyer, si possible violemment, tout en vous assurant que le joyeux massacre passe pour un accident. Aujourd'hui, le petit Lucius a bien grandi et nous revient dans un nouvel épisode sous-titré « The Prophecy ».
Lucius premier du nom était un jeu clairement imparfait pour lequel de nombreux joueurs avaient tout de même de la sympathie. Très linéaire, répétitif, assez buggé et handicapé par des lourdeurs de gameplay particulièrement pénibles, le jeu n'en restait pas moins séduisant grâce à son concept délicieusement « Diabolus » et son histoire immorale. C'est pourquoi ceux qui se sont essayé aux premières aventures du fils de ce bon vieux Lucifer attendaient beaucoup de leur suite, invoquant déjà les forces du mal pour que le bébé de Shiver Games propose un vrai jeu de carnage bac à sable bien fignolé sur fond de Damien la Malédiction.
I SAW THE DEVIL
Quelques années après avoir massacré toute sa famille et sorti rescapé de l'incendie de sa maison qu'il a lui-même provoqué, Lucius est placé dans un asile psychiatrique. Soigné à grands coups d’électrochocs et maltraité par le personnel de l'hôpital, le jeune Lucius réveille ses pouvoirs car son père a de grands desseins pour lui. Il appartiendra alors au jeune d'utiliser le pouvoir que le Diable a placé en lui pour s'évader de sa prison et finir par découvrir une prophétie plutôt intéressante. Plus fouillé que le premier Lucius, le scénario de cet épisode bénéficie d'une écriture plus soignée qu'auparavant, même si l'on évolue toujours dans un registre proche de ce que l'on pouvait trouver dans la narration des films de possession des années 80. Vous commencerez dans les bas-fonds de l'hôpital dans lequel vous êtes placé, en gravirez les étages qui sont autant de niveaux vous conduisant vers la petite ville voisine. Les objectifs sont souvent les mêmes : trouver le possesseur d'une clé ouvrant une porte ou un casier comprenant des informations faisant progresser l'histoire. Ces différentes phases sont davantage un prétexte à diversifier les situations qu'à varier les environnements, qui sont globalement assez fades.
Hitman 666
Il faut être honnête, le principal intérêt de Lucius se trouve dans sa dimension « Hitman 666 », qui promettait dans cet épisode 2 un aspect nettement moins linéaire qu'auparavant, autorisant les combinaisons les plus vicieuses pour venir à bout de l'aimable et innocente population qui vous entoure. Dans les faits, ce point est partiellement réussi. Effectivement, les possibilités de meurtre sont nettement plus étendues qu'il y a deux ans, Là on l'on pouvait reprocher à Lucius d'être linéaire, The Prophecy laisse davantage d'espace à votre créativité machiavélique en proposant pour presque chaque cas plusieurs manières de massacrer dans la joie et les tripes votre prochain. Vous pouvez donc ramasser à votre guise une multitude d'objets : bidons d'essence, huile, médicaments, poches de sang empoisonnées, bref, les occasions ne manquent pas de laisser libre cours à votre imagination même si vous vous rendrez compte qu'en définitive, vous répéterez régulièrement les mêmes combinaisons pour parvenir à vos fins, faute à un comportement adverse proprement catastrophique.
Une intelligence artificielle clairement pas touchée par la grâce divine
Les différentes zones que vous traversez sont divisées en plusieurs segments et certaines portions de l'hôpital ont un accès restreint, symbolisé en rouge sur votre mini-map. Si vous franchissez ces limites, le personnel sera suspicieux et une jauge de détection surplombera leur tête. Lorsque cette jauge est remplie, les personnages vous poursuivent et s'ils vous mettent la main dessus, deux solutions s'offrent à vous : recharger la dernière sauvegarde ou utiliser votre barre de vie pour les rendre inconscients et filer à l'anglaise le temps qu'ils se réveillent. En effet, Lucius a beau être le fils du Diable, l'invincibilité n'est pas au registre de ses prérogatives et chaque utilisation de cette barre destinée à étourdir vos adversaires provoquera sa diminution, jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible de fuir si vous vous faites attraper. Cet élément de gameplay ne corse clairement pas les choses puisqu'il s'agit simplement de tirer la chasse des toilettes (?!) pour recharger votre jauge.
Malheureusement, l'intelligence artificielle des personnage est inexistante, tant et si bien que vous n'aurez pas grand peine à verser par exemple une belle flaque d'essence au pied d'un médecin dans le but de l'enflammer sans qu'il y trouve quoi que ce soit à redire. Cette absence de travail sur l'IA ampute donc Lucius 2 d'une grande partie de son intérêt puisque privilégier la méthode frontale pour exécuter vos opposants est nettement plus facile et rapide que de chercher à tout prix à réaliser le meurtre parfait en toute discrétion. Ce défaut se fait cruellement ressentir également lorsque vous en venez à utiliser vos compétences spéciales, une autre nouveauté dans cette aventure de Lucius.
Chaque meurtre vous rapporte une certaine quantité d'expérience qui vous permet par la suite de répartir des points dans 3 arbres de talents distincts : contrôle mental, télékinésie et contrôle du feu. Si, sur le papier, l'idée est plutôt bonne, permettant d'offrir à Lucius un panel d'actions plus étendu, dans les faits l'intelligence artificielle est telle que vous pouvez tout à fait parcourir l'intégralité du jeu sans y avoir recours ou vraiment très peu. Ce n'est pas tout, puisque le titre de Shiver Games reproduit les mêmes erreurs que son aîné en offrant une maniabilité d'une imprécision imparable qui mettra régulièrement vos nerfs à l'épreuve.
Le Diable ne s'habille plus en Prada
Vous aurez souvent à faire appel au même procédé pour planifier vos objectifs : prendre un objet, le lancer sur un élément fragile dans le but de le casser (une grille retenant des fils électriques par exemple) et attirer votre victime dans votre piège. L'opération est toutefois systématiquement laborieuse, en premier lieu en raison d'une caméra épileptique, qui propose un niveau de zoom trop rapproché ou un niveau de dézoom trop éloigné. De plus le tracé de votre lancer ne correspond pas à votre réticule central, vous forçant systématiquement à ajuster lentement votre tir ce qui s'avère problématique lorsque vous devez le faire dans l'urgence. Par ailleurs, de multiples bugs graphiques viennent ajouter une dose de ridicule à Lucius 2, au même titre que le comportement du moteur physique, qui tranche clairement avec le ton dramatique et sérieux du jeu et des exécutions.
En somme, toutes les bonnes idées et les bonnes intentions incontestables de Lucius 2 sont sabordées par des lourdeurs impardonnables de gameplay et un manque de finition catastrophique. C'est d'autant plus regrettable que l'on sent les efforts réalisés par les développeurs pour proposer des exécutions créatives, ajouter une bonne dose d'humour trash au jeu si l'on fouille un peu et disséminer d'astucieuses références au cinéma tout au long de l'aventure, que vous pourrez terminer en 8 à 10 heures.
Points forts
- Concept "Hitman 666" toujours aussi fun
- Ambiance réussie
- Un aspect bac à sable nettement plus appuyé qu'auparavant
- Nombreuses références au cinéma de genre
- Quelques possibilités d'exécutions bien machiavéliques
Points faibles
- Affreusement mal fini
- Caméra épileptique
- Maniabilité lourde et imprécise
- Intelligence artificielle aux fraises
- Pouvoirs et discrétion relégués au second plan
Lucius 2 : The Prophecy est l'exemple typique du jeu plein de bonnes intentions et de qualités mises à mal par un gameplay catastrophique et un manque de finition clairement handicapant. Si les exécutions sont plus variées qu'auparavant, que certains meurtres font appel à une créativité machiavélique et que l'ensemble est moins linéaire que par le passé, la lourdeur des interactions, les problèmes de caméra, de moteur physique et les multiples incohérences du comportement de PNJ font passer le titre de Shiver Games comme un jeu mal fini et peu sérieux, à l'image du premier épisode. Sachez tout de même que l'ambiance et le principe de base du jeu sont toujours aussi délicieusement diaboliques, ayez simplement conscience du produit que vous achetez. Dommage.