Dans l'histoire de Square Enix, la PlayStation 1 a été une console très importante, surtout du côté de Squaresoft. En prenant la décision d'arrêter de développer des jeux chez Nintendo avec l'arrivée des machines 32 bits, l'éditeur japonais a profité de la puissance de la PS1 pour produire de nombreux titres aujourd'hui considérés comme cultes : Final Fantasy VII, Final Fantasy Tactics, Xenogears, Parasite Eve, Vagrant Story... Face à l'aura de tous ces titres, il est clair que l'on peut parler d'Âge d'Or pour Squaresoft.

Parmi ce flot de classiques, on retrouve un certain Chrono Cross, sorti en 1999, qui se déroule dans le même univers que Chrono Trigger, autre titre culte de l'éditeur. Par son nom et sa filiation, le temps occupe bien évidemment un rôle central au sein de l'aventure. Alors que le jeu a reçu un accueil critique et commercial chaleureux en Amérique du Nord et au Japon avec 1,5 million d'exemplaires, Chrono Cross n'a jamais eu droit à une sortie en Europe, au grand dam des amateurs de J-RPG français. Avec The Radical Dreamers Edition, il est enfin temps de réparer cette injustice.

Les aventures de Serge (pas le mytho, non)

Chrono Cross nous raconte donc l'histoire de Serge, un adolescent qui vit dans un paisible petit village de pêcheurs. Tandis qu'il regarde l'horizon sur la plage avec son amie d'enfance Leena, il se trouve tout à coup aspiré par un étrange phénomène avant de s'épanouir. Mais alors qu'il se réveille au même endroit, plus personne dans son village ne semble le reconnaître, mais encore pire : dans le nouveau monde où il a atterri, Serge est mort depuis dix ans. Pour tenter de comprendre ce qu'il lui est arrivé, notre héros va partir à l'aventure et explorer cette dimension en tout point identique à la sienne. Tout au long de l'intrigue, le joueur est amené à rencontrer un grand nombre de personnages qui partagent des réflexions sur le passage du temps et sur la trace qu'on laisse sur le monde après sa mort.

Une fois les premières heures passées, on obtient la possibilité de naviguer entre ces mondes parallèles, fonctionnalité qui devient vite indispensable pour progresser. En effet, vous aurez parfois besoin d'un objet disponible uniquement dans l'une des deux dimensions pour débloquer une situation dans l'autre. À partir de ce moment-là, le joueur est beaucoup plus libre d'explorer l'univers du jeu comme il le souhaite. Une grande liberté de choix qui se ressent également au niveau du scénario puisque le titre propose plus d'une dizaine de fins différentes, ainsi qu'une quarantaine de personnages qui peuvent être recrutés tout au long de l'aventure. De quoi laisser une agréable marge de manoeuvre au joueur pour profiter de l'expérience comme il l'entend.

Pour ce qui est des affrontements, Chrono Cross reste un traditionnel jeu de rôle au tour par tour comme Square avait l'habitude de faire à l'époque, mais avec des mécaniques particulières. Chaque personnage dispose de sept points d'endurance au début de son tour pour effectuer des attaques au corps-à-corps ou lancer des sorts. La commande "Attaquer" permet de faire trois types de coups qui consomment entre un et trois points d'endurance en fonction de leur puissance. Si la première attaque fait peu dégâts, elle a un fort pourcentage de toucher sa cible, au contraire de la troisième qui est très efficace mais qui peut rater facilement. Cependant, plus vous réussissez à frapper votre adversaire, plus la précision de vos coups augmente. La plupart du temps, on se contente donc de commencer par une attaque faible pour ensuite enchaîner avec des assauts de plus en plus puissantes pour être sûr de toucher. Enfin, le système de magie est assez particulier puisqu'il n'y a pas de MP (Magic Points) et que les sorts ne peuvent être lancés qu'une seule fois par combat. Au lieu de ça, les Éléments, nom donné aux compétences, doivent être équipés à chaque personnage en fonction de la taille de leur grille qui grandit à mesure qu'ils progressent en niveau.

Une expérience de jeu plus confortable

Pour (re)découvrir cette aventure dans de bonnes conditions, The Radical Dreamers Edition propose de nombreuses options de confort, aussi bien pour les nouveaux joueurs que les vétérans. Bien évidemment, les graphismes sont l'aspect qui ont fait l'objet du plus grand soin de la part des développeurs. On peut ainsi mieux apprécier les sublimes arrière-plans colorés du titre au rendu pastel grâce au lissage effectué qui les rend plus nets que jamais. De quoi admirer cette direction artistique unique et si particulière par son côté bariolé qui joue un rôle central dans l'appréciation du jeu. Si cette édition permet de profiter de nouveaux artworks pour les personnages, les plus nostalgiques seront ravis d'apprendre qu'il est possible de retrouver les graphismes d'origine à partir du menu principal. De plus, les musiques, autre grand point fort de l'expérience originale, ont ici fait l'objet d'un travail de remasterisation, pour un excellent résultat qui font honneur aux compositions de Yasunori Mitsuda.

Côté gameplay, on retrouve la plupart des fonctionnalités présentes dans les autres remasters de Square Enix, à l'image de Final Fantasy VIII Remastered par exemple. S'il était déjà possible d'accélérer ou de ralentir la vitesse du jeu dans la version originale grâce à un objet en New Game+, ce dernier est désormais disponible dès le début de l'aventure. Ensuite, les joueurs peuvent décider à tout moment de désactiver les combats aléatoires, booster leurs personnages ou encore attaquer automatiquement. Toutes ces options permettent d'adapter sa façon de jouer en fonction de ses envies, en facilitant les affrontements si on a besoin d'augmenter le niveau de son équipe ou en évitant toutes rencontres si on souhaite aller plus vite.

Parmi toutes ces ajouts, on peut regretter que ce remaster ne permet pas de faire de sauvegardes rapides, surtout alors que les points de sauvegarde sont très espacés les uns des autres. Enfin, la grande nouveauté de ce The Radical Dreamers Edition, c'est surtout l'intégration du contenu Radical Dreamers - Le Trésor Interdit -, un visual novel exclusif au Japon sorti en 1996, disponible uniquement sur Satellaview. Au départ, cette histoire textuelle devait apporter de nouveaux éléments à l'intrigue de Chrono Trigger, mais a finalement été reprise pour servir de base à Chrono Cross.

Un remaster paresseux sur certains aspects

The Radical Dreamers Edition permet de découvrir Chrono Cross dans des conditions plus confortables grâce à des graphismes plus fins et des options d'accessibilité qui modernisent l'expérience. Cependant, sur certains aspects, ce remaster aurait pu aller plus loin et corriger certains soucis du jeu original. Parmi les plus grands reproches que l'on peut faire à cette réédition, il est évident que le framerate aurait dû faire l'objet d'un soin particulier. Si les bulles sont toujours affichées avec une fréquence de 60 i/s, on ne peut pas en dire autant de l'action des combats ou même simplement des phases d'exploration, aussi bien sur Nintendo Switch, en portable ou en docké, que sur PS4 Pro et même PS5. Très régulièrement, le titre fait l'objet de ralentissements brutaux lors des affrontements en fonction des angles de caméra, surtout face à un grand nombre d'ennemis ou un boss. Bien évidemment, le rendu est très fluide pour les plans les plus rapprochés, mais dès qu'on s'éloigne pour avoir une meilleure vision du champ de bataille, le framerate chute d'un seul coup. Alors que les graphismes ont été modernisés, on était en droit de s'attendre à ce que le framerate soit aussi corrigé. On espère que des mises à jour viendront améliorer cet aspect à l'avenir.

Si l'objectif de cette réédition était de faire découvrir Chrono Cross à un nouveau public, d'autres éléments auraient pu être ajoutés pour mieux accompagner les joueurs. Il faut bien se rappeler qu'on a affaire à un jeu de rôle de la fin de la PlayStation 1, ce qui sous-entend un certain rythme et une ergonomie particulière qui ne correspondent pas forcément à nos standards actuels. Dans cette situation, on aurait aimé que ce remaster propose un tutoriel sur le système de combat qui s'impose au joueur plutôt que d'aller parler à un personnage pas forcément évident à trouver. Surtout que, comme nous l'avons détaillé plus haut, le déroulé des affrontements est assez unique en son genre. Certes, il s'agit d'un jeu de 1999 et il est très facile de trouver des guides sur internet, sauf qu'ils ne sont pas forcément en français et que dans tous les cas, c'est au titre d'expliquer ses propres règles, et pas au joueur de se débrouiller pour chercher des informations aussi basiques.

Conclusion