Quiconque s’est déjà essayé à la série aux célèbres assassins à capuche sait que la plupart de ses épisodes peuvent être regroupés en différents groupes reflétant les époques, mais aussi les choix de game design opérés par les équipes à l’oeuvre sur la licence. Outre la trilogie axée autour d’Ezio, il est ainsi possible de regrouper les épisodes “américains” (le III, Black Flag et Rogue), ouest européens (Unity, Syndicate), et bientôt antiques (Origins, Odyssey). Seul opus à résister à ce courant, le premier Assassin’s Creed reste un élément à part, que ce soit par son ambiance, son style de jeu ou sa prise en main, tant son successeur a su se démarquer et améliorer la formule sur nombre de points.

Rejouer à Assassin’s Creed II dans sa version remastérisée pour la Ezio Collection permet déjà de se rendre compte du chemin parcouru par la licence. Si les grands principes sont toujours là, les combats ou les déplacements un brin rigides ont subi un sérieux dépoussiérage depuis et s’avèrent bien plus souples. Mais c’est pourtant entre le premier et le second épisode que les changements furent les plus perceptibles. L’incapacité de combattre correctement sans “verrouiller” l’ennemi, la limitation de la lame secrète aux assassinats furtifs ou même le danger mortel que représente l’eau pour Altaïr ne sont que quelques uns des exemples d’éléments de game design ayant fait leur temps, et qui ne pourraient être ressortis tels quels avec un soft uniquement passé en 4K avec des textures affinées.

Une structure à repenser

Mais au delà des mécaniques de jeu, c’est toute la construction qui pose aujourd’hui question : la trilogie centrée autour de la vie d’Ezio proposait bien quelques objectifs répétitifs et moins emballants, mais elle faisait l’effort de varier les situations sur sa quête principale et de justifier la présence de quelques contenus répétitifs. Le premier s'embarrassait moins sur ce point, axant même sa quête principale sur une série d’objectifs redondants à accomplir avant d’aller enfin se confronter à des missions d’assassinat qui elles, étaient variées et bien plus convaincantes grâce à leur mise en scène. Chacune de ces missions peu emballantes sur le long terme permettait aussi de débloquer une information utile pour l’assassinat à venir : un système intéressant, mais dissimulé dans des sous-menus et jamais véritablement expliqué aux joueurs, qui sont nombreux à être passés à côté de cette donnée.

Vous l’aurez compris, aussi charmant soit-il, cet épisode fondateur a vieilli, sans doute bien plus que les autres. Et si remastériser ne signifie pas seulement améliorer visuellement le titre, retoucher quelques uns de ses mécanismes ne suffirait pas à masquer sa structure rigide. De plus, qu’il s’agisse de son scénario, ses affrontements, son infiltration ou d’autres éléments, aussi vieillissant soit-il, l’ensemble reste cohérent et forme donc une oeuvre aussi perfectible que logique dans sa démarche. Dans cette optique, chaque retouche à la marge risquerait de jurer avec la structure générale de l'épisode. Faire revenir Assassin’s Creed premier du nom sur la génération actuelle semble donc davantage passer par la voie d’un véritable remake que d’un portage de bonne qualité agrémenté d’une touche de nouveautés.

Ubisoft dispose en plus d’un atout clé avec - en plus d’années d’expérimentations sur la série - la sortie de son dernier épisode, Origins, proposant des mécaniques de jeux qui ne feraient pas tache si elles étaient réutilisées pour refaire en profondeur le premier épisode. Un soupçon d’escalade dans les grands espaces d’un “royaume” repensé avec des cavernes, quêtes et villages peuplés de PNJ aurait de l’allure, tout comme la reprise d’un système de combat mieux maîtrisé et qui a le bon goût de ne pas empêcher le titre de disposer d’un système d’infiltration viable. Reste à voir comment justifier scénaristiquement la présence d’un système plus dense de quêtes, Altaïr restant un assassin discret en quête de rédemption loin du rôle de Medjay moins confidentiel qu’occupe Bayek. Nul doute qu’avec un peu de bonne volonté, l’obstacle serait facilement surmonté et s'accompagnerait des nombreux avantages qu’apporteraient la réutilisation de mécaniques de jeux récentes de la saga afin de rebâtir son épisode fondateur.