La pression des résultats

JV : Comment décririez-vous Starfield à quelqu’un qui ne connaît pas du tout le jeu ?

P.H : Starfield est un jeu de rôle de la veine d’autres jeux de Bethesda Game Studios, comme Elder Scrolls et Fallout. Vous pouvez créer le personnage que vous voulez, vous pouvez être qui vous voulez et faire ce que vous voulez dans le monde que nous avons créé. Il s’agit moins de notre scénario que de l’histoire que vous voulez raconter. Qu’il s’agisse de voyager de planète en planète ou de rester sur la terre ferme pour bâtir des choses, c’est vous qui décidez où vous voulez aller, comment vous voulez jouer, et dans quoi vous voulez être bon. L'esprit du jeu est de permettre l’exploration de l'espace afin d’étancher votre soif de connaissances et d'informations. Il y a d’autres choses dont nous n’avons pas parlé et je dois vous avouer que je suis impatient de voir les gens les découvrir.

JV : Starfield a toujours été un jeu très attendu, mais depuis le Starfield Direct, les chiffres sont affolants. Le jeu est numéro 1 sur la liste des jeux les plus attendus de Steam. L'attente est phénoménale, et cela met sûrement beaucoup de pression sur Bethesda. Comment gérez-vous l'enthousiasme des fans ? Êtes-vous confiant quant au succès du jeu ?

P.H : La pression, nous avons l’habitude de faire avec, car nous faisons ce métier depuis assez longtemps. Je suis là depuis presque 24 ans et Todd est chez Bethesda depuis 30 ans. Et on a bien compris qu’il y avait des choses que nous pouvions contrôler, et d’autres que nous ne pouvions pas. Et on ne peut pas contrôler la pression. On ne peut pas contrôler la manière dont les gens sont enthousiastes ou sceptiques. Est-ce qu’ils veulent jouer ? Est-ce qu’ils sont intéressés ? C'est le consommateur qui décide. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de nous concentrer sur notre travail. Faire le meilleur jeu possible puis trouver comment le présenter de la manière la plus authentique, pour expliquer ce qu’il est vraiment. (...) Mais je ne peux pas décider de qui va l’acheter, qui va y jouer sur le Game Pass, qui y jouera en day one ou trois mois après. Nous voulons juste être sûrs d’avoir tout fait pour faire du jeu une réussite. Et pour nous, la réussite serait que beaucoup de gens jouent au titre en plus d’être nommés pour des awards ou des distinctions. Parce que ça voudrait dire que nous sommes parvenus à faire quelque chose de remarquable et de spécial. C’est notre attente, nous voulons être excellents, nous voulons faire de super choses.

De l'infiniment petit à l'infiniment grand

JV : Après le Starfield Direct qui a duré 45 minutes, est-ce qu’il y a encore des choses qui vont surprendre les joueurs ?

P.H : Vous n’imaginez même pas à quel point ! Les journalistes ne nous parlent pas quand ils testent un jeu, mais je suis sûr qu’ils se diront que c’est encore plus grand que ce qu’ils imaginaient. Pour ma part, je suis probablement à 160 heures de jeu, j’ai passé 80 heures sans jouer à la campagne. Un jour, Todd m'a dit : “alors, que penses-tu de la quête principale ?” et je lui ai répondu : “oh, je ne l'ai pas faite, mais j'ai fait plein d’autres choses”. Il m’a ensuite dit : “je veux que tu la fasses, j’ai besoin de savoir ce que tu en penses”. J’ai donc fait la campagne et je n’ai pas pu m’arrêter de jouer. Et une fois que c’était fait, j’ai passé 60 nouvelles heures à faire des choses que je n’avais pas faites précédemment. Et j’ai fait 60 heures totalement différentes… et je n’ai toujours pas vu tout ce qu’il y a à faire ! Il y a des factions que je n’ai pas approchées, des planètes où je ne suis jamais allé et des villes que je n’ai pas vues. J’ai tellement de missions que je ne pourrai pas tout boucler cette année ! Et ça continue encore et encore, ça doit prendre 1 000 heures pour tout voir. Par exemple, je n’ai pas fait de construction d’avant-postes. C'est une section du jeu où on peut passer 500 heures dessus, et je n’ai rien construit ! Car j’étais tellement occupé à faire d’autres trucs et à comprendre comment tous les éléments fonctionnent. (...) Ce que je trouve et ce que d’autres personnes trouveront sera complètement différent d’un joueur à un autre.

JV : Les premières minutes du jeu se passent dans des mines, ce qui est amusant pour un jeu qui promet de grands espaces. Est-ce qu’il a été compliqué de trouver la bonne manière d’introduire le joueur à l’immensité de Starfield ?

P.H : Le niveau de la mine fait le lien entre l’histoire principale et les différents endroits que l’on verra. Todd aime les révélations. Si vous regardez nos jeux, Oblivion, Skyrim, Fallout 3 et Fallout 4, ils partent tous d’un certain endroit et soudainement le joueur est lâché. “Oh mon Dieu ! Où vais-je ?”, “Oh, n'importe où ! Tu peux aller n'importe où et faire n'importe quoi à partir de maintenant”. C’est comme s’échapper d’une prison pour aller dans le reste du monde, c’est censé être épique. D’une petite chose, vous découvrez tout. Vous savez, les planètes sont vraiment en mouvement, et le soleil est vraiment calculé. (...) On fait des mathématiques et des calculs, au lieu de poser des images dans le ciel et faire croire que c’est le soleil. On dit au jeu que c'est une source de lumière, qui est loin, qu’elle a ses caractéristiques, et que l'atmosphère va la filtrer. Après la claustrophobie dans la scène d'ouverture, ça a un impact émotionnel que nous aimons vraiment. C’est quelque chose qui se voit dans tous les jeux Bethesda Game Studios, ce n'est pas un accident.

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Fantômes du passé

JV : L’aspect FPS est développé dans Starfield. Est-ce qu’ID Software est venu aider l’équipe de Todd Howard ?

P.H : Nous échangeons tout le temps des informations entre nos studios afin de mieux savoir comment faire telle ou telle chose. Je ne suis pas dans ces réunions, personne ne me dit si des gars de Machine Games sont venus nous aider, je ne sais pas tout, mais je sais que ces conversations se produisent toujours. Nous partageons constamment des idées technologiques et des idées sur les jeux. Et notre équipe est devenue beaucoup plus grande. Quand j’ai commencé, on était à peu près 35 personnes. Aujourd’hui, Starfield a été fait par 400 développeurs. Grâce à ça, nous pouvons vous appuyer sur différentes expertises afin d’améliorer les mécaniques de jeu.

JV : Starfield est un jeu énorme. Il y a un autre jeu énorme dont on a beaucoup parlé, c’est Cyberpunk 2077 à cause d’une sortie chaotique. Est-ce qu’il y a des erreurs que vous n’avez pas voulu reproduire ?

P.H : En fait, je pense que nous avons beaucoup appris de différentes choses, comme Fallout 76. Dans ce studio, nous avons tous vécu ça. Nous savons ce que ça représente de ne pas dépasser les attentes de nos joueurs et combien de temps ça prend, des années en réalité, pour arranger les choses. (...) On prend des décisions de design qui, par leur nature, risquent d’introduire plus de bugs dans le jeu, car on challenge le joueur à faire ce qu'il veut. (...) Nous voulions donner aux joueurs plus d'options et de choix plutôt que de les empêcher de faire des choses pour éviter des bugs, car c’est plus amusant, plus immersif, et c’est ce que les joueurs veulent. (...) Mais vous savez, rien ne peut vous préparer à ce que 10 ou 15 millions de personnes jouent à votre jeu dès son lancement. Mais nous n’avons pas de craintes, nous avons passé beaucoup de temps sur ce jeu.

JV : Il y a une énorme différence de puissance entre la Xbox Series X et la Xbox Series S. Par le passé, certains développeurs ont émis des remontrances quant au manque de puissance de la Series S. Comment avez-vous fait pour faire tourner Starfield sur Xbox Series S ?

P.H : Nous avons des gens incroyables du côté des programmeurs et de la technique et vraiment, nous ne laissons personne sur la touche. On a mis des projets en pause pour mettre tout le monde sur le jeu. Chaque personne de l’Assurance Qualité que nous avons pu trouver a été mise sur le jeu. On a utilisé toutes les ressources à notre disposition. Je sais que ce n’est pas très populaire, mais quand vous faites un jeu exclusif à une console, plutôt que de passer du temps à penser à deux consoles différentes, vous pouvez mettre toute votre énergie sur une console en particulier et vous assurer que tout fonctionne bien. C’est grâce à ça que nous avons pu faire un jeu qui tourne bien sur Series X et Series S. Xbox nous a également offert un soutien incroyable et nous en sommes reconnaissants.

Le jeu d’une génération ?

JV : Starfield contre Baldur’s Gate 3. C’est le duel de l’année ?

P.H : Oh non ! Pas du tout. Vous avez vu Zelda ? Il y a beaucoup de jeux sortis cette année qui mériteraient d’être dans cette conversation. Une des raisons de tout ça vient des effets secondaires du COVID. Beaucoup de jeux ont été retardés, y compris les nôtres. Et là nous avons Diablo IV, Zelda… la liste est folle, et tous ces jeux sont vraiment bons ! Une fois de plus, notre objectif est de faire partie de cette discussion, mais nous ne décidons pas des votes. La seule chose qu’il est possible de faire, c’est mettre toutes les chances de notre côté pour publier le meilleur jeu possible.

JV : Quels sont vos plans pour Starfield en matière de contenus, pour les années à venir ?

P.H : Oh, nous avons beaucoup d'idées ! Nous allons vraiment soutenir Starfield. Déjà, des mods vont arriver. Nous avons donné à cette communauté, notre communauté, les outils pour faire ce qu’ils veulent dans cet univers si grand. Je veux dire, ils peuvent faire des planètes et plein d’autres choses incroyables. Et puis nous avons bien évidemment nos plans. Nous avons l’extension Shattered Space prévue pour l’année prochaine. On a beaucoup de choses prévues pour le contenu, qui prendront différentes formes et seront de différentes tailles. (...) Si vous regardez Skyrim, il y a encore des millions de personnes qui y jouent 12 ans après son lancement. Donc pour moi, Starfield a un temps de jeu potentiellement infini. On va juste continuer à faire des choses, les gens vont continuer à faire des choses et on verra où tout cela nous mènera.

Au-dessus du cloud, il y a les étoiles

JV : Starfield ne sort pas sur PlayStation 5. Est-ce que ça vous fait craindre quelque chose pour les ventes du jeu ?

P.H : Aux Etats-Unis, le Game Pass Ultimate coûte 17 dollars (15 euros en France - ndlr). Pour 17 dollars, sans posséder de console, vous pouvez connecter une manette à des TV Samsung et jouer à Starfield. Le Game Pass, ça me rend fou ! Je suis un vieux, je suis né quand il n'y avait pas de jeux vidéo, pas de consoles, pas de PC, pas de téléphones portables. Le fait qu’il n’y ait même pas besoin d’une console pour jouer au plus gros jeu Bethesda jamais fait sur Xbox, c’est un niveau d’accessibilité incroyable. Vous pouvez y jouer via tout ce qui peut faire tourner un navigateur. J’ai testé avec un Kindle Fire, un téléphone, vous cliquez sur lien cloud et jouez à Starfield. Donc si vous êtes un joueur de PlayStation, bien sûr, vous ne jouerez pas sur votre PlayStation. Par contre, les joueurs de PlayStation peuvent jouer à tout le catalogue Xbox Game Pass pour 17 dollars par mois, ce n’est pas rien. Ils peuvent jouer à Starfield, à Forza, à tout ce qu’ils veulent. Ils peuvent jouer chez eux ou au travail grâce au cloud sur navigateur. (...) C'est bizarre pour nous, car pendant toute notre existence, on a demandé de payer le prix fort pour jouer à nos jeux. Il n'y avait pas d’abonnement. Mais maintenant, on aime ça. On construit un public.