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Sujet : [Fantasy] Aztèques

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costae costae
MP
Niveau 3
19 avril 2017 à 08:01:32

Bonjour les amis !

J'étais venu sur le forum il y a quelques années pour participer à quelques topics et vous présenter un roman d'action de type young adult, au sujet d'une expédition dans une prison expérimentale dont personne n'est jamais sorti (cf L'Oeuvre). Je vais reprendre cette histoire plus tard mais aujourd'hui je vais vous en présenter une autre.

Il s'agit d'une saga de Fantasy placée dans un cadre historique. L'histoire se déroule au Mexique, juste avant l'arrivée des Conquistadors.
Elle pose la question suivante : une jeune esclave peut-elle faire tomber un Empire ?
Ameyal est une fille de chef au caractère bien trempé. Elle décide d'en découdre avec les Aztèques après qu'ils aient envahi son village.
On va suivre son combat, ses hauts, ses bas, son apprentissage et sa progression.
En tant que gros fan de JDR, je puise mon inspiration dans l'Histoire bien-sûr, mais aussi dans toutes les aventures que l'on a pu faire avec mes potes d'enfance. L'histoire est orientée action, aventure, riche en rebondissement de tout ordre et sans temps mort ; je déteste les descriptions de 20 pages où il ne se passe rien.
Voici le début du premier épisode. Dites-moi si vous êtes intéressés par la suite. Bonne lecture à tous :)

ÉPISODE 1 : DÉCHIRURE

— Je ne veux pas devenir prêtresse, Tete. Collier d’Étoiles a parlé. Mon tonalli est d’être chef.
— Une femme chef ?

Cuauhtli le sage dépose son écuelle dans un bruit sec. Il saisit la coiffe de chef suspendue au mur. En traversant la lumière qui filtre à travers les troncs, les plumes rousses s’animent d'éclats dorés. D’un geste solennel, il dépose la parure sur son crâne et incline son visage buriné vers sa fille :

— Nos lois sont strictes, Ameyal. Seuls les hommes sont capables de commander.
— J’en suis capable aussi.
— Nous avons déjà eu cette conversation des dizaines de fois. En tant que fille de chef, tu seras mariée au Serpent Précieux, et tu prieras pour qu'il protège le village.
— La prière ne m'intéresse pas !
Cuauhtli s’éloigne en soupirant. Il décale le rideau qui ferme la hutte et tourne la tête vers Ameyal :
— Je pars au conseil. Mets ta robe, le prêtre t'attend.

La jeune fille regarde son père disparaitre derrière le rideau bariolé, qui se balance légèrement et s’immobilise. Une longue robe blanche pend au plafond. Un serpent brodé, multicolore, déploie son corps ondulant sous le col arrondi. Sa gueule ouverte est ornée de plumes bleues. Ameyal baisse la tête en maugréant, dépose les écuelles dans un plat et foule la terre battue jusqu'à la fenêtre.
Elle plisse les paupières sous l’éclat du soleil. Une vingtaine de petites huttes rondes, faites de bois et de jonc, s’échelonnent autour de la grand-place. Des arbres verdoyants les baignent de leur ombre, et des plants de tomates, de piments, des avocatiers ponctuent la terre brune à leurs pieds. Au-delà des dernières habitations se dessine la ligne courbe de la jungle. Des oiseaux volent en piaillant au-dessus des cimes.
Au centre de la place, à l’ombre d’un ficus géant, sont assises les marchandes de Huaxca. Des grappes de fruits, de légumes, des coquillages nacrés, des plats emplis de poudres colorées ornent les tissus disposés à même la terre. Des parfums d'épices dérivent dans l'air chaud, vibrant du matin.
Une jeune fille est assise par terre auprès de sa mère. En apercevant Ameyal, Nicté sourit, se lève et s’approche de la hutte :

— Tu viens avec nous ? demande-t-elle.
— Pas aujourd’hui, soupire Ameyal. Mon père veut que j’aille au temple.
Nicté fronce les sourcils :
— Encore ?
— J’ai peur que oui.
— On sera dans ma hutte si tu changes d'avis.

Nicté traverse la place, bientôt rejointe par un groupe de jeunes filles. Des éclats de rires retentissent. Ameyal regarde le groupe longer les huttes qui bordent la place et disparaitre derrière le grenier de joncs. Les yeux à la dérive, elle laisse échapper un long soupir.
C’est alors qu’elle repère un jeune homme de l'autre côté de la place. Le corps élancé, Acatl est seulement vêtu d’un pagne de couleur beige. Un harpon à ses pieds, il prépare les filets avec les autres pêcheurs. Ses cheveux longs tombent sur ses épaules. Il lève la tête et aperçoit Ameyal.
Il lui sourit.
Ameyal le fixe un instant et sent ses joues rougir. Elle tourne la tête vers la robe suspendue. Le serpent semble la fixer avec malice. Elle prend une profonde inspiration. Deux chemins s’offrent à elle : celui de la prêtrise, qui l’enferme à jamais dans le temple, et celui de la liberté.
La jeune fille quitte l’habitation, accueillie au dehors par un petit chien blanc.

— Mixtli.

Elle s'agenouille et caresse le dos de l’animal. Sa fourrure est douce sous sa main. En relevant la tête, elle constate que le jeune homme l’observe toujours. Elle traverse la place, se retourne, lui adresse un sourire et gagne la sortie du village.
Derrière les habitations s’étend un champ de maïs doré au centre duquel émerge le temple circulaire du Serpent précieux. Adossé au mur les bras croisés, le grand prêtre scrute Huaxca.
Pas question qu’il l’aperçoive. Ameyal baisse la tête, se faufile sous les épis et court jusqu’à la jungle.
Une fois les premiers arbres dépassés, elle s’arrête et prend une profonde inspiration, savourant les parfums épicés du sous-bois. Une branche craque alors derrière elle. Une main la bâillonne tandis qu’une autre la ceinture. Ameyal pousse un cri qui ne produit qu’un son étouffé. Elle se débat, mais son agresseur la tient plaquée contre son torse. Elle sent son souffle dans son oreille.

— Tu vois ? murmure-t-il. Je t’avais dit que je finirai par t’attraper.
— Acatl !

Ameyal tente de le repousser, mais il la retient avec fermeté. Un sourire fier anime le visage du jeune homme. Sans autre recours, elle capitule. Il la relâche. Elle se redresse vers lui, la main déjà levée, mais il la prend dans ses bras :

— Tu portes bien ton nom. Tu es belle comme le printemps.

Ses lèvres trouvent sa bouche. D’abord surprise, elle se laisse faire. Son torse est chaud, sa langue délicate. Il embrasse ses joues, son cou, ses épaules. Un rire s’échappe d’elle.
Le jeune homme saisit Ameyal par la main et s’enfonce dans la forêt. Un bruit d’eau s’élève peu à peu. Serpentant entre les arbres, la rivière Huaxca s’écoule en frémissant. Sautillant de pierre en pierre, tous deux la traversent au milieu d’éclats de rires et la suivent jusqu’à l’océan. Protégés par l'ombre des arbres, ils suivent la ligne nacrée, aveuglante de la plage. Au loin, les pêcheurs tirent les barques vers l'immensité turquoise. Des embruns pétillants dérivent jusqu'à eux. Les rouleaux blancs résonnent comme le tambour des prêtres.
Acatl s'arrête sur une surface douce, entourée d’arbustes. Il invite Ameyal à s’assoir sur le sol couvert de mousse. La jeune fille se raidit mais s’exécute. Au loin, un appel retentit. Tous deux tournent la tête vers le village. Ils dressent l’oreille, mais le bruit a cessé. Ils s’observent. Acatl sonde les yeux verts d'Ameyal. Avec douceur, il passe une main derrière le dos de la jeune fille et l’invite à s’allonger.
Se redressant légèrement, Ameyal trouve sa bouche à son tour. Lorsqu’elle cesse de l’embrasser, il sourit :
— Tu es sûre ?
Elle acquiesce, affichant une détermination qu’elle est loin de ressentir. Son cœur bat à tout rompre. Acatl garde son sourire, et sa main s’aventure sur sa cuisse. Elle remonte lentement, dégageant le tissu qui protège sa peau. La jeune fille respire de plus en plus fort. Le jeune homme écarte ses jambes avec douceur, sans cesser de les caresser. À chaque fois qu’il l’effleure, elle tressaille.
Après l’avoir à nouveau embrassé, il détache son corsage. Sa main plonge sur la jeune poitrine ferme. Ameyal se tend sous ses baisers. Elle ne devrait pas faire cela, elle le sait. Mais son père ne pourra plus la forcer à devenir prêtresse. Et après tout, elle en a envie. Les doigts du jeune homme courent sur sa peau, déclenchant une myriade de doux picotements. Malgré sa peur, elle en veut plus.
La jeune fille est nue sur le sol à présent. Lui aussi. Des papillons volètent dans l’air troublé. Acatl se glisse entre ses cuisses, arc-bouté sur ses bras musclés. Il se tient juste au-dessus d’elle. Il plonge ses yeux dans les siens, dans une ultime interrogation silencieuse. Elle se tend pour l’embrasser à nouveau. Il choisit cet instant précis pour la pénétrer. Elle se cambre sous la douleur. Il s’immobilise, attentif à ne pas lui faire trop mal.
Puis, tout en embrassant son cou, il commence à remuer. La souffrance disparaît aussi vite qu’elle est venue. Ameyal mêle son souffle à celui de son amant, emportée par ces sensations nouvelles. Son corps semble ne plus lui appartenir. Acatl accélère ses mouvements, l’emportant avec lui. Elle se livre entièrement. Le plaisir monte comme une vague immense, puissante, imprévue. Elle ne peut retenir un cri lorsqu’il déferle en elle.
Le jeune homme se raidit soudain. Ameyal ouvre les yeux en cherchant son souffle et se fige. Une main empoigne les cheveux d’Acatl. Elle n’aperçoit la lame d’obsidienne qu’un instant, avant qu’elle n’ouvre la gorge du jeune homme.
Un jet de sang chaud inonde sa bouche, ses yeux, son visage entier.
Acatl pousse un hurlement d’agonie. Ameyal se sent étouffer. Secouée de tremblements, elle se débat, rue pour se dégager du corps paniqué qui l’écrase. Toussant, crachant, elle bascule sur le côté et rampe sans savoir où aller, la bouche ouverte à la recherche d’air. La forêt s’est assombrie. Elle semble tournoyer autour d’elle. Ameyal ne sent plus que l’odeur poisseuse du sang qui emplit ses narines, n’entend plus que les gargouillements de son amant en train de succomber. Elle traîne son corps sur le sol pour s’éloigner, arrachant la mousse à pleine poignées.
Derrière elle retentit un rire. Haletante, elle tourne la tête. Un guerrier se tient debout, campé à quelques pas. Un pagne sale et déchiré pend le long de ses jambes affûtées. La lame noire qu’il tient en main dégouline du sang d’Acatl. Les yeux exorbités, il scrute le jeune corps nu et passe sa langue sur ses lèvres :
— À mon tour, maintenant.
Avant même qu’elle ait le temps de réagir, l’homme agrippe Ameyal par la jambe. Il la retourne et la tire vers lui. Ses yeux sont comme deux puits sans fond. Il écarte ses cuisses d'un coup sec et les bloque avec ses genoux. Sa bouche grimaçante émet un grognement. Ameyal hurle en envoyant le genou en avant.
Le coup arrache à l'homme un cri étouffé. Il tombe sur le côté en portant ses mains à son bas-ventre.
La jeune fille se relève en clopinant. Le corps tremblant, les yeux noyés de larmes, elle plonge entre les arbres et s’enfuit vers l’océan.
Parvenue sur le sable, elle s'arrête, mains sur la bouche. Des corps mutilés gisent parmi les barques échouées. Des flaques rouge sombre jurent sur le blanc aveuglant. Un mouvement lui fait tourner la tête. Le guerrier court derrière elle en lançant des jurons. Il n'est plus qu'à une cinquantaine de pas. Ameyal foule la plage en direction du village. Ses pieds s’enfoncent dans le sable brûlant.
Juste avant que le guerrier ne la rattrape, elle bifurque vers la jungle. La moiteur du sous-bois la recouvre à nouveau.
Les branches et les lianes fouettent sa peau. Elle contourne un immense tronc, se faufile sous des racines géantes, accélère, traverse des amas de fougères arborescentes, trébuche, se relève, reprend sa course.
Nichés derrière un arbre, de sombres volatiles s'envolent en hurlant. Ameyal risque un oeil en arrière. L’homme est toujours sur ses talons. Elle tente de maintenir le rythme, mais ses jambes fatiguent. Les battements de son coeur l'assourdissent. Sa gorge brûle à chaque inspiration.
Il sera bientôt sur elle.
Elle plonge sous un massif d’arbustes et se faufile entre les tiges nues, disparaissant aux yeux du guerrier. L’homme se baisse pour la repérer. Il pousse un grognement et fond dans sa direction, déchiquetant feuilles et plantes le séparant d'elle.
La verdure laisse soudain place à une surface boueuse, hérissée de joncs, encerclée de troncs grisâtres. Une odeur rance imprègne les lieux. Le regard d'Ameyal s'éclaire. Elle prend son élan et saute le plus loin possible. En atterrissant, la boue pénètre sa bouche et envahit ses yeux. À bout de souffle, aveugle, elle s'allonge et rampe de toutes les forces qui lui restent pour continuer d’avancer.
Elle sent soudain une main empoigner sa cheville.
Elle plante ses doigts dans la terre, tire sur sa jambe de toutes ses forces. L’emprise se resserre. Elle donne un coup de pied en arrière. Son talon frappe le nez du guerrier, qui lâche prise. Enfin parvenue aux pieds des arbres, elle se relève en chancelant. Sa poitrine oscille, animée de mouvements convulsifs, incontrôlables.
Enfoncé dans la boue jusqu'aux cuisses, l'homme hurle et lance son poignard en avant.
Ameyal reste sans réaction. L’arme érafle son corps. Un bruit de choc retentit. La lame s'est plantée dans un tronc. Une brûlure irradie de son épaule.
Le guerrier force pour avancer, mais la boue le retient. Des bruits de succion retentissent. Il s’enlise jusqu'au pagne et son visage blêmit. Il lutte pour se dégager, mais ne fait que s’enfoncer davantage. Un cri rauque s’échappe de sa bouche lorsque la boue atteint son ventre. Le lointain ricanement d'un singe araignée retentit. Les os de ses pendentifs flottent déjà sur la surface boueuse.
Ameyal tente d’essuyer le mélange de sueur, de sang et de terre qui recouvre son visage.
Mais elle ne fait que l’étaler.
L’homme s'enfonce toujours plus dans les sables mouvants.
Son faciès irradie la terreur.
Tremblante, hébétée, elle le regarde sombrer jusqu'à ce qu'il n'en reste rien.

Message édité le 19 avril 2017 à 08:04:20 par costae
eksanblue eksanblue
MP
Niveau 10
19 avril 2017 à 15:12:08

J'ai pas encore lu mais je te conseille Azteca de Gary Jennings, obligatoire de le lire :cute:

Et fait gaffe, t'es devant un amoureux de cette civilisation donc quand je vais te lire, je vais pas te faire de cadeau :bave: :noel:

Message édité le 19 avril 2017 à 15:12:44 par eksanblue
eksanblue eksanblue
MP
Niveau 10
19 avril 2017 à 16:50:27

Quelque chose me dit que tu as lu le livre dont je parle [[sticker:p/1lm9]]

Sinon sur la forme, va falloir aérer c'est abominable pour les yeux [[sticker:p/1jng]]

Sur le fond, descriptions pas chiantes, style fluide, pas vu de phrases lourdes ou moche et un début excellent !

Je pense que si tu termines ton roman il y a de grandes chances que je l'achète [[sticker:p/1kkl]]

J'espère qu'il ne s'agit pas de l'histoire de la meuf qui va taffer pour Cortès et l'aider à détruire les Aztèques :snif:

Message édité le 19 avril 2017 à 16:52:15 par eksanblue
costae costae
MP
Niveau 3
19 avril 2017 à 18:16:33

Salut Eksanblue,

Merci beaucoup pour ton retour !

Oui tu as raison il faut que j'aère, je ne m'en suis pas rendu compte.

Effectivement le roman est terminé :-d Je vais poster la suite alors ;-)

costae costae
MP
Niveau 3
20 avril 2017 à 09:12:55

Le poing serré sur le poignard du guerrier défunt, Ameyal court.
La jungle autour d’elle semble irréelle. Elle ne sent plus son corps ni sa fatigue. Poussée par une énergie insoupçonnée, elle a l’impression de voler. Grisée par sa victoire, elle se sent capable d’affronter les Aztèques à elle seule.
Elle doit retrouver son père et les exterminer.
La jeune fille traverse la rivière Huaxca dans une gerbe d’au et tressaille. D’immenses colonnes de fumée noires s’élèvent derrière les arbres, striant le ciel bleuté.
En atteignant les plantations de maïs qui ceinturent le village, Ameyal porte une main à sa bouche. Mixtli, le petit chien blanc, gît dans une flaque de sang ponctuée de mouches. Elle contourne la dépouille en réprimant un haut le coeur.
Au loin, le temple n'est plus qu'un amas de cendres. Le dieu Serpent Précieux, qui trônait en son centre, se dresse désormais dans l'air bouillonnant, tout entier recouvert de suie. De l’autre côté des plantations, les huttes sont en train de brûler. Ameyal traverse le champ à couvert des épis. Elle scrute de tous côtés.
Les premières habitations dévoilent leurs ventres incandescents. La chaleur suffocante flétrit les feuilles et tord les branches environnantes. La fumée brûle la gorge d'Ameyal. Elle parvient à un tas de vêtements, d'outils de pêche et de coquillages écrasés sur le sol.
Un cri éloigné lui fait relever la tête. Le centre du village n'est plus que nuages noirs, habitations en feu. Elle s’en approche à pas prudents, reprenant son souffle peu à peu. Des mouvements flous se dessinent à travers les volutes de fumée.
Ameyal contourne une hutte et sursaute lorsqu’elle s’effondre dans un craquement sinistre. Un guerrier au corps couvert de tatouages se tient debout dos à elle. La jeune fille sent son corps se glacer. Elle fait volte face et court se réfugier de l’autre côté des décombres. La pointe d’une lance se déplace au-dessus des restes fumants. Elle a de plus en plus de mal à respirer. Tassée sur elle même, elle s’attend à ce que le guerrier surgisse n’importe quand. La possibilité de fuir vers la forêt lui effleure l’esprit. Mais il n’en est pas question. Il faut qu’elle retrouve son père. Associée à lui et aux guerriers du village, elle écrasera l’ennemi.
La lance finit par s’éloigner. Ameyal inspire une grande bouffée d’air qui lui laisse un goût âcre dans la bouche. Aux aguets, elle contourne les huttes en feu en direction du centre de Huaxca.
La grand place se dessine derrière le grenier de bois éventré dont les grains d'or gisent à terre. Au fond de la place se dresse le crâne de singe araignée qui coiffe la hutte de Cuauhtli le sage, son père. Tassée sur elle-même, elle accélère l’allure en direction de l'habitation.
Deux guerriers sortent soudain d’une hutte. Ameyal plonge derrière un cycas et attend, immobile. Un cri aigu retentit. Relevant la tête, elle risque un oeil dans leur direction. À leurs pieds se débat une jeune fille. L’un d'eux la tient par les cheveux, tandis que l'autre lui passe une corde autour du cou.
Nicté.
Le ventre noué, Ameyal s'éloigne en rampant. L’image de son amie attachée a fait naître en elle un sentiment de vulnérabilité. Elle pourrait tout à fait être à sa place. Autour d'elle, les huttes crépitent. Redoublant de prudence, elle longe une habitation au toit fumant et se plaque contre la paroi pour se dissimuler. Elle réprime un cri. Le bois l’a brulée. Une fumée acide, d’un vert sombre, s'immisce entre les troncs ajourés de la façade.
La jeune fille jette un oeil en direction des deux pillards au moment où un villageois les charge par derrière, armé d'un harpon. Le guerrier visé le repère juste avant l'impact. Tournant sur lui-même, il esquive le coup et réplique en frappant à la nuque. Le villageois s'effondre. Ameyal porte ses mains à sa bouche lorsque le guerrier brandit son couteau et éventre l'homme d'un geste sûr. Le sang gicle sur son visage. Nicté pousse un hurlement. Elle tente d'agripper le tueur qui lui répond par un coup de poing dans le ventre. Elle tombe à terre, le souffle coupé. Le guerrier la soulève par les cheveux et la pousse vers la place. Elle chancèle et avance en pleurant.
Ameyal réalise qu’elle se tient le ventre comme si le coup l’avait touchée. Elle tente de se reprendre. Il lui faut garder le dessus. Le groupe a presque disparu derrière la fumée. Elle le suit à bonne distance et sent quelque chose de mou sous ses pieds.
Le villageois éventré.
Une nausée monte en elle à la vue de ses entrailles grouillantes d’insectes.
Elle titube jusqu’à une hutte carbonisée quand une main l’agrippe par l'épaule.
L’homme tatoué. Son odeur âcre frappe Ameyal comme une vague d'immondices :

— Tu es à moi, dit-il en enserrant son bras.

Le coeur de la jeune fille bondit dans sa poitrine. Elle demeure un instant sans réaction, mais la main qui l’enserre la fait revenir à la réalité. Elle ne peut se laisser arrêter. Elle tente de se libérer. En vain. L’homme a le dessus.
Mais il n’a pas vu son poignard.
Elle envoie sa lame en avant. Le guerrier recule juste à temps. Elle manque le ventre, mais entaille la cuisse. Il tombe à genou. Elle recule, l'arme tremblante pointée devant elle.
L’homme la fixe et sourit.
Parcourue de frisson, elle tourne le dos et s'élance vers la place.
Plus une seconde à perdre. À l’ombre du ficus géant, les deux autres guerriers attachent Nicté à d’autres prisonnières. Les tissus du marché gisent sur la place, souillés de sang, maculés de terre.
Sur la droite, plusieurs hommes sont à genoux, en plein soleil, les mains derrière la nuque. Des cordes enserrent leurs cous et leurs torses dégoulinent de sueur. En apercevant les plumes rousses du chef dépasser des têtes, le visage d'Ameyal s’éclaire. Elle se précipite vers Cuauhtli le coeur battant :

— Tete !

Dissimulés par les racines géantes du ficus, trois autres guerriers se lèvent et s’élancent, armes en avant, au milieu des cris des prisonnières. Les deux agresseurs de Nicté braquent leurs armes vers elles pour les faire taire.
Ameyal atteint les premiers villageois qui la fixent sans comprendre. Des relents de sueur agressent ses narines et un sentiment de peur étreint son ventre. Elle se fraye un passage jusqu'à Cuauhtli et s'agenouille devant lui le souffle court.
Enfin.
Son père.
Le chef du village fronce les sourcils. Il scrute le visage haletant, recouvert de sang et de boue striée de larmes qui lui fait face. Il reconnaît enfin sa fille dans la créature nue qui lui tend un poignard sanguinolent :

— Sauve-nous, tete !

Cuauhtli tend la main vers le poignard. Il effleure l'obsidienne du bout des doigts et se fige. Son visage oscille entre Ameyal et les trois guerriers qui s’approchent en frappant les villageois.
La jeune fille brandit le couteau en avant :

— Prends cette arme ! insiste-t-elle. Tous te suivront !
Elle dépose l’arme dans les mains de Cuauhtli. Le chef la conserve un instant. Ses doigts tremblent. L’arme tombe à terre.
— Non, Ameyal. Ce sera pire encore.
La jeune fille écarquille les yeux :
— Tu vas tous nous faire tuer !
— Obéis à ton père et rends-toi, répond Cuauhtli dans un souffle.

La voix du chef s'éteint dans un soupir. Il repasse les mains derrière sa tête et incline le visage vers le sol. Son corps prend l’apparence de celui d'un vieillard. Le bourdonnement des insectes devient soudain assourdissant.
Des larmes amères envahissent les yeux d'Ameyal. Son coeur s'accélère. Comment son père peut-il se montrer si lâche ? Comment peut-il abandonner le village aux pillards ? Comment peut-il refuser son arme après tout ce qu’elle a traversé ?
L’incompréhension, le dégoût et la colère l’inondent.
Elle se baisse, ramasse le poignard et relève la tête. Trois lances pointent déjà vers son visage. Tous les regards la fixent. Elle bombe sa poitrine nue et baisse les yeux vers ce qui reste de Cuauhtli :

— Je n’ai plus à t’obéir.

Le visage du chef se tord en une grimace.
La jeune fille bondit entre les prisonniers. Elle échappe aux lances et atteint la terre battue, quand face à elle apparaît l'homme tatoué, un morceau de tissu noué autour de la cuisse. Les bras écartés, il lui barre le passage.
Elle jette un oeil autour d'elle. Les trois guerriers l'ont encerclée. Trois lances dardent à nouveau sur son cou.
Elle se tétanise.

— Laissez-la, interrompt une voix.

Prisonniers et pillards tournent la tête en direction du nouveau venu. Les armes s'éloignent, mais restent pointées vers Ameyal.
L’inconnu s’approche. Un plastron d'os recouvre son torse, et un casque orné d'un crâne humain coiffe son front. Des scarifications lézardent ses membres.
Le silence s’est fait parmi les hommes. Les pas lents de l’intrus résonnent sur le sol. Les muscles de ses cuisses se dessinent à chaque mouvement. Un poignard est attaché à sa ceinture. Une épée d’obsidienne pend le long de sa jambe.
Un maquauitl.
Parvenu devant la jeune fille, l’homme s'arrête et l’observe :

— Des yeux couleur de jade… murmure-t-il.

Ameyal fronce les sourcils.
D’un geste vague, l’inconnu désigne le poignard qu'elle tient en main :

— Où as-tu volé cette arme ?
Elle incline le visage vers la lame :
— Vous n'avez qu'à fouiller les sables mouvants.

Des murmures retentissent. L’homme au crâne lève l’index et le silence revient. Les feuillages frissonnent. Il se penche en avant et son visage parsemé de cicatrices esquisse un rictus moribond.
En un éclair, il saisit le bras d'Ameyal. D’une torsion de poignet, il lui fait lâcher le couteau et elle se retrouve à genoux. Il éloigne l'arme d’un coup de pied et dégaine son épée qu’il pointe vers la gorge d’Ameyal. Les yeux de la jeune fille restent rivés sur le maquauitl. Le contact de la pierre glace sa peau. Les dents noires d’obsidienne qui hérissent le bois de l’épée semblent prêtes à la dévorer.

— Tu as tué l’un des miens. Dis-moi qui va mourir.

Ameyal écarquille les yeux. A-t-elle bien entendu ? Elle fixe le guerrier sans comprendre. Le regard hypnotique, glacial qu’il lui oppose semble sans issue. Regroupés dans son ombre, les autres pillards la scrutent comme des vautours.
Le silence devient de plus en plus oppressant. Ameyal parcourt les survivants. Hommes, femmes, vieillards, filles et garçons, tous sont suspendus à ses lèvres. Tous ont cessé de respirer. Son regard fait trembler les corps lorsqu’il se pose sur eux. Lorsque le visage de sa fille croise le sien, Cuauhtli tressaille et baisse la tête.
Le regard d’Ameyal revient vers l’homme au crâne. Elle ne veut pas répondre. Elle ne peut pas répondre à cette question. Le visage figé dans une grimace, elle fait non de la tête. Le guerrier tend la main et l’agrippe par les cheveux :

— Si tu ne désignes personne, tous mourront.

L’estomac d’Ameyal se vrille comme si une multitude de vers la dévoraient de l’intérieur. Le bourdonnement des insectes résonnent à la rendre folle. La chaleur la fait suffoquer. L’homme tire sur ses cheveux. La douleur irradie partout dans son crâne.

— Alors ?

Les mâchoires serrées, les joues ruisselantes de larmes, Ameyal fixe le chef de guerre droit dans les yeux.
Elle tend l’index vers le chef du village.

costae costae
MP
Niveau 3
21 avril 2017 à 20:11:13

Hello les amis :-) voici la 3ème partie :

— Ils vont nous sacrifier ! gémit un homme.

Personne ne lui répond. Les prisonniers sanglotent, le regard perdu, le visage tourné vers le sol. Des nuages noirs et irritants les assaillent par vagues.
La voûte du ciel s'est empourprée. Achevées par les flammes, les dernières huttes s’effondrent en craquant. Les roulements de tambour de l’océan se sont tus. Seuls quelques chiens gémissent parmi les décombres.
Deux guerriers font le tour des captifs pour vérifier les liens. Ameyal frissonne lorsqu'ils parviennent à sa hauteur. Elle ferme ses narines à leur odeur aigre, et garde les yeux rivés à terre. Sa peau brûle lorsqu'ils tirent sur ses cordes. Elle reste immobile. Leurs pas s'éloignent enfin.
Un visage proche se tourne vers elle :

— Ameyal ?

La jeune fille reconnaît la voix de Collier d'étoiles. Elle reste sans réagir.
Le devin se glisse vers elle, mais les liens le retiennent. Il tente de desserrer la corde qui enserre son cou. Sans succès.

— Ameyal, insiste-t-il. Comment te sens-tu ?

La jeune fille ne peut remuer les lèvres. Des larmes ont creusé des sillons de désespoir sur sa peau couverte de sang séché. Tout cela est-il bien réel ?

Au centre de la place assombrie, Cuauhtli le sage semble l’observer.
Son crâne repose au sommet d’une lance.
Vêtements, outils, coquillages, ustensiles de cuisine en terre cuite, toute la vie des habitants se trouve entassée sous ses yeux fixes et vitreux. Penchés autour du butin, les pillards répartissent les différents objets en s'apostrophant les uns les autres. L’homme au crâne semble avoir disparu.
Les villageois agenouillés autour d'Ameyal lui adressent des coups d’oeil furtifs, chargés de reproches. Il ne reste plus qu’une dizaine d’hommes et de femmes. Collier d’Étoiles, dos à elle, fixe le sol sans bouger. Nicté, à sa droite, lui tourne la tête. À gauche d'Ameyal est assis Chicauhtoc, un robuste villageois, les épaules affaissée sur son corps tremblant. Une plaie béante s'ouvre sur son flanc. Il la recouvre de sa main, mais le sang s'échappe de ses doigts par saccades.
Ameyal repère un groupe d'enfants prostrés au pied d'un arbre. Un jeune garçon quitte le groupe et se faufile entre les prisonniers jusqu'à sa mère. Il se blottit contre elle. Tous deux sanglotent l’un contre l’autre.
Au centre de la place, un guerrier s'est levé. Il s'approche d’eux et arrache l'enfant par le bras. Le garçon pousse un cri. L’homme le soulève, le secoue et le propulse en dehors de la place. L’enfant roule dans la terre et s’immobilise contre une pierre. Un cri strident s'élève de la bouche de sa mère. Le groupe d’enfants s’éparpille. Le plus grand d’entre eux court vers le garçon à terre, hésite, s’arrête. L’agresseur saisit une pierre qu’il lui lance dessus. Le garçon la reçoit dans la cuisse.

— Fuyez ! crie Nicté.

Ameyal sursaute à cet appel. Les enfants s’exécutent et disparaissent en trainant le garçon blessé derrière eux.
Un hurlement aigu retentit alors. Un guerrier vient d’apparaitre avec une captive. La femme de Chicauhtoc. Son corset déchiré ne peut retenir sa poitrine opulente. L’homme bâillonne la bouche de la femme avec un morceau de tissu et lui intime de se taire. Il pince ses seins, lui incline la tête en arrière et lui donne de grands coups de langue dans le cou.

— Laisse-la ! menace Chicauhtoc.

Le guerrier tourne le visage vers lui et esquisse un sourire. Le villageois force sur ses liens. Son visage s'empourpre. Son cou, serré à la base, se met à gonfler, et du sang gicle de sa blessure. Il lutte pour se libérer mais les liens tiennent. Il s’affaisse sur lui-même. Le pillard s'esclaffe. La captive envoie à son assaillant un coup de genou sous le pagne. L’homme tombe à terre tandis qu’elle s'élance vers la forêt, faisant sortir Ameyal de sa torpeur. Le guerrier tatoué s'élance derrière la fugitive.
La jeune fille suit la villageoise des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Une rage sourde l’envahit. À son tour, elle force sur ses liens :

— Si seulement j'avais le couteau !
— Tu en as déjà assez fait ! lance Nicté.

Ameyal lance un regard glacial à son ainée et esquisse un mouvement vers elle. Elle voudrait l’étrangler, étrangler tous les ennemis. Mais la corde l’en empêche.

— Allons, intervient Collier d’Étoiles. Se disputer ne ramènera pas nos amis. Ce qui est arrivé était écrit dans le livre sacré. C’était leur tonalli.

Les mots du devin soulèvent de nouvelles questions dans l’esprit d’Ameyal : qu’a-t-elle fait ? Qu’est-elle devenue ? Pouvait-elle agir autrement si tout était écrit ?
Le guerrier tatoué surgit sur la place avec la fuyarde. Les vêtements déchirés, elle gémit. Il la pousse devant Chicauhtoc et elle tombe à terre, les lèvres tremblantes. Le pillard qui la tenait auparavant les rejoint d'une démarche lente, la main posée sur son pagne, un sourire aux lèvres. Il secoue Chicauhtoc jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux :

— Elle n'avait jamais eu deux hommes pour elle toute seule.
Le villageois pousse un hurlement et s’effondre sur lui-même.
— Maudit soit le tonalli, souffle-t-il entre deux sanglots.

Des éclats de rire s’élèvent des guerriers rassemblés sur la place. Les deux hommes attachent la femme aux prisonniers.
Collier d’Étoiles baisse la tête, imité par les autres survivants.
Un lourd silence s’abat sur la place.
Ameyal ferme les yeux et sursaute en sentant une main sur son épaule. Le guerrier tatoué, penché sur elle, promène ses doigts poisseux sur sa poitrine naissante, sous sa jupe, entre ses cuisses :

— À moi, Regard de Jade.

L’homme défait ses liens d’une main tremblante d’excitation. Ameyal sent son coeur s’accélérer. La peur étreint son ventre. Sitôt libérée, elle se débat et bondit vers la forêt, mais quelque chose la retient, la fait basculer à terre et la bloque sous son genou.
Elle lutte pour se libérer, mais l’homme la tient avec force. Il l’entraîne vers l'extérieur de la place. Ses yeux croisent alors ceux de la villageoise violée, dont la détresse la heurte de plein fouet. La jeune fille plante ses doigts dans la terre pour ne pas être emportée. Ses ongles s’arrachent. La peau de son ventre rape sur le sol. Elle pousse un hurlement.

—Tais-toi ! intime l'homme aux tatouages.

Il la gifle et bâillonne ses lèvres de sa main sale. En contact avec sa peau puante, Ameyal est secouée de dégoût. Les prisonniers prostrés la fixent en silence.

— Que fais-tu ? interrompt une voix.

L’agresseur se fige. Au milieu de la place est apparu l'homme au crâne, les mains remplies d'objets brillants. Derrière sa silhouette brûle la hutte au crâne de singe de Cuauhtli le sage.
Il dépose son butin sur le sol et s’approche. Ameyal tressaille en reconnaissant les plumes et les pierres sacrées de sa famille.

— Elle a voulu s'échapper, explique l'homme tatoué d'une voix mal assurée.
— Vraiment ?

L’homme au crâne s'approche de l’homme tatoué. Ameyal sent la main qui l’enserre commencer à trembler. D’un bond, l'homme au crâne empoigne les parties génitales de l’agresseur. La main lâche Ameyal. L’homme aux tatouages recule en agitant les mains devant lui pour faire lâcher la prise de son chef :

— Pitié, Miquiztil !

Mais l’homme au crâne serre les lèvres.
L’homme tatoué tombe à genoux, le visage déformé par la douleur. Il tente de se dégager sans y parvenir. Miquiztil secoue la tête. Sa victime se met à hurler.
Les pillards se sont approchés en silence. La jeune fille réalise que personne ne fait attention à elle. Elle se glisse vers l'extérieur de la place. Les battements de son coeur résonnent à ses oreilles. Elle rampe de plus en plus vite et se sent soudain écrasée à terre. Elle cherche sa respiration. Du coin de l'oeil, elle aperçoit l'homme au crâne, qui la plaque au sol avec le pied. Allongé sur le sol, l’homme tatoué se tord sur lui-même. Des gémissements s'échappent de sa bouche.
Miquiztzil empoigne Ameyal et la pousse vers sa victime. La jeune fille retombe aux côtés de l’homme tatoué et se tétanise en voyant le chef dégainer son poignard. Un frisson secoue le groupe de guerriers lorsqu’il relève le pagne de l’homme tatoué.
Un hurlement retentit.
Lorsqu’il brandit le sexe coupé, Ameyal se fige. Tous reculent.
L’homme au crâne parcourt l'assemblée des yeux :

— Ne touchez pas à la marchandise. Surtout la fille aux yeux de jade.

Miquiztil lance le bout de chair sanguinolente dans la nuit. Il contemple un instant l’homme qui se vide de son sang et se penche vers la jeune fille, qu’il agrippe par les cheveux. Elle déglutit. Sa salive a un goût amer.

— Fais-toi encore remarquer et j’arrache tes yeux de sorcière pour les offrir à Huitzilopochtli.

D’un geste sec, il la dépose près des prisonniers et entoure son cou à l’aide d’une corde, à la limite de l'étranglement. Ameyal force sur le noeud à la recherche d'air.
Tournés vers elle, parfaitement fixes, les yeux du cadavre tatoué lancent des éclairs.
La jeune fille ressent un apaisement inattendu à cette vision.
L’homme au crâne rejoint ses guerriers morts, allongés sur le dos en bordure de la place. Les pillards, occupés à classer le butin, l’observent en silence.
Arrivé au premier d’entre eux, Miquiztil plonge la main dans une bourse attachée à sa ceinture. Il en retire un éclat de jade. Il s'agenouille et insère la pierre verte entre les lèvres immobiles. Puis il incline la tête vers le mort quelques instants.

— Qu’est-ce qu’il fait ? s’enquiert Nicté.
— Il les prépare au grand voyage, répond le devin. Selon les croyances Aztèques, l’âme du mort, nourrie par le jade, va pouvoir commencer son périple vers l’au-delà de Mictlan.

Bientôt, chaque bouche luit d'un éclat vert pâle.
Miquiztil se relève. Il passe au milieu des villageois morts, désarticulés, entassés sur le sol. Ameyal le suit avec intensité alors qu’il piétine les corps. Ses yeux vont des cadavres mutilés, couverts de mouches, sanguinolents et puants, au chef qui se pavane. Elle serre les poings sans quitter l'homme au crâne du regard. Comment ose-t-il profaner tous ces corps ?

costae costae
MP
Niveau 3
23 avril 2017 à 10:02:39

La suite : bon dimanche à tous et bon vote !

— Allumez un feu et récupérez leur dieu, ordonne Miquiztil .

Les guerriers paraissent se réjouir de cette déclaration. Ils courent vers les huttes pour en arracher les derniers lambeaux, et dressent un bûcher au coeur de la place. Bientôt, les flammes s’élèvent jusqu’au ciel. Deux guerriers apparaissent, trainant le dieu Serpent Précieux aux pieds de leur chef.
L’homme au crâne s’approche de l'effigie recouverte de suie et dégaine son épée. Tous les prisonniers sont braqués sur lui. Il approche la pointe noire des yeux d’or et de jade du dieu, et déchausse la première pierre. Les villageois tressaillent et tournent les yeux vers Collier d’Étoiles :

— La colère de Serpent Précieux va s’abattre sur lui, souffle le devin. Hormis le prêtre et son apprentie, nul n'a le droit de s'approcher du dieu.

Tous fixent le chef des guerriers. Ameyal implore la vengeance du dieu Serpent de toutes les forces qui lui restent. Elle jette des regards suppliants en direction de l’océan, lieu où a disparu leur protecteur il y a bien longtemps, chassé par les maléfices du dieu de la guerre. À l’affût d’un signe, elle écoute le vent, observe les nuances du ciel assombri, les variations de la lumière.
Mais le dieu aveugle reste sans réaction.
Miquiztil fait signe à ses hommes de se débarrasser de l’effigie. Deux guerriers la font rouler jusqu’au foyer.
Le visage du dieu, rongé par les flammes, noircit et prend feu. Comme s’il saignait, son corps meurtri prend la couleur rouge incandescent. La fumée lourde et épaisse qui s'en échappe rampe vers les prisonniers comme une araignée mortelle.

— Le dieu de la guerre doit les protéger, soupire le devin.

Ameyal balaye la terre d’un geste de dépit.
Le chef de la troupe s’est approché des villageois morts. Il dégage le cadavre de Cuauhtli et le traîne par les pieds jusqu’au foyer. Il donne un ordre à deux guerriers qui disposent les morts les plus musclés à côté de leur chef défunt.
Deux autres hommes font rouler une lourde pierre jusqu’au feu. Ils positionnent le coude du chef mort sur la pierre. L’un d'eux agrippe le haut du tronc, tandis que l'autre maintient le bras droit dans ses mains. Miquiztil lance un regard à Ameyal avant de lever son maquauitl.
La jeune fille pousse un cri au moment où l’arme s’abat sur la pierre. Le bras retombe, détaché du corps mutilé. Un sang poisseux s’écoule du membre coupé. Miquiztil le récupère dans le creux de sa main et s’en badigeonne le torse. Puis il place le bras au bout d’un pic qu’il dispose au-dessus des flammes.
Des lamentations s’élèvent du groupe de survivants. Une horrible odeur parvient jusqu’à eux. Ameyal sent ses entrailles hurler. Elle sursaute à chaque nouveau choc, à chaque membre coupé.

Les villageois défunts ne sont bientôt plus qu’un amoncellement de membres coupés. Miquiztil s’approche du feu et saisit le bras rôti de Cuauhtli. Il se tourne vers Ameyal et la fixe un instant. D’un coup de dents, il arrache la chair noircie. Le sang coule le long de son menton tandis qu’il mâche avec avidité.
Prise de hoquet, la jeune fille pose ses mains sur la terre et vomit.
Les braises habillent la place de lueurs sanglantes.
Les huttes calcinées se dressent comme des squelettes immobiles.
Une multitude de corps mutilés jonchent le sol. Huaxca n’est plus que désolation et ruines.
Miquiztil pointe son épée vers le firmament et pousse un cri de liesse. Tous les pillards l'imitent.
Ils entonnent un chant au rythme saccadé. Leurs silhouettes sautillent devant le feu infernal :

Que leur chair devienne nôtre,
Que leur eau précieuse coule dans nos veines,
Que les faits d'armes et les conquêtes nous haussent au rang des rois !

Ameyal suit l'ombre fanatique de Miquiztil.
Elle serre les poings. Ses ongles se plantent dans sa chair.

costae costae
MP
Niveau 3
24 avril 2017 à 16:14:18

— Teotitlan, indique Miquiztil. Nous sommes arrivés.

À bout de fatigue, Ameyal suit l’index du guerrier et scrute la vallée qui s’étend à ses pieds. Des rangées de maïs dessinent des courbes parallèles, ponctuées de huttes et de bosquets, jusqu’à atteindre la surface bleutée d’un lac. Un long trait blanc vertical, étincelant de soleil, découpe le paysage en deux. Ameyal n’a jamais vu de route aussi droite, aussi parfaite. Elle semble façonnée par les dieux.
Au bout de la route se dresse une multitude de constructions étagées. D’abord des habitations basses aux façades brunes et irrégulières, puis des maisons aux murs blancs et lisses et enfin des tours fières, éclatantes. Le soleil aveuglant se reflète sur la pierre blanche des murs et des chaussées, constellée de taches de verdure.
Une construction plus haute que toutes les autres captive le regard d'Ameyal. Un édifice parfaitement symétrique, qui pointe vers le ciel comme une montagne.

— C’est au sommet de cette pyramide qu’ils vont nous sacrifier, souffle Collier d’Étoiles.
Ameyal sent son corps se glacer.
— Impossible d’y échapper, appuie Nicté d’une voix morne.
— Taisez-vous ! aboie l’un des pillards.

Collier d’Étoiles baisse la tête. Tassée sur elle-même, Ameyal se perd dans une contemplation macabre de l’édifice. Les différents degrés qui la composent forment des motifs colorés. Son sommet, coiffé d’un temple rouge écarlate, se termine par une étroite volute de fumée qui s’élève comme un arbre aux feuillages nuageux.
La ville resplendit dans son écrin de montagnes bleutées.

D’un bref mouvement, Miquiztil fait signe à la troupe de le suivre.
Les prisonniers harassés reprennent la marche. Derrière Miquiztil sont attachés cinq hommes, Collier d’Étoiles, trois femmes, Nicté et Ameyal. La gorge sèche, le visage brûlé par le soleil, la jeune fille reprend la marche d’un pas lourd. Elle fixe un instant les cordes vides qui se balancent le long du tronc qui les relie les uns aux autres. Cela fait sept jours qu’ils avancent sans répit. Elle repense à Chicauhtoc et aux autres villageois morts, abandonnés derrière-eux par les guerriers. Le visage de son père apparaît devant elle. Est-il réellement mort ? Viendra-t-il la sauver ?
Les plats qu’elle transporte lui arrachent un gémissement. Elle tente de détendre les muscles de ses bras. Ses pieds sont comme deux appendices boursoufflés, ensanglantés, et chaque pas lui arrache une grimace. Dans la rocaille désolée crissent des insectes invisibles, tapis dans l’ombre.
Un étroit sentier emmène la troupe, entre les rochers, jusqu’au pied de la colline. Puis le chemin s’élargit. La terre battue fait place aux dalles lisses de la route à la symétrie parfaite. Ameyal apprécie la douceur de la pierre sous ses pieds. Non loin d’eux, des hommes sortent d’un bosquet. Certains d’entre eux portent un chargement de bois sur le dos, tenu par des cordes attachées à une sangle frontale. Ils laissent la troupe passer et lui emboitent le pas.
De part et d’autres de la route s’étendent des plantations de maïs couleur d’or, hautes d’une dizaine de pieds. Des toits de joncs en dépassent par endroits. Des silhouettes courbées, engoncées sous plusieurs épaisseurs de tissu, apparaissent entre les fanes.
Un bourdonnement sourd monte à mesure que la cité se rapproche. Guerriers et prisonniers atteignent les premières maisons de bois et de torchis, et avancent jusqu’à une haute tour surmontée de gardes. Miquiztil stoppe la troupe et part à la rencontre des hommes avec deux guerriers. Les prisonniers se laissent retomber sur le sol.
Collier d’Étoiles jette un oeil aux guerriers occupés à parlementer, et se penche en arrière pour murmurer un mot aux villageois qui l’entourent. Le message se propage de proche en proche. L’instant d’après, Nicté se penche à son tour à l’oreille d’Ameyal :

— Les esprits des anciens ont parlé au devin, murmure-t-elle. Il y a une chance d’échapper au sacrifice.
— Laquelle ? souffle Ameyal.
— Celui qui s’enfuira du marché et qui atteindra le palais du souverain sera libre. Personne n’a le droit de l’en empêcher, hormis son futur Maître et ses hommes.

Ameyal lève les yeux vers la cité en tentant de comprendre les paroles du devin. À quoi ressemble un palais royal ? Comment s’échapper avec les hommes de Miquiztil tout autour ?
Elle examine l’entrée de la cité. Des maisons de torchis s’étagent les unes après les autres le long d’une rue rectiligne, grouillante de passants. La rumeur sourde semble provenir du fond de cette rue. Le sommet de la pyramide, qui pointe au-dessus des maisons, domine toute la ville de sa superbe.
Ameyal remarque que le chef des guerriers enfouit la main dans sa bourse et tend un objet brillant au chef de la garde. L’homme fait signe à ses hommes de les laisser passer. Les pillards reviennent vers les prisonniers :

— Debout !

Les prisonniers reprennent leur chargement et se lèvent. En posant le pied à terre, Ameyal sent une douleur sourde. Elle retombe à terre, entraînant les dernières femmes avec elle. Les autres prisonniers, reliés à elles, s’immobilisent les épaules voûtées, sans un regard en arrière.

— Relève-toi et avance, aboie Miquiztil.

Il dégaine son poignard et tire sur la corde qui enserre le cou d'Ameyal, lui arrachant une grimace. La jeune fille se relève dans un gémissement. Elle avance en titubant.
Poussés par les guerriers, les prisonniers pénètrent dans Teotitlan. L’air parait soudain se figer. Plus chaud, plus moite, il les recouvre comme un tissu épais. Les conversations s’arrêtent au passage de la troupe. Tout le monde s’écarte et détaille les survivants des pieds à la tête. En les croisant, certains portent la main à leurs narines.
Les haillons des prisonniers contrastent avec les vêtements des habitants, qui portent tous d’étranges lanières de cuir qui leurs protègent les pieds. Les pagnes et les manteaux des hommes, faits de tissus d’une finesse inconnue, sont d’une blancheur immaculée. Vêtues de jupes et de corsages brodés de fleurs, de papillons et d’oiseaux, les femmes apparaissent dans toute leur fraîcheur et toute leur beauté.
Miquiztil bifurque dans une rue montante. La gorge sèche, Ameyal escalade les dalles brûlantes. Ses yeux errent loin au-delà du groupe, à la recherche de la place du marché.
La troupe parvient à une place ornée d’une fontaine. L’air y est plus frais qu’ailleurs. Un filet d’eau s’écoule de la gueule d’un jaguar fait d’une matière inconnue et luisante. Une femme est occupée à remplir des jarres de terre cuite.
L’homme au crâne lève le bras :

— On s’arrête ici.

Il se penche à la fontaine et boit. Puis il nettoie son visage empoussiéré. Les guerriers s’empressent de l’imiter. Les prisonniers se tournent les uns vers les autres, s’adressant des regards interrogatifs et silencieux. Ameyal balaye des yeux leurs visages sales, leurs cheveux enduits de terre, les guenilles qui pendent misérablement autour de leurs membres amaigris.

— Déposez les marchandises à terre, ordonne l’homme au crâne.

Ameyal dépose son chargement sur le sol et masse ses muscles endoloris. Un guerrier s’approche d’elle et arrache ses haillons d’un coup sec. Elle se retrouve à nouveau nue. Elle reste immobile tandis qu’il s’occupe des autres prisonniers. La femme aux jarres grimace et quitte la place d’un pas pressé. Les guerriers rient de toutes leurs dents.
Pendant que certains pillards tiennent les habitants de Teotitlan en respect, d’autres poussent les villageois vers la fontaine. Un homme s’approche d'Ameyal une jarre dans les mains. Il lui déverse de l’eau glacée dans le cou. La jeune fille sent son coeur bondir. Sa vue se trouble. Elle se retient à Nicté pour ne pas tomber. Une fois mieux, elle récupère l’eau sur son corps et se lèche les mains.
Miquiztil sort une petite boule noire de sa sacoche. Ameyal reconnaît le fruit séché de l’arbre à savon. Les prisonniers se font passer le fruit en se frictionnant le corps. La jeune fille s’empresse de le faire mousser sur sa peau. Bientôt habillée de blanc, elle est incapable de savourer sa douceur parfumée.
Un homme revient avec une jarre qu’il lui déverse sur le crâne. Ameyal récupère toute l’eau possible dans le creux de sa main. Elle boit. La fraîcheur la pénètre. L’habit de mousse s’étiole. Parcourue de frissons, elle dissimule son tipilli, le creux de ses cuisses, derrière ses mains.
Le guerrier reste bouche bée :

— Regardez cette beauté !
Tous les guerriers se tournent vers Ameyal. La jeune fille baisse la tête et aperçoit ses pieds recouverts de plaies. Sa peau s’hérisse de frisson lorsque Miquiztil passe derrière elle, un sourire aux lèvres :
— Nous en tirerons un bon prix. Allons, courez pour vous sécher.

Les prisonniers s’observent sans bouger. Un guerrier secoue Collier d’Étoiles, qui s’élance autour de la fontaine. Les femmes nues se mettent à courir en tenant leur poitrine dans leurs mains. Ameyal les suit en clopinant. Des curieux se sont approchés. Ils les scrutent avec une curiosité teintée d’amusement.
Le regard des hommes déstabilise Ameyal.

— Arrêtez-vous.

Les prisonniers s’immobilisent. L’homme au crâne s’approche des marchandises et choisit des vêtements propres qu’il leur distribue.
Ameyal se précipite sur la jupe et le corsage qu’il lui tend. Elle s’empresse de s’habiller ; le tissu propre caresse sa peau et son parfum berce ses narines.

— Allons-y, ordonne Miquiztil une fois tout le monde habillé.

La troupe reprend la marche sous les regards silencieux des curieux. La rue s’incline peu à peu, bordée de maisons à deux étages. Penchées aux fenêtres, des femmes au visage recouvert d’un fard jaune clair scrutent les prisonniers en souriant.
La rumeur monte encore et éclate soudain, tel un essaim d’abeilles. La troupe pose les pieds sur une dalle d’une blancheur éclatante. Ameyal écarquille les yeux. Elle n’a jamais vu de marché aussi immense. Elle n’a jamais vu autant d’hommes et de femmes réunis au même endroit. Badauds, marchands, soldats aux cuirasses blanches déambulent parmi les meutes de chiens qui aboient et les élevages de dindons apeurés. En tous sens s’écoule la foule, qui frémit et oscille comme une rivière en crue.
Pointant dans le bleu du ciel, dominant l’étendue fourmillante comme le trône d’un dieu, se dresse la pyramide. À son sommet rouge écarlate s’affairent des hommes vêtus de robes et de parures de plumes, aussi minuscules que des insectes. L’un d’entre eux, coiffé de plumes rouges et blanches et vêtu d’une longue robe bleue, harangue la foule amassée au bas de l’édifice. Les fidèles lui répondent par des cris de liesse. Les divers degrés de l’édifice, ornés de fleurs et de braseros, forment une mosaïque resplendissante de couleurs. Des volutes d’encens s’étirent et se mélangent dans l’air tumultueux. Une cacophonie d’odeurs atteint les narines d'Ameyal.
L’homme aux crâne fend la foule en direction d’une rangée d’étals de bois. Les guerriers le suivent en poussant les passants du coude et en tirant les prisonniers derrière eux. Les liens meurtrissent Ameyal. Comment espérer leur échapper ?
La troupe plonge au sein d’une explosion de couleurs, de sons et de parfums. Chaque table est garnie de marchandises que des femmes et des hommes présentent aux passants. Des odeurs de maïs grillés assaillent les narines d'Ameyal, dont le ventre vide se met à gronder. À travers la rumeur de la foule percent des appels de marchandes qui invitent à déguster galettes et ragoûts. À perte de vue s’amoncellent tomates rouges et brillantes, haricots, piments verts et jaunes, avocats, ainsi que quantité de légumes inconnus, de fruits aux formes insolites et aux parfums épicés, de plantes fraiches et sèches, de fleurs de toutes les formes et de toutes les couleurs. Feuilles de toutes tailles, racines, écorces et autres graines séchées emplissent des corbeilles d’osier.
La troupe atteint des tables couvertes d’animaux éventrés à la chair luisante, à l’odeur musquée. Ameyal avise un couteau posé sur le comptoir. Elle se décale sur le côté de la troupe, répartit son chargement sur son bras gauche et tend son bras droit vers la lame. Mais juste avant de l’atteindre, elle rencontre le regard glacé de Miquiztil. Elle rentre le bras et déglutit. L’homme au crâne s’immobilise le temps qu’elle le dépasse, et lui emboîte le pas.
Les étals laissent alors place à une foule dense et contrastée. De jeunes femmes aux cheveux attachés et aux oreilles percées de jade déclament des poèmes. Des hommes aux manteaux riches et aux bijoux brillants déambulent en bavardant. Des enfants courent en poussant des cris. Un être difforme tend un bras suppliant vers le ciel. Des nains bedonnants font des acrobaties dont les rires de la foule se font les échos.
Un battement de gong retentit soudain.
La foule se fige. Les guerriers lèvent le visage vers le sommet de la pyramide et s’arrêtent. Lentement, sous les yeux de tous, l’homme aux plumes rouges et blanches descend les degrés de pierre. À l’approche du bas de la pyramide, les détails de son manteau bleu se révèlent, dévoilant des broderies faites de crânes et d’os qui font trembler Ameyal.
Le prêtre brandit un dieu vert, grimaçant, pourvu de crocs et de grands yeux ronds entourés chacun d’un serpent. Des cris de liesses et des sifflements fusent de la foule. Des conques marines résonnent, des sifflets et des coups de tambours retentissent. Les bras se lèvent au ciel. Les hommes remuent au rythme de la musique et scandent un nom :

— Tlaloc ! Tlaloc !

Ameyal constate que les guerriers sont tournés en direction de l’effigie du dieu. Elle parcourt les abords de la place au-delà de la foule mouvante et des voiles colorés qui surplombent les étals. Sur la gauche de la pyramide s’élève un édifice blanc à deux étages, percé d’ouvertures sculptées. Sur la droite, un bâtiment de la même hauteur, aux façades ciselées, laisse apparaître des cimes verdoyantes.
Deux palais.

ggiot ggiot
MP
Niveau 10
24 avril 2017 à 18:01:01

Je compte te lire le plus rapidement possible, là c'est le rush scolaire, je devrais pouvoir commenter mercredi-jeudi au plus tôt.

Je voulais te le dire pour pas que tu te démoralises de ne pas avoir de lecteur :p)

costae costae
MP
Niveau 3
25 avril 2017 à 11:37:38

Merci Ggiot, c'est super sympa. A bientôt j'espère et bonne journée :-)

ggiot ggiot
MP
Niveau 10
26 avril 2017 à 19:15:26

J'avais un peu de temps, j'ai lu ton premier post. Est-ce que tous les posts après font partie du chapitre 1 ?

"Une longue robe blanche pend au plafond. Un serpent brodé, multicolore, déploie son corps ondulant sous le col arrondi. Sa gueule ouverte est ornée de plumes bleues. Ameyal baisse la tête en maugréant"

"Ameyal le fixe un instant et sent ses joues rougir. Elle tourne la tête vers la robe suspendue. Le serpent semble la fixer avec malice. Elle prend une profonde inspiration."

C'est plutôt une remarque d'ordre générale parce que tout ton style est comme ça, mais ces phrases illustrent ma remarque : il y a une certaine répétition dans ton rythme, tu enchaînes les Sujet-Verbe-Complément et comme tes phrases sont courtes c'est tout de suite visible, ce qui donne un effet "liste de course" plutôt désagréable. Le style est bon hein, pas de problème, mais le rythme me gêne parfois.

"Ses lèvres trouvent sa bouche. D’abord surprise, elle se laisse faire. Son torse est chaud, sa langue délicate. Il embrasse ses joues, son cou, ses épaules. Un rire s’échappe d’elle."

C'est un ressenti personnel mais je trouve que la scène où Ameyal se fait attraper par Acatl ferait un bon début pour ton chapitre, alors que sa discussion, très courte avec son père, n'est pas super engageante. Quoi qu'on en pense, une scène de sexe intrigue plus qu'un dialogue déjà réalisé par les personnages "des dizaines de fois" (et c'est bien plus audacieux de ta part, on sait de suite quel public tu vises). L'effet In Media Res serait plus convaincant ainsi ; on sent bien que ton début est là pour poser les enjeux du récit - devenir ou non prêtresse - mais tu pourrais peut-être le faire un peu plus tard dans le chapitre (voire laisser ainsi, puisque les enjeux sont cités durant la scène du câlin : "Elle ne devrait pas faire cela, elle le sait. Mais son père ne pourra plus la forcer à devenir prêtresse. Et après tout, elle en a envie.") ?

"tous deux la traversent au milieu d’éclats de rires"

Je crois que c'est la deuxième fois que tu utilises l'expression "éclat de rire" et la quatrième fois le mot "éclat". Dieu sait combien j'adore ce terme mais là il fait répétition.

"Elle acquiesce, affichant une détermination qu’elle est loin de ressentir."

Sympa !

J'ai bien aimé, même si je n'ai pas trop compris ce qu'il se passe durant la scène des sables mouvants, c'est pas clair dans mon imagination. Tu nous plonges tout de suite dans l'action et ça fonctionne, même si je ne refuse jamais une bonne petite situation initiale. L'ambiance change de l'ordinaire et tu as l'air de connaitre ton sujet, donc je lierai la suite, j'ai hâte de connaitre les éléments Fantasy inséré dans tout ça !

costae costae
MP
Niveau 3
01 mai 2017 à 09:53:00

Un grand merci pour tous ces retours Ggiot ! ;-)

Oui ces posts forment le chapitre 1 et sont postés dans l'ordre. Vous pouvez les lire à la suite les uns des autres, il n'y a pas de coupure. Merci pour tes remarques d'ordre stylistique (éclat), je vais me pencher dessus.

Pour répondre à tes questions sur mes choix. Le récit commence par un dialogue et une brève présentation du mon initial car l'action arrive très vite et c'est pour créer un contraste avec ce qui va suivre.

La fantasy va arriver par petites touches, le monde aztèque en est empli, devins, sorciers, guérisseuses, cérémonies et sacrifices, l'héroïne a quelque chose de spécial, tu verras par la suite.

Merci encore pour ton retour :-) à bientôt j'espère !

ggiot ggiot
MP
Niveau 10
02 mai 2017 à 00:20:06

Le deuxième post :

Les détails stylistiques :

"La jeune fille traverse la rivière Huaxca dans une gerbe d’au"

:d) d'eau

"dans une flaque de sang ponctuée de mouches"

Je mettrais plutôt un terme indiquant qu'elles volent autour de la flaque, et non qu'elles la ponctuent (sinon j'imagine les mouches dans la flaque, immobiles).

"les huttes sont en train de brûler."

La formulation peut-être améliorée : "sont en train" est pas super, tu peux mettre "brûlent" ou même "flambent", qui est plus parlant selon moi.

"Tassée sur elle-même"

Je trouve l'expression bizarre mais au-delà de ça, tu la répètes deux fois en peu de temps.

"L’image de son amie attachée a fait naître en elle un sentiment de vulnérabilité."

Je préférerais que tu montres cette idée plutôt que tu ne ne la dises. Il faut en tout cas une formulation moins longue, là la phrase ("a fait naitre en elle un sentiment de vulnérabilité") déteint avec ton style habituel très court. Et pour tout dire, je ne sais même pas si la phrase est nécessaire, puisque tu continues avec : "Elle pourrait tout à fait être à sa place.", ce qui revient à peu près au même.

"L’homme a le dessus."

Répétition. Quelques lignes plus haut tu écris : "Il lui faut garder le dessus".

"Elle ne peut se laisser arrêter. Elle tente de se libérer. En vain. L’homme a le dessus.
Mais il n’a pas vu son poignard."

Je comprends que ton style soit constitué de phrases courtes, mais là, pour moi, c'est juste pauvre : commencer une phrase par une conjonction de coordination ("mais") n'est pas conseillé mais peu importe, le problème c'est surtout que les phrases "l'homme a le dessus" et "mais il n'a pas vu son poignard" s'enchaînent parfaitement, or tu les sépares d'un point totalement artificiel. Attention à ne pas vouloir faire absolument des phrases courtes, là j'ai l'impression que tu t'amuses à couper tes phrases en deux pour les faire aussi courtes que possible.

De façon générale, le style est bon (sauf dans l'exception précédente) bien que j'y accroche moyennement. Autre chose qui m'ennuie, la rapidité de l'action et le manque de transition : ce sont les premières lignes de ton 1er chapitre et il s'est déjà passé plein de choses, plusieurs personnages nous ont été présentés et certains sont déjà morts // vont déjà mourir.

Malgré cela, il y a des qualités indéniables, dans la fluidité, le vocabulaire. Ameyal prend de l'ampleur rapidement et il est intéressant de la voir passer de "jeune fille sans défense" à "pseudo nouvelle chef imperturbable sacrifiant son propre père pour sa communauté". C'est d'ailleurs l'une des choses qui va trop vite : dans le même chapitre, on la voit comme une adolescente, innocente, vierge, puis comme une femme responsable et patricide.

Le troisième post :

Pas de remarque particulière sur le style. Certaines informations ne sont pas forcément nécessaires, tu insistes sur l'état désolé du village, sur la violence des aztèques, autant de choses dont tu as déjà parlé auparavant. S'il n'y avait pas l'homme au crâne, tout cela serait bien manichéen, j'aimerais voir les aztèques autrement que comme des meurtriers, voleurs et violeurs, mais après tout je ne connais pas ce peuple, peut-être étaient-ils très peu civilisés (leur violence est connue, mais il me semble qu'ils forment une civilisation avancée, non ?) ? J'espère que la suite m'en apprendra plus !

Merci pour les textes !

costae costae
MP
Niveau 3
02 mai 2017 à 17:39:03

Un grand merci Grégoire :-),

Tes remarques sont très pertinentes, notamment le "montrer et ne pas dire". J'ai repris également toutes les répétitions etc. Quand on est dedans, on ne les voit plus (comme tu sais).

Ce qui m'embête le plus, c'est ta remarque concernant le troisième post. Je ne veux pas faire passer les aztèques pour des monstres, au contraire, dans la série. Je dis au contraire car la série va montrer que ce ne sont pas eux les monstres, par rapport aux conquistadors. Mais il s'agit ici d'un groupe de pillards, c'est comme si on jugeait les français sur les agissements d'un groupe de voyous, tu vois ? Ce qui m'embête c'est qu'on puisse faire ce raccourci, et si tu l'as fait, d'autres vont le faire. Virer cette partie ? Peut-être, peut-être pas. Je ne sais pas.

Ce premier chapitre a été très dur à écrire car effectivement il se passe plein de choses dans la vie d'Ameyal. Elle n'est pas encore une femme responsable et patricide mais au contraire inconsidérée; elle aurait mieux fait d'obéir à son père et s'en rendra compte bien plus tard. Elle est emportée par un excès de confiance en elle, galvanisée, avec un sentiment d'invincibilité qui la perdra presque. La question, c'est l'ai-je suffisamment bien écrit pour qu'on le comprenne et ton retour m'en fait douter. Qu'en penses-tu maintenant que tu le sais ?

Merci encore Grégoire, ce que tu fais apportes beaucoup à l'histoire et t'aideras sans doute à plus d'un titre personnellement ;-)

costae costae
MP
Niveau 3
02 mai 2017 à 17:41:21

Ameyal contourne les prisonnières et s’approche de Collier d’Étoiles :

— Lequel de ces palais est celui du souverain ?
Tourné vers la procession dans une contemplation mystique, Collier d’Étoiles répond par un geste d’impuissance. Ameyal laisse échapper un soupir de déception.
— Qui est Tlaloc ? demande-t-elle.
— Le dieu de la foudre et des tempêtes.

Miquiztil tire soudain le devin par le collet. Guerriers et prisonniers reprennent leur progression à grand mal en direction d’une estrade de bois qui domine la foule gesticulante. À son sommet, des hommes revêtus de plumes sont entravés par de lourds colliers de bois. Parmi eux se trouve un homme bedonnant, au pagne ciselé d’or, qui s’adresse à une audience richement vêtue :

— Approchez-vous ! Venez contempler vos futurs serviteurs !

À ces mots, Ameyal sent un espoir naître en elle. Elle échange un regard avec Collier d’Étoiles. Vont-ils être vendus à quelqu’un qui cherche des sacrifiés, ou des serviteurs ?
Parvenue au pied de l’estrade, elle scrute le marchand bedonnant et la foule qui lui répond. À côté d’elle se trouve un personnage d’un âge avancé dont le bas du visage luit d’un éclat brillant. Le port noble, il porte un anneau d’or dans la lèvre inférieure. Deux gardes vêtus d’un pourpoint rouge l’accompagnent. L’un d’eux est un jeune homme aux traits réguliers. L’autre garde parait plus âgé. Son nez aquilin perce un visage dur, et un casque de plumes noires assombrit ses paupières.
L’homme au labret désigne l’un des esclaves debout sur l’estrade :

— Combien pour celui-là ? demande-t-il d’une voix nasillarde.
— Deux charges de cacao ! répond le vendeur d’esclave.
— Trop cher.
— Je t’en offre une charge et demi, propose une femme.
— Marché conclu.

Le marchand détache le prisonnier et le fait descendre de l’estrade. L’un de ses associés récupère les parures de vente, et le prisonnier se retrouve en pagne. Une fois ligoté, il est emmené par sa nouvelle Maîtresse.
Ameyal parcourt les siens des yeux. Les yeux craintifs des villageois oscillent entre l’estrade et la pyramide qui domine la place.
Miquiztil interpelle le vendeur et lui présente la troupe. L’homme bedonnant, intrigué, se penche vers Collier d’Étoiles. Les survivants retiennent leur respiration.

— Six hommes robustes, explique Miquiztil en désignant les prisonniers. Ils valent au moins quatre charges.
Le vendeur esquisse un rictus :
— Quatre charges ? Pour ce prix là, je peux avoir dix guerriers chichimèques !
— Ceux là sont bien plus utiles. Ils savent chasser, pêcher, travailler le jade et les plumes.
Le marchand croise les bras :
— Ils sont étrangers à nos coutumes.
Miquiztil fronce les sourcils :
— Je te les laisse pour trois charges.
Le vendeur détaille les visages émaciés d’un air dédaigneux :
— D’accord pour deux charges, finit-il par dire.
Miquiztil secoue la tête en maugréant :
— J’ai aussi de superbes femmes, ajoute-t-il.

Le marchand hausse les sourcils, s’agenouille sur l’estrade et observe les villageoises d’un air absent. En apercevant Ameyal, son visage s’anime :

— Combien, pour celle aux yeux étranges ?
— Cinq charges.
— Cinq charges ? C’est le prix de cinq esclaves.
— Tu sais bien qu’elle les vaut. As-tu déjà vu un tel regard ?

Le guerrier fixe le vendeur d’esclave, qui se gratte le menton en silence. L’homme au labret d’or s’approche d’Ameyal et scrute son visage :

— D’où vient-elle ? demande-t-il de sa voix nasillarde.
— De Huaxca, répond Miquiztil. Un village situé hors de l’Empire, sur l’océan oriental.
— Je t’offre trois charges pour les deux. La fille aux yeux verts et celle qui l’accompagne.
— Hors de question.
— Comment ça ?
Le visage de l’homme au labret se ferme d’un coup. Il se tourne vers le vendeur, qui blêmit et incline la tête :
— Veuillez lui pardonner, Cipetl. Miquiztil n’est pas d’ici.
Le marchand lève les yeux vers l’homme aux crânes :
— Cipetl est l’homme de confiance d’Ahuizotl, le représentant de l’Empereur Moctezuma.

Une grimace traverse le visage du guerrier. L’homme au labret désigne Ameyal et Nicté du doigt :

— Alors guerrier, vas-tu refuser ces deux jeunes filles à l’homme de confiance du grand Moctezuma ?
Une grimace découvre les dents jaunes du guerrier :
— Bien sûr que non.

Ameyal adresse un signe à Collier d’Étoiles et à Nicté. Serait-ce l’occasion qu’elle n’osait espérer ?
L’homme au crâne hèle ses guerriers. Deux d’entre eux coupent les liens qui unissent les hommes aux femmes. Une fois détachée, Ameyal tombe aux pieds du devin, qui pose sa main sur son épaule :

— Écoute les anciens. Tu es la fille de l’aigle. Ton tonalli est digne d’une reine. L’esclavage n’est qu’un passage.

Les yeux embués, la jeune fille hoche lentement la tête. Le regard du devin semble briller dans l’ombre de son capuchon. Derrière-lui, les villageois, détachés par le marchand, sont entravés avec de lourds colliers de bois.
Un groupe de curieux s’est formé autour de la troupe. Agacé, Cipetl fait signe aux deux gardes qui l’accompagnent :

— Rentrons sans tarder, ordonne-t-il. Ne nous donnons pas en spectacle.

Il tend à Miquiztil une bourse emplie de grains de cacao. Le guerrier la soupèse et incline la tête. Il jette un dernier regard à la jeune esclave avant de s’enfoncer dans la foule, suivi de ses hommes.
Les deux jeunes filles, attachées l’une à l’autre, sont poussées en avant par le garde aux plumes noires.
Ameyal tente d’apercevoir une dernière fois le devin qui disparaît derrière elles. Peut-être se trompe-t-il après tout. Peut-être vont-ils être épargnés. Cet espoir lui redonne courage. Elle se fraye un passage dans la foule de plus en compacte. Les deux gardes sont sur leurs talons. Elle accélère l’allure pour établir une certaine distance entre elles et eux :

— Prête ? glisse-t-elle à Nicté.
Son ainée a un mouvement de recul :
— On va se faire tuer !
— Tu préfères croupir comme esclave ?
— Attendez ! aboie l’homme aux plumes noires.
— Maintenant !
Ameyal prend Nicté par la main et s’élance dans la foule.
— Elles s’enfuient !

costae costae
MP
Niveau 3
04 mai 2017 à 18:17:32

Les deux jeunes filles courent en bousculant les passants. Les pieds meurtris d'Ameyal la font souffrir à chaque pas. La corde qui la retient à Nicté la tire en arrière, coupe sa respiration et brûle sa peau. Elle effectue de brusques changements de direction pour semer leurs poursuivants. Elle repense à sa jungle natale. Les hommes sont comme des arbres. Mêlés aux battements de gong, les chants religieux rythment sa course.
Ameyal butte soudain dans une femme qui tient une jambe humaine dans les bras. Elle tressaille en découvrant un étal jonché de membres découpés, de torses éventrés qui se dresse juste derrière l’inconnue. Des colliers de dents, d’oreilles et des chapelets de doigts pendent du voile taché qui le surplombe. Réprimant un haut le coeur, Ameyal fait le tour du comptoir et se laisse retomber derrière lui.

— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demande Nicté en cherchant son souffle.
— Il faut trouver le bon palais.
Les yeux d'Ameyal hésitent entre les hautes murailles blanches dressées de part et d’autre de la place :
— Celui du soleil couchant !
— Celui du soleil levant !
— Non !

Ameyal se relève d’un bond. Les deux gardes, qui ont surgi de la foule, seront bientôt sur elles.
Entraînant Nicté dans sa course, elle plonge derrière un groupe d’hommes sautillants, au visage grimaçant, teint en bleu. Les cris des gardes retentissent non loin. Des aboiements s’élèvent, à demi couverts par les mélopées religieuses. Derrière elles, des tables volent en morceaux.
C’est vers le palais du soleil couchant qu'Ameyal se dirige.
Les chants se rapprochent de plus en plus. Les deux jeunes filles se retrouvent soudain parmi des hommes vêtus de blanc qui avancent en dansant. Elles tombent. Bousculées, piétinées, elles se protègent du mieux possible avec les mains. Un coup de genou touche Ameyal au flanc. Elle rampe et se relève, en tirant toujours Nicté derrière elle. Une fois en dehors du groupe de prêtres, elle jette un oeil en arrière et constate que le cortège religieux les sépare de leurs poursuivants.
Le garde aux plumes noires les cherche des yeux. En l’apercevant, son visage se mue en grimace. Il lève le bras au-dessus de sa tête, lance en avant.
Ameyal reste tétanisée. Mais la procession s’ébranle et l’homme est emporté. Il se débat en poussant un cri.
Le corps tremblant, la jeune fille repart vers les murailles de l’ouest.
Elle butte dans des formes dont elle ne voit pas le visage. Ses poumons brûlent à chaque inspiration. Les muscles de ses cuisses semblent sur le point de se déchirer. La sueur brouille sa vue. Mais elle garde les yeux rivés vers le mur blanc qui grandit face à elle.
Soudain quelque chose l’étrangle. Elle tourne la tête.
Nicté a glissé.

— Dépêche-toi !
— J’ai trop mal !

Les pieds de Nicté sont recouverts de sang. Ameyal la saisit derrière le dos. Dans un ultime effort, elle la relève en gémissant. Nicté chancelle, sur le point de tomber à nouveau. Ameyal la rattrape et balaye les alentours des yeux : pas de trace des gardes. Elle passe le bras de Nicté autour de son cou et l’aide à avancer.
Les deux jeunes filles froncent les sourcils devant l’éclat aveuglant du mur qui les surplombe. Les coups de gong provenant du sommet de la pyramide se répercutent sur la surface polie et résonnent à leurs tempes. Plus loin, des femmes s’agitent en faisant tinter colliers et bracelets. Leurs sourires, rehaussés par un maquillage criard, évoque la folie. Derrière elles, au pied de la muraille, s’ouvre une majestueuse baie occupée par des gardes aux pourpoints rouges.
Ameyal reprend sa progression pour atteindre l’ouverture. Nicté pèse sur son épaule. Elle serre les dents.
Une douleur irradie soudain de son pied. Elle baisse la tête.
Une lance à la pointe ornée de plumes noires a rebondi sur les dalles du sol. Du sang coule de sa cheville.
Une sensation glacée envahit sa jambe. Elle lève les yeux. L’ouverture du palais est à la fois proche et impossible à atteindre.
Elle clopine jusqu’aux gardes en faction. Tout semble se figer. Les chants religieux lui parviennent comme ouatés. Les coups de gongs saturent l’air comme les battements d’un coeur en déroute. L’un des gardes adresse un signe à ses congénères, qui s’écartent pour les laisser passer.
Ameyal pousse Nicté dans la cour. Les dalles ont beau être lisses, c’est comme si elle marchait sur des épines de maguey. Elle contourne une statue de femme tapissée de mousse. De l’eau s’écoule d’une jarre posée sur son épaule dans un clapotis cristallin. L’air est à la fois frais et humide. Derrière la fontaine s’ouvre un passage dans lequel les jeunes filles s’engouffrent.
Se soutenant mutuellement, elles suivent un couloir baigné d’une lumière douce. Des torches résineuses sont accrochées aux murs. Elles atteignent une salle aux plafonds hauts et peints. Les murs, ornés de fresques, figurent une jungle peuplée d’animaux et d’oiseaux multicolores. Aux quatre coins de la pièce se dressent des gardes vêtus de pourpoints rouges, immobiles comme des statues. Au centre s’élève un trône d’or surmonté d’ailes de faucon. Au pied du trône s’étalent des nattes de jonc.
Ameyal se tourne vers Nicté en cherchant son souffle. Des larmes de joie coulent sur ses joues et suivent le sourire de ses lèvres. La corde qui unit les jeunes filles se balance dans le vide tandis qu’elles s’étreignent. Ameyal embrasse Nicté sur la joue, sur le nez, le front. Malgré la douleur lancinante dans sa cheville, elle entraine son ainée dans une danse de larmes et de rires.

— Merci pour votre coopération.

La voix nasillarde cingle l’air. Une vive douleur fuse dans les mollets d'Ameyal. Elle tombe à terre, entraînant Nicté.
La jeune fille relève la tête et aperçoit l’homme au labret, accompagné du jeune garde. Le visage sévère, le garde aux plumes noires tient la lance ensanglantée avec laquelle il vient de la frapper.

— Vous n’avez pas le droit, balbutie Ameyal. Nous sommes libres !

L’homme aux plumes noires esquisse un rictus.
Ameyal parcourt la salle des yeux. Tous les gardes portent le même pourpoint rouge que leurs deux poursuivants.
Cipetl mime une révérence :

— Bienvenue dans le harem du Maître.

Fin de l'épisode 1 ;-)

ggiot ggiot
MP
Niveau 10
04 mai 2017 à 19:49:25

Alors, je continue ma lecture :

Post où le chef est mangé :

"[il] prend la couleur rouge incandescent"

" une couleur rouge incandescent " ?

"tandis que l'autre maintient le bras droit dans ses mains"

Je pensais à "entre ses mains", m'enfin c'est vraiment du détail.

"Les braises habillent la place de lueurs sanglantes.
Les huttes calcinées se dressent comme des squelettes immobiles.
Une multitude de corps mutilés jonchent le sol. Huaxca n’est plus que désolation et ruines."

Une fois de plus je pense que c'est trop, on connait déjà l'état du village, ça fait répétition et insistance sur la violence des aztèques, si tu ne veux pas les faire voir comme des monstres, il faut calmer le jeu je pense. En plus maintenant, ils sont vus comme des hommes violents, des violeurs et des anthropophage... même si c'est culturel, c'est difficile pour nous ^^.

Petite remarque en passant, tu es à ce moment là à plus de 6000 mots, c'est déjà assez conséquent pour un chapitre, il se passe beaucoup de choses, ... personnellement je pense que ce serait une bonne idée de clore le chapitre 1 ici, d'autant plus que tu changes ensuite de lieu et d'action, donc il y a une évolution dans le récit.

Post où Ameyal arrive chez les aztèques :

"Tassée sur elle-même, Ameyal se perd dans une contemplation "

On retrouve l'expression "tassée sur elle-même".

"s’adressant des regards interrogatifs et silencieux"

Des "regards silencieux" ? Je ne suis pas convaincu :doute: (+ tu répètes l'expression quelques lignes plus bas).

"Elle se retient à Nicté pour ne pas tomber. Une fois mieux, elle récupère l’eau"

"Une fois mieux" c'est pas beau.

Bon chapitre, l'ambiance est sympa, tu utilises tous nos sens et on voit plein de choses (tu as l'air de maîtriser ton sujet, c'est dépaysant, très agréable !). Attention cependant à ne pas trop décrire et à en rajouter des caisses : laisse aussi une part d'imagination au lecteur, tu n'as pas besoin de décrire chaque légume présent au marché ; une fois que tu as décrit les bâtiments, ne reviens pas un paragraphe ensuite dessus, ça fait répétition. Mais après réécriture je pense que tu peux avoir quelque chose de très bien !

Je remarque de moins en moins d'erreurs de style, peut-être est-ce moi qui m'habitue mais je préfère penser que ton écriture est simplement meilleure ^^ !

Je finis bientôt ce premier épisode :oui: !

costae costae
MP
Niveau 3
04 mai 2017 à 23:37:54

Merci Grégoire, encore une fois très pertinent, je reprends déjà tout ça demain.

petite question : je me demande si ça ne fait pas too much justement, violents violeurs anthropophages. j'ai du mal à l'assumer complètement. je ne veux pas être dans ce too much. Une idée de ce que je peux enlever ? ou alors faire dire au devin, Collier d'étoiles, que ces gens là ont beau être aztèques, il n'ont rien à voir avec la majorité de la population ?

Bonne soirée et merci encore ! :-)

ggiot ggiot
MP
Niveau 10
05 mai 2017 à 01:05:41

Pour moi le problème c'est que tu mets tout (violent/violeur/anthropophage) dès le début, d'un seul coup. Pourquoi ne pas prendre ton temps et montrer les caractéristiques des aztèques au fur et à mesure ?

Par exemple tu laisses violent/violeur dans ce chapitre 1, avec le pillage comme élément perturbateur. On les voit violents mais cela nous permet de nous plonger dans la réalité de l'époque. Tu n'en fais pas trop mais tu montres ce qui doit être montré. Ensuite, un peu plus loin dans l'histoire, tu montres qu'ils sont anthropophages (toujours sans en faire des caisses), même si ce n'est qu'une petite scène, c'est juste pour qu'on le sache. Mais tu contrebalances ces points en montrant aussi les bons cotés de ce peuple, ses qualités, son humanité ; sans quoi on ne verra que les mauvaises caractéristiques des aztèques et ils passeront pour des monstres.

Dans la série Vikings, le héros et ses troupes de guerriers attaquent sauvagement les côtes de l'Angleterre : ils pillent, brûlent, violent, font des prisonniers et repartent chez eux. L'un des prisonniers est un prêtre chrétien qui, en tant qu'esclave, va côtoyer la société viking et apprendre à la connaitre : il a vu toute l'horreur que peut produire ce peuple mais il découvre aussi toute une culture, très humaine, ainsi qu'une autre religion que la sienne, à laquelle, contre toute attente, il va se rapprocher. Pendant son apprentissage, il y a selon moi une des plus belles scènes de la série, où il assiste à un sacrifice viking (des guerriers acceptent d'être tués en l'honneur des dieux). A nos yeux d'individus du XXIème siècle, les faits sont ultra violents. Mais on a suivi les vikings depuis le début de la série et on les sait humains, on sait que ces sacrifices font partis de leur culture, que mourir pour les dieux est pour eux un immense honneur. Cela nous fait relativiser, prendre du recul, tolérer cet acte barbare (la réalisation en vient même à nous montrer la beauté de ces sacrifices). Parce qu'on s'identifie.

Tout est question d'approche. Il est évident que si tu nous montres les aztèques comme des monstres du début à la fin, de façon manichéenne, on ne pourra pas s'identifier. Mais si tu les rends humains (tu as commencé à le faire en montrant leur société : ils ont des marchés, des places publiques, ... des choses qui nous sont connus), on pourra se sentir proche d'eux : si tu reviens après cela sur leurs traditions, au premier abord barbares, on pourra peut-être relativiser. On s'identifiera et cette proximité nous obligera à regarder leur violence d'une autre façon. Mais il faut les traiter de façon objective : ils ont des qualités et des défauts, comme nous avons les nôtres.

costae costae
MP
Niveau 3
06 mai 2017 à 06:28:26

Effectivement, voilà où le bas blesse : en avoir fait des caisses dès le début. et tout est acceptable, dans la mesure où je le fais de manière claire, simple et sans me répéter, jusqu'à cette scène d'anthropophagie mal placée. Je suis en train de reprendre toute cette séquence. Pour te dire, j'ai même pensé l'enlever totalement, mais elle peut quand même apporter quelque chose si elle est bien faite.

Je vais la réécrire et la poster ici.

Merci pour ta réponse, je vais aller jeter un œil à cette série dont tu me parles, ça me semble très bien amené.

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