Papa, maman. Ici tout va bien, le doux son des canons me berce pour m'endormir, et je n'ai perdu qu'un bras depuis mon arrivée sur le front. Les rats sont délicieux et comme il fait -30°, ils restent toujours frais. Cependant, mes camarades Alexander et Sergey ont eu une idée qui m'inquiète : s'ils en sortent vivants, ils ont promis de créer un jeu vidéo qui racontera notre vie ici. Je ne sais pas vraiment ce que c'est, mais si c'est aussi ennuyeux je vous en prie : envoyez-les au goulag.
Il y a des jeux pour lesquels les a priori sont légion avant même qu'on les essaye. Parfois à tort, puisqu'un mauvais packaging ou une sortie passée sous silence cache parfois une petite perle d'originalité. Malheureusement, les craintes se révèlent souvent fondées et il en découle des monticules de défauts. Autant dire que Partisan nous en sert à la pelle. Développé par Paradigm et édité par ND Games, le jeu nous promet une combinaison d'action et de RPG dans un univers ô combien original : la Seconde Guerre mondiale.
Le pitch tient en quelques mots : vous incarnez un capitaine russe oeuvrant pour la paix et la liberté, prêt à tout pour libérer ses camarades disparus sur le front et déjouer les plans des ignobles nazillons. Partisan débute par un préambule percutant. La « cinématique » de départ présente trois panoramiques figés ponctués par une voix monocorde. Le courageux interprète semble d'entrée de jeu au bord du suicide. La fin de cette vaine introduction nous permet de sortir de notre léthargie, tout du moins pour un temps. Visuellement, le jeu fait d'abord bonne impression. L'environnement est bien restitué, les animations correctes malgré la physique exagérée des corps élastiques. On se prend à se dire que les a priori sus-cités étaient décidément bien vilains et que l'on ne nous y reprendra plus. Et puis, c'est le drame.
Le système de jeu est on ne peut plus simple : on dirige notre capitaine (clone de Hitman, le treillis en plus) dans un environnement recouvert de végétation luxuriante, de jolis arbres et autres champs de blé ballottés par la brise. La vue en plongée permet d'appréhender l'ensemble de l'action, bien que le champ de vision soit particulièrement limité. Le clic droit contrôle la rotation de la caméra tandis que le clic gauche permet de diriger son personnage et d'effectuer les interactions (attaquer, parler, actionner, etc.). Perdu en plein territoire ennemi, il va falloir jouer des poings et des fusils mitrailleurs pour déjouer les plans de nos adversaires. Pour ce faire, une quantité d'armes est à notre disposition, que l'on garde bien au chaud dans notre inventaire. C'est là qu'intervient la première composante RPG : la besace ne peut contenir qu'un nombre limité d'objets, et il convient de bien sélectionner les plus importants. D'autre part, la précision et l'efficacité de chaque arme dépendent des aptitudes de notre capitaine. Ce dernier retourne en effet en guerre dénué de toutes compétences. A nous de l'entraîner joyeusement et de lui faire gagner des niveaux lui permettant de gagner en dextérité, en force, en endurance ou encore en perception. De ces talents dépend votre maîtrise des armes, utilisables lorsque vous avez le niveau nécessaire. Un fusil mitrailleur donné demande par exemple d'avoir au moins 20 points de perception, etc.
Sur le papier, cette composante semble ajouter une orientation tactique bienvenue, mais il n'en est rien dans les faits. Les phases de tir et de combats se révèlent si catastrophiques que l'on ne ressent en aucun cas l'aspect pointu qu'auraient dû insuffler des éléments de « jeu de rôle ». L'action est tout simplement pesante, répétitive, et la difficulté affreusement mal dosée. Les heures passées à s'escrimer avec Partisan ne sont finalement qu'une suite de sauvegardes et de rechargements frénétiques. Globalement le schéma de progression est simple : un ou plusieurs ennemis (signalés sur la mini-carte) s'avancent vers nous, et l'on clique comme un dératé pour en dégommer au moins un. Pendant ce temps, le reste de la patrouille ennemie fait dangereusement baisser notre santé dans des combats rapprochés qui frôlent le ridicule. A court de munitions ou de mallettes de soin, on se replie donc le temps que la santé se recharge, tournant en rond comme Benny-Hill pendant que les ennemis nous poursuivent. Pathétique.
Autre point notable : l'expérience de jeu, frôlant déjà le désastre, parvient à son paroxysme le premier dialogue venu. Le doublage français d'abord hilarant est véritablement aberrant. Un accent russe mal interprété, entre la parodie et l'erreur de casting, ponctue chaque rencontre. Le ton monocorde, les traductions approximatives répétées : tout participe à l'ambiance -ratée- de Partisan. S'ajoutent à cela des musiques poussives, mélange de rock et d'électro en totale contradiction avec l'univers. Du grand art. Seuls les oiseaux s'en sortent, mais leurs gazouillis ne suffisent malheureusement pas à calmer nos nerfs déjà trop échauffés.
A l'issue de ce test, on est en droit de poser plusieurs suppositions pour expliquer le ratage d'un titre au potentiel gâché. Manque de temps, erreurs de développement, abus de vodka ? Quoi qu'il en soit, le dilemme a dû être cornélien pour l'éditeur au moment de la sortie. S'arrêter aux dix premières minutes de jeu semble être la seule solution salvatrice pour en sortir indemne et garder une bonne impression. Après quelques heures de jeu, c'est lessivé, les nerfs à vif et avec une furieuse envie de ne plus jamais se laisser avoir que l'on désinstalle le soft. Dommage.
- Graphismes13/20
Le point le plus positif du jeu, même si ça ne casse pas des briques. La végétation et les environnements sont soignés, la 3D correcte et certains effets (eau, explosion) plutôt réussis. En revanche, les personnages et les animations ne suivent pas.
- Jouabilité9/20
De bonnes idées, une composante RPG louable, mais le résultat n'est vraiment pas à la hauteur des attentes. La difficulté mal dosée est rageante, et l'action répétitive fera plier les plus courageux.
- Durée de vie10/20
Malgré les environnements variés et les quêtes diverses l'ennui gagne rapidement le joueur, qui va de lassitude en frustrations : difficile dans ce cas de continuer à jouer bien longtemps.
- Bande son7/20
Un gouffre sépare l'air mélodieux du menu et les musiques abjectes des niveaux, mal calées et sans rapport avec l'action. Mention spéciale pour le doublage français en tous points raté.
- Scénario6/20
Trame basique, quêtes fades, univers sans profondeur... Le scénario n'existe que pour justifier le jeu, et c'est bien déplorable.
« Attention : chez certaines personnes, l'utilisation de ce jeu nécessite des précautions d'emploi particulières ». L'avertissement au dos de la notice est avéré, et il vous faudra une sacrée ténacité et une mise en condition poussée pour profiter du jeu. C'est regrettable : Partisan possédait, c'est indéniable, un potentiel totalement sous-exploité. Le concept aurait pu être un tantinet plus efficace si le tout avait été mieux calibré. A éviter, tout simplement.