Blind test

Another Sight est le fruit de la collaboration entre Lunar Great Walls Studios et l'Institut italien pour les aveugles. Son concept est basé sur une initiative de l'organisme nommée "Dialogue in the Dark", qui propose de visiter un lieu plongé dans l'obscurité la plus totale afin d'expérimenter ce que peuvent ressentir les personnes non-voyantes. Le but d'une telle démarche est de prouver que la vue, bien qu'importante, n'est pas le seul sens utile à la perception de notre réalité. C'est cette forme toute particulière de "vision" qu'Another Sight tente de retranscrire à l'écran grâce à ses mécaniques de jeu et son rendu visuel.

Nous incarnons ici le personnage de Kit, une jeune fille qui perd la vue à la suite d'un accident dans le métro Londonien. Sans trop savoir pourquoi ni comment, nous partons à la recherche désespérée de notre père et d'un moyen de nous échapper d'un défilé de sous-sols remplis d'énigmes et d'obstacles à franchir. Kit rencontre assez tôt Hodge, un chat malicieux, capable de l'aider dans son périple. Le principe du jeu repose sur la complémentarité des capacités des deux protagonistes. Privée de la vue, Kit dispose d'une ouïe plus exacerbée, de la faculté de se représenter son environnement immédiat via une série de couleurs et de vibrations à même de livrer de précieux indices. Hodge est plus petit, plus agile aussi, une caractéristique idéale pour franchir la plupart des obstacles ou distraire certains ennemis.

L'un des défis du studio italien a été de créer une représentation visuelle de la perception unique de Kit. Il serait hâtif de penser que sa cécité la prive de vue ou de repère. La jeune fille percoît un monde différent du notre, un environnement composé de sons, d'odeurs et de mouvements retranscrits à l'écran via une série de couleurs et de pulsations. Ces formes servent de guide à la progression et fournissent des repères à exploiter par la suite à l'aide des talents acrobatiques du chat Hodge. Le contrat artistique d'Another Sight est donc respecté dans sa retranscription originale et bien pensée de la cécité, une touche de steampunk en plus. Le bruit d'une machine devient une forme à l'écran ; les impacts des pas se transforment en ondes d'énergie, chaque détail du décor contribue à en construire une image sensorielle de plus en plus précise. D'une simple touche, le joueur alterne entre le contrôle des deux personnages pour ici pousser un obstacle avec Kit, grimper sur une plateforme avec Hodge, actionner un levier, etc.

Un manque de précision

Si la première partie de l'aventure enchaîne les petites énigmes environnementales sans grande difficulté, la seconde moitié introduit un volet de furtivité aux mécaniques trop génériques. Certains casse-têtes se montrent mal calibrés et reposent sur des enchaînements à la construction frustrante. Ces problèmes vont de paire avec le manque de précision des contrôles du chat Hodge. Another Sight est trop peu permissif dans ses déplacements et le félin trop glissant dans son maniement pour procurer de bonnes sensations au joueur. Rebords et précipices se transforment régulièrement en véritable enfer par manque de calibration du gameplay.

Kit, de son côté est assez lente et lourde, ce qui, compte tenu de son état, pourrait être acceptable. Sauf que la chose devient trop vite pénible à supporter à cause de nombreux allers et retours. La frustration provient aussi d'un scénario et d'une galerie de personnages sous-exploités. De grandes figures du 19ème défilent à l'écran, Jules Verne, Tesla, Monet, mais le fil narratif qui les relie à l'histoire de Kit se montre trop peu épais et porté par un casting vocal (en anglais uniquement) sans grande conviction dans l'interprétation. Dans ce contexte, nous éprouvons bien du mal à nous attacher aux deux personnages. La relation entre la jeune fille et le chat est survolée, trop peu profonde pour nous transporter émotionnellement.