Début du 21ème siècle… Victime de l’avidité et de la cupidité des hommes, la Terre est au bord de l’extinction. Guerres, famines et surproduction ont transformé la planète bleue en poubelle géante, si bien que son écosystème a fini par vaciller. Une anomalie, baptisée Schwarzwelt, est en train de dévorer le Pôle Sud et se propage molécule par molécule. Devant l’urgence de la situation, l’ONU a créé une entité visant à comprendre la propagation de ce gigantesque trou noir. Et bien évidemment, la mission va tourner à la catastrophe… Tel est le topo de ce Strange Journey, remake du jeu éponyme paru en 2010 sur Nintendo DS. Dungeon-RPG de l’extrême sur fond de message écolo et de science-fiction, ce spin-off peut sembler daté mais dépeint un univers rapidement addictif.
Si vous vous attendez à une aventure en 3D avec une mise en scène chiadée et son lot d’effets spectaculaires, passez votre chemin. Malgré son bel écrin à la Etrian Odyssey, Strange Journey est d’une redoutable austérité. Plans fixes, progression case par case et combats en vue subjective, la formule reste inchangée et s’appuie sur les poncifs des dungeon-crawler. L’histoire débute à l’instant où l’équipe d’expédition s’approche de la matière noire. Après un briefing en bonne et due forme, le joueur – tout comme ses acolytes – s’enfonce dans les méandres du maelström. Sur place, les intéressés découvrent que les lieux sont infestés de démons et qu’il faudra bien plus que leur armure Demonica, une combinaison conçue pour résister aux environnements les plus rudes, pour les sortir de ce mauvais pas. Pertes humaines, anomalies mécaniques, traitrises… attendez-vous à souffrir !
LE JOUR DE L’APOCALYPSE
Contrairement à l’univers généralement traité dans les Shin Megami Tensei (dont découlent les séries Persona ou encore Devil Summoner), celui de Strange Journey se veut beaucoup plus sombre et pessimiste. L’intrigue gravite autour de plusieurs personnages principaux. Outre l’officier que le joueur incarne, la trame s’intéresse au destin de Zelenin, une scientifique russe, Jimenez, un mercenaire ayant fait ses classes dans l’armée américaine ou encore le commandant Gore, général à la tête de l’expédition. Une femme nommée Alex (et spécialement ajoutée au casting de cette mouture 3DS) va également avoir un rôle prépondérant dans la progression du scénario. Le récit est d’ailleurs très bien écrit et il est fort dommageable qu’il soit intégralement en anglais. Que ce soit par les thèmes évoqués ou la critique assumée de la société, les développeurs n’y sont pas allés de main morte et ça vaut la peine de s’impliquer.
BRIEFING ET EXPLORATION
Strange Journey se déroule en deux phases. Si la mission principale consiste à étudier les différentes zones du Schwarzwelt, il est important de ne pas négliger toutes les étapes préparatoires de vos expéditions. Celles-ci passent irrémédiablement par les actions au sein de votre vaisseau, le Red Sprite. Le véhicule dispose de plusieurs installations (Command Room, Sickbay, Lab, Deck…) permettant de faire le point sur les missions en cours, d’accéder à de l’équipement ou encore de soigner vos partenaires blessés. La zone de débarquement, quant à elle, permet de rejoindre les différentes zones d’exploration (dont certaines sont couvertes de pièges). Une fois sur le terrain, la progression se déroule case par case et une carte, située sur l’écran du bas de la portable, se matérialise petit à petit pour marquer votre avancée dans le dédale labyrinthique. La combinaison propose un dispositif indiquant la présence de portes, d’artefacts et de trésors. Il faut donc peu à peu s’enfoncer dans ces longs couloirs pour récolter de précieuses informations et mettre la main sur des matériaux (formas) indispensables à la bonne tenue de la mission et à l’évolution des avatars. En chemin, il n’est pas rare de croiser des collègues, des entités proposant de petites quêtes secondaires… et bien entendu des salves de démons prêts à tout pour stopper vos actes.
Les habitués de la série ne seront pas surpris de retrouver le gameplay d’antan. Les affrontements se déroulent au tour par tour et le joueur peut influer sur l’attitude des démons qu’ils rencontrent. S’il est possible de combattre, de se défendre ou encore de fuir, vous avez également la possibilité de parlementer avec l’adversaire pour qu’il rejoigne votre cause ou vous procure de l’équipement et autres ressources. L’intérêt des combats réside dans cet équilibre entre conflits et pourparlers. À chaque rencontre, il suffit ainsi d’analyser le démon pour trouver ses points faibles et adapter sa position vis-à-vis de l’opposant. Cela permet aussi de mettre en avant le nouveau système de coopération entre les membres de l’équipe. Lorsqu’une faiblesse est détectée sur un ennemi, une attaque coopérative peut être lancée pour plus d’efficacité. Par ailleurs, Shin Megami oblige, vous aurez besoin de recruter des démons pour progresser dans l’aventure. Votre équipe pouvant accueillir jusqu’à 4 individus, il est préférable de ne pas négliger cet aspect pour s’éviter bien des soucis. Car Si Strange Journey propose près de 350 démons, le joueur ne peut qu’en porter que 18 en permanence. Il faut donc faire les bons choix, tout en sachant que le système (élémentaire, feu, glace, etc.) propose de fusionner vos différentes entités pour créer des démons de plus en plus puissants. À condition de respecter leurs alignements (le type de créature en quelque sorte). Autant dire que les possibilités sont énormes et c’est assurément sur ce point, en plus de son atmosphère prenante, que la cartouche se démarque.
UN REMASTER DE QUALITÉ
Pour cette nouvelle édition, Atlus a choisi d’utiliser le moteur d’Etrian Odyssey et le rendu est plutôt convaincant. Même si les graphismes n’ont rien de spectaculaire, l’ensemble est soigné, les monstres et personnages ont été redessinés et des effets ont été intégrés dans les environnements. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de fustiger les animations en deux étapes des ennemis et la relative mollesse des affrontements. Il aurait fallu plus d’impact visuel dans les attaques mais on finit par s’en contenter. Loin d’être avare en contenu, cette itération propose un labyrinthe inédit, de nouveaux démons et personnages ainsi que des illustrations entièrement remises au goût du jour. Certains démons ont même fait l’objet d’un nouveau design et des ajustements ont été effectués en termes de gameplay. Pour terminer, il est important de noter que le jeu propose désormais trois modes de difficulté : casual, standard, expert… et il est même possible de débloquer une option dite impossible. Autant dire que vous en avez pas fini d’en baver… Mais si vous aimez ce genre et les dungeon-crawler, nul doute que ce Strange Journey Redux ne vous laissera pas insensible. Et quel dommage qu'il ne soit pas en français !
Points forts
- Atmosphère prenante et immersive
- Mécaniques bien rodées
- Écriture de qualité
- Large panoplie de démons
- Level design hyper efficace
Points faibles
- Manque de vie
- Impact des attaques peu prononcé
- Intégralement en anglais
Malgré son apparente austérité, Strange Journey Redux est ce qui se fait de mieux en matière de dungeon-RPG. Bien que souffrant des défauts inhérents au genre, le jeu gomme ses défauts par un level design ingénieux, une progression bien pensée et une atmosphère aussi suffocante qu’immersive. La petite touche à la Metroid apporte un plus indéniable et la direction artistique est enfin mise en valeur par des modèles plus détaillés que sur le support d’origine. Pour les amateurs de la série, cet épisode est une valeur sûre et une belle entrée en matière pour les novices qui n’ont pas peur de se perdre dans les dédales labyrinthiques de sa folie. On lui reprochera juste son manque global de vie et de punch.