Milestone est un studio très occupé. Il faut dire que les jeux s'enchaînent, la direction s'étant donné les moyens de ses ambitions : le staff grandit, grossit et si les résultats ne sont pas toujours impressionnants, il y a une chose que l'on ne peut enlever au studio milanais, à savoir sa passion pour les sports mécaniques. Libéré du carcan imposé par l'annualisation de la licence WRC, Milestone reviendra début 2016 avec un nouveau jeu de rallye dédié à son plus grand champion : Sébastien Loeb.
Bosser sur une série aussi prestigieuse que celle des WRC, le jeu officiel du championnat du monde de rallye, ça a des avantages : chaque année était l'occasion d'offrir aux joueurs un titre regorgeant de contenus officiels. Mais tous les studios n'ont pas les moyens d'Electronic Arts ou d'Ubisoft, et annualiser une série, c'est compliqué lorsqu'on est un studio de la taille de Milestone. Ce qui s'est ressenti avec les derniers WRC. Kylotonn ayant repris le dossier, les Italiens ont désormais les mains libres, et puisqu'il n'est pas question d'abandonner le rallye, autant en profiter pour faire LE jeu. Celui qu'ils ont toujours eu envie de faire, celui que les fans attendaient. Un jeu qui ne serait pas dédié (et limité) à une saison de WRC, mais qui embrasserait l'histoire de la discipline dans son ensemble. C'est ce qui se ressent dans les premiers instants de jeu, une fois que l'on a lancé le titre.
Un petit côté Forza
Avant même de pouvoir tester le jeu par nous-même, les développeurs travaillant sur Sébastien Loeb Rally Evo nous ont présenté sa philosophie et ont navigué dans les différents menus du jeu. Votre serviteur n'est pas le seul à l'avoir remarqué, mais on sent que Milestone s'est quelque peu inspiré de la série des Forza Motorsport pour son jeu. Pas pour le mode Carrière, pas pour la conduite ou le gameplay de manière générale, mais simplement pour la philosophie du jeu, qui pue l'amour du rallye, plus que du WRC en lui-même. Comme dans un Forza Motorsport, chaque catégorie vous est présentée via un petit clip d'une élégante sobriété, auquel s'ajoute un focus sur certaines voitures emblématiques. La voix off, très posée, évoque bien entendu le travail effectué par Turn10 et les membres de l'émission Top Gear, et tout cela contribue à faire de ce Sébastien Loeb Rally Evo un genre d'encyclopédie de l'histoire du rallye. Même le menu de sélection des différents bolides rappelle Forza, c'est dire !
La comparaison s'arrête là puisque Sébastien Loeb Rally Evo ne propose finalement qu'une grosse cinquantaine de voitures. Au vu de la direction prise par le jeu, on aurait pu s'attendre à ce que le garage soit plus complet, et certains seront probablement déçus de ne pas retrouver leur bolide préféré. Il faut dire que Milestone ne possède plus les droits d'utilisation de la licence WRC, et cela a un peu compliqué les choses.
Plus de licences, mais
Voilà qui ne manquera pas de faire tiquer les fans de WRC qui aiment retrouver à chaque jeu les dernières voitures du championnat, avec les bonnes livrées, les pilotes, les co-pilotes et j'en passe. Ne possédant plus les droits d'utilisation de la licence WRC, comme mentionné plus haut, le studio italien est quelque peu limité mais a su aborder ce dangereux virage avec un certain talent. Alors certes, vous ne retrouverez pas tous les pilotes du championnat du monde de rallye, donc dites au revoir à Sébastien Ogier, Kris Meeke, Thierry Neuville et les autres. En revanche on retrouve un certain nombre de voitures historiques, réparties dans les différentes et nombreuses catégories que compte le jeu. Si WRC 5 donnait accéder au WRC, WRC-2 et J-WRC, Sébastien Loeb Rally Evo est lui beaucoup plus prolixe : Evo Rally Cars, Modern Rally Cars, Class R5, Classe 2WD, Class Production, Rally Cars '70... et j'en passe, ce qui nous fait un total de 11 catégories différentes. Pas mal du tout.
D'autant qu'on retrouve dans le tas bon nombre de modèles légendaires, comme la 206 piloté en 2001 par Marcus Grönholm, avec sa livrée grise et rouge. Les livrées sont toutes conformes, ce qui fait plaisir à voir, même si l'on note quelques inexactitudes : la fameuse Lancia Delta de 1988 perd son sticker « Martini », tandis que la Subaru Impreza de 1998 n'arbore pas son fameux « 555 ». Point de malversation ici, Milestone ne fait finalement qu’obéir aux diverses lois sur l'alcool et le tabac.
Sachez également qu'un éditeur de livrée est mis à la disposition des joueurs, qui pourront donc partir en rallye au volant d'une voiture portant leurs couleurs. Si je n'ai pas eu le loisir de l'examiner en profondeur, cet éditeur paraissait, lors de la démonstration, suffisamment complet pour susciter l'intérêt de l'assistance.
300 km de spéciale, à l'identique
S'il y a une chose dont les membres de Milestone sont fiers, c'est bien leurs spéciales. Plus de 300 km de course, avec des spéciales reproduits à l'identique. « Si vous allez en Finlande sur cette route, vous verrez bien cette maison, elle est juste là, comme dans le jeu ». Les développeurs se sont évertués à faire comprendre à leur assistance qu'ils avaient créé des courses fidèles, avec des routes souvent assez étroites, et qui demanderont donc une conduite particulièrement technique. Et pour le coup c'est plutôt bien joué puisqu'avec son gameplay très arcade par endroits, le WRC 5 de Kylotonn avait déçu les fans hardcore.
Pour autant, Sébastien Loeb Rally Evo reste un jeu abordable, j'en veux pour preuve les différents modes de jeu présents sur la galette, et la liberté qu'ils offrent. Faire une saison complète, c'est possible, mais si vous ne souhaitez faire qu'une spéciale ou deux, le jeu vous le permet également. D'autant qu'il y a le choix puisque chaque destination (Monte Carlo, Suède, Finlande, Mexique, etc) propose 8 spéciales différentes... Ajoutez à cela les épreuves de rallycross, le online et le mode de jeu entièrement dédié à Sébastien Loeb, et vous obtenez un jeu pas forcément hyper original dans son contenu, mais plutôt consistant.
Bend it like Séb
Vous vous en doutez bien, en appelant ainsi son jeu, Milestone a pu compter sur la présence du nonuple (oui, ce mot existe) champion du monde pour développer son jeu. L'Alsacien ne s'est pas contenté de signer un papier pour que son nom puisse être utilisé, il a largement suivi le développement du jeu (comme nous le verrons plus tard), et surtout il donne corps à un mode de jeu particulièrement aguicheur. Dans le menu principal, vous trouverez donc un certain « Sébastien Loeb Expérience », qui en tant que gros joueur des NBA 2K, m'a rappelé ce que Visual Concept avait accompli pour NBA 2K11. Ici, point de Michael Jordan bien entendu, mais Loeb, partout et à tous les âges. L'Expérience revient en profondeur sur la carrière du pilote, grâce à 7 chapitres : « The early days », « A young champion », « Among the greats », « World Champion »... Sa carrière est ainsi divisée et chaque chapitre est composé de plusieurs courses qui vous permettront de revivre les plus grands moments de sa Carrière.
Et il ne s'agit pas que de courir, finalement, puisque chaque événement est introduit par Loeb en personne qui a répondu aux questions de Milestone. À chaque chapitre, Loeb revient sur des moments clé, livre anecdotes et précisions techniques qui font de ce mode un incontournable pour les fans de celui qui est encore considéré comme le plus grand champion de ce sport. Le jeu propose de fait de très nombreuses voitures ayant été pilotées par Loeb, qu'il faudra débloquer en terminer la petite trentaine de missions. Et il y a de tout, de sa première Saxo jusqu'à sa Peugeot 208 spéciale Pikes Peak. De quoi motiver tout un chacun à poursuivre l'aventure. Mais surtout, c'est la composante « biographie », franchement passionnante, qui devrait accrocher les fans.
Oui mais en course ?
Forcément tout ce contenu n'aurait finalement que peu d'intérêt si à côté de cela, le jeu ne reposait pas sur des sensations de pilotage de bon aloi. Heureusement, c'est le cas dans ce Sébastien Loeb Rally Evolution. Le peu de temps de jeu ne permet pas de rendre une analyse complète et vraiment pertinente, mais l'heure d'essai m'a permis de comprendre que le titre de Milestone proposait une conduite plus fine, moins arcade que le WRC 5 de Kylotonn. Sur PlayStation 4 et la manette, les voitures sont toutes extrêmement nerveuses, et on est d'ailleurs assez content de pouvoir régler la sensibilité des joysticks. Sur PC et avec un volant, le jeu se montre physique et presque retors dans les premières minutes de jeu. Il faut s'accrocher au volant pour maîtriser la bête ! En affinant un peu les réglages, on finit par trouver son bonheur et la conduite se révèle extrêmement plaisante. Milestone nous l'a dit à plusieurs reprises, Loeb a participé au développement et aux conceptions des différentes voitures qui proposent toutes des sensations assez différentes. Et cela se sent, et on apprécie les différences de comportement des voitures en fonction des surfaces parcourues.
Mais tout n'est pas parfait, dans l'état actuel des choses : sur asphalte, certains bolides se comportent par moments comme des savonnettes, tandis que les freinages manquent de pêche : il faut avoir l'oeil rivé sur le compteur pour se rendre compte que la voiture ralentit bel et bien. On aurait aimé plus de retour de force dans le volant ou dans la manette, et une emphase sur le son des pneus. Les transferts de masse, quant à eux, sont peut-être un peu trop en retrait pour un jeu de ce genre, mais l'on attendra le test pour se prononcer véritablement sur la question.
Cela étant la conduite dans Sébastien Loeb Rally Evo est plutôt plaisante, notamment grâce à une bonne impression de vitesse, une sensation souvent renforcée par l'étroitesse de certaines routes empruntées. Sans être une simulation hyper pointue, le jeu devrait probablement convaincre un public assez large, qui trouvera son compte en réglant comme il l'entend les nombreuses aides à la conduite. On attendra le 29 janvier prochain pour se prononcer réellement sur cette partie du jeu.
Les images présentes dans cet aperçu ont été fournies par l'éditeur
Sébastien Loeb Rally Evo s'éloigne légèrement des sentiers battus : il n'est pas le jeu officiel de la saison WRC en cours, il est le jeu officiel des amoureux de rallye. Enfin, c'est comme cela qu'il aimerait être considéré. Et il faut bien admettre que de nombreux arguments jouent en sa faveur. Ce parti-pris lui permet d'adopter une philosophie très séduisante pour peu que l'on s'intéresse au rallye et à son histoire, avec ses véhicules les plus marquants et de nombreux catégories de compétition. En outre, la touche Sébastien Loeb est un véritable plus qui devrait faire de ce jeu un immanquable pour tous les fans de l'Alsacien : si sa participation au développement est appréciable, c'est surtout le mode Sébastien Loeb Expérience qui fait mouche avec son aspect biographie/documentaire. Si l'on ajoute à cela des spéciales assez fidèles à la réalité et des sensations de pilotage convaincantes, Sébastien Loeb Rally Evo mérite l'attention de tous les amateurs du genre. Espérons qu'il confirme ces bonnes impressions à sortie, fin janvier 2016.