Véritable anomalie du circuit, signé sous le label Annapurna, le délirant jeu To a T s’est laissé approcher en amont des Game Awards. Ici, le concept est simple : vous incarnez un enfant dans son quotidien. Seul bémol : il est en T-pose constamment, bras tendus à l’horizontale, et tente de vivre de cette manière "une vie normale". Nous avons pu jouer le premier chapitre en compagnie du créatif Keita Takahashi, auteur du non moins délirant Katamari Damacy. Sous ses airs de "private joke" de développeur, est-ce que l’œuvre passe, avec brio, le crash test de la demi-heure de jeu ? C’est ce qu’on va voir…
Ce qui saute aux yeux dès le démarrage du jeu, c’est évidemment son design assez sommaire, enfantin, très rond, aux couleurs vives et aux textures criardes. A ça s’ajoutent rapidement les musiques, un élément très réussi de l’œuvre dans la plus pure tradition des créations de Keita Takahashi. Tout l’aspect audio est très bien travaillé : des bruits de pieds nus sur le parquet jusqu’aux charabia que parlent les personnages. Nous sommes ici dans un écrin technique modeste, mais très réussi et réconfortant. D’ailleurs, à peine la partie lancée que nous voilà déjà transportés dans une petite comédie musicale présentant la ville et notre personnage. Appelé par défaut "Tee", nous dirigeons ici un enfant en T-pose, la configuration de base des personnages lorsqu’on les crée, sans animation, dans la plupart des moteurs de jeu.
Apparemment, seul notre perso est touché par cet aléa de la nature dans cette ville... En guise de début d’aventure, on a droit à un petit tutoriel sous forme de rituel matinal : aller aux toilettes, s’habiller, prendre le petit déjeuner, tout semble bien plus compliqué lorsqu’on a deux bras tendus à l’horizontale et, de notre côté en tant que joueur, on doit s’imposer une nouvelle gymnastique cérébrale derrière chaque manipulation. Ici, il faut basculer de gauche à droite et inversement, jouer des sticks, presser différents boutons de tranche pour exécuter les actions. En un sens, cela rappelle le tutoriel de Heavy Rain, sauf qu’on est ici aux commandes d’un petit enfant au quotidien bien différent. Quant à l’enrobage absurde de la situation, il renforce évidemment le côté comique, avant de nous surprendre…
Une petite ville à portée de bras
Arrive alors le moment de choisir notre tenue pour l’école, les chaussures, et le sac… D’un coup, notre perso ne se déplace plus de manière aussi enjouée qu’avant. Quelques minutes plus tard, tandis qu’un flot d’enfants se dirige dans un sens unique, on tente une petite escapade pour aller acheter un sandwich auprès de la girafe qui tient une des boutiques (oui). Cela redonne à Teen la motivation nécessaire pour aller à l’école, vers laquelle on se dirige. On teste alors quelques actions supplémentaires : courir, sauter, de quoi nous permettre plus tard d’explorer et d’aller chercher les petites pièces disséminées un peu partout sur les terrains.
Entre chaque chapitre narratif, et donc plutôt dirigiste, To a T vous propose de vous balader dans la ville pour chopper les collectibles et les dépenser en achetant des vêtements et autres éléments cosmétiques. Pendant notre exploration, on nous indique également qu’une minimap est disponible, sur pression de touche… Un passage qui, d’ailleurs, permet de se rendre compte que le joueur derrière la caméra existe bel et bien dans le monde du jeu, et que son intégration servira probablement plus tard au cours des épisodes.
Un message plutôt malin caché dans la manche
D’un point de vue structure, To a T propose 8 chapitres d’une durée d’environ 30 minutes chacun, suivant comment on progresse au sein du jeu. Chaque chapitre vise à raconter quelque chose, des petites aventures du quotidien qui parfois vont s’avérer plutôt poignantes. Car sous ses airs de private joke de développeur, To a T parle de thèmes forts. Teen par exemple, rechigne à aller à l’école pour la simple et bonne raison que le personnage y est discréminé, moqué pour sa condition. En arrivant devant le bâtiment, celui-ci se transforme en une figure monstrueuse, avant que Teen ne reprenne ses esprits. N’ayant visiblement que très peu d’amis, notre personnage et le joueur peuvent compter sur un fidèle chien, tout mignon, qui a visiblement plus d’un tour dans son sac. Il aidera Teen dans certaines phases de panique, où le personnage se réfugie dans son petit monde. D’autre fois, Teen s’imaginera par exemple que ses bras lui permettent de tournoyer et de s’envoler tel un hélicoptère pour résoudre ses tracas du quotidien ou s’échapper d’une situation embarrassante…
Après avoir joué une petite demi-heure, c’est avec beaucoup d'affection et de curiosité qu’on attend ce nouveau projet. Dirigé par une toute petite équipe de 11 à 12 personnes et nappé de références au quotidien des enfants japonais, To a T propose un cocktail qui attire l’œil et capte notre attention, ne sachant pas forcément vers quelle fantaisie situationnelle les développeurs vont nous amener ensuite. Détail amusant : lorsque nous avons demandé maladroitement à Takahashi-San : "Tout le monde autour de notre personnage est normal ?", il nous a rétorqué "pourquoi "normal" ?", signe que le titre dispose en sous-couche d’une réflexion bien plus poussée et réaliste que ce qu’il n’y paraît de prime abord. Enfin, côté date de sortie, l’équipe essaye de faire au mieux, mais il reste encore un peu de travail à fournir pour peaufiner les animations et collisions.
Bien plus malin qu’il n’y parait, To a T part d’une bonne blague de développeurs pour fournir aux joueurs une aventure drôle, captivante, et touchante, faisant régulièrement le pont entre ce monde de fantaisie hallucinée et les problématiques du monde réel. On a hâte d’y poser les mains un peu plus longtemps, et d’en explorer les différentes scènes, colorées, musicales, et délicieusement atypiques.