N'y allons pas par quatre chemins : avec Civilization III, Firaxis avait déçu le monde entier ! Le jeu démarrait sur les chapeaux de roue, bluffait tout le monde avec une Intelligence Artificielle améliorée et des nouveautés comme les ressources, avant de retomber comme un soufflé à l'approche du XXe siècle. Le " endgame ", pour reprendre l'expression made in USA, bâclé, n'avait à peu près aucun intérêt. Grosse erreur de développement ou pressions de l'éditeur, Atari, pour sortir un jeu pas tout à fait terminé ? On ne le saura probablement jamais, mais toujours est-il que les fans, déçus, en avaient conclu que Sid Meier s'intéressait plus à ses nouveaux projets, comme Pirates, et laissait petit à petit tomber son gros bébé. La nouvelle de la sortie de Civilization IV a donc pris beaucoup de monde par surprise, mais pas autant que le jeu lui-même risque de surprendre ! Pas de panique, Civilization reste Civilization : on commence toujours en 3000 avant J.C, avec un petit groupe de colons (cette fois accompagnés d'un guerrier ou d'un scout, c'est gentil d'y avoir enfin pensé), et l'on va être pendant 5000 ans le monarque absolu d'une grande et belle civilisation - enfin, on l'espère grande et belle. Pour la première fois depuis Civilization II, on a vraiment le sentiment de jouer à un nouveau jeu, et pas à une simple mise à jour d'un grand hit ! Première révolution, de taille, le jeu est passé en 3D ! Non, vous ne rêvez pas, Sid Meier a découvert la 3D. Pas de panique : le jeu n'est pas beau pour autant ! Civilization, c'est toujours un jeu passionnant mais moche. Il est juste passé à un nouveau type de mocheté... En début de partie, on peut toujours " terraformer " le terrain pour créer le monde de ses rêves. Climat, taille du monde... Tout cela est assez classique, le plus intéressant étant la possibilité de choisir, comme dans Civilization III mais en plus approfondi, entre une terre de mers intérieures, de grands lacs, des archipels, une Pangée... Bref, à vous de choisir si vous aimez la navigation ou non. On peut même choisir la durée de la partie, entre rapide (une partie entière se passe en à peu près quatre heures), normale (la durée habituelle de Civilization) ou épique (quasiment le double de durée par rapport à d'habitude).
Le jeu lui-même n'a guère changé dans ses fondements, à quelques détails prés. Une fois sa première cité créée, il faut commencer à y produire bâtiments et unités, afin de grandir, grossir, s'étendre. La même chose qu'avant ? Oui, mais en mieux ! Ainsi, les unités de base ont été largement améliorées. Par exemple, les colons et les ouvriers peuvent maintenant se déplacer de deux cases par tour, au lieu d'une seule autrefois. Surtout, ce qui frappe tout de suite et va faire le bonheur de tout bâtisseur passionné, c'est que les ouvriers peuvent désormais faire énormément de choses. Alors que depuis 10 ans on était, en gros, limité au minage et à l'irrigation (certes, les pylônes, les ponts et les colonies avaient fait de brèves apparitions dans des versions précédentes), là c'est l'explosion ! Des fermes pour nourrir la ville (et faire fructifier certaines ressources, comme le blé ou le riz), des cottages qui rapportent de l'argent (et deviennent ensuite hameaux, villages...) des moulins, des mines bien sûr, des ateliers qui boostent la production, des plantations pour les ressources rares (bananes, soie...), des pâturages pour éléphants et chevaux... N'en jetez plus ! Comme aurait dit Coluche, on n'a plus le choix, juste l'embarras ! Fort heureusement, cette richesse ne mène pas à confusion. Non seulement l'interface, à peu près inchangée, permet toujours de tout gérer en deux clics, mais en plus, par un système de ronds bleus et de surbrillance, le jeu nous conseille la meilleure amélioration pour un point donné ! Les colons bénéficient d'ailleurs de la même pour les aider à choisir l'emplacement adéquat pour construire une ville. Bref, dans ce nouveau Civilization, on n'est jamais perdu. D'autant que l'arbre de recherche a lui aussi reçu son petit lifting. S'il y a beaucoup plus de techniques à rechercher qu'avant, certaines sont optionnelles et, surtout, la recherche n'est plus linéaire : il y a plusieurs " chemins ", plusieurs combinaisons pour arriver à une même technique.
En fait, tout le jeu est à cette image : on retrouve tout ce qu'on a aimé dans Civilization depuis toutes ces années, mais en mieux. Certaines absurdités du gameplay, qui remontaient parfois au tout premier jeu, ont même disparu. Ainsi, ce n'est plus la course à celui qui bâtira le plus de villes, parfois en dépit du bon sens : obtenir des colons est nettement plus long, donc même l'I.A. préfère fignoler ses villes au lieu de se lancer dans une course insensée à la croissance. On en construit en général entre 5 et 10, mais il est en théorie possible de faire toute une partie avec une seule ville. De même, visiblement, l'I.A. triche moins. Non seulement il semble devenu exceptionnel que, par exemple, trois cavaliers détruisent un tank, mais on ne devrait plus voir non plus un adversaire contrôlé par l'ordinateur créer une ville ingérable au milieu du désert, pour se rendre compte 1000 ans plus tard qu'un gisement de pétrole se situait juste à côté...
Il n'y a pas que des améliorations dans Civilization IV, le jeu comporte aussi son lot de vraies nouveautés. Ainsi, on possède maintenant de véritables frontières, proches de celles de Rise of Nation (déterminées essentiellement par le taux de culture des villes). Il y a aussi beaucoup de régimes politiques et de théories économiques, qui ne s'imposent plus de façon mécanique mais que l'on peut combiner au fur et à mesure qu'on les découvre. On peut ainsi mélanger une monarchie héréditaire et l'ultralibéralisme, teintés d'un brin d'écologie. Les développeurs ont ajouté un grand nombre d'unités, de bâtiments et de merveilles du monde qui manquaient cruellement, surtout à la fin du jeu. Ceux qui ont joué à Civilization III se souviennent forcément de la fin du XXe siècle où, dans des villes devenues énormes, il n'était plus possible de distraire ni de nourrir la population. Les nouveaux bâtiments, comme les cinémas, se chargeront de pallier à cela, tout comme les nouvelles merveilles (on y trouve la Tour Eiffel, par exemple). Mais ce qui fait le plus parler c'est l'ajout de la religion, ou plutôt des religions. Civilization avait toujours encouragé la construction de temples ou de cathédrales pour donner un peu d'opium au peuple. Ici, les choses prennent une toute autre ampleur : dès l'antiquité, le premier à inventer le mysticisme va bénéficier de l'hindouisme. Le bouddhisme, le judaïsme, le taoïsme, le christianisme, l'islam... vont suivre. Adopter une religion va donner un certain nombre de bonus, mais, là encore, les choses ne seront pas mécaniques. La religion va partir d'une ville, et se répandre, soit avec le temps dans les villes reliées aux vôtres par des routes, soit par l'intermédiaire de prêtres, une nouvelle unité. Vous pouvez laisser les religions se cumuler de façon très oecuménique, ou bien en déclarer une comme religion d'état. On ignore encore si des guerres de religion sont possibles...
Comme si tout cela ne suffisait pas, Civilization IV va, pour la première fois, bénéficier immédiatement d'un mode Multijoueur, sans devoir attendre un add-on. LAN, Internet, Hot Seat, jeu par mail et même un mode Duel sont prévus, avec quelques originalités, notamment celle-ci : si un joueur plante en cours de partie, l'I.A. prendra sa place jusqu'à son retour ! Internet est apparemment la dernière grande découverte de Sid Meier et Firaxis, puisqu'on nous promet aussi du contenu inédit téléchargeable, des mods, bref quelle générosité ! Civilization paraît bien parti pour redevenir ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être, un hit, l'un des meilleurs jeux du monde. Franchement, qui pourrait penser à s'en plaindre ?
