Séphiroth, un personnage aux multiples facettes et central dans FF7 Rebirth

Séphiroth a-t-il l’étoffe d’un protagoniste dans l’univers de Final Fantasy VII ? Peut-il réellement balayer sa condition de grand méchant ? Si c’est l’une des grandes questions que l’on se pose aujourd’hui en marge de la sortie de Final Fantasy VII Rebirth, cette interrogation pourrait largement s’estomper avec la sortie de la deuxième partie du remake. Du moins, cette partie centrale pourrait nous fournir de grandes clefs de réponse quant aux ambitions des cadres du projet vis-à-vis de Séphiroth. Peu importe l’épisode de l’univers de Final Fantasy 7, il y a toujours un élément qui nous ramène à lui.

Dans Before Crisis, il est là. Dans Crisis Core, il l’est aussi. Dans Dirge of Cerberus, on en retrouve des traces, en quelque sorte, puisque l’on découvre des éléments de sa genèse par le biais des personnages de Hojo et Lucrécia. Enfin, dans le film Advent Children, il est une fois de plus au centre de tout puisque les géostigmates et sa résurrection en sont les principaux enjeux, cinq ans après le triomphe de Cloud et sa bande. Alors, forcément, il est indéniable que Séphiroth occupera, dans la foulée de Final Fantasy VII Remake, un rôle tout aussi primordial, d’autant que chacun des titres dans lesquels il apparaît était un moyen d’en développer une nouvelle facette et d’en accroître la complexité.

Après avoir été l’un des antagonistes les plus iconiques du jeu vidéo, Séphiroth peut-il délaisser l’accoutrement du grand méchant pour devenir un personnage plus nuancé, un protagoniste parmi tant d’autres au sein d’une pièce de théâtre dont on ne connaît que le premier acte ? « Je pense qu’à côté de Cloud, Sephiroth est aussi un protagoniste auquel on peut penser pour ce titre (ndlr, Final Fantasy VII Rebirth) », a déclaré Tetsuya Nomura, réalisateur de Final Fantasy VII Remake, dans une interview en novembre dernier. Dans la foulée de ses déclarations, ce sont les autres cadres du projet, notamment Naoki Hamaguchi (ancien co-directeur de Remake et désormais réalisateur de Rebirth) qui ont surenchéri sur cette idée d’approfondir le personnage, tout en contredisant quelque peu le terme de « protagoniste » précédemment glissé par Nomura.

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Le destin tragique de Séphiroth en fait un méchant bien plus humain qu’on ne le pense

Dans le jeu original, l’aura de Séphiroth ne fait que vaguement planer au-dessus de la portion s’étendant à Midgar. Ce n’est qu’en quittant la cité aux accents cyberpunk que l’on en saisit la dangerosité, plus précisément lorsque Cloud évoque son passé - et son passif - avec lui, lors de la mission de Nibelheim, l’un des premiers avant-goûts du jeu dans le cadre de notre preview. Certes, Séphiroth est une menace clairement identifiée mais il est également un subterfuge, l’arbre qui cache la forêt puisqu’il est à mi-chemin entre l’ultime menace envers la planète et l’humanité et le pantin de Jénova. Ce n’est qu’à la toute fin de l’aventure que l’on affronte réellement Séphiroth, sorti de sa chrysalide pour devenir une sorte de dieu déchu souhaitant à la fois accomplir ce que Jénova, la calamité des cieux, a toujours souhaité mettre à exécution et assouvir sa propre vengeance contre ceux qui l'ont fait ainsi.

En ce sens, Séphiroth est un pur héros de tragédie, manipulé tout au long de sa vie, soit par Hojo et la Shinra, soit par Jenova qui, elle, en a fait l’émissaire de ses vils desseins et de sa soif de destruction. Trop longtemps dans l’ombre de sa « mère », Séphiroth a d’ores et déjà pris une dimension bien plus importante à travers l’épisode Remake, à tel point que les nombreux dialogues, sous-entendus et autres messages cryptiques prononcés au cours de cette relecture font davantage penser à une suite atypique de l’oeuvre originale qu’à une histoire réécrite de A à Z. Ce qui le rend si important donc, c’est de le faire naviguer entre deux eaux - entre deux courants de la Rivière de la Vie pourrait presque-t-on dire -, d’en faire un véritable antagoniste non sans faire l’impasse sur les événements qui ont fait de lui un tel monstre, à la façon d'un martyr du destin.

Certes, Séphiroth a accompli des actes abominables, a mis à exécution des ordres terribles pour le compte de la Shinra mais relèvent-ils vraiment de son libre arbitre ? Par le passé, notamment dans Crisis Core, il nous a dévoilé une facette bien plus humaine de son âme mais les révélations sur ses origines n’ont fait qu’éteindre cette lueur qui subsistait en lui. On ne peut lui pardonner ses agissements lors de sa mission à Nibelheim mais tout cela relève de la pure folie, d’un passage à l’acte de la part d’un guerrier réalisant définitivement qu’il n’est qu’un pion. Ce tournant, c’est l’un des grands défis de Final Fantasy VII Rebirth, comme l’a souligné Naoki Hamaguchi, et une façon de le réhabiliter d’une certaine manière (« Nous avons estimé qu’il était nécessaire de décrire très clairement comment il est devenu la personne qu’il est aujourd’hui dans Rebirth », dans son interview auprès de Game Informer).

Il ne s’agit donc pas tant de lui offrir une rédemption totale mais de permettre aux joueurs de mieux comprendre la construction de son statut d’antagoniste, tout en développant son potentiel d’identification, et d'accroître la palette d’émotions qu’il peut susciter en nous (« Même en tant que développeur, je me sentais vraiment mal pour lui en le voyant découvrir la vérité et sombrer de plus en plus dans les ténèbres (...) Je pense que les joueurs apprendront non seulement à s’identifier et à comprendre Cloud, mais aussi Séphiroth (...) », toujours selon Hamaguchi dans les colonnes de Game Informer). En ce sens, la pseudo-rédemption de Séphiroth dans Rebirth est une idée plus que pertinente : créer un méchant iconique ne se résume pas seulement à en faire une menace, il s'agit avant tout de retranscrire au mieux les failles qui l’ont poussé - et le poussent toujours - à agir de la sorte.

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Ever Crisis, Rebirth… Mettre en scène la tragédie de Séphiroth pour en faire un méchant encore plus culte

Ainsi, l’idée n’est pas de déconstruire l’identité machiavélique de Séphiroth qui s’est accentuée depuis l’instant des révélations de la mission au Mont Nibel (puis avec le restant du jeu, le film Advent Children et Final Fantasy VII Remake) mais plutôt d’être dans la continuité de ce que l’univers de Final Fantasy 7 a pu nous offrir vis-à-vis de la complexité de ce personnage. Séphiroth a-t-il toujours eu mauvais fond ? Crisis Core nous a prouvé le contraire, lui qui s'était lié d’amitié à Génésis et Angeal et a su devenir une figure héroïque, crainte d’un côté et inspirante de l’autre. Sans Séphiroth, Zack et Cloud auraient-ils eu la même ferveur à l’idée de devenir de puissants guerriers et des membres éminents du SOLDAT ? S’il est la cause de nombreux malheurs, en plus du sien, il ne faut pas oublier que Séphiroth est un être exemplaire - à quel prix ? - dont les hauts faits ont longtemps résonné à travers Midgar et les contrées de Gaïa.

Néanmoins, Séphiroth, depuis l’instant où il a foulé les terres du monde de Final Fantasy VII, n’a jamais eu son destin entre les mains. Ce n’est qu’à l'issue de la mission sur le Mont Nibel qu’il développe sa propre ambition, aussi funeste soit-elle. Dans le scénario dédié à The First Soldier dans le jeu mobile free-to-play Ever Crisis, comme on l’évoquait dans un article dédié, on voit que Séphiroth a toujours évolué dans une zone grise, notamment à l’adolescence. Dans cette sorte de préquel, on le découvre prisonnier de sa réputation de héros, de légende en devenir alors qu’il rêve de s’en libérer pour vivre une vie normale. Comme n’importe quel être en construction, Séphiroth est à la recherche d’une approbation, d’une reconnaissance qu’il ne peut atteindre, dans son cas, qu’en faisant ses preuves dans les rangs du SOLDAT, en brillant dans ce pourquoi il a été créé.

En l’incarnant de cette manière, même si la dimension n’est pas la même que dans un titre du calibre de Final Fantasy VII Rebirth, il est plus facile de se mettre à sa place, d’apporter de la nuance à ce personnage et, surtout, d’insuffler un sentiment d’empathie. À n’en pas douter, les récits à venir dans Final Fantasy VII : Ever Crisis seront complémentaires voire même essentiels pour mieux comprendre le personnage de Séphiroth. C’est également dans cette optique que les développeurs lui ont consacré des segments jouables dans Final Fantasy VII Rebirth. Ainsi, l’autre idée intéressante pour « réhabiliter » le personnage, c’est de se mettre à sa place, de l’incarner. Quoi de mieux, pour offrir un nouvel éclairage que celui-ci, que de le jouer aux côtés de Cloud au Mont Nibel ? Comme l’a expliqué Hamaguchi, lors d’une interview pour Everyeye, c’est « le meilleur moyen de permettre au joueur de comprendre son point de vue » et d’ajouter « une couche émotionnelle supplémentaire », que ce soit sur l’instant ou lors des rencontres futures.

D’ailleurs, il serait intéressant dans Rebirth de le découvrir à travers d’autres séquences. Ne serait-ce que lorsqu’il retourne l’entièreté du sous-sol du manoir Shinra à Nibelheim, peu après qu’il ait commencé à s’interroger plus activement sur son identité, et lorsqu’il traverse de nouveau l’entièreté du Mont Nibel pour y retrouver ce qu’il prétend être sa mère. En définitive, est-il pertinent d’offrir un tel traitement au personnage de Séphiroth ? On l’a suggéré à plusieurs reprises : c’est effectivement l’idée la plus intéressante, bien loin du cliché de l’antagoniste qui ne rêve que de pouvoir. Ici, avec un tel schéma de développement, on ne peut que comprendre les raisons du revirement de ce guerrier légendaire. S’étant toujours senti incompris et différent, cherchant sans cesse la reconnaissance de ses semblables, il n’est donc pas incongru de le voir se rebeller contre l’humanité, elle qui donne le sentiment de l’avoir trahi, car c’est en creusant les fêlures de son personnage, en en faisant lui aussi une victime du destin que Séphiroth, cherchant lui aussi à s'en défaire, deviendra un méchant d’autant plus mémorable.

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