Un peu de contexte : les investissements passés de la Chine, l'importance de SMIC et d'ASML

Deux des plus gros investissements du gouvernement chinois ont eu lieu en 2014 et en 2019, bien avant que n'éclate la guerre technologique à laquelle nous assistons aujourd'hui. En 2014, la Chine a injecté quelque 19 milliards de dollars dans son industrie des puces, et en 2019, ce chiffre est passé à près de 27,5 milliards de dollars. Comme vous l'avez vu dans le titre de ce papier, ces investissements font pâle figure en comparaison à ce que l'Empire du Milieu est en train de préparer. Selon Reuters, l'administration de Xi Jinping devrait bientôt injecter pas moins de 41 milliards de dollars pour booster ce secteur économique et technologique clef.

Le meilleur atout de la Chine porte un nom : SMIC. Celui des États-Unis et de leurs alliés porte un autre nom, un autre acronyme : ASML.

• SMIC, pour Semiconductor Manufacturing International Corp, la plus puissante des entreprises chinoises de puces informatiques. Dans le monde, la part du marché de SMIC tourne actuellement autour de 5 %.
• De son côté, ASML est une entreprise néerlandaise ASML qui fournit les plus grandes sociétés de semi-conducteurs du monde comme Intel, GF ou TSMC en matériel de photolitographie. Des machines de pointe extrêmement techniques et onéreuses absolument nécessaires à la gravure d'un processeur. Cette technologie est tellement complexe et chère à maîtriser qu'ASML est dans une situation monopolisitique, l'ensemble des industriels du secteur dépend des Néerlandais alliés aux États-Unis.

Le fabricant taïwanais de semi-conducteurs TSMC, l'entreprise sud-coréenne Samsung et l'entreprise américaine Intel, et les géants de chez ASML sont toutes alliées à l'Oncle Sam et jouent toutes un rôle majeur dans ce conflit économique, certes, mais personne n'est plus important qu'ASML, l'entreprise à la racine de toutes les innovations de ce secteur. C'est extrêmement important de comprendre ce fait.

Le choc des derniers smartphones Huawei

Cette semaine, la bataille entre les États-Unis et la Chine a pris une tournure inattendue. Comme nous l'avons déjà expliqué, Huawei a dévoilé il y a quelques jours son smartphone Mate 60 Pro sans faire de bruit. Ce téléphone intègre un SoC Kirin 9000S doté d'une connectivité 5G et vraisemblablement fabriqué par SMIC (Semiconductor Manufacturing International Corp) dans son nœud de deuxième génération de 7 nm à l'aide des machines de lithographie profonde dans l'ultraviolet (UVP) conçues et produites par ASML.

Les sanctions prises par les États-Unis et leurs alliés devraient théoriquement empêcher la Chine de produire ses propres puces de pointe dotées d'une connectivité 5G, du moins pour l'instant. Pour cela, il faudrait des machines de lithographie à ultraviolets extrême (UVE), dont ne dispose pas le pays asiatique. Pour en apprendre davantage à ce sujet, lisez notre article linké dans le paragraphe précédent.

Quoi qu'il en soit, même si les ingénieurs chinois ont réussi à optimiser leur équipement UVP pour fabriquer des circuits intégrés de 7 nm, voire de 5 nm, ils doivent développer leurs propres machines de lithographie dans l'ultraviolet extrême (UVE). Sans ces dernières, il leur sera matériellement impossible d'aller au-delà de 5 nm. Et développer de tels engins, nous l'avons déjà dit, coûte énormément de temps et d'argent.

L'investissement préparé par le gouvernement chinois vise à donner à SMIC et à d'autres entreprises, dont Hua Hong Semiconductor, Honghu Suzhou Semiconductor Technology, Naura Technology Group et Advanced Micro-Fabrication Equipment, l'élan nécessaire pour concevoir et fabriquer leurs propres équipements de lithographie de pointe. Cependant, la Chine n'est pas le seul pays à s'être lancé dans une course contre la montre qui pose de nombreux défis technologiques. Les États-Unis et leurs alliés renforcent également leur industrie des puces avec une stratégie claire : garder une longueur d'avance sur la Chine.

ASML passe la seconde pour définitivement devancer l'industrie des puces chinoise

Grosse news : ASML est actuellement engagé dans le développement de son premier équipement de lithographie UVE à grande ouverture (en anglais, on parle d'EUV High-NA), qui sera encore plus avancé que les machines de lithographie UVE actuelles utilisées par TSMC et Samsung pour fabriquer des puces de 3 nm. Une seule machine de lithographie UVE à grande ouverture coûtera environ 300 millions de dollars (deux fois plus qu'une machine UVE de première génération).

ASML espère que ses premières machines EUV High-NA seront prêtes au milieu de cette décennie, vers 2025 ou 2026 donc. Il est fort peu probable que la Chine dispose de son propre équipement UVE dans un délai aussi court. Même si c'était le cas d'ici à fin 2030, ce qui serait déjà un immense exploit en soi, les fabricants de semi-conducteurs liés à l'alliance occidentale travailleraient déjà depuis plusieurs années avec des équipements UVE à grande ouverture, ce qui leur permettrait d'être plus compétitifs que leurs concurrents chinois.