Science : découverte de la première météorite boomerang dans le Sahara !

Il existe des personnes dont le métier est "chasseur de météorites". Ces gens arpentent des coins perdus du monde à la recherche de roches venues de l'espace dans le but de les vendre et/ou de les étudier. En 2018, un groupe de chasseurs de météorites se baladait dans une région très hostile du Maroc, en plein désert du Sahara. C'est ici que la petite équipe tombe sur NWA 13188, une météorite de 646 grammes a première vue assez banale. À première vue seulement.

Une fois ramenée en laboratoire, NWA 13188 est étudiée par une équipe de scientifiques. Fait curieux, la composition du minéral semble très similaire à un type de roches volcaniques connu par certains membres de l'équipe de recherche. Problème : ces roches volcaniques se forment sur notre petite planète bleue, pas dans l'espace. Il serait donc probable que NWA 13188 soit la toute première météorite revenue sur terre après l'avoir quittée. En d'autres termes, la roche aurait été catapultée dans l'espace il y a des millions d'années et serait revenue sur Terre au 21ᵉ siècle.

Cocorico, l'équipe de chercheurs ayant fait cette découverte est française ! Jérôme Gattacceca, météorologue à l'université d'Aix-Marseille, a présenté les conclusions de son équipe le 11 juillet lors d'une conférence internationale sur la géochimie qui s'est tenue à Lyon. Si nos scientifiques ont raison, NWA 13188 sera reconnue comme la première météorite terrestre... trouvée sur Terre.

Pourquoi penser qu'il s'agit d'une météorite et pas d'un caillou qu'on a transporté d'un bout à l'autre de la Terre ?

Puisque la roche semble s'être formée sur notre planète, l'explication de la météorite boomerang n'est pas la plus rationnelle. En premier lieu, il est logique de penser qu'il s'agit ni plus ni moins qu'un caillou ayant voyagé sans jamais avoir quitté notre atmosphère. Oui mais voilà : deux lourds indices paraissent indiquer que NWA 13188 a bel et bien voyager dans l'espace.

Les chercheurs français décrivent d'abord une "croûte de fusion bien développée", c'est-à-dire une fine couche de roches soumises à des chocs thermiques, la surface de la roche. Ce genre de particularité est propre aux météorites qui se consument partiellement dans l'atmosphère, pas aux roches volcaniques lambdas.

NWA 13188, prise en photo par Albert Jambon

Second indice, les scientifiques sont tombés sur des traces d'isotopes (éléments dont le noyau comporte un nombre différent de neutrons), notamment du béryllium 3, de l'hélium 10 et du néon 21, ce qui suggère que la roche a été exposée aux rayons cosmiques, des particules à haute énergie qui se déplacent dans l'espace à une vitesse proche de celle de la lumière. La concentration de ces isotopes suggère que la roche a séjourné dans l'espace pendant 10 000 ans au grand minimum.

Selon toute vraisemblance, il semble donc que la météorite ait été éjectée dans l'espace suite à une forte éruption volcanique ou à l'impact d'un immense astéroïde (cette explication est la plus probable), qu'elle ait été irradiée de rayons cosmiques durant très longtemps et que, par un hasard fou, elle finisse par retraverser notre atmosphère dans l'autre sens.

La première météorite boomerang ? Peut-être pas

Une découverte scientifique, surtout de cette ampleur, n'est pas validée et sûre avant un bon bout de temps, avant que ce que l'on appelle un consensus soit créé. La première étape pour l'équipe française est de rédiger un papier rigoureux et de le faire publier dans une revue scientifique prestigieuse à comité de lecture par des paires. Sans cette première étape, la découverte et l'analyse de Jérôme Gattacceca et ses collègues ne sont qu'à l'état de théorie.

Plusieurs personnalités du monde scientifique spécialisé sur la question des météorites se sont déjà exprimées au sujet de la "météorite boomerang" et elles sont toutes prudentes. Rigueur exige. Ainsi :

• Ludovic Ferrière, conservateur de la collection de météorites au Musée d'histoire naturelle de Vienne, a déclaré que cette découverte semblait intéressante, mais qu'elle mérite de plus amples investigations avant d'affirmer quoi que ce soit. Selon lui, nous manquons d'informations précises.
• Pour Frank Brenker, géologue à l'université Goethe de Francfort, il ne fait aucun doute que cette roche a voyagé dans l'espace, même si "la question de savoir s'il s'agit bien d'une météorite terrestre reste ouverte". Il estime qu'il reste probable que cette roche similaire à de la roche volcanique terrestre provienne d'ailleurs dans le système solaire.

Lors de la rédaction d'un article pour une revue à comité de lecture, nos français prévoient de mener d'autres analyses afin de déterminer l'âge exact de la roche et de rechercher d'autres indices susceptibles de déterminer comment elle a été catapultée loin de la Terre.

Source : livescience.com