Faites très attention à ce que vous pourriez envoyer par mail ou par message. L'écrit peut parfois mener à des confusions qui peuvent coûter très cher. La preuve : un agriculteur vient d'être condamné à 56 000 à cause... d'un emoji.
Comment un simple emoji a condamné un agriculteur à 56 000€ d'amende ?
Chris Achter est un exploitant agricole spécialisé dans la culture de lin, une matière première relativement prestigieuse employée dans l'industrie textile. En mars 2021, ce paysan canadien reçoit un SMS d'un gros client. Ce dernier lui commande pas moins de 87 tonnes de lin à 17 dollars le boisseau à livrer avant la fin de l'année. Jusqu'ici, tout est plutôt normal.
Suite à ce premier message Chris Achter appelle ce client régulier, un représentant de la société South West Terminal, afin de régler avec lui quelques détails du contrat. Suite à ce coup de fil, le gros acheteur de céréales envoie, toujours via une application de messagerie, une photo d'un contrat signé de sa part. Chris reçoit bien le message, mais il n'y répond pas tout de suite.
Pressé de sceller la vente et de se débarrasser de cette charge mentale, l'acheteur renvoie un texto. Il écrit : "Merci de confirmer le contrat de lin". C'est ici que Chris Achter va envoyer un simple émoji pouce en l'air : une très courte réponse qui l'a amené à être condamné en juillet 2023 par le tribunal de Saskatchewan à payer 82 000 dollars canadiens d'amende, soit plus de 56 000 euros, à la société South West Terminal.
En effet, l'année 2021 s'est terminée sans que notre agriculteur ait livré son client des 87 tonnes de lin que ce dernier avait commandé. Problème : selon les juges, l'emoji pouce en l'air fait office de signature en bonne et due forme. En l'envoyant, Chris a donc bel et bien conclu un contrat qu'il n'a pas été en mesure d'honorer.
Ce tribunal reconnaît volontiers qu’un émoji pouce levé est un moyen non traditionnel de signer un document, néanmoins dans ces circonstances, il s’agissait d’un moyen valable pour exprimer les deux buts d’une « signature » : identifier le signataire (Chris en utilisant son numéro de téléphone portable unique) et comme je l’ai expliqué, accepter le contrat
Juge T.J. Keen, Tribunal de Saskatchewan
Faites attention à vous : maintenant, il y a un antécédent judiciaire à cette affaire d'emoji
À présent, vous le savez : un emoji peut légalement suffire à signer un contrat. Ce précédent ouvre la voie à d'autres cas qui pourront se référer à la jurisprudence "Chris Achter" (du moins au Canada). Plus que jamais, il faudra faire attention à ce que vous envoyez aux personnes avec lesquelles vous avez des relations professionnelles. Un emoji n'est pas neutre, et peut posséder un poids juridique.
À première vue, cette affirmation n'est pas évidente. Échanger par écrit sur une application de messagerie ou un réseau social fait sauter beaucoup de nuances de ton et de barrières sociales, ce qui peut mener à de nombreux malentendus (cela vous est forcément déjà arrivé). Déjà qu'interpréter un texto de la bonne façon n'est pas toujours évident, l'affaire se complexifie davantage lorsque ce texto s'avère n'être qu'un simple émoji. Vous en avez déjà fait l'expérience : ces petites images peuvent vouloir dire des choses complètement différentes selon les personnes qui les utilisent ! Cet état de fait a d'ailleurs été utilisé par notre agriculteur comme élément de défense principal.
Au tribunal, l'avocat de Chris Achter soutient que son client a envoyé ce pouce en l'air en guise d'accusé de réception du contrat, et non pour signifier son accord. Rien n'y fait, à la fin du procès, l'homme est condamné. Ce qui a joué le plus contre l'agriculteur, ce sont ses habituelles réponses laconiques lors de ses précédents échanges par textos. Par exemple, Chris avait par le passé déjà confirmé ses contrats d'un simple "Yep" ou d'un court "Ça me va". Le magistrat a donc considéré qu'il était plus probable que ce pouce en l'air signifie un bon pour accord plutôt qu'un simple accusé de réception.