
Des fois, les jeux vidéo, c’est frustrant. Alors qu’on est intéressé par un univers ou un gameplay, on peut soudain être stoppé par une difficulté démesurée voire une peur bleue. Et c’est justement pour son aspect trop effrayant que je n’ai pas pu me lancer dans Resident Evil 7 il y a quatre ans. Mais surprise, le tout nouvel opus de la série me paraît beaucoup plus abordable. Plus accessible ?
Vous vous souvenez de P.T. ? C’était un petit coup de génie de l’ami Kojima, avec l’aide de Sony. Lors de la Gamescom 2014, le constructeur japonais annonce l’arrivée d’un teaser interactif sur le PlayStation Store, sans plus de précision. Quelle ne fut pas alors la surprise des joueurs au moment de découvrir, à la fin de la démo, le visage de l’acteur Norman Reedus, suivi du nom d’une licence culte de l’horreur que l’on n’attendait plus : Silent Hill. P.T. était en fait un avant-goût de l’ambiance et de l’orientation qu’allait prendre la série sous la baguette de Kojima et Guillermo Del Toro. Malheureusement, le projet fut annulé l’année suivante.
Au centre : Norman Reedus (Silent Hills) / P.T.



Malgré le triste destin de Silent Hills, P.T. a marqué l’esprit des joueurs, tout comme le mien. Après la démo de Kojima, j’ai développé une forme de phobie au moment d’essayer le moindre jeu d’horreur / survival horror à la première personne, genre que j'apprécie pourtant beaucoup. Mais l’ambiance insoutenable et les horribles apparitions de P.T., c’était trop. Le créateur japonais voulait nous faire “chier dans notre froc” (sic) et il avait réussi son coup. Par la suite, je me suis amusé sur d’autres titres mêlant frissons et action, mais à la sortie de Resident Evil 7, j’ai retrouvé le même a priori. Heureusement, Resident Evil Village est arrivé.
Sur un fil
À ma grande surprise, je me suis donc baladé avec plaisir dans la bourgade d’Europe de l’Est imaginée par Capcom, sur soixante minutes de démo. J’y ai bien sûr ressenti de la peur, mais rien de comparable à P.T. ou Resident Evil 7. Avec ses environnements ouverts et son bestiaire fantastique, Village apparaît comme un survival horror bien plus abordable que les deux autres titres. Ces derniers misaient sur la peur des lieux quotidiens et confinés, en s’inspirant beaucoup du “found footage”, ces films où la caméra est pilotée par les personnages eux-mêmes, souvent pour reproduire un rendu amateur. De quoi ancrer l’horreur dans le réel.
Resident Evil Village - La démo à 60fps sur Xbox Series S
Anecdote toute chaude : les joueurs ont jugé Resident Evil 7 “trop effrayant”, et le nouvel opus a été équilibré en conséquence. C’est Tsuyoshi Kanda, producteur de Village, qui l’affirme. D’un côté, l’homme estime que ce feedback est un compliment, dans la mesure où la peur est une composante essentielle à la série. “Mais en même temps, notre objectif est toujours de créer quelque chose dans lequel tout le monde peut se sentir à l'aise (...) alors nous avons allégé la courbe de tension de Resident Evil Village par rapport à RE7” explique-t-il.
Nuances de cris

Ici, on touche sans doute du doigt la nuance entre “jeu d’horreur” - dont l’objectif est avant tout de générer de la peur - et le “survival horror”, qui mêle survie, action, et ambiance pesante. Et il y a un autre aspect important : à une époque où peu de joueurs terminent leurs jeux, il paraît risqué d’aller trop loin dans l’horreur, même s’il y aura toujours un public pour ces titres et que la notion de peur reste subjective. Le tout nous renvoie d’ailleurs au débat sur la difficulté dans les jeux vidéo. Si une aventure s’avère trop dure (ou trop effrayante), le joueur laissera tout simplement tomber. Pas l’idéal pour accrocher à une licence ou à la patte d’un studio.
Sur le sujet, au moment de présenter Silent Hills, Hideo Kojima disait : “On s’en fiche (si un jeu fait trop peur, ndlr)”. Mais d’autres voient les choses différemment. En mars dernier, le studio Frictional Games a ajouté une sorte de “mode facile” à son dernier bébé, Amnesia Rebirth. Ce mode, baptisé “Aventure”, réduit les éléments horrifiques ainsi que la pénombre (qui affecte en plus le joueur), et rend les assauts ennemis impossibles à moins d’attaquer en premier. Des énigmes inédites sont même de la partie. “Le mode a permis à un tout nouveau public de découvrir Amnesia Rebirth” explique Frictional Games, dans un message publié sur Steam. Le studio avait déjà déployé une mise à jour similaire pour son précédent jeu, SOMA.
Amnesia Rebirth - Mode normal / mode aventure

Mais l’équipe le reconnaît. Avec ce mode, Amnesia Rebirth ressemble davantage à une aventure d’Indiana Jones qu'un jeu d’horreur. L’option change donc immanquablement l’expérience initiale, la fameuse “vision des développeurs”, régulièrement brandie dans le débat sur la difficulté dans les jeux vidéo. Dans un cas comme dans l’autre, l'excédent de challenge ou de sensations fortes peut refroidir les joueurs d’abord intéressés par un univers ou un game design. Moi en tout cas, je vais pouvoir enfin me replonger dans l’univers de Resident Evil.
